Le Congrès médical d’Amsterdam en 1879

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Le Congrès médical d’Amsterdam en 1879
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 36 (p. 209-215).
LE
CONGRES MEDICAL D'AMSTERDAM
EN 1879

Il est facile de médire des congrès : ces réunions scientifiques, diplomatiques ou autres, prêtent le flanc à bien des reproches, à bien des railleries plus ou moins méritées. Mais, s’il est facile d’en dire du mal, il n’est pas difficile d’en dire du bien, et même beaucoup de bien. C’est le cas en particulier pour les congrès médicaux internationaux, qui, malgré les critiques, les entraves de toute sorte, ont fini par s’établir victorieusement dans les mœurs médicales. Ces réunions, qui reviennent tous les deux ans, pendant la saison des vacances et des voyages, ont réussi et réussiront encore. C’est une habitude prise, et, n’en déplaise aux partisans de l’isolement scientifique, cette habitude constitue un progrès.

On sait comment ont été institués pour la première fois ces congrès médicaux. L’idée en est venue à un certain nombre de médecins français en 1867 pendant l’exposition universelle de Paris. N’était-il pas tout naturel de profiter du séjour d’un grand nombre de médecins étrangers venus pourvoir l’exposition universelle ? L’occasion était bonne de se réunir en congrès, quoique le mot soit un peu solennel, afin de traiter les sujets qui intéressent le plus la médecine générale. Après la session de 1867 à Paris, il y eut d’autres sessions, à Florence (1869), à Vienne (1873), à Bruxelles (1875), à Genève (1877). Cette année, le congrès a eu lieu à Amsterdam., Le choix de cette ville était des plus heureux. Comme Genève, comme Florence, Amsterdam a été de tout temps une des capitales de l’intelligence. Aux temps où de sombres destinées planaient sur l’Europe, où la pensée libre était traquée et pourchassée de toutes parts, Amsterdam a été le refuge des savans, des philosophes de toutes les nations. Maintenant que ces temps d’intolérance n’existent plus et qu’il ne s’agit plus de donner un abri aux persécutés, Amsterdam peut encore offrir l’hospitalité aux savans, aux médecins venus des pays les plus divers pour discuter les questions qui intéressent la santé des hommes.

Le président du congrès a été l’illustre physiologiste Donders, professeur à Utrecht. C’est lui qui a souhaité la bienvenue aux étrangers membres du congrès. Son discours a été prononcé en français, dans une langue claire et élégante. Il s’est attaché à montrer que tous les peuples avaient leur part dans l’œuvre scientifique commune. Dès la première séance, M. Donders a proposé de nommer M. Bouillaud président d’honneur du congrès, et cette motion a été adoptée avec enthousiasme. Il ne faut pas oublier en effet que M. Bouillaud, il y a plus d’un demi-siècle, a fait faire à la médecine des progrès considérables. Il a établi cette grande loi des relations entre les maladies du cœur et le rhumatisme, et, dans ses études sur l’encéphalite, il a, le premier, localisé dans certaines parties du cerveau la fonction du langage articulé. Il est juste que les jeunes gens n’oublient pas la gloire des vieux maîtres, et que les progrès rapides de la science d’aujourd’hui ne leur fassent pas négliger les conquêtes de la science d’autrefois. Les beaux travaux de M. Bouillaud appartiennent déjà à l’histoire, et il est juste qu’une réunion de médecins décerne à M. Bouillaud, leur maître à tous, la présidence honoraire.

Les travaux du congrès se divisent en deux séries. Le matin, les membres du congrès, réunis en différentes sections (médecine, chirurgie, accouchemens, biologie, médecine publique, psychiatrie, ophtalmologie, otologie, pharmacologie) écoutent les communications faites par l’un ou l’autre des membres. Pendant la journée, dans une assemblée générale, des questions générales sont traitées, et le plus souvent un orateur fait sur une question indiquée à l’avance un discours qui n’est pas suivi de discussion. On comprendra facilement que les séances des sections, où des discussions sérieuses s’engagent à propos des diverses communications, sont certainement les plus utiles ; mais, par leur côté technique, elles échappent à l’appréciation des lecteurs de la Revue. Il en est de même des questions traitées en séances générales, et, sauf une ou deux que nous excepterons, il ne serait pas utile d’en parler ici.

