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Les Académies et Sociétés savantes à l’hôtel d’Assezat

La bibliothèque libre.


LES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES À L’HÔTEL D’ASSÉZAT




Seul à Toulouse, et certes avec justice, ce logis a conservé le nom du riche marchand qui l’avait fait construire, Pierre Assézat, dont le père était venu d’Espalion, en Rouergue. La fortune ne suffisait pas à Pierre d’Assézat. Il voulut entrer au Conseil de ville ; capitoul une première fois en 1552, aisément anobliel seigneur de Dussède, il s’empressa d’ériger une demeure digne de son opulence et de son rang. Il traita, le 25 mars 1555, avec un maître-maçon, Jean Castagné, né Nycol, pour la construction, suivant « les articles écrits et ordonnés par Me Nycolas Bachelier », le seul architecte et sculpteur dont Toulouse ait gardé la mémoire.

En trente mois, deux ailes et le portique furent debout. Mais dans le grand mouvement de la Réforme, Pierre Assézat avait pris parti pour elle, avec la majorité de la population. La guerre civile fut déchaînée. Finalement le roi et les catholiques l’emportèrent. Assézat fut banni à perpétuité, privé de sa noblesse et ses biens furent confisqués. Longtemps après (30 septembre 1572), il abjura et, après une série d’humiliations, rentra en grâce. N’ayant plus sa grosse fortune, ce marchand de pastel ne put terminer son beau logis ; lui ou ses fils se bornèrent à établir un étage sur le portique, la porte d’entrée et l’élégant balcon qui court le long du mur de la maison voisine.

Dessin de M. J. de Lahondès
toulouse. — hôtel de pierre assézat (1555)
Palais des Académies depuis 1897.

L’hôtel fut vendu, en 1761, au baron de Puymaurin, qui transforma l’intérieur au goût de son temps et détruisit les meneaux en croix des fenêtres. L’édifice s’est ainsi maintenu jusqu’à notre siècle, subissant les outrages du temps et des hommes.

En 1893, il passa aux mains d’un autre négociant enrichi, M. Ozenne, qui voulait y loger l’Académie des Jeux floraux, dont il était l’un des mainteneurs, la Société de géographie, dont il avait été le trésorier, et d’autres compagnies savantes de Toulouse reconnues d’utilité publique, où il comptait de nombreux amis. Il le donnait à la Ville en spécifiant cette destination, et à sa mort, survenue en 1895, son légataire universel se trouva chargé de l’exécution de ses volontés. Celui-ci, M. Antonin Deloume, professeur à la Faculté de Droit, secrétaire perpétuel de l’Académie de législation, se consacra à cette mission délicate, hâta de son mieux et de ses deniers la mise en état des bâtiments et procéda à l’installation des Sociétés.

M. Deloume s’en tint à des travaux de dégagement et de consolidation. Il fit disparaître les banales masures qui voilaient l’œuvre de la Renaissance. On raffermit les murs insolides, sans entreprendre la réfection des belles façades qui s’imposera plus tard. Au dix-huitième siècle, tout l’intérieur avait été remanié, puis tout avait été abîmé. Les salons reprirent leur ampleur, les plafonds ornés, les boiseries Louis xvi reparurent avec leur grâce et leur éclat.

L’Académie des Jeux floraux, l’Académie de législation, l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres, la Société de géographie, la Société archéologique, la Société de médecine se partagèrent les étages. Au rez-de-chaussée, plusieurs salons sont réunis en forme de galerie, qui peut recevoir quatre cents personnes. C’est la salle commune des Académies.

D’autre part, la galerie sur le portique fut mise en état de recevoir la bibliothèque commune, qui n’a pas moins de cinquante mille volumes, classés et inventoriés par les soins de l’un des académiciens, M. Crouzel, bibliothécaire de l’Université. On espère que la ville contribuera à l’entretien de ce fonds extrêmement précieux et que la présence constante d’un bibliothécaire permettra l’entrée libre du grand public.

Un Conseil, dans lequel chaque compagnie est représentée par deux délégués, administre l’hôtel d’Assézat et de Clémence-Isaure (dénomination choisie par M. Ozenne), veille à sa conservation, favorise les intérêts généraux et particuliers des Sociétés et sert d’intermédiaire entre elles et la Ville ou les pouvoirs publics. Il est présidé depuis sa création par M. Antonin Deloume, dont le nom est associé à celui de son ami M. Ozenne dans la reconnaissance de la cité.


