Le Vote des femmes/Le droit pour les femmes de pétitionner

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V. Giard & E. Brière (p. 156-184).


LE DROIT POUR LES FEMMES DE PÉTITIONNER



Pétitions remarquées.


Les Françaises doivent à Mme Jeanne Deroin, à MM. Schoelcher et Crémieux, d’avoir conservé le droit de pétitionner.

Quand en avril 1851 un député, M. Chapot, fit à l’assemblée législative la proposition de supprimer pour les femmes le droit de pétition en matière politique, Jeanne Deroin alors détenue politique, protesta du fond de sa prison, pria les citoyens représentants de ne point enlever aux femmes le droit de pétitionner.

La question vint en discussion le 24 juin 1851[1]. Le rapporteur M. Quantin-Bauchard, commença par trouver plaisant qu’une seule femme réclamât contre l’interdiction du droit de pétitionner : — « Il s’agissait pour elles, dit-il, de prouver qu’elles sont capables de se servir du droit de pétition, en pétitionnant contre leur exclusion de ce droit. – À droite : — C’est cela ! C’est cela !

M. Quantin-Bauchard – Eh bien, il y a une femme, une seule, qui a réclamé (explosion de rires), et c’est notre honorable collègue Laurent de l’Ardèche, qui s’est fait l’avocat des dames pétitionnaires en matière politique.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


– Vous sentez que c’est là une question de décence publique, de dignité parlementaire. Comment ! il arrivera une pétition signée dans un sens par le mari, signée dans un autre par la femme ! Quels seraient donc l’autorité et le sexe qui domineraient ici ? »

Tout le monde cependant n’était pas convaincu, puisque le 2 juillet M. Schoelcher proposa un amendement pour maintenir aux femmes le droit de pétitionner. Cet amendement chaleureusement défendu par M. Crémieux, fut adopté à l’unanimité au milieu de l’hilarité générale. – Ces députés riaient d’avoir été empêchés de jouer un bon tour aux femmes spoliées, en leur interdisant de réclamer.


Pétition pour demander le droit de vote ou l’exonération
de l’impôt.


« Messieurs les députés,

« Nous nous sommes adressées à toutes les juridictions : Le maire, le préfet, le conseil de préfecture, le conseil d’État, pour être déchargées du devoir de payer les impôts ou être admises à exercer notre droit de vote. Toutes les juridictions nous ont répondu que leur compétence ne pouvait aller jusqu’à nous faire justice, que nous devions nous adresser à vous.

« Nous avons, messieurs, l’honneur de vous présenter notre requête. La corrélation entre l’obligation de payer l’impôt et le droit de le voter est indiscutable. Nous espérons que vous nous accorderez le droit de voter, c’est-à-dire le pouvoir de contrôler ou de faire contrôler l’emploi de notre argent, ou que vous nous dispenserez de payer.

Si les hommes ont besoin de l’apport des femmes, qu’ils les traitent en associées et non en esclaves rançonnées. Nous voulons bien participer aux charges qui incombent aux habitants de notre pays, mais nous voulons jouir des droits qui découlent de ces charges. Pour être contribuables, nous voulons être électeurs.

« L’impôt ne peut être consenti que par les ayants droit au vote ; pendant que nous ne sommes pas de ceux-ci, nous ne devons rien à l’État. Vous aurez, messieurs, l’impartialité de le reconnaître et d’établir ce grand principe de justice sociale, à savoir : que dans un pays où les femmes n’ont pas de droits, les femmes ne peuvent non plus avoir de charges.

HUBERTINE AUCLERT,
12, rue Cail, directrice de la Citoyenne.
VEUVE BONNAIRE,
103, boulevard de le Gare, commerçante et propriétaire.
VEUVE LEPROU,
à Pontlieu (Sarthe), relieuse et propriétaire.


Cette pétition a été écartée par l’ordre du jour. En 1882 au moment il fut question de reviser la Constitution nous demandâmes par la pétition suivante que les femmes coopèrent à cette revision.


Messieurs les Députés,

« Permettez-nous d’introduire dans votre discussion sur la revision intégrale ou partielle de la Constitution, une question bien plus importante que toutes celles qui vous divisent : la question d’admettre les femmes comme membres du Congrès, pour reviser la Constitution.

« Si vous voulez réellement faire une constitution républicaine, vous devez décréter que vos mères, vos sœurs, vos épouses, vos filles, les femmes qui portent le beau nom de Françaises – Franques, c’est-à-dire libres – sont affranchies de l’esclavage et jouissent de toutes les prérogatives qu’ont les hommes.

« Vous trouvez mauvais que les femmes acceptent les dogmes, ne serait-ce pas aussi mauvais que les femmes acceptent sans discussion, sans examen, les lois qui sont au temporel ce que les dogmes sont au spirituel ? Pour que les femmes respectent la Constitution, pour qu’elles s’y soumettent, il faut qu’elles participent à sa confection.

« L’équité la plus élémentaire, vous conseille d’appeler les femmes au Congrès, pour qu’elles y réclament l’exercice de leurs droits de citoyennes.