Nous mentionnerons d’abord une conférence faite par M. le professeur Marey devant une assemblée où les dames étaient en grand nombre. M. Marey a exposé les faits nouveaux découverts par lui et relatifs à la circulation du sang. Grâce à des appareils extrêmement précis, il a pu mesurer la pression du sang dans les artères et dans les veines de l’homme. Depuis longtemps les physiologistes vivisecteurs pouvaient, en adaptant un tube dans l’artère ou la veine d’un animal vivant et en mettant ce tube en rapport avec du mercure, connaître exactement la pression du sang dans le système circulatoire de cet animal. Mais M. Marey a pu mesurer la pression du sang chez l’homme sans produire la moindre mutilation, et au moyen d’un appareil assez simple. On conçoit quels services importans peut rendre dans le diagnostic ou le pronostic des maladies l’étude de la pression sanguine. Ce sont ces appareils et ces mesures que M. Marey a présentés aux personnes qui assistaient à sa conférence, et il est inutile d’ajouter que ce maître éminent a obtenu un très grand succès. Sa péroraison a été très touchante : « Il y a un peu plus de vingt ans, dit-il, il y avait à Paris un jeune homme travaillant tout seul à des expériences physiologiques. Loin de recevoir des encouragemens, il n’avait recueilli que des paroles désespérantes ; on lui disait toujours que cela était fait ou bien que cela ne menait à rien. Bref il était sur le point de renoncer à des études si peu fructueuses. Or un physiologiste, illustre déjà, vint à passer à Paris ; le jeune étudiant demanda à ce savant la faveur de l’entretenir de ses expériences. Le savant fut généreux au delà des limites vulgaires ; pendant toute une journée, il causa avec l’étudiant, lui montra le bon et le mauvais côté de ses essais, lui ouvrit des horizons nouveaux, lui révéla, pour ainsi dire, la grandeur de la science dans laquelle il s’était essayé, de sorte que, le soir, après toute une journée d’entretien, quand le savant repartit pour Amsterdam, la vocation de l’étudiant était décidée, et il était résolu désormais à ne faire que de la physiologie. Aujourd’hui, dit M. Marey en se tournant vers le professeur Donders, l’étudiant vient remercier son maître et lui dire avec une pleine reconnaissance toute la gratitude qu’il lui a vouée. » On nous pardonnera sans doute de rapporter cet épisode qui honore également M. Donders et M. Marey.

Une autre conférence a été faite par M. Virchow sur les ruines de la vieille Troie à propos des récentes découvertes de Schliemann. Le sujet n’a rien de médical, mais M. Virchow qui, en anatomie pathologique et en médecine, a fait des travaux de premier ordre, est un homme presque universel. C’est aussi, comme on sait, un homme politique, orateur éloquent, très redouté du prince de Bismarck ; je crois même qu’il y a une quinzaine d’années, à la suite d’un discours un peu vif du grand chancelier, M. Virchow lui a envoyé des témoins et un cartel. A Amsterdam, M. Virchow a été plus pacifique. Dans une de ses conférences, il a insisté, et avec raison suivant nous, sur la nécessité pour les médecins de commencer leurs études médicales par de fortes études littéraires. « Tout le monde ne peut pas, a-t-il dit, faire comme moi et se remettre, à soixante ans, à l’étude du grec de manière à lire Hippocrate dans le texte. Cependant il est clair qu’en étudiant les chefs-d’œuvre produits par les grands hommes de l’antiquité, le jeune homme qui doit devenir un savant s’imprègne de cet esprit profond et sage. Non, rien ne peut suppléer à l’éducation virile que donne la fréquentation des grands penseurs d’autrefois. » Il n’est pas sans intérêt de rapporter cette opinion de M. Virchow dans ce moment d’utilitarisme. On croit naïvement que le temps passé à étudier le grec ou le latin est du temps perdu ; c’est là une erreur qui serait funeste si elle était suivie d’une réforme en ce sens. Ce n’est pas tout que de savoir des faits, il faut encore une méthode de penser et d’écrire. Or les Grecs sont ceux qui ont le mieux pensé et le mieux écrit. On nous dit sans cesse qu’à l’étranger les études littéraires n’ont pas l’influence prépondérante qu’elles ont chez nous ; on voit qu’il n’en est rien, puisqu’un des premiers savans de l’Allemagne reconnaît l’avantage de ces études premières qui donnent à l’esprit une direction et une discipline excellentes.