L’ACADÉMIE DES JEUX FLORAUX

En 1323, sept troubadours toulousains s’unirent pour inviter tous les poètes à concourir le 1er mai de l’année suivante. Le vainqueur devait être récompensé d’une violette d’or. Ainsi eut lieu la première « joie de la violette » et d’autres à pareil jour régulièrement. Ces fêtes, établies après la longue et sanglante croisade contre les Albigeois et la disparition de la dynastie comtale de Toulouse, furent empreintes du sentiment éminemment catholique qui caractérisait dès lors l’ancienne capitale du Midi de la France. Les sujets relatifs à l’amour profane étaient rigoureusement proscrits par les prescriptions formelles de las Leys d’Amor. Le texte original de ces lois existe encore et constitue le plus précieux monument de la langue romane. À chaque page des Joyas del Gay Saber qui le suivent, on lit une invocation à la Vierge Marie. Dans les Cansos et Dansas de nostra Dona, dont l’inspiration est empruntée aux litanies de la Vierge, on a deux fois isolé « la clémence » des autres vertus de la mère de Jésus, et il semble bien que c’est là le point de départ de la substitution de Dame Clémence, patronne des Jeux floraux. Plus tard, la Renaissance devait inventer le nom d’Isaure, dont se sont emparé la légende et l’histoire. Le Collège du Gai-Savoir, dès ses débuts, fut aidé par les libéralités de la ville, et l’histoire a enregistré ses fluctuations, l’importance inégale de ses diverses périodes et de ses concours renommés. Au dix-septième siècle, des festins plantureux, des fêtes ruineuses avaient succédé aux gracieuses réunions primitives.

En 1694, le roi, sur l’avis de Colbert et grâce à l’influence du Toulousain de Laloubère, littérateur, mathématicien, ambassadeur en lointains pays, érigea par lettres patentes en Académie des belles-lettres les Jeux floraux de Toulouse. Les statuts de 1773 sont encore, à peu de chose près, en vigueur et les mainteneurs, au nombre de quarante, ont un secrétaire perpétuel ; chaque trimestre, le modérateur (président) des assemblées est tiré au sort. Les auteurs qui plusieurs fois ont obtenu certaines fleurs de choix et ceux qui comptent parmi les illustrations nationales ou étrangères peuvent recevoir le titre de Maître ès Jeux. Les femmes peuvent prétendre aussi à cette distinction enviée. Les maîtres siègent avec les mainteneurs quand « les jeux sont ouverts ». L’Académie tient séance alors en trois bureaux, qui jugent en même temps les mêmes œuvres, et les pièces montées une fois, deux fois, trois fois, passent encore au bureau général, qui définitivement sépare les mentionnées, les imprimées, les couronnées et fixe les prix. Le 3 mai a lieu la traditionnelle Fête des fleurs dans le palais municipal, à la salle des Illustres, au milieu d’une foule immense et pompeusement parée.

L’Académie perdit tous ses biens à la Révolution et retrouva seulement plus tard quelques-uns de ses manuscrits et quelques livres. Des bienfaiteurs ont peu à peu reconstitué sa fortune, en même temps que diminuaient et disparaissaient les subventions officielles. M. Ozenne surtout mérite, à cet égard, sa gratitude et celle des Toulousains. Actuellement l’Académie dispose des prix suivants : Fleurs d’or : la violette, 750 francs (fondation de M. de Roquemaurel, capitaine de vaisseau) ; le jasmin, 750 francs (fondation de la marquise de Blocqueville, prix d’Eckmühl) ; l’immortelle d’or, 500 francs ; l’églantine, 450 francs ; l’amarante, 400 francs. D’autres en argent : le lis, en l’honneur de la Vierge ; le souci, l’œillet, la primevère.

L’Académie place au premier rang les poésies en langue française. La fondation de M. Ozenne lui permet de récompenser celles de langue d’oc.

Le jasmin, la violette, l’immortelle peuvent être décernés à des œuvres en prose.

Deux prix de 1 500 francs (fondation Camille Pujol) sont offerts pour deux ouvrages de prose ou de poésie sur Toulouse, sa région, les faits ou les personnages de son histoire. Une année sur quatre le concours est attribué aux œuvres de langue d’oc ou intéressant cette langue (manuscrits ou imprimés).

Un prix de 500 francs (fondation Maury, négociant toulousain), pour un sujet d’intérêt public, est réservé aux auteurs nés à Toulouse.