« Comment, pourriez-vous tenir plus longtemps en dehors de l’administration des affaires publiques, les femmes sur lesquelles reposent la sécurité et le crédit de la France ?

« Vous vous inspirerez de ces considérations sérieuses, messieurs, et si vous voulez réellement fonder la République, vous laisserez aux générations, une Constitution qui donne aux hommes et femmes, les mêmes droits. » Le rapporteur de la commission des pétitions de la chambre, M. Frédéric Thomas, conclut dans les termes suivants au rejet de la pétition :

« La demoiselle Hubertine Auclert paraît remplie de confiance, elle se flatte que les destinataires de sa pétition s’inspireront de ses considérations sérieuses. L’épithète de sérieuse peut passer pour une qualification ambitieuse ; regardons-la, comme l’illusion d’un cœur sensible et aventureux et ménageons-la, sans espérer la guérir en la traitant, sinon par cette fin de non recevoir rigoureuse de la question préalable, du moins par cette exception plus courtoise de l’ordre du jour. »

Ces injures ne nous découragèrent pas, et une nouvelle pétition réclamant l’électorat et l’éligibilité pour les femmes fut déposée à la chambre.


Pétition pour demander que ces mots : « Les Français, »
qui comprennent les deux sexes comme contribuables,
comprennent les deux sexes comme électeurs,


« Messieurs les députés,

« Ce fait que la représentation nationale est exclusivement composée d’hommes, et d’hommes exclusivement mandatés par des hommes, cause un préjudice moral et matériel considérable aux femmes. L’absence des femmes de la législature produit l’injustice de la législation.

« Dans la discussion et le vote des lois générales, les femmes n’ayant personne pour prendre la défense de leurs intérêts, leurs intérêts sont sacrifiés.

« Dans la discussion et le vote des lois qui visent particulièrement les femmes, les projets qui leur seraient favorables sont écartés, pour ce principal motif qu’ils gênent l’autocratie masculine, ou prennent pour les femmes un peu des budgets que les hommes se sont presque exclusivement attribués.

« Nous vous demandons, messieurs les députés, de décider que ces mots « Les Français » soient interprétés dans la loi électorale comme ils le sont dans la loi civile. Ces mots « Les Français » qui comprennent les deux sexes comme contribuables doivent comprendre les deux sexes comme électeurs, donc, leur conférer, au même titre, le droit au vote municipal et politique, le droit à l’éligibilité.

« Les femmes ont autant d’intérêt que les hommes à la confection des bonnes lois, à la répartition équitable des budgets. Or, l’exercice des droits civiques est le seul moyen pour elles de contrôler ce qui se fait, de garantir à la fois leurs intérêts et leur liberté.

Cette pétition couverte de plus de mille signatures fut rejetée par l’ordre du jour.

M. Cavaignac dit dans son rapport : « Il n’est pas permis de parler légèrement d’une thèse dont des hommes éminents et parmi eux Stuart Mill, se sont faits les défenseurs éloquents. Mais l’opinion n’est pas suffisamment préparée, à voir siéger sur les bancs de nos assemblées, un élément étranger au sexe masculin. Les femmes ne sont pas préparées au maniement des affaires publiques. »

Hé ! ce ne sera qu’en votant et en légiférant que les femmes deviendront d’habiles législatrices.

Tous les journaux parlèrent de cette pétition.

La Presse trouva la réponse de la commission des pétitions dangereuse. Elle semble, dit-elle, encourager Mlle Hubertine Auclert à persévérer et à gagner l’opinion publique à une idée qui est fausse.

Le Figaro appuya notre revendication.

« Comment, dit-il, n’être pas choqué à l’idée qu’une de ces femmes de tête, comme on en compte par milliers dans le commerce ou l’industrie, ou bien une de ces femmes de haut luxe, résumant en elle la culture de vingt générations n’ait pas sur les affaires publiques, la part d’influence que personne n’oserait contester aujourd’hui au charretier de la marchande, ou au palefrenier de la grande dame.

Changeons de monde si vous voulez ; comparez la ménagère laborieuse, économe, martyre du mariage et de la maternité, qui vient chercher le jour de paie, à l’atelier, son mari ivrogne et qui tâche de sauver des cabarets le modeste pécule de la maisonnée ! L’être maculé de vin et de boue, dégradé, abruti, immonde, qui heurte les murailles et qui bat sa femme — c’est l’électeur. C’est lui dont on défend les droits, c’est lui qu’il est urgent de représenter.

La femme, la victime ne compte pas ; elle n’est pas « suffisamment préparée. »

Dans La Bataille M. Lissagaray réfute en ces termes le rapport de M. Cavaignac : « Le vote des femmes est le corollaire fatal du suffrage universel, comme la vie politique est le corollaire de l’affranchissement des noirs ; où il y a identité absolue d’intérêt, il ne saurait exister de différence dans le droit.


Pétition au Congrès de Versailles
(12 Août 1884)
À Messieurs les membres du Congrès


Messieurs,

Nous venons rappeler à votre mémoire l’existence des femmes, existence dont vous paraissez vouloir vous abstenir de tenir compte en revisant la Constitution.