Un point très important traité au congrès d’Amsterdam de 1879, c’est l’uniformité des mesures et du langage à adopter en médecine. Autrefois, c’est-à-dire il y a près de trente ans, chaque pays avait ses mesures de dimension, de poids, de température ; il n’en est plus de même aujourd’hui. Un grand progrès a été fait, car dans presque tous les pays on a adopté notre système métrique. En effet le système métrique présente des avantages incontestables ; les mesures de poids, de volume et d’étendue sont corrélatives en ce sens qu’un centimètre cube d’eau pèse un gramme, etc. Tous les chiffres peuvent alors être ramenés à la même unité : le système décimal ainsi employé supprime des calculs longs, difficiles, et exposant à d’innombrables erreurs. En Hollande, en Russie, en Allemagne, en Italie, le système métrique a été adopté par tous les médecins. Mais il s’est trouvé un pays attaché à ses vieilles coutumes, et préférant une erreur nationale à un progrès étranger : dans ce pays on a persisté à employer les pouces, les yards, etc., toute cette nomenclature gothique faite non-seulement pour empêcher d’être compris, mais pour empêcher de comprendre. Les Anglais ont mis une sorte d’orgueil, alors qu’autour d’eux tout le monde adoptait le système décimal, à persister dans les systèmes de mesures du XVe siècle ; il est probable cependant qu’ils se décideront enfin à ne pas rester en arrière. Déjà les Américains leur ont donné l’exemple, et, cette année, dans le congrès médical américain, grâce surtout aux efforts persévérans et tenaces du docteur Seguin, de New-York, on a adopté en principe le système métrique pour le langage médical. Les Anglais, qui se vantent volontiers d’être des gens pratiques, comprendront qu’à rester ainsi isolés ils perdront bien plus que leurs confrères de l’étranger, et que, s’il y a inconvénient pour nous à ne pas pouvoir lire, faute d’un système de mesures convenable, les livres anglais, il y a bien plus d’inconvénient pour les Anglais à ne pas pouvoir lire les livres français, allemands, italiens. Ce n’est pas seulement l’adoption générale du système métrique qu’on a discutée, on s’est occupé aussi des moyens de rédiger une sorte de codex général de manière à ce que la prescription des médicamens se fasse suivant les mêmes formules, d’après les mêmes règles. Si l’uniformité absolue de la médecine est chose impossible, ce serait probablement chose facile pour la pharmacie. Le génie des chimistes français a fait que pour toutes les nations il n’y a qu’une seule langue chimique. L’oxygène s’écrit O dans toutes les langues ; l’hydrogène H, le soufre S, etc., et les composés d’oxygène, d’hydrogène et de soufre s’écrivent de la même manière. Il est donc naturel que pour les prescriptions pharmaceutiques on suive les mêmes règles, et ce ne serait sans doute pas un grand effort pour les médecins des divers pays que d’écrire en latin leurs ordonnances avec les quantités indiquées en grammes, centigrammes, etc. On aurait ainsi cet avantage d’avoir une sorte de langue universelle. Si ce rêve de Leibniz et de tant d’autres esprits éminens ne peut pas être réalisé pour la dénomination vulgaire des choses et la pratique de la langue usuelle, au moins peut-on espérer que dans le domaine scientifique cette langue universelle s’établira » La chose serait facile, et les congrès suivans n’auront que peu d’efforts à faire pour terminer l’œuvre de leurs devanciers.

