Les Fouilles de l’acropole d’Athènes

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Les Fouilles de l’acropole d’Athènes
Maxime Collignon

Revue des Deux Mondes tome 97, 1890


LES FOUILLES
DE
L'ACROPOLE D'ATHENES

Athènes réserve plus d’une surprise au voyageur qui la revoit après un intervalle de quelques années. Des quartiers neufs s’élèvent là où l’on avait laissé une sorte de désert ; des maisons coquettes alignent leurs façades blanches jusque sur les pentes du Lycabette, où des rues, percées d’hier, dessinent un réseau régulier. Des musées spacieux, bien aménagés, abritent les collections d’antiquités, autrefois entassées pêle-mêle dans des dépôts provisoires. Tout témoigne d’une activité féconde, où le progrès matériel et le zèle scientifique ont également leur part. Mais c’est encore à l’Acropole que les surprises les plus vives attendent le voyageur, s’il y apporte quelque chose de plus que la banale curiosité du touriste pressé et des connaissances plus précises que l’érudition de circonstance puisée dans les guides.

L’antique citadelle d’Athènes a été le théâtre de découvertes importantes, qui ont renouvelé l’étude de l’art attique et éclairé d’un jour tout nouveau l’histoire monumentale de l’Acropole. Elles ont eu le privilège d’intéresser non seulement les archéologues, mais encore le public plus étendu, fort nombreux en France, qui sait apprécier tout le charme des œuvres grecques ; à plusieurs reprises, la presse a signalé les trouvailles de l’Acropole[1].

Aujourd’hui, les fouilles sont fort avancées, et les richesses qu’elles ont mises au jour sont disposées en bon ordre dans le musée où elles ont pris place. Le moment est donc opportun pour exposer dans leur ensemble les résultats acquis. Nous essaierons de le faire, après un voyage qui nous a permis d’assister à la fin des travaux les plus importans.


I

Pour l’œil le moins attentif, l’Acropole s’offre dès l’abord sous un aspect nouveau. On n’y accède plus par la vieille porte décorée d’inscriptions turques où avaient passé tant de générations de touristes ; elle n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir. Une route carrossable, soutenue par un énorme remblai, aboutit à la porte de Beulé, devenue l’entrée d’honneur. Sur la gauche, les murs helléniques et le rocher qui les supporte ont été dégagés de leurs revêtemens modernes et mis à nu ; il ne reste plus trace du bastion d’Odysseus Androutsos, le héros du Khani de Gravia ; l’inscription rappelant qu’il avait été construit « par le stratège des Grecs » a disparu avec lui. Les Propylées franchis, on aperçoit l’Érechthéion profondément déchaussé à sa base ; entre cet édifice et le Parthénon, on voit affleurer les vestiges d’un temple ignoré jusqu’ici et dont le plan se lit sans peine sur le sol soigneusement déblayé. Plus loin, c’est une entrée nouvelle de la citadelle, avec un fragment du mur pélasgique, et, devant la façade orientale du Parthénon, les ruines d’un temple de Rome et d’Auguste. Pendant tout l’été de 1888, le Parthénon lui-même a présenté un spectacle tout à fait imprévu, qu’il ne sera pas donné de longtemps de revoir. Entre le temple et le mur sud, construit par Cimon, s’ouvrait une large tranchée qui mettait à découvert un mur énorme servant de soubassement à l’édifice. Des ouvriers, les uns accoutrés de guenilles, les autres vêtus du pittoresque costume des îles, travaillaient avec une sage lenteur à transporter dans des couffes de jonc les terres et les débris accumulés ; d’autres roulaient, le long du mur d’enceinte, les tambours de colonnes épars çà et là depuis l’explosion de 1687. De longue date, pareille activité n’avait régné sur le plateau de l’Acropole, où la solitude habituelle était à peine troublée par quelques rares visiteurs ou par le pas nonchalant des vieux gardiens des ruines.

L’historique des fouilles peut se faire en quelques mots. Les premiers essais d’exploration méthodique entrepris dans l’enceinte de l’Acropole remontent à dix ans. En 1879, M. Lambert, architecte du palais de Versailles, alors pensionnaire de l’Académie de France à Rome, fit exécuter des sondages autour de l’Érechthéion. Deux ans plus tard, un de ses successeurs, M. Blondel, eut l’idée de reconnaître le niveau du rocher entre le temple et le rempart septentrional ; quelques coups de pioche de plus, et l’on arrivait à la couche de débris où étaient enfouies les précieuses statues découvertes par la suite. Malheureusement, des incidens sans gravité, grossis à dessein, firent suspendre les travaux de notre compatriote. Des tessons, jetés par-dessus le mur, avaient brisé les vitres d’une maison ; un caillou avait atteint un enfant : tels sont les misérables prétextes qu’allégua la mauvaise volonté de l’éphore général des antiquités alors en fonctions. Il fallut renoncer à pousser plus loin les recherches. Quelques années plus tard, la Société archéologique d’Athènes se mettait à son tour en campagne et entreprenait de sonder partout le sol jusqu’au roc vif. Le nouvel éphore des antiquités, M. Stamatakis, fit quelques trouvailles heureuses ; mais la mort le surprit en 1885. Son successeur, M. Cavvadias, a été plus heureux. C’est lui qui a reconnu les vestiges de l’ancien temple d’Athéna, antérieur au Parthénon, et qui, non loin de là, a mis la main sur un véritable trésor. On n’a pas oublié quel retentissement ont eu ses premières découvertes. Toute la presse européenne a raconté comment, le 5 février 1886, en présence du roi Georges, ses ouvriers exhumèrent, près de l’Érechthéion, une admirable statue de femme, de style archaïque, bientôt suivie de six autres ; un véritable coup de fortune amenait au jour une série d’œuvres charmantes, enfouies depuis des siècles avec les débris accumulés par l’invasion des Perses. Mais M. Cavvadias ne s’en est pas tenu là. Avec une énergie et un esprit de suite auxquels il n’est que juste de rendre hommage, il a réalisé le rêve de tous les archéologues et exploré le sol si fertile en richesses qui recouvre le rocher. Pas un coin de terre qui n’ait été remué ; on peut dire que l’Acropole a livré tous ses secrets. Le plan de M. Cavvadias n’est cependant pas encore entièrement exécuté. L’éphore général prétend dégager la citadelle de toutes les ruines turques, byzantines ou romaines qui cachent çà et là les murs helléniques et faire reparaître, dans toute leur pureté, les contours du rocher sacré. Ces projets n’ont pas été sans provoquer à Athènes une vive émotion. Dans le monde lettré, l’opinion s’est partagée en deux camps : les partisans fervens et exclusifs de l’antiquité classique, et ceux pour qui les souvenirs de l’histoire moderne sont également respectables ; nous ne parlons pas des indifférens, qui ne connaissent l’Acropole que de loin. Il y a plusieurs mois, un journal d’Athènes publiait un article intitulé : « Sauvez l’Acropole ! » A l’en croire, elle n’était pas moins menacée qu’au temps de Xerxès ; des barbares contemporains allaient la mutiler et effacer les plus glorieux souvenirs de la guerre de l’indépendance. En réalité, c’est une question de mesure dans l’application du programme de M. Cavvadias. Personne ne regrettera la démolition de quelques pans de mur d’appareil byzantin ; mais donner à l’Acropole l’aspect d’une ruine neuve, soigneusement nettoyée, serait une grave faute de goût. C’est déjà trop qu’on l’ait flanquée de disgracieux terrassemens, pour épargner aux touristes quelques minutes de marche.


II

Si l’on veut apprécier les résultats des fouilles au point de vue historique, il faut faire table rase des monumens élevés au cours du ve siècle siècle, supprimer le Parthénon par la pensée, oublier Périclès, Ictinos et Phidias, et se reporter à la veille des guerres médiques, au moment où la citadelle d’Athènes, embellie par Pisistrate et par ses fils, offrait un tableau fidèle de l’art du vie siècle siècle. Ce n’est pas la seule violence que nous devions faire à nos souvenirs. Le plateau allongé qui couronne le rocher n’avait ni la même forme, ni le même aspect qu’aujourd’hui ; il présentait d’étranges irrégularités. On a pu le comparer à une sorte de dos d’âne dont l’arête aurait couru suivant l’axe le plus long. Du côté sud, là où s’élève aujourd’hui le Parthénon, le sol se dérobait brusquement et une dépression profonde diminuait la largeur du plateau. Au nord, la pente était moins abrupte. Il avait suffi d’y jeter trois mètres de remblais environ pour obtenir une plate-forme, où se dressaient les sanctuaires les plus vénérés de l’ancienne Athènes, ceux qui abritaient le trou du trident de Poséidon et l’olivier sacré d’Athéna. C’est là que Pisistrate construisit ou agrandit le temple dont les ruines ont été récemment découvertes.