Veuillez vous souvenir que les femmes sont la moitié de la nation.

Responsables, contribuables, membres de la société, les femmes sont au même titre que les hommes des ayants droit.

Pour que la France entière soit représentée aux Chambres, pour que le suffrage soit véritablement universel, il faut que les femmes soient électrices.

Vous voulez supprimer le suffrage restreint pour l’élection des sénateurs, supprimez, en même temps, le suffrage restreint pour l’élection des députés ; appelez les femmes à voter comme les hommes.

Nous vous prions, messieurs, d’introduire dans la nouvelle Constitution, un paragraphe qui autorise les femmes à exercer leurs droits de Françaises et de citoyennes.

Vous ne feriez pas une Constitution républicaine, si vous conserviez dans la loi, pour ces égaux devant les charges – les femmes et les hommes – l’inégalité devant les droits.

Une Constitution qui diviserait toujours la nation en deux camps, celui des rois – les hommes souverains – et celui des esclaves — les femmes exploitées – serait une Constitution autocratique et mort-née.

Nous vous demandons, Messieurs, au nom des femmes de France, et dans l’intérêt des hommes et des femmes, d’avoir le courage de faire une Constitution qui donne à tous, Français et Françaises, avec les mêmes devoirs, les mêmes droits.

Pour le Cercle du Suffrage des Femmes :

La déléguée
HUBERTINE AUCLERT.


Cette pétition est venue à l’ordre du jour de la huitième séance, et, chose curieuse, c’est un nègre, c’est-à-dire un homme qui, en raison de la couleur de sa peau a été victime des préjugés, qui est monté à la tribune proposer de maintenir les préjugés de sexe.

Malgré le respect qu’elle professe pour les dames, a dit M. Gerville-Réache (rires)[2], la commission ne croît pas nécessaire de leur accorder des droits politiques et de leur imposer les devoirs politiques qui appartiennent aux citoyens français. Elle ne croit pas non plus que ce vœu soit celui de la majorité des Françaises. La commission propose donc l’ordre du jour sur cette pétition.

Ce n’est pas galant s’écria un membre de la gauche.

M. Raoul Duval ne s’explique pas pourquoi de simples aspirantes à l’électorat sont traitées plus favorablement que des membres de l’assemblée nationale.


Opinion de la presse sur notre pétition.
Le Temps

On ne saurait reprocher a l’Assemblée nationale d’avoir manqué de courtoisie envers les dames. Mlle Hubertine Auclert, directrice du journal la Citoyenne, organe des droits sociaux et politiques de la femme, plus heureuse que M. Barodet et nombre d’autres membres du sexe laid, n’a pas eu à subir l’affront de la question préalable pour sa pétition relative à l’électorat des femmes. Cette pétition a eu les honneurs d’un rapport à la tribune et on ne lui a opposé que l’ordre du jour pur et simple, ce qui, en pareille matière, est presque un succès, car Mlle Auclert, quelle que soit la ferveur de son apostolat, ne pouvait s’être fait cette illusion que le Congrès, quittant toutes autres préoccupations, allait consacrer une partie de son temps à discuter sérieusement le point de savoir si les femmes seraient mises, pour l’exercice des droits politique, sur le même pied que les hommes.

Mlle Hubertine Auclert doit donc se trouver très heureuse d’avoir occupé, ne fût-ce que pendent quelques instants l’attention du Congrès. Pareille fortune n’est pas advenue à tout le monde.

Le XIXe siècle

Mlle Hubertine Auclert ne cesse pas de revendiquer en faveur des femmes. Sa pétition au Congrès demandait pour les femmes l’électorat et l’éligibilité politiques. Elle était fort bien tournée, cette pétition, et il est certain que si Mlle Hubertine Auclert triomphait, les Congrès futurs offriraient un aspect plus agréable que les Congrès d’aujourd’hui. Mais la pétition de Mlle Hubertine Auclert n’a obtenu du Congrès que la question préalable, tout comme un amendement, tempérée par un mot gracieux et galant du rapporteur. C’est à recommencer et vous pouvez compter que la pétitionnaire recommencera. Rien ne la lasse. Et elle tient à faire mentir les ennemis des femmes qui prétendent que le sexe n’a pas l’esprit de suite dans ses entreprises !

HENRI FOUQUIER


Le Soleil

Dans une tribune quelques femmes ont applaudi le nom de Mlle Hubertine Auclert. Cette manifestation a été très vite réprimée sur les ordres de la questure.


Le Moniteur universel

Mlle Hubertine Auclert rappelle avec raison que les femmes sont au même titre que les hommes des ayants droit.

Voyez combien vous êtes injustes : vous inventez le suffrage universel, et vous ne vous apercevez pas qu’il n’y a rien de moins universel que ce suffrage.

Vous avez exclu les femmes ; pourquoi cela ?

Avez-vous donc peur qu’elles usent mal du droit de vote ?

J’en appelle à toutes les mères de famille ; que font-elles donc du matin au soir, si ce n’est d’exercer, comme on disait autrefois, un véritable sacerdoce ? Et quoi, une mère élève son enfant, et cet enfant lui doit tout ce qu’il est ; elle fait tout cela, et vous dites qu’elle est incapable de nommer des députés.

