Le Témiscamingue à la Baie-d’Hudson/Chapitre 2-2

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Chapitre IIe.
Première Zone.

D’Albani à Moose-Factory
(distance 120 milles.)

N.B. Je me sers ici du mot « Zone » préférablement à « région » pour rendre plus exactement l’idée d’une mesure définie dans le sens de largeur seulement tandisque je ne prétends préciser aucune limite dans le sens de la longueur.

§I. — Le Fleuve Albani.

Le fleuve Albani est un des tributaires les plus considérables de la Baie-James. Il prend sa source dans le réseau de lacs situés en N.O. du lac Nipigon à une soixantaine de milles de la Baie du Tonnerre sur le lac Supérieur.

Cette rivière arrose sur tout son parcours des pays bien boisés et très-fertiles. Trois cents milles avant d’arriver à la mer elle forme sa dernière chute : « Martin’s Fall » qui est le terminus de la navigation d’aval pour les vaisseaux ne tirant pas plus de quatre pieds d’eau.

Par sa position, qui la met en relation directe avec la mer, Martin’s Fall est appelé à son avenir florissant, d’autant plus que le climat y est considérablement plus doux qu’au fort Albani et que le sol y est excellent. On m’a dit, dans la contrée, que l’orge et les patates y mûrissent à merveille et que quelques expériences avaient prouvé que le blé même y viendrait à parfaite maturité.

§II — Le Fort Albani.
Climat & Agriculture.

Il n’en est pas de même au Fort Albani, dit-on. Mais mon impression est qu’on n’y a jamais fait l’essai d’aucune culture sérieuse. Ce n’est d’ailleurs, ni l’intention ni l’intérêt de l’Honorable Compagnie de la Baie-d’Hudson dont les employés, du reste vivent plutôt au titre de bons traiteurs qu’à celui d’agriculteurs émérites.

On ne s’occupe que de la récolte du foin aquatique nécessaire à l’hivernement de magnifiques troupeaux de bœufs qui, pendant l’été errent sur les rivages de l’île où ils trouvent d’abondants paturâges.

Il paraîtrait qu’autrefois pourtant il fut une époque de gloire agricole pour la république d’Albani. Il y a une vingtaine d’années les vieux sauvages du pays rapportèrent au Rd. Père Pian que dans leur jeune temps, ils avaient admiré au Fort Albani certains instruments aratoires passés dès lors à l’état de reliques. Parmi ces ustensiles, le Révérend Père ne fut pas peu surpris de reconnaître à description « un arrosoir »… preuve que dans ces temps héroïques l’humidité n’était pas excessive… Quel fut le Cincinnatus qui mit ainsi l’agriculture en honneur, l’histoire n’a pas conservé son nom. Ce qu’il y a de certain c’est que depuis la mort ou le rappel de ce bienfaiteur de l’humanité, les jardinages autour du Fort Albani sont de la plus piteuse apparence.

J’y ai vu cet été quelques chétives pousses de patates qui ne faisait à peine que sortir du sol au dix de Juillet. Pourtant, à cette époque, les feuilles du peuplier m’ont paru avoir déjà un certain âge, et un robuste groseiller, tapi dans l’angle d’une clôture, semblait dire aux passants : « Qu’il fait bon de se chauffer au soleil ! » D’une main peut-être indiscrète, je me permis de soulever l’une de ses branches, qu’à ma grande surprise, je vis chargée de forts beaux fruits.

Ce petit arbrisseau m’en dit plus que tout le reste, et je demeurai convaincu qu’avec un peu de bon vouloir, Albani n’en céderait pas à Moose pour la beauté des jardinages et même pour la culture de certaines céréales.

Il est vrai que le sol est humide mais que voulez-vous attendre d’un terrain où on ne pratique absolument aucun drainage. Avec le même système, on ne ferait pas plus de merveilles, même autour de Montréal.

Nature du Sol.

Pourtant, l’île d’Albani est composée d’un terrain les plus riches qui se puissent voir puisque ce n’est rien autre chose qu’un delta d’alluvion.