L’édifice, entouré d’une colonnade dorique, avec six colonnes à chaque façade, était bâti en pierre calcaire du Pirée, recouverte d’un stuc très fin. Seuls, les métopes, les corniches, l’encadrement des frontons et les tuiles du toit étaient en marbre blanc à gros grain. Cet emploi simultané du marbre et du tuf ne laisse aucun doute sur la date du temple : c’est bien la technique du xie siècle siècle. Les soubassemens permettent de déchiffrer très nettement le plan adopté par les architectes de Pisistrate[2] : on distingue la cella, les deux chambres servant de dépôt pour les objets précieux et les offrandes, l’opisthodome ou chambre postérieure. Mais ces arasemens, avec quelques membres d’architecture, sont tout ce qui a échappé aux ravages des Perses de Xerxès. Lorsque, au mois de Boedromion de l’année 480, les Perses forcèrent l’entrée de l’Acropole, où s’étaient barricadés quelques Athéniens, avec les trésoriers des richesses sacrées et la population indigente, le temple de Pisistrate partagea le sort des autres édifices de l’Acropole ; il fut pillé et incendié. Quelques fragmens trouvés dans les fouilles portent encore la trace des flammes allumées par les soldats de Xerxès et qui, au dire d’Hérodote, calcinèrent jusqu’aux murailles de la citadelle.

Rentrés dans leur ville, les Athéniens trouvèrent l’Acropole dévastée, les temples en ruines, les statues gisant mutilées sur le sol. Il fallut tout reconstruire. Le sanctuaire d’Athéna fut-il réédifié ? C’est là une question qui a soulevé de longues controverses. Le savant allemand à qui l’on doit une restauration du temple, M. Doerpfeld, affirme énergiquement que les Athéniens durent le rebâtir sans tarder : le Parthénon ne fut terminé que quarante ans plus tard ; or, dans cet intervalle, où aurait-on conservé le trésor de la cité, sans parler des offrandes précieuses accumulées par la piété des fidèles ? Seulement, au dire de M. Doerpfeld, on réduisit les proportions de l’édifice en supprimant la colonnade qui régnait tout autour, et ainsi, lorsque commença la construction de l’Érechthéion actuel, on put sans scrupule engager dans les fondations du nouveau monument le stylobate devenu inutile de l’ancien temple d’Athéna. M. Doerpfeld va plus loin encore ; il affirme que le vieux sanctuaire, relevé de ses ruines après les guerres médiques, survécut à l’achèvement du Parthénon, qui devait le remplacer, et qu’à l’époque romaine le voyageur grec Pausanias le vit encore debout[3]. Il nous faudrait donc modifier toutes nos idées sur l’Acropole et nous imaginer le temple du vie siècle siècle, dépouillé de ses colonnes, dressant ses murailles nues entre la fière colonnade du Parthénon et l’élégante tribune des Cariatides. À cette spécieuse théorie, on peut opposer bien des objections[4] ; la plus sérieuse est que, dans cette hypothèse, il est impossible de comprendre l’utilité de la tribune de l’Érechthéion. Qu’on se fasse les idées les plus larges sur le goût des Grecs en matière d’architecture, qu’on leur prête tout le dédain possible pour la symétrie, pour les perspectives régulières auxquelles l’art moderne nous a habitués ; on ne s’en refuse pas moins à se figurer les Cariatides masquées par un mur et séparées du temple voisin par un étroit passage de deux mètres. Le charmant ouvrage qu’on appelle la tribune avait été fait pour être vu. Où donc aurait-on pris le recul nécessaire ? Et comment comprendre qu’on ait aveuglé un portique dont la destination la plus claire était de ménager aux jeunes errhéphores, sévèrement recluses, le spectacle des fêtes religieuses de l’Acropole ? Suivant toute vraisemblance, le temple ne fut pas rebâti après l’invasion des Perses. Athènes allait d’ailleurs consacrer à la déesse protectrice de la cité un autre monument plus vaste et plus digne d’elle, à savoir le Parthénon. On s’est parfois étonné du long intervalle qui sépare la fin des guerres persiques de la dédicace du Parthénon ; on s’est demandé quelles pouvaient être les causes de ce retard. Les fouilles récentes nous donnent la solution du problème ; elles nous apprennent que les travaux avaient été commencés de longue date, et montrent au prix de quels efforts fut préparé l’emplacement où devait s’élever l’œuvre d’Ictinos.

Ce n’est pas au lendemain de l’invasion que les Athéniens purent songer aux travaux d’art de l’Acropole. La reconstruction des quartiers incendiés, les travaux de défense de la ville et du Pirée absorbèrent l’activité de Thémistocle. L’honneur d’avoir conçu le plan d’une restauration de l’Acropole en ruines revient à Cimon, et ce n’est pas le moindre intérêt des fouilles d’avoir mis son œuvre en pleine lumière. Œuvre ingrate à vrai dire ; car le rôle du fils de Miltiade s’est borné à accomplir les travaux préparatoires dont Périclès a recueilli le bénéfice. L’ancienne Acropole n’était qu’un roc inégal : Cimon entreprit de le niveler, d’élargir ce plateau trop étroit et de lui donner l’aspect d’une plate-forme régulière. À l’endroit le plus abrupt, là même où le sol se dérobait, il jeta hardiment les fondations du temple qui devait être le Parthénon. Pour obtenir l’espace nécessaire, il fallait gagner sur le vide plus de quarante mètres de superficie. Cimon fit construire une immense terrasse artificielle, qui s’éleva graduellement, en même temps que le mur nord de l’Acropole ; dans l’intervalle, entre le mur extérieur et le soubassement du temple, on accumula pêle-mêle les débris des édifices et des statues détruits par les Perses. Au cours des dernières fouilles, M. Cavvadias a mis au jour ce prodigieux soubassement dont Ross, en 1836, et M. Ziller, en 1864, avaient déjà, par des sondages, constaté l’existence. Il est formé d’assises régulières, en pierre calcaire du Pirée, et, à l’angle sud-est du temple, il atteint une profondeur de douze à quinze mètres. Qu’on imagine le Parthénon d’Ictinos, vu du côté sud, se dressant, comme une statue sur sa base, sur cet énorme piédestal : tel est le spectacle unique dont ont pu jouir ceux qui ont assisté aux fouilles avant que les travaux terminés eussent rendu à cette partie de l’Acropole son aspect habituel.

Le Parthénon de Cimon ne fut jamais achevé. Les luttes politiques, l’exil, enfin la mort, l’empêchèrent de mener son œuvre à bonne fin. Les colonnes de marbre préparées pour le futur édifice servirent à construire le mur nord de la citadelle ; le temple décoré par Phidias s’éleva sur la terrasse si laborieusement créée par le prédécesseur de Périclès. Il a fallu plus de vingt siècles pour que le nom de Cimon fût enfin associé à celui du Parthénon.


III

Les fouilles d’Athènes ne renouvellent pas seulement l’histoire monumentale de l’Acropole ; elles nous révèlent, avec une singulière précision, l’histoire de la sculpture attique avant les guerres médiques. Si l’on compare la riche série des marbres exhumés depuis cinq ans aux trop rares monumens qui nous renseignaient seuls sur l’ancienne sculpture athénienne, on peut dire, sans exagérer, que les découvertes de la Société archéologique ont été une révélation. Les sculptures de l’Acropole sont déjà bien connues du public savant ; elles ont été reproduites en partie dans un recueil intitulé les Musées d’Athènes, d’après des photographies de M. Rhomaïdès[5]. Fort heureusement, l’Exposition universelle de 1889 leur a donné une publicité plus étendue. La commission de la section grecque a eu l’heureuse idée d’exposer de très belles photographies qui traduisent, beaucoup mieux que les planches des Musées d’Athènes, le caractère des originaux ; elle y a joint une grande aquarelle de M. Gilliéron, où d’importans morceaux de sculpture polychromée sont fidèlement rendus avec leurs tons éclatans. C’est pour nous un secours inattendu, qui nous permet d’invoquer au besoin les souvenirs personnels de nos lecteurs.

L’école attique, à laquelle était réservée une si brillante fortune, a eu des débuts fort modestes. Elle ne joue aucun rôle dans l’histoire des origines de l’art. Tandis que les écoles de Chio et de Samos revendiquaient, pour leurs maîtres primitifs, l’honneur d’avoir les premiers travaillé le marbre et inventé la fonte en forme, les Athéniens se contentaient de dire que leurs plus anciens sculpteurs étaient élèves de Dédale. Nous savons aujourd’hui ce qu’il faut penser de cette prétention. En accaparant au profit d’Athènes la légende du vieux maître crétois, le patriotisme local donnait à l’école attique le prestige d’origines très vénérables et la faisait naître en dehors de toute influence étrangère. Les découvertes de l’Acropole nous montrent au contraire une école très composite, qui s’est formée sous l’action des artistes de la Grèce orientale et des îles, et qui leur doit une partie de ses plus précieuses qualités. Nous pouvons même remonter au-delà de cette période d’initiation et saisir sur le vif les premiers essais de l’art dans l’Athènes du vie siècle siècle.

Comme les sculpteurs archaïques de la Béotie, de la Sicile et du Péloponèse, ceux de l’Attique ont travaillé d’abord une matière moins rebelle et moins noble que le marbre. Les fouilles de 1888, en mettant au jour toute une série de sculptures en pierre calcaire, le prouvent formellement. Il est facile de comprendre la raison de cette préférence. Le tuf blanchâtre du Pirée se prêtait mieux que le marbre du Pentélique aux efforts d’artistes encore inhabiles, peu maîtres de leur ciseau, habitués d’ailleurs, par le travail du bois, à procéder par larges plans, sans serrer la forme de très près. Cette pierre poreuse est-elle la pierre appelée πελλάτας (pellatas), dans laquelle, au dire de Clément d’Alexandrie, un ancien sculpteur attique, Simmias, avait taillé une statue de Dionysos ? Il est permis de le croire. Ce qui est certain, c’est que les sculptures en tuf accusent, par le style et par la technique, une date fort reculée.