Laissez-moi vous le dire, quand on crée des hommes, on a bien le moyen de faire des députés.

On a même le moyen d’en faire de très bons ; est-ce par hasard cela qui vous fait peur ?

La femme est un être essentiellement civilisé : prenez-la dans un tel milieu que vous voudrez ; si défectueuse que soit son éducation, si incomplète que soit son instruction, ce n’est jamais en vain que vous ferez appel en elle à tout ce qu’il y a de noble et d’élevé dans l’humaine nature,

Ah ! tenez, vous vous ôtez le plus clair de vos ressources et votre arme la plus solide, quand vous vous privez du concours de la femme dans vos luttes politiques.

ROBINSON


Le Rappel.

Je crois que c’est moi qui ai publié le premier la pétition de Mlle Hubertine Auclert demandant à l’Assemblée nationale « d’avoir le courage de faire une Constitution qui donnerait à tous les Français et Françaises avec les mêmes devoirs les mêmes droits civils et politiques. »

Mlle Hubertine Auclert a dit, entre autres, une chose à laquelle il ne nous paraît pas très facile de trouver une réponse : c’est que nous nous prétendons sous le régime du suffrage universel, et que c’est un drôle de suffrage universel, que celui qui commence par destituer la moitié du genre humain.

M. Gerville-Réache a cru répondre en disant qu’il ne croyait pas que la pétition de Mlle Hubertine Auclert répondît au sentiment et au désir de la majorité des Françaises M. Gerville-Réachue croit-il que l’émancipation des noirs répondit au sentiment et au désir de la majorité des esclaves ? L’état de sujétion est un état mou et lâche auquel on tient par habitude et par hébétude, et le premier mouvement est de reculer devant la liberté, c’est-à-dire devant la responsabilité. Mais ce n’est pas une raison pour perpétuer la servitude, il faut affranchir les esclaves les les femmes, même de force.

AUGUSTE VACQUERIE.


Paris.

Quelques orateurs se sont couverts de gloire en blaguant l’honorable pétitionnaire. Étant donné que les novateurs ont toujours tort, c’était une besogne trop facile.

Il n’y a pas un argument sérieux pour combattre le vote des femmes. On n’ose pas invoquer la question d’intelligence. Cela ferait rire tous les gens de bonne foi. La femme la plus bête sera toujours plus fine que l’homme le mieux doué. La femme possède un tact supérieur : puisque le suffrage universel est entré dans nos mœurs, il faut, sous peine d’illogisme, l’admettre tout entier. Dans quelque cinquante ans d’ici, nos petits-neveux seront stupéfaits d’apprendre qu’on aura attendu un long temps avant de donner à la femme des droits politiques égaux à ceux de l’homme. Nous paraîtrons aux yeux des citoyens de l’avenir, aussi stupides que les membres du concile de Mâcon, qui, à la majorité d’une voix seulement, décrétèrent que la femme avait une âme.

ALBERT DELPIT.


Le National.

L’admission des femmes au vote n’est plus qu’une question de temps. Qui aurait cru, sous Louis XVI, alors que les paysans n’étaient encore que « ces sortes d’animaux farouches » dont parle La Bruyère, qu’ils seraient un jour, par le suffrage universel, les véritables souverains du pays ? Ne jetons pas la pierre à Mlle Hubertine Auclert, les idées qu’elle défend feront leur chemin.

Paul Foucher.


Pétitionnement organisé par le Journal « La Citoyenne »
pour réclamer le suffrage des femmes


« Messieurs les députés,


« Étant donné que non seulement les intérêts des femmes mais tous les intérêts français sont gravement compromis par l’absence des femmes de la législature.

Étant donné que, conciliatrices et pacificatrices par excellence, les femmes rendront possibles sans révolutions les réformes sociales, dès qu’elles participeront à la vie publique.

Étant donné, d’autre part, que les femmes, contribuables et responsables, sont des ayants-droit qui doivent de concert avec les hommes, administrer les fonds publics, faire les lois.

Nous vous prions, Messieurs les députés, de bien vouloir réformer la loi électorale de manière qu’elle confère aux femmes les droits politiques : vote et éligibilité. » Pour le rapporteur de cette pétition M. Escanyé, la question de l’électorat et de l’éligibilité des femmes est digne des méditations des philosophes et des publicistes, mais il trouve que le moment n’est pas venu de lui donner une solution et fait rejeter notre pétition par l’ordre du jour.


Pétition au Conseil Général de la Seine.


Messieurs les conseillers généraux,

Dans votre séance du 6 juillet, vous avez adopté un vœu d’amnistie en faveur des falsificateurs et des fraudeurs destitués de leurs droits civiques.

Puisque vous êtes à ce point bons et généreux, permettez-moi d’appeler votre attention sur une catégorie d’individus, bien plus intéressante que celle qui a été l’objet de votre sollicitude, et de vous demander d’émettre en faveur des vingt millions de Françaises, arbitrairement privées de leurs droits de citoyennes, un vœu d’amnistie qui les relève du crime d’être nées femmes.

