La Cithare (Gille)/Le Vœu

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La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 193-194).

LE VŒU


 
Sous ces chênes noueux regarde, ô chevrier !
Un Priape taillé dans un vieux coudrier
Veille, encor revêtu d’une rugueuse écorce :
Son œil est faux, son front est bas, sa jambe est torse,
Mais il est vigoureux, sois-en sûr. Tout autour,
Tamisant les rayons trop abondants du jour,
Une charmille forme une agréable enceinte.
Parmi les myrtes verts s’entr’ouvre l'hyacinthe,
Et de thym violet les gazons sont jonchés.
Une eau vive, tombant en neige des rochers,


Coule sous les lauriers avec de clairs murmures.
Une vigne flexible offre ses grappes mûres,
Suspendue en guirlande aux robustes rameaux.
L’antre est frais, et toujours une troupe d’oiseaux
Y gazouille, parmi les fleurs et le feuillage.

En cet endroit qu’enchante un suave ramage
Rends-toi dès le matin, ô jeune chevrier ;
Et là, je t’en conjure, en mon nom va prier
Le dieu de cet enclos. Demande au bon Priape
Qu’il m’accorde son aide, afin que je m’échappe
Des liens amoureux où me retient Diké.
Dis-lui que cet agneau par lui revendiqué,
Je le sacrifierai tantôt dans la clairière.
Et, s’il t’écoute, s’il défère à ma prière,
Heureux enfin, ayant vu s’accomplir mes vœux,
Cette chèvre au long poil et ce bouc, je les veux
Offrir, en son honneur, avec cette génisse.
Et que daigne aujourd’hui le dieu m’être propice !