Les nombreux fragmens retrouvés appartiennent à de grandes œuvres décoratives, exécutées en très fort relief, et destinées à figurer dans des tympans de frontons. Il a fallu de longs mois de recherches pour rapprocher les morceaux épars ; grâce à ce travail de patience, on a pu restituer trois des groupes principaux[6]. Le moins incomplet est celui que reproduit la peinture de M. Gilliéron. L’artiste a représenté un être monstrueux, où l’on s’accorde à reconnaître Typhon, le génie de l’ouragan, l’adversaire de Zeus, qu’Hésiode décrit comme un « dieu terrible, aux bras indomptables, aux pieds infatigables. » Trois torses à tête humaine, terminés par des queues de serpent, occupent la partie la plus large du fronton ; de grandes ailes étendues remplissent le fond, et les anneaux bleus et rouges des queues de reptiles s’enlaçant, s’enroulant autour des torses, se déploient ensuite et s’allongent dans la partie la plus resserrée du tympan. Pour des yeux habitués aux raffinemens de l’art grec à l’époque classique, ce groupe donne l’impression d’une étrange barbarie. Les têtes surtout sont bien faites pour dérouter toutes les idées reçues. Une de ces têtes, que l’on a rajustée sur l’un des torses de Typhon, offre tous les caractères de l’archaïsme le moins avancé : de gros yeux saillans, très ouverts, cernés par des paupières à angles vifs, avec des prunelles en relief où l’iris est incisé ; des lèvres aux contours très nets, relevées aux coins par un sourire ; une barbe en pointe, légèrement ramenée sous le menton et rasée sur les joues, qu’elle encadre en formant une légère saillie, comme une pièce de métal rapportée. Ajoutez une moustache découpée en relief avec le même soin, une chevelure aux frisures régulières : vous aurez les traits les plus frappans de cette œuvre naïve et rude, qui, malgré toute sa gaucherie, contient déjà les élémens essentiels d’un type cher aux sculpteurs attiques.

Le triple corps de Typhon occupait la partie droite d’un fronton. Faut-il le rapprocher d’un second groupe, représentant le combat d’Héraclès contre Triton, et qui remplissait à coup sûr l’aile gauche d’un fronton semblable ? M. Lechat, qui a étudié avec soin ces groupes restitués, incline à le croire. « Il serait extraordinaire, écrit-il, si ces groupes proviennent de deux frontons différens, qu’on eût retrouvé complète la moitié de chacun des frontons, et pas un fragment de l’autre moitié ; l’on est tenté, naturellement, de les réunir. » Un examen plus minutieux nous apprendra si nous possédons un ensemble complet de cette sculpture monumentale en tuf. Quoi qu’il en soit, le groupe de Triton et d’Héraclès est bien du même style que le Typhon, et rappelle en outre de très près le sujet analogue traité sur un des morceaux de la frise du temple d’Assos, conservée au musée du Louvre. Comme dans la frise d’Assos, le héros étreint vigoureusement le dieu marin, dont le corps se prolonge en forme de queue de poisson, recouverte d’écaillés rouges et bleues. Un troisième groupe très mutilé montre un taureau terrassé par un lion, sujet décoratif emprunté à l’Orient, et reproduit à satiété par l’art grec primitif. Il y a là un morceau très digne d’attention : la tête du taureau, avec le mufle ponctué de trous indiquant la pousse des poils, est d’une exécution large et vigoureuse, supérieure à celle des têtes viriles. Au reste, la vigueur de style est le caractère dominant de ces sculptures ; on sent que les maîtres primitifs qui les ont exécutées y apportaient, à défaut de qualités plus fines, un entrain remarquable, et un sens décoratif déjà développé ; ils ont attaqué le tuf avec une audace et une décision naïves, procédant par larges plans, soucieux avant tout de l’effet d’ensemble.

L’œuvre du sculpteur était d’ailleurs complétée par le travail du peintre. Ce n’est pas le moindre intérêt des fouilles de l’Acropole, de nous avoir révélé une statuaire polychrome telle que l’imagination la plus hardie aurait eu peine à se la figurer. Tous ces groupes étaient revêtus d’une polychromie violente, presque invraisemblable, où dominaient les tons les plus éclatans, le rouge et un bleu très brillant, qui a toute l’intensité de l’outremer ; le jaune, le vert, le noir complétaient la palette du peintre. Le parti adopté pour l’emploi des couleurs n’est pas moins étrange. Qu’on examine par exemple la tête virile dont il a été question plus haut : les parties nues sont revêtues d’un ton de chair ; le globe des yeux est jaune, l’iris vert avec un trou rempli de couleur noire figurant la pupille ; la barbe et les cheveux étaient entièrement bleus, d’un bleu vif qui avait résisté en partie à un séjour prolongé dans la terre, et qui avait çà et là tourné au vert[7]. Quand on découvrit cette tête, les ouvriers la surnommèrent le Barba-Bleu ; les autres têtes trouvées par la suite ont droit au même nom, et présentent les mêmes particularités de technique. Quant au taureau dévoré par un lion, il était complètement peint en bleu, et strié çà et là de lignes rouges indiquant le sang qui coule sous les griffes du lion ; le mufle seul a conservé la couleur naturelle du tuf, sur laquelle se détache le rouge vif de la bouche et de la langue.

Quelles que soient les idées que l’on professe sur le goût des Grecs en matière de polychromie, il faut bien se rendre à l’évidence. Les Attiques, au VIe siècle, n’ont pas reculé devant les jeux de couleur les plus audacieux et les plus inattendus. Comment expliquer cette polychromie de pure convention, et cet emploi de couleurs contraire à toute réalité ? Faut-il admettre que, sous la lumière du soleil, les bleus jouaient le rôle des noirs ? Les peintres avaient-ils calculé d’avance des harmonies de tons dont l’effet ne pouvait être complet qu’après la mise en place de figures dans le tympan du fronton ? Ou bien devons-nous simplement reconnaître ici un emprunt fait aux arts de l’Orient ? Cette dernière hypothèse nous paraît la plus vraisemblable. Qu’on se rappelle les terres vernissées de l’Assyrie où les parties nues, comme le costume, sont revêtues d’une couleur bleue[8] ; qu’on songe encore, comme le rappelait justement M. E. Pottier[9], aux figures égyptiennes du temple d’Ipsamboul, aux Ammons bleus, aux Osiris verts, aux images royales dont les chairs étaient peintes en bleu, « Cette couleur, écrit M. Perrot, ne vise pas, comme la couleur du peintre moderne, à donner l’illusion de la vie ; elle sert au décorateur, d’une part, à satisfaire ce goût inné pour la polychromie que nous avons expliqué par l’intensité de la lumière méridionale, et d’autre part, à relever l’effet de ces figures qui, peintes de tons vifs, se détachent mieux ainsi sur la blancheur du fond[10]. » On peut appliquer ces réflexions aux sculptures de l’Acropole. L’ancien art grec se rattache par les liens les plus étroits à celui de l’Orient ; il n’a pas borné ses emprunts aux formes matérielles ; il a pris encore à ses modèles le goût de la polychromie brillante et vive, et il a subi, avec une grande intensité, l’influence de cette plastique orientale qui ne sépare pas la forme de la couleur.

Une autre série de sculptures en tuf achève de démontrer à quel point la polychromie de la statuaire, grecque primitive est conventionnelle. Il s’agit de deux autres frontons, trouvés dans les fouilles de 1882, au nord-est du Parthénon[11] et exécutés cette fois non plus en haut relief, mais avec un relief assez plat et peu ressenti. Ces frontons, composés chacun de six plaques de tuf, appartenaient sans doute à un sanctuaire d’Héraclès, le héros cher à l’Attique, et dont le culte était très populaire à Athènes avant que celui de Thésée vînt l’y supplanter. Comme dans les grands frontons que nous avons signalés, les exploits d’Héraclès ont fourni le thème traité par l’artiste. Ici, c’est le héros combattant contre l’hydre de Lerne, dont les têtes multiples et le corps enroulé sur lui-même occupent toute la partie droite du tympan ; à gauche, Iolaos remonte sur le char qui a amené le héros, et un énorme crabe s’avance vers le lieu du combat. L’autre fronton reproduit la lutte contre Triton. Tandis que dans les sculptures en tuf connues jusqu’ici, dans les métopes de Sélinonte par exemple, le fond seul est entièrement peint, dans les frontons en relief de l’Acropole, l’artiste a adopté un parti tout contraire. Il a conservé au fond sa couleur naturelle, une sorte de jaune pâle, tirant sur le brun ; les chairs des personnages sont peintes en rouge clair, et les accessoires, comme les rênes des chevaux, les jantes des roues, sont rehaussés d’un ton noir ou rouge. Ainsi colorié, le bas-relief s’enlève en sombre sur un fond clair, et l’effet produit rappelle, avec moins de vigueur, celui des figures noires peintes sur les vases d’ancien style grec. L’analogie est même assez frappante pour que M. P.-J. Meier propose d’attribuer le bas-relief à quelque artiste originaire de Chalcis, c’est-à-dire d’une ville où la céramique était florissante, et qui a exercé sur l’industrie attique à ses débuts une puissante influence[12].