Vous ne pouvez, messieurs les conseillers, avoir moins de pitié pour les femmes, innocentes victimes des préjugés, que pour les voleurs, qui, en falsifiant les aliments, ont altéré la santé de la nation et assassiné lentement peut-être des milliers d’individus.

Je vous prie de mettre fin au monstrueux déni de justice qui déshonore la République, en émettant le vœu qu’avant les élections de 1835 les femmes soient mises en possession de leurs droits électoraux.

J’espère, messieurs les conseillers généraux, que vous voudrez bien accueillir favorablement la requête que je vous adresse au nom de mon sexe, et je vous prie d’agréer, avec mes remerciements anticipés, l’hommage de ma haute considération.

Hubertine AUCLERT,
Directrice de La Citoyenne.



Conseil Général de la Seine, séance du 2 décembre 1885.


ORDRE DU JOUR SUR UNE PÉTITION DE Mlle HUBERTINE AUCLERT
DEMANDANT QUE LES FEMMES SOIENT MISES EN POSSESSION
DE LEURS DROITS ÉLECTORAUX


M. Georges Berry rapporteur. — Mlle Hubertine Auclert a adressé au conseil général de la Seine une pétition ayant pour but de faire appuyer, par un vœu de cette assemblée, les revendications qu’elle ne cesse de faire au sujet du droit électoral des femmes.

« Tout le monde connaît, en effet, les efforts mémorables de Mlle Hubertine Auclert, qui a fait une agitation de tous les instants autour de la question du vote des femmes.

« Tantôt, elle réclame son inscription sur les listes électorales et épuise en vain les juridictions sans se décourager.

« Tantôt elle refuse de payer ses contributions, sous prétexte que si elle n’a pas les droits d’un citoyen, elle ne saurait en avoir les charges.

« Tantôt, enfin, elle fait signer des pétitions pour le Sénat et la Chambre des députés,

« Aujourd’hui, c’est nous que Mlle Hubertine Auclert charge du soin de saisir de nouveau les pouvoirs publics.

« Les femmes, dit Mlle Auclert, ont les mêmes charges que les hommes, pourquoi n’ont-elles pas les mêmes droits ? Elles sont en outre, au moins aussi intelligentes qu’eux ? pourquoi dès lors leur refuser de prendre part à la confection des lois, où, entre parenthèse, elles sont abominablement sacrifiées, et à la discussion d’un budget qui absorbe leurs finances ?

« La nature de la femme dit M. Georges Berry, son caractère, son rôle dans la vie, sont autant de motifs qui doivent la faire exclure de la scène politique.

« Chez la femme l’élément sensuel domine l’élément intellectuel. Quels hommes d’affaires choisiront ces dames ?

« Si les femmes deviennent électeurs, elles deviendront du même coup éligibles et je crains qu’elles soient aussi mauvais députés qu’imparfaits électeurs.

« La femme n’a aucune aptitude pour les fonctions publiques. Ce qui prouve son incompétence en politique, c’est l’attraction qu’elle subit de la part de tout ce qui est faux.

« La véracité et la précision sont des traits caractéristiques

masculins !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

quels gâchis ! quelles intrigues indignes de la représentation nationale ! quelles lois contradictoires ! quelle majorité versatile ! que de séances perdues, dans cette assemblée des deux sexes… »

Quand M. Georges Berry a été las d’insulter les femmes, il s’est excusé d’avoir été aussi grossier envers elles. « Si je leur ai dit tant de choses désagréables, s’est-il écrié, c’est leur faute, elles n’avaient qu’à ne pas réclamer leurs droits au conseil général. » Aujourd’hui le gouvernement laisse tout dire et tout faire aux petites filles d’Olympe de Gouges. Finalement, il demande de passer à l’ordre du jour sur la pétition de Mlle Hubertine Auclert :

M. Cattiaux. – Messieurs, je ne viens pas réclamer aujourd’hui le droit de vote en faveur des femmes, par cette seule raison que leur éducation a été trop négligée.

Quant à ce droit lui-même, il est incontestable (Réclamations) nous ne pouvons qu’en retarder l’avènement.

La femme a des charges comme les hommes ; n’élève-t-elle pas seule ses enfants après la mort de son mari ou quand elle est fille-mère, – plutôt par la faute de l’homme que par la sienne.

Or, vous ne faites pas pour elle ce que vous devriez faire : laissez-lui donc alors revendiquer ses droits et puisqu’elle n’a pas d’autre moyen de les faire triompher que le vote, donnez-lui le pouvoir de voter !

M. Michelin. – Il s’agit de statuer sur le rapport de M. Georges Berry. — Je viens combattre les conclusions de ce rapport et me déclarer très nettement pour le droit des femmes.

M. Monteil. – Il faut dire cela à la Chambre.

M. Michelin. – Je suis disposé à le faire. Monsieur Monteil. J’estime que, dans une République, la femme doit être traitée autrement que sous les lois de l’Église et de le monarchie.