Un autre point qui touche à l’uniformité du système métrique, c’est l’unité de la thermométrie. Depuis plusieurs années déjà, l’étude des variations de température dans les maladies a fait de tels progrès que c’est maintenant une des données les plus positives du diagnostic médical, en sorte que, soit pour reconnaître une maladie, soit pour prévoir une issue heureuse ou funeste, c’est la température du malade qu’il importe de connaître. L’inspection de la courbe de température, — on appelle ainsi la ligne qui sur du papier gradué réunit les chiffres des diverses températures prises jour par jour sur un malade, — permet de voir en un clin d’œil la marche d’une maladie. Or si l’on emploie des thermomètres différens du thermomètre centigrade ordinaire, à savoir les thermomètres Fahrenheit ou Réaumur, on a des résultats qui, comparables d’une manière absolue, ne peuvent en réalité être consultés avec profit qu’après avoir été ramenés à l’unité thermométrique qui est le thermomètre centigrade. Ainsi une observation prise en Angleterre, je suppose, avec le thermomètre Fahrenheit, ne pourra guère servir a un médecin français que s’il a converti les mesures obtenues en chiffres du thermomètre centigrade. Il y a naturellement un peu d’exagération dans ces difficultés, mais de fait, tous ceux qui essaient de lire des livres anglais comprendront bien les obstacles qu’imposent des unités de mesure différentes. Or rien n’est plus facile que de renoncer à toutes ces expressions barbares qui ne répondent plus au système métrique et qui jettent sans aucun profit le trouble dans la lecture des livres de science. Ce serait un bien étroit patriotisme que de se heurter à une routine, parce qu’elle est anglaise, et se refusera un progrès, parce qu’il est français.

Nous n’entreprendrons pas l’énumération des questions scientifiques débattues dans le congrès d’Amsterdam, non plus que le récit des fêtes, concerts, spectacles, festins, qui, après les travaux sérieux, ont diverti les savans étrangers venus à Amsterdam. En effet, quelle que soit la valeur des discussions ou des communications, ce n’est pas dans ces discussions ou ces communications mêmes que réside l’intérêt de ces réunions internationales. Certes à entendre des maîtres de tous les pays exposer avec clarté et concision les découvertes faites par eux, il y a, pour les plus jeunes comme pour les plus âgés, un véritable profit, mais enfin on peut dans les livres, dans les recueils périodiques, dans les comptes rendus des sociétés savantes, retrouver les vérités qu’ils professent : on peut même les étudier avec plus de loisir. Non, ce n’est pas là le véritable motif des conférences scientifiques internationales. La vraie raison est que l’on apprend ainsi à se connaître, et, par conséquent, quoi qu’en disent les sceptiques, à s’apprécier. Ce n’est pas dans les livres qu’on peut juger les hommes. Tel savant, dont on n’a entendu parler que par ouï-dire, et dont on a lu trop dédaigneusement peut-être les écrits, paraîtra, si on vient à causer avec lui, un tout autre homme. On sera disposé à le juger avec plus d’indulgence, et cette indulgence ne sera que justice. D’ailleurs rien n’est plus profitable que de pareils entretiens. Quelques instans de conversation avec un homme supérieur font plus pour le développement de l’esprit d’un jeune homme que la lecture d’un gros volume de ses œuvres. Dans une réunion scientifique comme celle d’Amsterdam, il y a une sorte de courant d’idées qui circule, et, sans savoir comment la chose se produit, on gagne à se trouver mêlé à ces idées. De même qu’à Paris l’esprit est contagieux, de sorte que sur le pavé de Paris tout le monde devient spirituel (les étrangers disaient cela au XVIIIe siècle), de même dans un milieu scientifique comme un congrès, on prend des idées de science, et on comprend mieux l’inanité des coteries, des théories étroites et mesquines.