On ne conteste plus, depuis des années, l’usage de la polychromie dans la statuaire grecque. Mais les documens faisaient défaut pour nous apprendre dans quelle mesure elle était appliquée, et quelle était l’origine de cette pratique. Nous savons aujourd’hui que la polychromie s’explique d’une part par l’imitation de l’Orient, et de l’autre par la nature des matériaux que mettaient en œuvre les sculpteurs grecs primitifs. Il est bien probable que les anciennes statues de bois étaient peintes de couleurs vives. Lorsque le travail du bois fait place à celui de la pierre, la peinture doit encore suppléer à l’inexpérience du ciseau de l’artiste ; c’est elle qui donne à l’œuvre son dernier fini, en même temps qu’elle dissimule les imperfections de travail inhérentes à la matière employée. Le tuf, avec son grain un peu gros, n’a ni le poli ni la délicatesse d’épiderme du marbre ; l’emploi de la peinture est une nécessité technique. À vrai dire, les sculpteurs subissent, comme les architectes, les exigences des matériaux qu’ils mettent en œuvre, et il est curieux de constater que, dans ces deux branches de l’art, la polychromie suit un développement parallèle. On sait que, pendant toute la période archaïque, les architectes grecs ont recouvert les parties hautes des temples de revêtemens de terre cuite richement polychromes ; les temples de la Sicile et de la Grande-Grèce, les trésors des villes grecques à Olympie, nous ont fourni des exemples remarquables de ce genre de décoration, qui s’allie souvent à l’usage de la peinture appliquée sur le stuc dont la pierre calcaire est revêtue. Un monument grec archaïque ne se comprend pas sans un grand luxe de couleurs vives. Quand le marbre remplace le tuf dans l’architecture, la polychromie tend à décroître. Il semble que les Grecs, tout en restant fidèles à une vieille tradition, aient éprouvé des scrupules devant le marbre, et se soient préoccupés surtout d’en faire valoir, par les ors et les couleurs, la blancheur éclatante et chaude. Le même fait se produit quand les sculpteurs abandonnent le tuf pour travailler le marbre. Les sculptures archaïques de l’Acropole vont nous montrer un emploi plus discret de la polychromie, lorsque le marbre de Paros se substitue à la pierre du Pirée sur laquelle s’était exercé le ciseau des premiers artistes de l’Attique.


IV

Les sculptures en tuf paraissent appartenir encore à la première moitié du VIe siècle. Quelques années plus tard, sous le gouvernement de Pisistrate, l’art va prendre un rapide essor. Il y a là, dans l’histoire d’Athènes, une période très brillante, que les découvertes archéologiques nous révèlent chaque jour. L’activité artistique et industrielle se développe avec une énergie singulière. La ville elle-même se transforme et devient bien différente de la petite cité aristocratique étroitement serrée contre le flanc sud de l’Acropole. Tandis que l’ancien quartier du Kydatltenaion, habité par les vieilles familles, se dépeuple graduellement, une population nouvelle se masse dans les faubourgs autour de l’Agora ; ce sont les marchands, les ouvriers d’art, les potiers du Céramique, dont l’industrie va bientôt supplanter sur les marchés du monde ancien celle de leurs rivaux de Chalcis et de Corinthe. L’exploitation des mines du Laurion amène un accroissement considérable de la richesse publique, en même temps que l’Attique cesse d’être un petit état purement continental pour devenir une puissance maritime. Grâce à l’énergique impulsion que Pisistrate et ses fils donnent aux travaux d’art, Athènes s’embellit rapidement. Leurs architectes construisent le temple d’Apollon Pythien, agrandissent les sanctuaires de l’Acropole, décorent de portiques la fontaine Callirrhoé et jettent les fondations de l’Olympieion.

Au commencement du Ve siècle, Athènes était une ville riche, peuplée d’oeuvres d’art, où tout témoignait de la prospérité qu’avait provoquée le gouvernement des Pisistratides. À mesure qu’on étudie les monumens, on s’aperçoit combien elle différait de l’Athènes de Périclès. La vie extérieure y revêtait des formes encore à demi orientales empruntées en grande partie à la Grèce asiatique. Jetez les yeux sur les peintures de vases de cette époque, vous vous sentirez transporté dans un monde qui n’est ni l’Orient, ni la Grèce de la période classique. Les costumes sont d’une grande richesse. Les femmes portent des vêtemens brodés, rehaussés de couleurs vives, qui ne rappellent en rien les étoffes unies dont s’habillent les contemporaines de Périclès ou d’Alexandre. Les hommes revêtent aux jours de fête le chiton ample et traînant des Ioniens, frisent soigneusement leur barbe et maintiennent avec des cigales d’or leur chevelure nattée ; c’est la forme de coiffure que les écrivains attiques appellent le crobyle et qu’avaient conservée, au temps de Thucydide, les vieillards restés fidèles aux anciennes modes. À ces apparences extérieures correspondent des mœurs, des idées, des sentimens qui font que l’Athénien du vie siècle ressemble fort peu à celui du ve. La vie sociale est encore profondément aristocratique ; la foi religieuse est intense ; l’élégance des mœurs n’exclut pas la violence des passions ; on trouve dans la vie de Pisistrate et de ses fils plus d’un trait qui peut nous faire songer aux Florentins du xvie siècle. Mais nous n’avons pas le loisir de nous attarder à cette analyse, ni d’esquisser, même sommairement, le tableau de la vie athénienne au temps des Pisistratides ; nous devons nous borner à retracer, d’après les découvertes récentes, l’histoire sommaire de l’art attique avant les guerres médiques.

Les travaux inaugurés par Pisistrate eurent pour premier résultat d’attirer à Athènes des artistes grecs d’origines très diverses. Si l’on consulte la série des signatures d’artistes gravées sur marbre et recueillies à Athènes[13], on y relève bien des noms étrangers : un Sicyonien, Aristoclès ; un Grec de Paros, Aristion ; un Chiote, Archermos ; un artiste du nom de Théodoros, qui paraît être un Samien ; enfin un des sculpteurs les plus illustres de l’école d’Egine, Onatas. La présence de ces maîtres à Athènes devait exercer sur le développement de la sculpture une influence considérable. Tout d’abord, ils allaient initier les artistes indigènes à la pratique de procédés plus perfectionnés et leur enseigner la technique du marbre et du bronze. À n’en pas douter, ce sont les artistes des îles de l’Archipel qui ont introduit en Attique la sculpture sur marbre, et il est même à noter que les statues archaïques d’Athènes sont le plus souvent exécutées en marbre des îles. Ce n’est pas tout. Ces étrangers apportaient des habitudes de style qui étaient loin d’être uniformes ; ils appartenaient à des écoles qui avaient chacune sa manière, ses types de prédilection, ses formules pour ainsi dire. C’est le mérite de l’érudition moderne d’avoir déterminé avec précision ces caractères particuliers, qui, sur le fond du vieux style grec archaïque, accusent la physionomie de chaque école ; on reconnaît aujourd’hui qu’à cette date, l’art grec n’est pas partout semblable à lui-même, qu’il a ses provinces et comme ses dialectes. La conséquence forcée de cette sorte d’immigration des artistes étrangers à Athènes, c’est que l’école attique, au temps des Pisistratides, revêt un caractère un peu composite. Si des affinités naturelles l’attirent vers l’art délicat et nerveux des îles, vers les écoles de Chio et de Naxos, elle subit encore d’autres influences ; elle emprunte quelque chose au style brillant et riche des Ioniens d’Asie-Mineure, à la facture précise des maîtres de Sicyone et des Eginètes, leurs élèves. Toutes ces qualités différentes se fondent et s’amalgament chez les maîtres attiques, et lorsque l’atticisme prend conscience de lui-même, il inaugure cette tradition d’art si personnelle et si originale qui se perpétue à travers les siècles avec des maîtres tels que Calamis et Praxitèle.

Les fouilles d’Athènes ont montré jusqu’à l’évidence quelle part revient aux écoles étrangères dans l’éducation du génie attique ; les monumens réunis dans le nouveau musée de l’Acropole en sont le vivant témoignage. S’ils déroutent nos idées au premier abord, on reconnaît bien vite qu’ils se classent suivant les écoles dont ils dérivent. Sans les décrire en détail et sans risquer de lasser l’attention du lecteur par des analyses trop minutieuses, nous choisirons quelques types bien caractérisés qui feront comprendre sous quelles influences combinées l’école attique se forme et se développe dans la seconde moitié du vie siècle.