Cette île située à 13 milles de la mer, à l’embouchure de la rivière Albani, compte 20 milles de long sur 3 à 5 milles de largeur.

La partie supérieure est recouverte d’une végétation luxuriante de peupliers et de mélèzes de belles dimensions ; tandis que le bas qui semble de formation plus récente, est moins avancé sous ce rapport, d’après la théorie que j’ai exposée plus haut au sujet de la formation du littoral de la Baie-James.

Les sauvages de l’île m’ont fait remarquer un bosquet de peupliers haut d’une quarantaine de pieds, qui n’existait pas il y a 30 ans ; ajoutant qu’à cette époque l’endroit était entièrement submergé par les eaux du fleuve. Or à 2 ou 3 milles en aval de ce bois s’étend maintenant une prairie si solide que pendant une nuit, nous y avons planté nos tentes.

L’île d’Albani est sujette à de grandes inondation à l’époque de la débâcle. Celle qui eut lieu au printemps de 1881 fut une des plus terribles. On en voit encore la marque à mi-hauteur des fenêtres de notre église. La raison de ces crues excessives vient de ce que la fonte des neiges commence plus tôt à la source des rivières qu’à leurs embouchures situées à quelque cent milles plus au Nord.

Cependant il n’y a apparence d’aucun dégat sérieux puisque le fort, qui compte un âge assez respectable se tient encore debout avec aplomb et solidité.

Ce fort n’est pourtant pas le même que l’ancien Fort Ste Anne fondé par les Français et dont on retrouve encore les ruines à demi enfoncées sous terre de l’autre côté de la rivière, une couple de milles en amont.

Population Industrie Commerce & Mœurs des Habitants.

La population de l’île est d’environ 700 âmes dont 420 catholiques tous indigènes.

Tous vivent exclusivement de pêche et de chasse qui surtout est très-abondante. La chasse aux outardes est la grande ressource du pays. Chaque automne la provision ordinaire que fait la compagnie ne monte à rien moins qu’à 35 ou 36 mille de ces magnifiques gibiers. En supposant un prix minimum de $1.00 la couple, voici pour ce seul article de commerce un revenu annuel de $18.00000. Multiplions ce chiffre par le nombre des autres postes où ce total est encore dépassé, soit : Moose, Anna-Bay, Ruperts House, Fort George &c, &c, nous avons une somme annuelle dépassant $100.00000 rien que pour le commerce du gibier sur une petite partie du littoral de la Baie-James seulement.

Les sauvages se dispersent tous dans le bois à l’entrée de l’hiver et reparaissent au Fort Albani que pour l’époque de la traite qui est aussi celle de la mission vers la première semaine de juillet.

On a peu d’idées des cargaisons énormes de pelleteries, qui, chaque année, encombrent les magasins d’Albani et de Moose. Quand on assure qu’un petit fort de seconde ou de troisième classe donne à lui seul pour au-delà de $30.00000 par saison. La loutre d’Albani est la plus estimées du monde entier. Il en est de même des renards noirs et argentés, du castor et de l’hermine qui y pullulent. Il fut un temps où une peau de ces renards se vendait jusqu’à £30 sterlings.

En face de revenus aussi prodigieux réalisés par la puissante Compagnie de la Baie d’Hudson, on n’est plus étonné de voir l’agriculture si peu en honneur dans ces régions ; et on excuse facilement les traiteurs d’empêcher à tout prix la colonisation et le libre commerce de se porter dans ces lointains parages.

Mais de toutes ces richesses, bien peu demeurent en Amérique. Les précieuses fourrures vont enrichir les marchés d’Angleterre, d’Allemagne et de Russie tandisque le pauvre Indien, à peine couvert des haillons qu’il reçoit en échange, traîne une vie dure, misérable et de privations continuelles. Pour se faire une idée de l’indigence de ces sauvages, il faut comme le missionnaire, chaque année, les voir errant autour des enclos de la compagnie, demi-vêtus, amaigris et décharnés par la famine et n’ayant pour s’abriter de l’intempérie des saisons que de misérables cabanes d’écorce.