Le legs Ozenne a favorisé enfin les malheureux. L’Académie décerne des prix de vertu ou de mérite, qui peuvent s’élever à un total de 5 500 francs, aux personnes domiciliées dans la Haute-Garonne ou dans un des départements limitrophes.

L’Académie peut, en outre, s’intéresser aux familles nombreuses (legs Sage, négociant toulousain).


ACADÉMIE
DES SCIENCES, INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

L’histoire de cette Compagnie remonte au dix-septième siècle. Les amis des sciences et des belles-lettres appartenant à la haute société de Toulouse s’étaient groupés, dès 1640, et leurs conférences académiques avaient quelquefois de l’écho jusqu’à Paris et à l’étranger. La ville octroya aux membres un logis. Mais l’institution disparut lorsque l’Académie des Jeux floraux bénéficia des lettres patentes. Trente ans plus tard, en 1729, elle renaissait sous le titre de Société des sciences et de suite attira l’attention par l’importance de son œuvre. Son Jardin des Plantes fut ouvert aux pauvres, qui allaient y chercher des remèdes. Son Observatoire, fondé par Garripuy, était renommé. Si bien qu’elle fut favorisée, à son tour (1746), des lettres patentes et devint Académie royale. M. de Saint-Florentin écrivait en ces termes au président, pour lui annoncer le privilège d’imprimer : « Le Roi a décidé que son attention et ses bontés ne se porteraient dorénavant que sur les Académies qui, sans négliger les belles-lettres, s’appliqueraient particulièrement à des sujets utiles, comme à l’histoire naturelle du pays, aux singularités physiques qui s’y trouvent, aux mines, aux eaux minérales, à l’histoire civile et ecclésiastique du pays, à ses anciens monuments,… » C’était le programme des travaux : il fut rempli par des hommes qui constituaient vraiment une élite.

Ils virent venir à eux d’illustres naturalistes et physiciens, et en tête Linnée. Parmi les bienfaiteurs de l’Académie, M. François de Riquet, comte de Caraman, membre honoraire, se signala par ses largesses.

Elle inaugura des cours publics de mathématique (géométrie, astronomie, physique…) ; de médecine (anatomie, chimie, botanique) ; de littérature (connaissance des monuments antiques, des médailles, des inscriptions, langues grecques et hébraïques). « Ces cours seront faits dans l’hôtel de l’Académie par trois de ses membres élus au scrutin. Ils auront un logement et une pension de 150 livres, et, jusqu’au moment où la pension sera payée, 15 livres de bougie. »

Il est question d’un laboratoire de chimie, d’un cabinet d’anatomie et d’histoire naturelle.

Des observations météorologiques sont enregistrées.

L’Académie ouvre un concours annuel. Les pièces couronnées sont imprimées, et, en 1782, paraissent les mémoires in-4o dont on a quatre volumes.

La Révolution déposséda et dispersa l’Académie. Rétablie par arrêté préfectoral en 1807, elle a publié depuis lors soixante volumes de mémoires qui sont un véritable trésor pour les érudits et les savants.

Ses ressources sont très modestes. Le Département et la Ville ont diminué leurs subventions, L’État n’en donne plus et les particuliers ne songent pas à suppléer à ces défaillances. Les membres de l’Académie sont obligés de se cotiser pour couvrir les frais de l’impression des Mémoires.

L’Académie dispose pour ses concours de plusieurs prix annuels : prix Gaussail, décerné alternativement aux lettres et aux sciences (667 fr.) ; prix Ozenne (306 fr.).


SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
du midi de la france.

Fondée en 1831 et par conséquent une des doyennes des Sociétés archéologiques, cette Compagnie fut reconnue d’utilité publique en 1850. Le nombre de ses membres est limité à quarante associés résidants, mais elle compte, en outre, des membres libres, honoraires et correspondants. Elle à contribué largement aux progrès du Musée des antiques de Toulouse, dans l’ancien couvent des Augustins. On lui doit aussi le Musée des petites antiquités et du mobilier, le Cluny Toulousain, inauguré en 1892, par le maire C. Ournac, dans l’ancien collège Saint-Raymond, en face de Saint-Sernin.

Quinze volumes de Mémoires ont paru ; un Bulletin annuel, commencé en 1869, rend compte des séances hebdomadaires toujours très occupées.

La Société offre à ses lauréats le prix de Clausade et le prix Ourgaud et des médailles d’encouragement.

Une des premières en France, elle fit des excursions archéologiques et parcourut le Midi toulousain où les monuments de toutes les époques sont si nombreux. Ses conférences-promenades à Toulouse même, dans les vieilles rues et les musées, sont très suivies.