La côte ionienne d’Asie-Mineure est une des régions où la sculpture grecque jette son premier éclat. Éphèse est le centre de grands travaux, auxquels collaborent les artistes de Samos ; il suffit de rappeler la construction de l’Artémision et la part qu’y prennent deux maîtres samiens, Rhoecos et Théodoros. Cette école ionienne a laissé des traces sur plusieurs points de l’Asie-Mineure ; on en voit les débuts avec les statues de la voie des Branchides, avec d’autres marbres trouvés à Hiéronda, près de Didymes, et ces débris nous renseignent sur le style qui prévaut dans la Grèce asiatique. Des formes rondes et un peu molles, un grand sentiment décoratif, une certaine tendance à se contenter d’à-peu-près, enfin, un goût décidé pour les figures drapées, voilà ce qui caractérise ce style ionien primitif. Le musée du Louvre en possède un spécimen remarquable : nous voulons parler de la curieuse statue rapportée de Samos par M. Paul Girard. Les visiteurs qui fréquentent notre galerie de sculptures antiques connaissent à coup sûr cette statue de femme drapée, dont la partie inférieure, recouverte d’une robe aux plis serrés, rappelle la forme arrondie de la poutre de bois qui constituait les anciens xoana. On n’est pas trop surpris de retrouver au musée de l’Acropole une réplique de la statue du Louvre. A part de légères différences dans le costume, c’est la même attitude rigide, le même mouvement des plis du manteau qui traversent obliquement la poitrine, le même modelé rond et gras. Si le bas de la statue était intact, on y observerait à coup sûr le même évasement du bord de la robe, qui, dans le marbre du Louvre comme dans les terres cuites rhodiennes, s’étale sur la base et accuse encore le jet rigide et régulier des plis supérieurs. Le marbre de l’Acropole est décapité, comme celui du Louvre ; mais ce qui est nouveau pour nous, c’est un buste appartenant à une statue du même type et qui nous montre comment les sculpteurs de cette école traitaient le visage humain[14]. De longs cheveux étalés en nappe et serrés par une bandelette, des yeux saillans, à fleur de tête, une bouche dessinée avec sécheresse, enfin des plans très accusés, qui rappellent encore la technique du travail du bois, tels sont les traits caractéristiques de ce buste étrange qui attire et captive l’attention. Chose curieuse : il rappelle à certains égards les types traités par notre vieil art français de la fin du xiie siècle siècle, tant il est vrai qu’à l’origine, dans le rendu de la figure humaine, les artistes de tous les pays se heurtent aux mêmes difficultés et suppléent par les mêmes conventions à l’inexpérience de leur ciseau.

Il serait facile de relever d’autres indices attestant la présence, à Athènes, d’artistes de l’Ionie. Une statue d’homme drapé, d’un modelé doux et atténué, des figures assises, du même type que celles des Branchides, montrent que l’influence de la Grèce asiatique avait pénétré jusqu’en Attique. On sait, d’ailleurs, qu’un des premiers maîtres athéniens, Endoios, avait travaillé à Éphèse, et s’était sans doute formé à l’école des Ioniens. Mais si ces derniers ne sont pas restés étrangers à l’éducation des sculpteurs attiques, d’autres ont contribué plus directement à les former. C’est des îles grecques de l’Archipel qu’est venue l’impulsion la plus énergique et la plus efficace.

Dès la fin du viie siècle siècle, le travail du marbre était en honneur dans les écoles de Chio et de Naxos. Nous connaissons aujourd’hui, grâce aux fouilles de M. Homolle à Délos, les premiers essais des maîtres insulaires, et le musée central d’Athènes doit à notre École française la possession d’une série unique au monde pour l’étude des origines de la statuaire hellénique. Il y a là des œuvres d’une gaucherie naïve, les plus anciennes peut-être qui soient sorties d’un ciseau grec, mais où l’on sent percer les qualités de finesse, de grâce et de précision qui distinguent déjà l’art des îles. En rapprochant des textes anciens les inscriptions et les marbres trouvés à Délos, on peut se faire une idée exacte de ces écoles insulaires. À Chio, en particulier, l’art de la sculpture sur marbre était exercé au vie siècle dans une même famille d’artistes ; pendant trois générations, le fils avait été l’élève du père. Mikkiadès, fils de Mélas, avait transmis à son propre fils Archermos l’enseignement paternel, et dans une inscription de Délos, les deux artistes, associés pour une œuvre commune, rappellent fièrement leur filiation[15]. Ce que pouvait être à cette date l’éducation d’un sculpteur, on l’imagine sans peine ; elle était avant tout technique. Le maître initiait son élève au maniement du ciseau ; il lui enseignait les principes encore bien sommaires des proportions, lui révélait les conventions à l’aide desquelles l’art primitif résout naïvement les difficultés, en un mot, il faisait de lui son collaborateur docile. L’élève était-il doué de quelque initiative ? Avait-il l’ambition de faire œuvre personnelle ? Sans répudier l’enseignement de son maître, il élargissait prudemment la voie étroite où celui-ci l’avait engagé. Il imaginait un mouvement plus libre, une attitude plus compliquée, et introduisait un peu de vie dans le type conventionnel qu’il avait maintes fois reproduit. Ses audaces étaient mesurées, et rien dans ce progrès lent et continu ne venait rompre brusquement la tradition de l’école.

Les maîtres primitifs n’éprouvaient aucun scrupule à se répéter. Appelé sans doute à Athènes par la renommée des travaux d’art qu’inaugure Pisistrate, Archermos de Chio y traite un type plastique dont l’invention lui appartient, et qui constitue dans l’art grec du vie siècle une des innovations les plus hardies. Tous les archéologues connaissent la statue de la Victoire découverte à Délos par M. Homolle[16]. C’est une des pièces capitales du musée central d’Athènes. Les visiteurs s’arrêtent avec curiosité devant cette statue, empreinte d’une si franche saveur archaïque, et qui nous révèle si clairement une des conventions les plus originales de l’art grec à ses débuts. La Victoire de Délos est une femme ailée, dont le buste se présente de face, tandis que le bas du corps est figuré de profil ; le genou gauche touche le sol ; la jambe droite est relevée. Qu’on ne se trompe pas à cette attitude agenouillée ; l’artiste a voulu représenter le mouvement d’un vol rapide, et cette figure naïve est le prototype lointain de l’admirable Victoire que Paionios de Mendé sculptera plus tard à Olympie, d’un ciseau magistral. L’inscription de la base nous apprend qu’elle est l’œuvre de Mikkiadès et d’Archermos : à n’en pas douter, le père a apporté dans l’œuvre commune sa science technique, et le fils l’audace de l’invention. Or voici que les fouilles de l’Acropole nous livrent deux répliques en marbre de la même statue, et qu’une inscription nous atteste la présence d’Archermos à Athènes. A certains indices, ces répliques paraissent postérieures de vingt ou trente ans à la statue de Délos. Elles semblent donc indiquer que le maître de Chio est venu à Athènes à l’époque de sa maturité, et qu’il y a fait école. On imagine aisément Archermos sculptant avec orgueil, pour la cité de Pisistrate, cette même statue de la Victoire ailée dont les textes lui attribuent l’invention, et qui avait fait sa gloire dans son pays d’origine.

Bien d’autres fragmens, épars çà et là dans le musée de l’Acropole, dénoncent, pour un œil exercé, la présence d’artistes insulaires ; certaines têtes à la chevelure ondulée sur le front, aux yeux saillans et bridés, d’une exécution précise et un peu sèche, ne peuvent être attribuées qu’à cette école. Mais nous avons hâte d’arriver à la merveilleuse série de statues qui ferait à elle seule la fortune d’un musée d’antiques, et dont la découverte a si largement payé de leur peine les auteurs des fouilles de l’Acropole.


V

L’administration du musée a fort bien disposé ses richesses. Les statues les mieux conservées, au nombre de sept, sont réunies dans une sorte de salle d’honneur, sobrement décorée ; elles s’y dressent sur leurs socles, dans une attitude rigide et sévère, telles que les contemporains de Miltiade et de Thémistocle pouvaient les voir, avant que les soldats de Xerxès les eussent jetées à bas de leurs piédestaux. Au premier coup d’œil, on ressent une impression tout à fait nouvelle ; dans aucun musée d’Europe, vous ne subissez au même degré le charme pénétrant de l’art grec archaïque, et vous n’en comprenez mieux la fraîcheur, la grâce sévère, la délicatesse et la charmante naïveté. L’atticisme se révèle à vous, non point parfait, à la fois libre et mesuré comme dans l’Hermès de Praxitèle, mais avec je ne sais quelle verdeur de jeunesse qui donne de l’attrait même à ses défauts.

Toutes ces statues ont comme un air de famille ; elles reproduisent un type uniforme, à savoir une femme debout, la jambe gauche légèrement portée en avant comme si elle marchait, le bras droit plié, avec la main tendue par un geste d’offrande, l’autre bras un peu écarté du corps, et retenant les plis de la robe. Presque toutes portent un diadème aplati sur les tempes, et revêtu d’une riche polychromie. Pour ne citer qu’un exemple, une tête découverte dès l’année 1883[17] est coiffée d’une stéphané sur laquelle sont peintes des palmettes et des fleurs de lotus alternées, autrefois d’un bleu vif, aujourd’hui décolorées et tournées au vert. La parure est complétée par de larges pendans d’oreilles en forme de disque. La chevelure s’étage sur le front, tantôt disposée en boucles artistement frisées, tantôt aplatie en bandeaux ondulés au fer ; mais toujours de longues boucles se détachent derrière les oreilles pour s’étaler sur le sein ; elles sont détaillées avec un soin minutieux, soit que l’artiste les ait figurées comme de minces spirales d’apparence métallique, soit qu’il leur ait donné la forme de longues papillotes, qu’on peut comparer à de minces bandes d’étoffe repliées sur elles-mêmes, puis étirées après coup. Cette technique de pure convention est également appliquée à la large nappe de cheveux qui recouvre la nuque et les épaules ; c’est un procédé commode et expéditif pour rendre tant bien que mal l’aspect d’une chevelure frisée avec une savante coquetterie[18].