M. Maurice Binder. – Si les femmes votaient, la République n’en aurait pas pour vingt-quatre heures !

M. Michelin. – Je sais, qu’il est contraire aux principes de l’Église de donner aux femmes des droits, et même un concile s’est réuni pour étudier la question de savoir si la femme avait une âme.

Il appartient à la société moderne d’émanciper la femme au point de vue civil, au point de vue politique.

Au point de vue municipal et politique, je demande que l’on commence au moins par reconnaître le droit de vote des femmes dans les élections communales. Des femmes ont souvent des intérêts considérables dans une commune et l’on ne comprend pas qu’elles ne soient pas appelées à voter, pour défendre ces intérêts.

J’irai plus loin et je voterai l’admission des femmes aux droits politiques. Nous ne devons pas établir deux catégories de citoyens. Je sais très bien qu’aujourd’hui l’éducation de la femme est le plus souvent cléricale ; mais, fort heureusement, les idées marchent et, avant peu, je l’espère, la femme sera complètement affranchie du confessionnal et des superstitions du Moyen Age. Le meilleur moyen de parvenir à ce résultat, est de reconnaître les droits de la femme.

Il est grandement temps, messieurs, de s’occuper de la condition de la femme dans notre société moderne.

Je suis convaincu que le Conseil général ne voudra pas sanctionner le rapport très spirituel de M. Barry, mais qui vous propose des conclusions contraires à l’équité ; qu’il envisagera de haut cette question et dira très nettement que la femme, dans la société moderne, n’a pas les droits qu’elle doit avoir.

M. le Président. – Le scrutin est ouvert sur les conclusions de la Commission.

Nombre de votants.........................................48
Majorité absolue.............................................25

Onze ont voté contre le rapport de M. Georges Barry, c’est-à-dire pour le suffrage des femmes : MM. Cattiaux, Chabert, Chassaing, Decorse, Desmoulins, Jacquet, Michelin, Navarre, Piperaud, Roussette, Paul Viguier.

37 ont voté pour le rapport réactionnaire de M. Berry. Voici les noms de ces partisans de la royauté masculine.

MM. Léopold Auguste, Bartholoni, Georges Berry, Maurice Binder, Boll, Collin, Combes, Cusset, Darlot, Delhomme, Desatys, Després, Dufaure, Gamard, Guichard, Ernest Hamel, Hattat, Jacques, Alfred Lamoureux, Leclerc, Lefoullon, Lerolle, Stanislas Leven, Levraud, Maillard, Mathé, Mayer, Millerand, Monteil, Patenne, Réty, Riant, Robinet, Ruel Sauton, Simoneau, Weber.

Excusés :

MM. Hubbard, Rouzé, Sougeon,

Enfin, voici les noms des abstentionnistes qui ont eu peur de se nuire en étant justes.

MM. Armengaud, Boué, Braleret, Cernesson, Chautemps, Cochin, Curé, Davoust, Delabrousse, Deligny, Depasse, Deschamps, Dreyfus, Dujarrier, Frère, Gaufrès, Hervieux, Jobbé-Duval, Lefèvre, Narcisse Leven, Lyon-Allemand, Marsoulan, Marius Martin, de Ménorval, Mesureur, Muzet, Pichon, Émile Raspail, Aristide Rey, Reygeal, Strauss, Stupuy, Vaillant, Vauthier, Villard, Voisin.



Pétition demandant l’électorat pour les célibataires
et les veuves.


« Messieurs les Sénateurs,
« Messieurs les Députés,

« Permettez-nous d’appeler votre attention sur la condition – de mise hors le droit commun – qui est conservée à la femme sous la République.

« Les femmes responsables et contribuables — qui sont ; comme les hommes des ayants droit à contrôler l’emploi de l’argent qu’elles versent au Trésor et à faire les lois qu’elles subissent — sont encore dans la société destituées de tous les droits.

« Nous vous demandons, Messieurs, d’accorder au moins à celles de ces femmes – LES CÉLIBATAIRES ET LES VEUVES – dont les intérêts ne sont représentés par personne dans les assemblées élues, le pouvoir de garantir leur sécurité et de sauvegarder leurs affaires privées en participant à la gestion des affaires publiques.

« Les femmes célibataires et veuves ne sont pas mineures. quant à leurs biens personnels, pourquoi le seraient-elles relativement à leur part indivise des biens de la Commune et de l’État ? Le pouvoir qu’elles ont d’administrer leur fortune privée doit – pour être effectif – avoir pour corollaire le pouvoir d’administrer leur fortune publique.

« Nous espérons, Messieurs, que vous accorderez à la moitié déshéritée de la nation française un commencement de justice, en autorisant les célibataires et les veuves à exercer leurs droits de citoyennes. »


Cette pétition, a été à la Chambre et au Sénat, écartée par l’ordre du jour :


À la Chambre des Députés.


M. de Lévis-Mirepoix, rapporteur, après avoir rappelé ma campagne en faveur des droits politiques des femmes dit :

« Aujourd’hui, dans une pétition différente en apparence, mais absolument identique quant au fond, et avec une subtilité d’imagination que nous ne voulons pas lui contester, la demoiselle Hubertine Auclert, réduisant habilement ses prétentions à une classe spéciale de femmes, sollicite l’exercice des droits politiques pour les veuves et les célibataires dont les intérêts ne sont, dit-elle, représentés par personne : elle espère ainsi, par une argumentation spécieuse qui ne manque pas d’une certaine valeur, faire admettre le principe cher à ses rêves, mais qui, une fois introduit dans la législation, ne manquerait pas d’y prendre une dangereuse extension ».

