Poésies de Schiller/Le Fugitif
LE FUGITIF.
La brise vivifiante du matin s’élève, à travers les sombres rameaux de sapin apparaît la riante lumière, et des rayons dorés étincellent sur les nuages qui couronnent les montagnes. L’alouette salue avec gaieté, par ses chants mélodieux, le soleil qui sourit et s’enflamme dans les bras de la jeune Aurore.
Salut à toi, lumière ! tes rayons répandent la chaleur sur les coteaux et dans les plaines : les prairies reluisent comme des tapis d’argent, des milliers de soleils étincellent dans les perles de rosée.
Dans une douce fraîcheur commencent les jeux de la nature : les zéphyrs voltigent avec amour autour de la rose, et les campagnes riantes sont inondées de suaves parfums.
Au-dessus des villes flottent des nuages de fumée : on entend hennir, piétiner les chevaux et courir les voitures dans la vallée retentissante : les bois sont animés ; l’aigle, le faucon, l’épervier planent dans l’air, élèvent leur vol jusqu’aux astres éblouissants.
Pour trouver la paix, où dois-je m’en aller, avec mon bâton de pèlerin ? La terre si riante, avec sa vie et sa jeunesse, n’est pour moi qu’un tombeau.
Lève-toi, lumière du matin, colore de tes baisers la bruyère et les champs. Reviens, crépuscule du soir ; brise de la nuit, assoupis dans tes doux murmures le monde fatigué. Aurore du matin, tu ne revêts de ta lumière qu’un champ de mort. Brise du soir, tu ne murmures que sur mon long sommeil.