Le costume est celui des Athéniennes du vie siècle siècle. Il se compose de trois pièces. C’est d’abord le vêtement de dessous, une longue robe tombant jusqu’aux pieds, et qui colle sur le corps, toute la masse des plis étant rejetée à gauche par le geste auquel nous avons fait allusion. Sur la robe est passée une sorte de chemisette, qui descend jusqu’à la ceinture ; elle est faite d’une étoffe de laine très fine, et striée de lignes ondulées comme certains tissus d’Orient ; une bande mate entoure comme un galon l’ouverture de ce vêtement qui complétait le costume d’intérieur. Enfin la troisième pièce, celle qui donne aux statues leur physionomie solennelle, est le manteau de fête, le peplos ionien, dont le bord replié passe sous le bras gauche, traverse obliquement la poitrine comme un baudrier, et forme sur le côté droit des plis réguliers et verticaux, étagés avec l’art le plus savant. L’agencement de ce costume admet bien des variantes. Le peplos peut se porter en écharpe ; une des statues ainsi accoutrée nous prouve que la mode avait déjà ses caprices et ses fantaisies.

En matière de costume antique, nous subissons encore bien des préjugés. Nous avons de la peine à nous figurer que les Grecs étaient des coloristes, et que leur goût ne répugnait nullement aux couleurs éclatantes et vives. L’étude des terres cuites où le costume des femmes comporte si souvent des teintes claires et gaies a contribué à répandre des idées plus justes[19]. Devant les statues de l’Acropole, on ne peut se refuser à l’évidence et l’on a comme la vision d’une théorie de femmes athéniennes en parure de fête, dans tout l’éclat de leur costume bigarré. Robes et peplos sont décorés d’ornemens peints, fidèlement copiés sur les tissus brodés à la mode ionienne qu’avaient adoptés les femmes élégantes d’Athènes. Ces dessins, gravés d’abord à la pointe, puis repris au pinceau, comportent des grecques, des quadrillés, des semis de fleurs étoilées. Parfois même le sujet, plus compliqué, paraît emprunté à quelque riche tapisserie où l’aiguille avait retracé des scènes de la vie grecque ; ainsi sur le bord supérieur d’une de ces chemisettes que nous avons décrites, on voit une zone de chars lancés au galop, qui rappelle le décor des vases peints. Le vert clair ou foncé, le rouge, le bleu vif, tels sont les tons qui composent la palette du peintre. Veut-on se faire une idée du goût qui préside à la répartition de ces ornemens ? Voici, pour prendre un exemple précis, quelle est la polychromie d’une de nos statues[20]. L’artiste a fait courir sur le devant de la robe une large bande de méandres où les tons verts se marient avec les rouges ; il a jeté sur le peplos un délicat semis de fleurs à sept feuilles alternativement rouges et vertes, et tracé sur la bordure une grecque très riche qui suit les contours des plis tuyautés. Ajoutez que les cheveux sont peints en brun rouge, que le diadème ou stéphané est couvert de méandres interrompus par des palmettes et couronné de fleurs de lotus en bronze ; vous pourrez imaginer la coloration chatoyante qu’offrait la statue sortant des mains du peintre, dans toute la fraîcheur de sa brillante parure.

Nous touchons ici à une question qui a soulevé de vives controverses, celle de la polychromie dans la statuaire antique. Depuis la publication de l’ouvrage trop oublié où Quatremère de Quincy a réuni et discuté tous les élémens du problème, personne ne conteste plus l’usage de la polychromie dans l’art grec[21]. Les fouilles faites dans l’orient grec nous ont livré assez d’exemples de marbres portant des traces de peintures, pour dissiper les préjugés les plus tenaces. Il nous suffira de rappeler les trouvailles de M. Newton à Halicarnasse, et celles d’Olympie. Toute la question est de savoir dans quelle mesure la couleur complétait le travail du ciseau. Le marbre était-il entièrement peint ? L’emploi de la couleur a-t-il varié suivant les époques ? A-t-il suivi une marche progressive ou s’est-il restreint avec le temps[22] ? À ce point de vue, les fouilles de l’Acropole ont une importance capitale. Elles nous permettent de saisir sur le vif les premières applications de la polychromie à la statuaire en marbre, et cela, avec un luxe d’exemples qu’on n’aurait pas osé rêver. Les statues découvertes appartiennent en effet à une époque de transition ; elles datent du temps où les artistes commencent à transporter sur le marbre les procédés de peinture commandés par l’emploi de la pierre. Or, voyez la différence. Ici, vous ne retrouverez plus, comme dans la sculpture en tuf, ces tons largement étalés, cette sorte de badigeon barbare qui dissimule les défectuosités de la pierre calcaire. Sans renoncer à la peinture, les artistes se sentent en présence d’une matière plus noble ; ils respectent, comme par instinct, la blancheur du marbre, son grain fin et serré, son éclat doux et transparent ; ils lui donnent un rôle dans la tonalité générale. Dans les statues trouvées à l’Acropole, les chairs n’ont pas reçu de coloration ; seules, des touches rouges avivent le contour des lèvres et dessinent l’iris des yeux, tandis que la pupille est indiquée en noir ; le marbre suffit à donner l’illusion des chairs nues. Si l’on trouve encore, avant les guerres médiques, des statues où les nus sont revêtus d’une légère teinte rouge, il semble que ce soit l’exception. Ainsi compris, le rôle de la polychromie consiste moins à donner la sensation de la réalité vivante, qu’à rompre l’uniformité de ton du marbre, à égayer des surfaces trop claires, à souligner les détails, et à donner plus de valeur aux accessoires ; de même, pendant la plus belle période de l’architecture grecque, la peinture et la dorure ne seront pas répandues avec une indiscrète profusion sur toutes les parties de l’édifice, mais rehausseront avec sobriété les délicates nervures des oves, les yeux des volutes, les filets des chapiteaux. Que les sculpteurs grecs du ive siècle siècle aient continué cette tradition, cela n’est pas douteux ; l’Hermès de Praxitèle, dont les sandales sont dorées et les cheveux peints en brun rouge, témoigne suffisamment en faveur de la persistance de la polychromie. Mais tout nous porte à croire qu’elle tend à décroître et à occuper une place de plus en plus limitée.

Sans quitter la salle du musée où sont réunies les statues féminines qui nous occupent, bien d’autres questions sollicitent la curiosité du visiteur. Et d’abord, quelle était la destination de ces œuvres d’art ? Le soin pieux avec lequel les Athéniens les avaient ensevelies, au moment des grands travaux de Cimon, atteste leur caractère sacré. C’étaient des ex-voto qui devaient, même mutilés et hors d’usage, être soustraits à toute profanation. Les abords du temple d’Athéna étaient en effet peuplés d’offrandes de toutes sortes, statues votives, vases de luxe, pièces de maîtrise consacrées par les potiers du Céramique ; on a retrouvé dans les fouilles une riche série d’inscriptions où reviennent les termes habituels des dédicaces d’offrandes, ἀπαρχήν, δεϰάτην (aparchên dekatên), et qui témoignent de la piété des donateurs. Les statues que nous avons décrites faisaient partie de ces offrandes. Mais on se tromperait fort en les restituant sur de simples piédestaux, comme les marbres de nos musées. Elles se dressaient sur des colonnes de formes très variées, tantôt lisses, tantôt cannelées, et le chapiteau de la colonne formait la base de l’ex-voto[23]. L’administration du musée de l’Acropole a eu l’heureuse idée de replacer sur son support une des statues, et d’offrir ainsi aux visiteurs le vivant commentaire des peintures de vases qui, seules jusqu’à ce jour, nous avaient fait connaître cette disposition. Loin d’y rien perdre, la statue y gagne au contraire ; on s’explique mieux ses proportions élancées, son attitude hiératique ; la rigidité de ses lignes s’harmonise avec les cannelures de la colonne ; l’œuvre prend un aspect plus religieux, un caractère d’offrande plus accusé. Chose curieuse, l’art moderne a parfois recouru au même procédé. On peut voir au Louvre des anges de bronze, appartenant à l’école franco-flamande de Dijon, qui se dressent sur des colonnes, et des figures analogues sont peintes dans un tableau de Dirck Bouts, de la National Gallery de Londres, représentant l’exhumation de saint Hubert[24]. Gardons-nous des rapprochemens forcés ; nos lecteurs ne se méprendront pas à celui que nous faisons ici. Mais la disposition adoptée par les sculpteurs des ex-voto d’Athènes est assez rare dans la statuaire pour qu’il soit intéressant d’en constater l’emploi dans des arts si différens.