C’est qu’en effet la science aujourd’hui ne se fait pas comme il y a deux siècles : autrefois un grand savant mettait plusieurs années à produire un livre. Il travaillait silencieusement, obscurément, caché dans sa petite ville, et le résultat de ses labeurs n’était connu que d’un petit nombre d’initiés. Quelques élèves, quelques amis discrets, pendant longtemps, dix ans, vingt ans peut-être, jusqu’au moment de la publication du livre, composaient tout son public. Aujourd’hui les choses ont changé. Ces travailleurs solitaires n’existent plus. On ne voit plus apparaître ces livres imprévus révélant tout d’un coup une série complète de faits nouveaux et inconnus. Dès qu’un chercheur a trouvé un fait intéressant, il s’empresse de le publier, de le communiquer par la voie des journaux, ou des sociétés savantes, ou des leçons universitaires, au grand public scientifique. Le travail est devenu moins personnel, moins isolé. Ajoutons que le nombre des travailleurs est devenu bien plus considérable, de sorte que, si l’on compte moins de grands savans (cela même est encore douteux) qu’aux siècles précédons, on compte certes un plus grand nombre de découvertes. Mais la science s’est diffusée pour ainsi dire, et les hommes d’aujourd’hui qui découvrent quelque chose doivent certainement plus à leurs contemporains que les hommes d’autrefois. Pour bien juger l’effort scientifique de ce siècle, il faut le juger d’après son œuvre plus que d’après ses hommes. Les congrès contribueront encore à rendre l’œuvre scientifique plus impersonnelle. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Il est assez difficile d’en décider ; mais, quoi qu’il en soit, cette tendance à la démocratie scientifique ne peut guère être arrêtée, et très probablement elle ne fera que s’accentuer avec le développement des sociétés savantes, des recueils périodiques, des congrès internationaux ou nationaux.

Ces congrès ont un autre avantage, c’est qu’ils permettent dans une certaine mesure de comparer l’état scientifique de notre pays à celui des autres. Or, au congrès d’Amsterdam comme aux congrès précédens, la science française a tenu la place qu’elle doit occuper. D’abord la langue officielle de ces congrès a toujours été le français. Il importe que cette grande influence de la langue ne se perde pas, car une langue est le véhicule des idées, et la domination de la langue française entraîne la domination des idées françaises. Ceux qui ont craint d’aller à Amsterdam parce que des Allemands devaient s’y trouver ont été animés d’un patriotisme, sincère sans doute, mais étroit et dangereux. L’abstention des Français en effet aurait eu pour résultat d’assurer à la langue allemande une prédominance qu’elle n’a pas eue. Au contraire, comme les Français étaient très nombreux, comme il y avait beaucoup d’Italiens, de Belges, de Suisses, et comme tous les savans hollandais parlent le français avec facilité, il y a été parlé en somme beaucoup plus français qu’allemand. Espérons qu’il en sera toujours ainsi, et, si cette chimère d’une langue universelle ne peut pas être réalisée, tâchons au moins que la langue française soit la langue scientifique, comme elle est déjà la langue diplomatique.

Il ne faut cependant pas se faire d’illusions. Il y a en Allemagne beaucoup plus de savans qu’en France. Si nulle part, dans le monde entier, il n’est de ville produisant autant pour la science que Paris (tout le monde le reconnaît), cependant, si on réunissait tous les travaux publiés en Allemagne, ou au moins dans les pays parlant allemand, depuis Berne et Zurich jusqu’à Dorpat et Vienne, on arriverait peut-être à une somme de travaux supérieure à la somme des travaux produits en langue française. Aussi faut-il un effort vigoureux pour développer l’enseignement supérieur en France. Certes l’institution de laboratoires, de facultés, d’universités, est coûteuse, mais l’argent consacré à de telles œuvres fait la gloire d’un pays. On a fait beaucoup pour l’instruction primaire, Dieu nous garde de nous en plaindre ! mais enfin ce n’est pas l’éducation des petits enfans qui fait faire les grandes découvertes et les belles œuvres. Cent mille marmots sachant épeler l’alphabet font moins pour la gloire de la France que l’œuvre de Lavoisier, de Bichat et de Cuvier.


CHARLES RICHET.