Pourtant quelle belle nation que ces sauvages d’Albani. Peuple de mœurs douces, honnêtes et affables, l’intelligence se peint dans la vivacité de leurs regards et la bonté éclate sur leur visage. On ne voit parmi eux aucune figure difforme ou repoussante. Les hommes sont de taille forte et robuste, bien proportionnés. Les femmes n’en cèdent en rien à nos fières canadiennes tant pour la blancheur de leur teint que pour la régularité de leurs traits.

Ils parlent une langue expressive et harmonieuse qui se prête admirablement à la prière et au chant sacré. D’ailleurs, tous musiciens par nature et pieux par instinct, il suffit de les voir à l’église pour être édifié et touché jusqu’aux larmes.

Il y a à Albani deux belles églises en bois. Une anglicane, desservie par un ministère à poste fixe, l’autre, catholique, visitée chaque année par un Père Oblat du Lac Témiskaming, obligé de faire en canot un trajet d’au moins 600 milles, pour venir rejoindre ses chers enfants des bois. Le chemin est rude : Quelque fois la robe noire est en retard ; mais le sauvage attendra patiemment, supportant un jeûne cruel de 5 à 6 jours plutôt que de se voir privé des bienfaits de la mission.

C’est le Rd. Père Laverlochère O. M. I. qui le premier se rendit dans ces parages et fonda en 1848, la chrétienté d’Albani.

Saluons en passant le noble figure de cet admirable missionnaire qui, après 30 années de langueur contractée dans ces missions, viens de rendre à Dieu sa belle âme courronnée de patience et de mérites. Pourquoi ne pas rappeler aussi le souvenir de ses deux illustres successeurs, le Rd Père Déléage tombé victime de son dévouement pour le pauvre enfant des bois et le Révérend Père Pian, son intrépide compagnon que le Bon Dieu réserve encore pour de glorieux combats.

Il passe sur la scène du monde des héros inconnus de leur siècle. Ils meurent sans bruit et leur tombe est ignorée. Mais qu’importe pour eux la gloire ? Ils fondent les empires… et d’autres les gouvernent.

§II. — Les Prairies de la Baie-James.
Leur Physionomie — leurs Ressources agricoles & commerciales.

Physionomie :

Entre Albani et Moose s’étend un terrain plat entrecoupé de savanes et de marécages et dénué de grands arbres. Les bords de la mer, sur une largeur variant de deux à quatre milles offrent absolument la physionomie des prairies du Nord-Ouest. Cependant ça et là des ruisseaux et même des rivières de bonnes dimensions descendent de la forêt en serpentant à travers le gazon qu’ils égouttent et assainissent. On remarque que le sol remonte une pente douce en s’éloignant des rivages.

Comme je l’ai dit plus haut, ces terrains portent le cachet évident d’une formation récente dûe à l’agglomération continue des détritus tenus en suspens dans les eaux de la mer.

Ressources Agricoles & Commerciales

Les parties déjà bien essorées se recouvrent de magnifiques pâturages qui suffiraient à nourrir des milliers de bestiaux pendant l’été et à leur assurer une abondante provision pour les longs mois d’hiver.

Voilà, à mon avis, quelle pourrait être dès à présent la plus grande source de richesse de ces contrées si un chemin de fer était construit ou si l’on ouvrait de là une voie de navigation régulière avec l’Europe.

On ne peut appeler pauvre un pays qui donnerait à profusion les viandes, le beurre, le fromage, le suif, l’ivoire, le cuir, la laine et une multitude d’autres objets de commerce, provenant de l’élevage des bestiaux. Et quand bien même une telle région ne serait pas propre à la culture du blé (ce qui est loin d’être prouvé) elle pourrait bien, en retour de ses produits, recevoir le pain et autres nécessités de la vie.

L’idée de pratiquer l’élevage en grand n’est pas une pure hypothèse. C’est un fait constant et séculaire qu’il n’y a nulle part en Amérique de plus beaux troupeaux de bœufs qu’à Moose et Albani. Nous avons gouté de ces viandes excessivement grasses et délicates, et on nous assure que ces animaux n’ont jamais mangé d’autres engrais que le foin des prairies. Il semblerait que cette herbe a quelque vertu nutritive tout-à-fait spéciale et communique au lait des vaches ainsi qu’au beurre, un arôme inconnu de nos laiteries canadiennes.