Une autre particularité, qui a fort intrigué les archéologues, est la suivante. Les têtes de nos statues sont surmontées d’une tige de bronze scellée dans la partie supérieure du crâne. À quoi servait cet étrange appendice ? Était-il destiné, comme l’a supposé M. Cavvadias, à soutenir une sorte de chapeau, ou mieux, de parasol, qui aurait protégé la statue contre la pluie ou le soleil ? Nous avons peine à croire que le goût des Grecs ait pu se résigner à cet arrangement, peut-être fort pratique, mais encore plus disgracieux. Des statues antiques abritées sous un parasol ! Voilà de quoi bouleverser toutes nos idées sur l’esthétique des Grecs. Un des jeunes archéologues des plus distingués de l’Allemagne, M. Studniczka, propose une autre solution, à laquelle nous nous rallions volontiers[25]. Suivant lui, cette tige aurait soutenu une sorte de fleuron de bronze, figurant une fleur de lotus, qui se serait épanouie au-dessus de la tête de la statue, et en aurait complété l’ornementation. Nous ne connaissons pas d’explication plus plausible ; à vrai dire, ce couronnement en forme de fleuron est bien dans le sentiment décoratif qui a guidé les sculpteurs et leur a inspiré l’idée de donner une colonne comme piédestal à leur œuvre ; ainsi conçu, l’ex-voto forme une sorte d’ensemble architectural ; la figure humaine y est subordonnée aux lois de la décoration monumentale, et dès lors le fleuron de bronze qui jaillit de la tête de la statue n’a plus rien de choquant.

On a déjà beaucoup disserté sur le nom qui convient à ces figures de femmes. Faut-il y voir des mortelles ou des déesses ? Reproduisaient-elles, dans la pensée des donateurs, l’image de la divinité à qui elles étaient dédiées, et devons-nous y reconnaître Athéna, la grande déesse de l’Acropole ? Plusieurs archéologues, en particulier MM. Reinach et G. Robert[26], adoptent cette opinion. Le problème est d’autant plus difficile à résoudre que nous avons ici sous les yeux un type de pure convention. L’art grec archaïque ne dispose, en effet, que d’un petit nombre de formes ; il n’a pas introduit dans les images des divinités ces délicates nuances, cette variété d’attributs qui nous font distinguer au premier coup d’œil une Héra ou une Déméter. Les statues de l’Acropole représentent en réalité, dans son acception la plus générale, un type féminin qui peut se prêter à toutes les attributions ; c’est la volonté du donateur qui lui donne sa personnalité, qui en fait à son gré une Artémis ou une Aphrodite. Cependant il serait étrange qu’à une date très avancée dans l’archaïsme, des artistes athéniens se fussent aussi peu mis en frais pour accuser par des traits plus précis la physionomie propre d’une déesse vénérée entre toutes. La poésie homérique avait trop brillamment dépeint Athéna revêtue de l’armure, couverte de l’égide, « arme horrible qui résisterait même à Zeus, » pour que l’art se contentât d’un type aussi peu déterminé. Les monumens archaïques prouvent d’ailleurs le contraire ; dès la plus haute antiquité Athéna est représentée avec l’armure et la lance.

Nous admettons, pour notre part, une explication plus modeste, et nous voyons dans ces statues votives de simples mortelles, soit des prêtresses de la déesse Poliade, soit même des femmes appartenant aux riches familles d’Athènes et professant pour la protectrice de la cité un culte particulier[27]. Il n’y a rien là qui soit étranger aux habitudes grecques. Ainsi, à Argos, on voyait devant l’entrée de l’Héraion les statues des femmes qui avaient exercé un sacerdoce ; à Athènes, on citait parmi les œuvres célèbres d’un maître du ve siècle siècle, Démétrios, la statue de la prêtresse Lysimaché ; plus tard encore, Képhisodote, Timarchos, Kaïkosthènes signaient des statues votives d’errhéphores ou de prêtresses consacrées à l’Acropole. Pourquoi un tel usage n’aurait-il pas été en vigueur avant les guerres médiques ? Et les anciens sanctuaires de l’île de Chypre, avec leurs avenues bordées de statues de prêtres et d’orantes, ne nous donnent-ils pas l’idée de ce que pouvait être le vieux temple d’Athéna[28] ?

Voici d’ailleurs un fait qui confirme notre manière de voir. Dans toutes les statues découvertes sur l’Acropole, l’avant-bras droit était toujours rapporté ; il s’emmanchait, à l’aide d’une soudure de ciment de chaux, dans un trou ménagé à la hauteur du coude. Le sculpteur exécutait donc les statues à l’avance, sans se préoccuper de leur destination ; travaillant d’après une sorte de type canonique, il pouvait en préparer tout un assortiment et le soumettre au choix de l’acheteur. Une cliente avait-elle jeté son dévolu sur une de ces sculptures, rien n’était plus facile que de se conformer à ses désirs, en enchâssant dans l’ouverture toute prête un bras muni d’un attribut. La statue cessait d’être impersonnelle. Elle devenait l’image de celle qui l’offrait.

Il ne faut donc pas s’attendre à trouver dans ces statues les traits individuels qui caractérisent un portrait. Rien n’est plus éloigné de la conception plastique dont elles relèvent. On sait d’ailleurs qu’à part de rares exceptions, le genre du portrait, tel que le conçoit l’art moderne, ne se développe pas en Grèce avant l’époque de Lysippe ; c’est la sculpture hellénistique qui introduit le réalisme dans l’art, et s’attache à reproduire ce qu’on a justement appelé les accidens particuliers de la forme humaine. Les maîtres archaïques sont au contraire des généralisateurs ; même dans les statues où l’on s’accorde à reconnaître des portraits[29], le type généralisé reparait toujours. Si parmi les statues féminines qui nous occupent, quelques-unes laissent deviner l’étude d’après le modèle vivant, c’est de la part de l’artiste un excès de conscience ou de l’impuissance à s’abstraire de la réalité présente, plutôt qu’un dessein prémédité. Tel est le cas, par exemple, pour cette étrange figure de femme chaussée de babouches rouges à bouts retroussés, à laquelle une épaisse chevelure frisée et des lèvres fortes et charnues donnent je ne sais quel air africain[30]. Quant aux autres, elles sont bien sœurs par le type ; ce sont bien des Athéniennes. Elles ont tous les traits de la race, accusés par une main naïve et sincère. Vous y retrouvez le nez un peu long, le menton plein et fort, les lèvres cernées de ressauts très ressentis qui caractérisent le type attique dans les peintures de vases : les pommettes sont saillantes, les yeux légèrement obliques et relevés vers les tempes. Enfin toutes ont les coins de la bouche retroussés par ce sourire qu’on a fort improprement appelé éginétique, faute de savoir que c’est en réalité une des conventions chères à toutes les écoles grecques au temps de l’archaïsme. M. Heuzey en a donné l’explication dans une page qu’il faudrait citer tout entière : « C’est une pure affectation, une de ces modes conventionnelles par lesquelles les artistes croient ajouter à la beauté humaine. J’y vois surtout une tentation d’expression se rattachant au grand effort original des anciennes écoles grecques pour animer la physionomie[31]. » Ces mots s’appliquent de tous points à nos statues. Si le sourire de leurs lèvres donne à leur physionomie, comme on l’a dit, quelque chose de railleur et d’ironique, gardons-nous d’interpréter cette expression avec nos sentimens modernes, et d’y chercher je ne sais quoi d’énigmatique et de mystérieux. Ce serait un contre-sens que d’évoquer le souvenir de la Joconde. Ces femmes sont des mortelles qui se font pimpantes et souriantes pour plaire à la divinité : les sculpteurs n’ont rien vu au-delà.

Il est intéressant de rechercher comment cette convention a disparu de l’art grec, pour faire place à la dignité sévère du grand style, et par quelle transition des artistes ont été conduits à supprimer le traditionnel sourire des figures archaïques. Interrogeons, pour cela, un admirable buste appartenant à une statue malheureusement incomplète, celle qui a été dédiée à Athéna par un personnage nommé Euthydikos, fils de Thaliarchos[32]. C’est une des plus récentes de la série ; elle a certainement été exécutée fort peu de temps avant 480. Si les fouilles nous l’avaient livrée intacte, elle serait déjà populaire et compterait parmi les œuvres antiques dont les moulages, les réductions sont répandus partout. Ce qui en reste est bien fait pour augmenter nos regrets. La partie inférieure, seule conservée avec le buste, est un remarquable exemple du soin avec lequel les maîtres archaïques traitaient les extrémités. Rien de fin, de délicat comme ces pieds, dont les phalanges grêles, allongées et menues, la forme élégante et un peu maigre, donnent la sensation de je ne sais quelle grâce aristocratique. L’artiste qui a modelé ce morceau exquis et l’a caressé avec amour est bien de pure race attique ; on y reconnaît un des précurseurs d’Alcamènes, et le maître athénien n’avait sans doute pas exécuté avec plus de charme et de sobriété les mains, si souvent louées par les auteurs anciens, de la célèbre Aphrodite des Jardins. La tête n’est pas moins digne d’attention. Ce qu’il y a encore d’anguleux et de sec dans le visage des autres statues a disparu ici, avec l’obliquité des yeux et la saillie exagérée des pommettes ; la chevelure est aussi plus simple et encadre un front petit et droit, des joues aux contours pleins et fermes. En examinant ce buste avec toute l’attention qu’il commande, on est frappé, au premier abord, de l’expression boudeuse de la bouche : les lèvres, légèrement portées en avant, semblent faire la moue. On s’explique bien vite cette particularité. Le sculpteur a voulu rompre avec la tradition du sourire conventionnel ; il a abaissé, au lieu de les relever, les coins de la bouche, sans rien changer au reste, et, avec une gaucherie charmante, il n’a réussi qu’à donner au bas du visage une sévérité un peu dédaigneuse. Encore quelques essais, et il aura résolu le problème. À vrai dire, entre cette tête et les plus belles œuvres attiques du ve siècle, il n’y a plus que des nuances. Tous les caractères essentiels du grand art s’y trouvent déjà, et l’on peut pressentir que, quarante ans plus tard, sans s’écarter beaucoup des mêmes données, Phidias réalisera avec éclat, dans son Athéna Parthénos, le type achevé de la jeune fille athénienne.