Elle possède, à l’hôtel d’Assézat, une importante galerie de dessins et cartes d’intérêt local archéologique ou historique et une précieuse bibliothèque fort bien tenue.


ACADÉMIE DE LÉGISLATION.

Le 7 mai 1851, dans une salle du Tribunal de première instance de Toulouse, une réunion de magistrats, de professeurs et d’avocats arrêta la rédaction des statuts de cette Académie vouée aux études austères, ennemie d’une banale popularité. Quatre ans après, elle instituait la fête de Cujas. Le Ministre de l’Instruction publique et le Conseil municipal s’associèrent à cette inspiration réparatrice en fondant deux médailles d’or comme récompense des mémoires couronnés, et, pour sanctionner avec plus d’éclat la nouvelle institution, ce fut aux académiciens que le Ministre attribua l’honneur de juger, dans un concours suprême, les lauréats de toutes les Facultés de France, dérogation peu commune au grand principe de centralisation nationale.

Ses travaux lui avaient mérité une réputation européenne. On vit un illustre professeur de Leipsig lui dédier l’œuvre capitale de sa vie, son Recueil de constitutions impériales. Ses volumes annuels renferment de remarquables travaux.

Le nombre de ses membres est limité. Comme d’autres Académies, elle a hérité de M. Ozenne d’une somme qui lui permet d’ajouter à ses grands prix une ou plusieurs médailles d’or.

Elle fut reconnue d’utilité publique en 1871.


SOCIÉTÉ DE MÉDECINE.

Fondée en 1801, reconnue d’utilité publique en 1853, composée de quarante membres résidants, elle doit à la générosité de MM. le Dr Naudin, le Dr Gaussail et Couseran, qui lui avaient appartenu, des prix de 600, de 400 et de 500 francs.

Elle à des séances hebdomadaires et publie un bulletin.


SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE.

Fondée en 1884, sur l’initiative d’un propriétaire agronome du Tarn, M. Monclar, par M. le colonel Blanchot, de l’état-major du xviie corps, et M. Émile Cartailhac, secrétaire de la Société d’histoire naturelle de Toulouse, la Société de géographie eut tout d’abord une grande activité. Le patronage des généraux lui attrait le concours de nombreux officiers, et de très distingués fonctionnaires, professeurs et ingénieurs donnaient aussi leur adhésion et payaient de leur personne. Les sociétaires, en nombre illimité, se plaisent à des conférences fréquentes qui les tiennent au courant des principales explorations, des mœurs des peuples éloignés et des plus importants problèmes économiques du commerce et de l’industrie.

La Société publie un Bulletin trimestriel que son secrétaire général rédige avec beaucoup de soin et qui est, en fait, une véritable revue de géographie.

Elle fait, autour de Toulouse, des excursions très suivies.

La Société favorise, dans nos établissements toulousains d’instruction secondaire, l’enseignement de la géographie. Elle couronne les meilleurs élèves.

C’est dans son sein que l’on s’est d’abord groupé pour former le Syndicat d’initiative local qui fonctionne aujourd’hui à côté d’elle et fait connaître au loin l’intérêt et l’attrait de notre Midi et engage celui-ci à recevoir de mieux en mieux ses visiteurs.

Telles sont les Académies et Sociétés occupant seules l’hôtel d’Assézat et de Clémence Isaure, suivant les volontés du généreux donateur. Tous les soirs, pour l’une d’elles, un étage s’illumine, et le public qui passe auprès de la ruche laborieuse peut voir affiché sous le portique l’ordre du jour des séances, à côté du programme permanent des divers concours.

Toulouse possède encore d’autres Sociétés savantes ou littéraires dont l’Annuaire de la Haute-Garonne contient les noms et l’historique.

Parmi les plus anciennes, nous citerons la Société d’histoire naturelle, fondée en 1866, peu après l’ouverture du Musée d’histoire naturelle. Elle en était en quelque sorte le complément et contribua sérieusement à ses progrès. Les amateurs étaient alors nombreux et passionnés. Pharmaciens et docteurs, en particulier, avaient formé des collections spéciales remarquables. Le Bulletin de la Société publia quantité de catalogues et de notices qui seront toujours consultés. La première, elle mit à la mode les excursions à travers le Midi pyrénéen. C’est de son sein que sont sorts les premiers adhérents de la section centrale du Club alpin français, de la Société de géographie et de la Société de photographie.

E. C.