Ce que je dis de l’élevage des bêtes à cornes, s’applique également aux autres animaux, tels que chevaux, moutons, porcs, volailles, &c.

On a prétendu que les chevaux ne peuvent vivre à Albani parce que quatre ou cinq de ces quadrupèdes qu’on y avait transportés de Moose sont tous morts… simplement à cause de l’incurie du bourgeois à qui on les avait imposés… Pejorem… sequitur conclusio partem !

De l’élevage des animaux découlent, outre le commerce une infinité d’industries manufacturières. Puis les pouvoirs d’eau ne font pas défaut sur les rivières autour de Moose et sur la Côte-Est.

La Chasse.

Il ne faut pas non plus compter pour rien les pelleteries les plus précieuses et un autre article particulier à ces parages : je veux dire ces essaims de bipèdes emplumés qui, depuis le cinquième jour de la création ont établi ici le siège de leur empire.

C’est ici que couve la farouche outarde, l’oie, le cygne, les canards de toutes langues et de toutes tribus, la sarcelle, le pluvier, la bécasse, &c.

Il ne faut pas s’étonner de les voir par milliers fréquenter ces grèves. La Divine Providence prend soin des petits oiseaux, n’oublie pas non plus les gros. C’est sur ces plages à perte de vue qu’une table abondante et vraiment royale leur a été servie. Repas à toutes heures, mets pour tous les goûts, depuis la folle avoine et les petits pois verts, plats favoris du canard, jusqu’à l’huitre fine que déguste l’insatiable goéland.

Quand les anciens sauvages s’étaient imaginé, pour un ciel à leur façon, quelqu’immense et riche terre de chasse ; je crois qu’ils avaient rêvé aux rivages de la Baie-d’Hudson. Car, s’il existe un Paradis pour les chasseurs, ce doit nécessairement être là.

Aussi je ne m’étonne plus de ce que tous ces bons vieux bourgeois de la Baie d’Hudson une fois revenus au milieu du comfort de la civilisation, ne veulent plus goûter de repos qu’ils ne soient retournés rendre leur âme à Dieu sur les bords de la Baie-James.


§III — Moose-Factory
Sa situation — population — religion — industrie — navigation
ressources agricoles — particularité de la végétation des hautes latitudes
Topographie

Le Fort Moose, autrefois Monsini, fut établi par les traiteurs français dès l’an 1680 sur une grande et belle île à l’embouchure de la rivière du même nom.

Aujourd’hui, Moose-Factory est une véritable petite ville avec ses édifices élégants, ses vastes magasins bien alignés, ses rues pavées, ses boulevards et ses jardins. C’est à la fois, un cité fashionable, un entrepôt commercial et une place forte. Rien n’y manque, pas même la citadelle et les canons braqués sur le petit port de mer où une flottille en règle dort sur ses ancres, n’attendant qu’un signe de l’amiral pour s’éparpiller sur tous les points où retentit le cri de guerre : « Pro pelle cutem ».

Population — Religion — Industrie.

Moose est le siège d’un évéché anglican avec une population d’environ 400 familles, métis-écossais et sauvages, toutes protestantes. Ces habitants mènent une vie civilisée et paraissent plus à l’aise que la plupart des autres sauvages, grâce aux secours qui leur sont obtenus de la société de missionnaires évangéliques, et le support que leur accorde ici l’Honorable Compagnie de la Baie d’Hudson.

Le commandeur de la place mérite une mention toute spéciale. C’est Mr Cutter, gentilhomme éminemment qualifié pour tenir un poste aussi important. J’arrive à rendre en passant cet hommage à tous les honorables officiers de la Compagnie de la Baie d’Hudson, que l’on est toujours heureux de rencontrer chez eux le type accompli du parfait gentilhomme, un sens exquis des convenances, une franche hospitalité, en un mot la haute politesse anglaise.

Navigation

Le port de Moose est visité chaque été par un navire d’Angleterre qui apporte les provisions et les marchandises destinées à la traite une année durant ; et le même vaisseau remporte les précieuses fourrures contingent de tous les postes disséminés à cent lieues à la ronde.

