Les Siècles morts/Le Talion

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Les Siècles mortsAlphonse Lemerre éd.I. L’Orient antique (p. 151-153).
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Et devant Élohim, dans la crainte et l’attente,
Au pied du Sinaï dont le sommet caché
D’une nuée ardente environnait Mosché,
Israël fugitif avait dressé sa tente.
Et le camp s’emplissait d’innombrables rumeurs,
Et le cri de l’angoisse et le cri de la haine
Se mêlaient, dans la nuit, à la voix du Cohène,
Et vers un Etranger le peuple hurlait : — Meurs !
L’homme de Miçraïm a vomi son blasphème,
Et l’insulte a jailli sur le Nom profané.
Et voici qu’Élohim vengeur a condamné
Les générations jusque s à la septième ;
Et voici qu’Élohim, comme un maître irrité,
A cause du pécheur, ploiera ta tête impure.
O Race d’

Israël ! Et poursuivra l’injure
Septante fois sept fois dans ta postérité. —

Mais la voix d’Iahvé parla dans l’ombre sainte :
— Écoutez ! L’insulteur du Nom, que nul vivant
Comme un secret jaloux ne doit jeter au vent,
Sera, par les cheveux, traîné hors de l’enceinte.
Tout homme imposera sa droite sur son front,
Et lui, paiera, qu’il soit votre frère ou votre hôte,
Son âme pour son crime et son sang pour sa faute.
Et les fils des tribus qui le lapideront
Aux bêtes de la nuit livreront sa poussière.
Par le mal sans pitié tu vengeras le mal.
Le prix compensateur, payé pour l’animal,
N’éteindra pas encor la dette meurtrière,
Et la mort d’un vivant engendrera la mort.
Le sang lavera seul, comme une onde assez pure,
Le sang inexpié versé par la blessure.
Frappe celui qui frappe et mords celui qui mord,
O mon peuple ! Voici la loi de ma justice :
Fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent,
Inextinguible feu contre bûcher ardent,
Vengeance du Seigneur contre le préjudice !
Moi, je suis Iahvé, ta force et ton appui ! —

Or l’implacable voix se tut dans la nuit noire.
Et loin du camp, pareil au bouc expiatoire,
L’homme fut lapidé, lorsque l’aurore eut lui.
Et tout le jour, l’essaim des mouches venimeuses
Tournoya dans

l’air bleu, sur le cadavre impur.
Et le soir, les corbeaux, aiguisant leur bec dur,
Rongèrent les deux yeux dans les orbites creuses,
Et le ver pullula dans la chair sans abri.
Et le Nom fut vengé que nul être ne nomme ;
Et Mosché, devant Dieu, chanta la mort de l’homme
Conçu par Schelomith, la fille de Dibri.