« En effet, si ces arguments prévalaient, il faudrait étendre les mêmes droits à toutes les femmes qui, pour des causes diverses, sont privées de quelqu’un pouvant représenter leurs intérêts. La commission ne veut pas s’appesantir sur les graves inconvénients qu’entraînerait une telle innovation. »

Au Sénat M. de la Sicotière, rapporteur, dit : « Tout en imitant la courtoisie dont l’autre chambre a toujours fait preuve à l’endroit de la pétitionnaire, nous avons le regret de ne pouvoir vous proposer que l’ordre du jour.

« Après les veuves et les célibataires, toutes les affranchies de la tutelle maritale réclameraient l’exercice des droits civiques et par la brèche ainsi ouverte, toutes les femmes finiraient par passer. »

Les journaux trouvèrent cette pétition très juste. — « On ne peut, dit le Figaro, alléguer d'autres raisons que le préjuge contre le vote des femmes célibataires et veuves qui ne sont pas mineures quant à leurs biens personnels ».



Pétition réclamant le suffrage pour les filles-majeures,
les veuves, les divorcées.


« Messieurs les Députés

« Nous vous prions de conférer le droit électoral aux millions de Françaises célibataires : — les filles majeures, les veuves, les divorcées – qui sont maîtresses de leur personne, de leur fortune, de leurs gains afin qu’elles puissent en votant, sauvegarder, dans la commune et dans l’État, leurs intérêts qui sont actuellement laissés à l’abandon. »

Cette pétition circula avec succès dans les milieux les plus divers ; dans les cafés, les marchés, les halles en les galeries de l’exposition de 1900, elle fut couverte de plus de trois mille signatures et déposée par M. Clovis Hugues sur le bureau de la Chambre en 1901.

M. Gautret qui avait signé cette pétition et avait demandé à la déposer ; sournoisement, la transforma en projet de loi, comme il avait déjà transformé en projet de loi notre pétition réclamant la loi des sièges. Il nous écrivit « qu’en agissant ainsi, il avait eu la ferme intention d’aboutir plus vite. » Ne nous plaignons pas, que l’on trouve bonnes nos idées.

Notre pétition et la proposition de loi renvoyées à la commission du suffrage universel, ne sont pas venues à l’ordre du jour.


Pétition aux Conseillers généraux de la Seine.


« Messieurs les conseillers généraux,


« Vos efforts pour faire progresser les êtres et les choses m’excitent à croire que plus encore que les conseillers qui vous ont précédés, vous êtes résolus à pousser en avant l’humanité. C’est donc avec confiance que je viens vous prier – comme j’ai prié il y a vingt-et-un ans vos prédécesseurs — d’émettre un vœu pour que les femmes soient appelées à exercer leurs droits électoraux.

« Ces droits, qui sont pour l’être humain les meilleurs instruments d’émancipation, sont aussi la plus sûre garantie de n’être point lésé, quand surviennent des changements dans l’ordre social et la condition des individus.

« Veuillez, messieurs, considérer que la question de la propriété est à l’ordre du jour. Or, si le capital et la propriété étaient socialisés avant que les femmes soient électeurs, ces malheureuses ne récupéreraient pas en la société nouvelle ce qui leur aurait été pris, attendu que les fonctions, les emplois, le bon travail seraient monopolisés par les électeurs-souverains ; donc, plus encore que maintenant, les déshéritées du droit seraient des êtres de peine, des bêtes à plaisir.

« Sachant que les désirs que vous exprimez sont des ordres pour le Parlement, vous ne voudrez pas vous soustraire au devoir de faire se transformer la République de nom en République de fait, en aidant les matrices de la nation à devenir citoyennes !

« Vous voterez en 1906 la proposition qui fut examinée par vos prédécesseurs en 1885, ainsi que l’atteste le Bulletin municipal officiel du 3 décembre 1885.

« Votre dévouement au bien public vous incitera à faire bénéficier le pays de l’intégralité de l’intelligence de ses habitants de l’un et de l’autre sexe ; aussi, messieurs les conseillers généraux, j’espère que vous accueillerez favorablement la requête que je vous adresse au nom des Françaises, et je vous demande de vouloir bien agréer mes remerciements anticipés.

« Hubertine AUCLERT.» »



Conseil Général de la Seine,
séance du 20 novembre 1907.


Vœu relatif à la participation des femmes aux droits électoraux.

M. d’Aulan rapporteur. – Messieurs, votre 4e commission m’a chargé de rapporter favorablement un vœu présenté par Mme Hubertine Auclert en faveur de la « participation des femmes aux droits électoraux. »

Mme Hubertine Auclert exprime son espoir de voir obtenir un meilleur sort au même vœu qu’elle présenta il y a 21 ans – et nous devons louer sa persévérance — au Conseil Général.