C’est ordinairement vers le 1er d’Août que le vaisseau fait son apparition dans les eaux de la Baie-James, mais il ne peut s’approcher à une distance moindre de huit milles du Fort, à « Ship Island » qui doit son nom à cette particularité.

La décharge de la Rivière Moose dans la mer se fait par plusieurs chenaux qui ne sont pas navigables à marée basse, excepté le principal où il reste toujours une quantité d’eau suffisante pour permettre la circulation des vaisseaux tels que les goélettes. Au moyen de quelques draguages faciles, les plus gros vaisseaux pourraient sans difficulté être amenés dans le hâvre même aux quais de Moose-Factory.

Climat — Sol & Agriculture.

J’ai déjà parlé du climat de Moose dans la première partie de cet ouvrage (Voir        ). Il me reste à ajouter que cette contrée est immensément propre à toute espèce de culture. Les patates et toutes espèces de légumes y viennent aussi parfaitement que dans le sud de la Province de Québec. Il n’y a pas de doute que toutes les céréales y réussiraient également. Quelques graines de blé tombés par hasard en terre y prirent racine et poussèrent de forts beaux épis jusqu’à parfaite maturité. Voilà un fait. Les gadelles viennent à perfection dans les jardins de la Compagnie.

On prétend que le bois-franc ne peut pousser dans ces parages. Ce qui n’empêche pas qu’un jeune frêne arraché il y a plusieurs années je ne sais où et transplanté dans le jardin y a déjà atteint 9 ou 10 pouces de diamètre. Je suppose que l’érable, le chêne et autres patriciens de la forêt, s’acclimateraient aussi vite, si on prenait la peine de leur donner « fair play. » J’en dis autant des pommes, des prunes et des cerises. Tous ces favoris de nos vergers, ne sont pas, certes, venus se planter là eux-mêmes. Il y a quelques années, la vigne était réputée impossible au Canada ; néanmoins nous commençons à avoir des vignobles tout aussi bien qu’en France « Audaces fortuna juvat. »

Singulier développement de la Végétation.

L’été dernier, 1884, je ne trouvais à Moose dans la première semaine de juillet, et j’y ai remarqué que la végétation y était à peu près au même point qu’à Rimouski à pareille saison. Une dizaine de jours plus tard, comme nous revenions d’Albani, nous ne fûmes pas peu surpris de voir combien, dans un aussi court laps de temps, l’apparence des prairies et des jardinages avait changé.

C’est alors que nous comprîmes un fait auquel on ne fait généralement pas attention dans le jugement que l’on porte sur le climat des contrées septentrionales.

Ce fait est la rapidité extraordinaire avec laquelle se développe la végétation des hautes latitudes. L’explication, pourtant, en est toute simple :

De même qu’il existe certains insectes dont la vie commence, se développe et finit en un jour, ou peut-être dans une saison ; ainsi les végétaux du Nord, ténus comme tout ce qui a vie à compléter le but de leur existence, compensent par la rapidité de leur croissance, la privation des jours que la nature a comptés avec plus de largesse pour leurs frères des régions méridionales. Et s’il m’était permis d’illustrer ma pensée par un texte des Saintes Écritures, je pourrais ajouter avec toute la révérence due à la parole sacrée : « Consumptus in brevi explevit tempora multa. »

Trois causes surtout, concourent à produire ce résultat. La longueur des jours, l’intensité de la chaleur et l’humidité du sol. Trois points de méditation que je livre sans commentaires à la philosophie des sceptiques.


Maintenant, il est temps pour nous, Monsieur le Ministre, de reprendre l’aviron pour revenir vers mon pays de prédilection, ma chère vallée de Témiskaming. Mais auparavant, il nous faut remonter une terrible rivière : 212 milles, cela ne se fait pas dans un jour… en canot. Tant mieux ! nous aurons le temps de visiter les pays : « plaisir, » comme dit Veuillot, « que le chemin de fer va bientôt nous enlever… Dieu veille au moins que ce soit ma faute !… »