À cette époque que je n’ose dire lointaine – quelques-uns de nos collègues déjà nubiles auraient pu apprécier la valeur de la requête « en aidant les matrices de la nation à devenir citoyennes » selon l’expression de Mme Hubertine Auclert.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’estime pour mon compte, messieurs, que le beau sexe ne doit pas se mêler aux luttes politiques, ce serait trop souvent transformer son sourire en grimace.

M. Thomas. — Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas aussi capables que les hommes en cette matière ? Elles sont tout aussi intelligentes qu’eux.

M. d’Aulan. — Mais j’estime aussi que les femmes qui gèrent des intérêts de propriété, d’industrie ou de commerce ont droit à donner leur opinion sur la façon dont nous gérons les intérêts de la ville ou du département.

Cela changera-t-il la composition de notre assemblée ?

Je ne le crois pas.

Dans le quartier qu’habite Mme Hubertine Auclert celui de la Roquette, où l’on a quelquefois perdu la tête, notre collègue qui représente le quartier récoltera le suffrage des dames, comme le feront de l’autre côté du conseil, les conseillers de la rue Marbeuf ou de l’ex-rue Bréda. |

Aussi, au nom de votre 4e commission, ai-je l’honneur de vous proposer de voter le vœu suivant :

« Le Conseil Général.

« Émet le vœu,

« Que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral pour les élections au conseil général et au conseil municipal.

Adopté :

M. Landrin. — J’ai voté le vœu présenté par la 4e commission, mais il me semble que cette question était suffisamment importante pour être traitée d’une façon plus sérieuse par M. le rapporteur.

Tous les journaux ont parlé du vœu émis par le conseil général de la Seine.

Le Temps dit : « Sur la demande de Mme Hubertine Auclert qui les priait d’aider « les matrices de la nation à devenir citoyennes » les conseillers généraux ont émis le vœu que les femmes soient appelées à jouir du droit électoral.

Ce vœu présenté avec une grâce toute dix-huitième par M. le comte d’Aulan a été voté à main levée. Le débat court et vif fut empreint d’une certaine gaieté. »

Pour Le Figaro. « Le féminisme a remporté une petite victoire toute platonique, d’ailleurs, mais flatteuse.

MM. les conseillers généraux ont beaucoup ri et comme la gaieté est gentille conseillère, le vœu féministe fut adopté à la majorité des suffrages. »

Le Petit Journal pense que « Le conseil général a émis un vœu qui marquera d′une pierre la route vers la conquête du droit de vote qu’ont entreprise depuis longtemps déjà des groupes féministes… »

Suivant L’Éclair « le vote du conseil général est par le succès qu’il souligne un des feuillets intéressants du livre d’or du féminisme. »

L’Écho de Paris fait remarquer que « c’est sans discussion que le conseil général à mains levées a voté le vœu favorable au suffrage des femmes. À la contre épreuve il n’y a même pas eu la moindre opposition.

« Evidemment, les féministes préféreraient qu’un tel vœu eût été émis par le Parlement ; mais il y a commencement à tout et puisque les cent un membres du conseil général se déclarent partisans du droit de suffrage pour les deux sexes, c’est que l’idée a fait du chemin. »

Parrhisia écrit dans La Française « une journée qui sera marquée d’un caillou blanc dans les annales du féminisme, car une grande victoire y fut remportée, c’est celle où le conseil général adopta le vœu émanant de Mme Hubertine Auclert et réclamant pour les femmes la participation aux droits électoraux. »



Pétition pour demander de rendre effectif le vœu émis par
les conseillers généraux de la Seine.


« Messieurs les députés,
« Messieurs les sénateurs,

« Dans sa séance du 20 novembre, le Conseil général de la Seine, a, sur ma demande, émis le vœu que les famines soient appelées à jouir du droit électoral pour les élections au conseil général et au conseil municipal.

« Je vous prie de rendre effectif ce vœu, en étendant aux femmes françaises les droits électoraux, que beaucoup d’Européennes possèdent.

« Veuillez, messieurs, considérer que les femmes qui sont à leur grand préjudice, privées des droits électoraux, ont des facultés d’épargne, sont aptes à s’ingénier, à prévoir et vous voudrez, dans l’intérêt général, utiliser leurs qualités.

« HUBERTINE AUCLERT


La commission des pétitions de la chambre, n’a pas même voulu examiner la proposition de ratifier le vœu émis par le Conseil général de la Seine et a passé à l’ordre du jour. Ne pouvant donner notre suffrage aux conseillers qui ont tenté de soustraire les femmes à l’exclusion électorale, nous avons fait apposer des affiches sur lesquelles on lit :


Le Suffrage des Femmes, 151, rue de la Roquette.

« Votez, faites voter, pour les Conseillers qui ont émis un vœu pour que les Femmes soient électeurs. Les Femmes électeurs seront plus considérées, mieux rétribuées, leur facultés d’épargne rendront possibles toutes les réformes. »

  1. Le Moniteur.
  2. Avant 1848 on riait aussi quand on parlait de donner le vote à tous les hommes.