La rapidité des progrès accomplis par la sculpture, dans la première moitié du ve siècle, n’a donc plus rien qui doive nous étonner : les précurseurs des grands maîtres leur avaient brillamment frayé la voie. Au point de vue historique, les fouilles de l’Acropole ont singulièrement modifié nos idées sur l’état d’avancement de l’art avant les guerres médiques ; elles nous font mieux comprendre ce qu’étaient ces anciens maîtres attiques dont les textes et les monumens épigraphiques nous ont conservé les noms. Il y a plus ; les marbres de l’Acropole ne sont pas tous des œuvres anonymes, et nous avons la bonne fortune de pouvoir placer sous l’un d’eux la signature d’un sculpteur connu, Anténor. Sur la base d’une statue féminine appartenant au type que nous avons longuement décrit, on lit la dédicace suivante : « Néarchos, fils de Néarchos, a dédié à Athéna, comme prémices de ses travaux, Anténor, fils d’Eumarès, a fait[33]. » Or, nous possédions déjà une réplique de l’œuvre la plus célèbre d’Anténor ; le groupe des Tyrannoctones, conservé au musée de Naples, est une copie faite à l’époque romaine, reproduisant le groupe en bronze que les Athéniens lui commandèrent après le meurtre d’Hipparque, et consacrèrent solennellement non loin de la colline d’Arès. Après la prise d’Athènes par les Perses, Xerxès enleva, comme un trophée de victoire, l’image d’Harmodios et d’Aristogiton, à laquelle était attaché un souvenir mémorable. Les Athéniens en firent faire une copie au lendemain de Salamine, et c’est seulement grâce à l’amitié de Séleucus, fils d’Antiochus, qu’ils rentrèrent en possession de l’original. Le groupe des Tyrannoctones, exécuté après 514, est une œuvre de la maturité d’Anténor. La statue de l’Acropole, à en juger par les caractères de l’inscription, doit, au contraire, être reportée au temps de sa jeunesse, entre les années 540 et 530. Nous pouvons donc apprécier l’évolution qui s’accomplit dans son talent, et nous savons, par un exemple précis, comment se forme un sculpteur de l’ancienne école attique. La question mérite qu’on s’y arrête un instant.

Au dire de Pline, le père d’Anténor, Eumarès, est un peintre. C’est sans doute un de ces décorateurs naïfs et consciencieux dont toute la science se borne à retracer, sur les murailles d’un temple, de longues zones de personnages à l’attitude rigide et monotone. Les anciens vases attiques, comme le vase François, nous donnent une idée exacte de ce que peut être la peinture murale dans la première moitié du vie siècle. Son fils, Anténor, a pour maîtres les sculpteurs appelés par Pisistrate. Contemporain plus jeune d’Aristion de Paros et d’Archermos de Chio, il se forme à l’école des sculpteurs des îles ; il apprend d’eux à traiter ce type de la femme drapée qu’ils ont vulgarisé en Attique. L’ex-voto qu’il exécute pour l’Acropole est inspiré par un modèle qu’on retrouve dans les îles de l’Archipel et dont les fouilles de Délos nous ont livré d’importans spécimens. Tout au plus essaie-t-il d’y introduire des raffinemens de technique dont il doit le secret à quelque bronzier d’Egine. Ainsi, il s’efforce de donner au regard plus d’intensité et de profondeur, en appelant à son aide un procédé d’incrustation souvent employé dans les statues de métal ; il taille le globe des yeux dans une pierre cristalline et l’enchâsse dans une coque de bronze. Pour le reste, pour le type, pour la polychromie, il est encore l’élève des sculpteurs insulaires. Mais au contact des maîtres de toute origine qui affluent à Athènes, son talent s’assouplit et ses visées deviennent plus ambitieuses. Va-t-il demander aux Éginètes, ses voisins, de l’initier à la science du nu, de lui enseigner à traduire des mouvemens compliqués, comme ils excellent à le faire dans les statues des frontons bien connus ? On est tenté de le croire. Le voici, en effet, qui, parvenu à la maturité, abandonne le type convenu et monotone de la figure féminine et drapée. Il s’attaque à la figure virile et, brisant le moule étroit et rigide où ses prédécesseurs avaient comme enfermé la forme humaine, il s’attache à rendre les mouvemens les plus expressifs du corps. Ses deux Tyrannoctones sont bien vivans. Ils s’avancent hardiment, d’un pas rapide : l’un d’eux étend, comme pour se mettre en garde, son bras gauche enveloppé d’une chlamyde ; l’autre brandit sa courte épée. D’élève docile et timide, Anténor est devenu un maître, et l’école attique peut dès lors rivaliser avec celles de Sicyone et d’Égine.

Nous sommes loin d’avoir passé en revue toutes les richesses accumulées au musée de l’Acropole. À chaque pas, on découvre quelque morceau où l’atticisme a laissé sa marque. Ici, ce sont les débris d’une grande composition décorative, provenant sans doute de l’un des frontons du temple d’Athéna. Ailleurs, ce sont d’élégantes statues votives, des cavaliers, fièrement campés sur leurs chevaux aux crinières courtes et droites, striées de cannelures régulières et peintes en rouge vif. Une amazone, vêtue d’un costume collant, richement bariolé à la mode orientale, est un des plus curieux exemples qu’on puisse citer de la statuaire polychrome. Voici enfin de petites statuettes, représentant des trésoriers des richesses sacrées, qui tiennent, ouvertes sur leurs genoux, les tablettes où sont inscrits leurs comptes : à voir cette attitude hiératique, ce modelé doux, uni et simplifié, on se convainc aisément que les Attiques n’ont pas ignoré la sculpture égyptienne contemporaine de la dynastie saïte et qu’ils lui ont fait plus d’un emprunt. L’art du bronze est représenté par des pièces de maîtrise comme la belle tête virile où l’on reconnaît l’œuvre d’un artiste samien ; d’autres bronzes sont bien attiques, témoin la curieuse image d’Athéna, faite de deux plaques ajourées et découpées, où les détails sont indiqués au burin avec une délicatesse infinie. Mais nous n’avons pas entrepris de dresser ici un inventaire. Aussi bien, il est temps de résumer l’impression générale qu’on emporte d’une visite attentive au musée des fouilles. Si l’on y va chercher les émotions que donnent les œuvres d’une beauté achevée, on risque fort de se ménager une déconvenue ; les marbres de l’Acropole ne livrent pas, de prime abord, le secret de leur séduction. Veut-on, au contraire, se donner le plaisir d’assister à réclusion d’un grand art ; sait-on se replacer, par la pensée, dans le milieu historique où ces œuvres ont été conçues et exécutées ? On sera bien vite sous le charme : on oubliera les inexpériences dont on est tenté de sourire pour ne plus voir que les qualités originales de cet art jeune et sincère. Faites la part des conventions, auxquelles tout art primitif a forcément recours ; faites même celle d’une certaine routine, à laquelle la sculpture archaïque n’échappe pas plus en Grèce qu’ailleurs ; vous sentirez qu’il y a dans ces conceptions plastiques de puissans élémens de progrès, et que toute la perfection de l’époque classique s’y trouve en germe.

Et nous ne parlons pas seulement de l’habileté professionnelle, de la science acquise par la pratique. Les artistes assyriens possèdent, aussi bien que les Grecs, le goût du fini, l’exécution scrupuleuse jusqu’à la minutie. D’où vient cependant que nous n’éprouvons pas, en face des dalles sculptées de Kouioundjik, cette même sensation de quelque chose de rare et d’exquis ? Pourquoi l’archaïsme grec nous donne-t-il seul l’idée d’un art capable d’aller beaucoup plus loin ? C’est que les vieux maîtres grecs ont un idéal supérieur à leurs œuvres, et qu’ils le poursuivent avec une sincérité profonde ; c’est qu’ils ont la volonté de pousser jusqu’à la perfection le petit nombre de types sur lesquels s’exerce leur activité. En sculptant ces figures de femmes aux attitudes solennelles, aux longs vêtemens plissés, aux gestes un peu contraints, au visage souriant d’un éternel sourire, ils ont la vision des formes les plus élégantes et les plus nobles. Mais les moyens d’expression trahissent encore leur pensée. Absorbés par le souci du détail, ils ne savent pas encore se dégager d’une certaine timidité, et user librement d’une science technique où ils sont déjà passés maîtres. Arrivé à ce point, l’art est mûr pour le progrès. Vienne le moment où l’esprit grec, exalté par les victoires des guerres persiques, pénétré d’une confiance orgueilleuse en lui-même, donnera libre cours à toutes ses audaces, ce progrès se produira avec une rapidité prodigieuse. Une génération nouvelle recueillera l’enseignement de ces précurseurs, et s’émancipera de la tradition trop étroite qui entravait l’essor de leur talent. Les grands sculpteurs du ve siècle siècle, Myron, Polyclète et Phidias, trouveront le terrain tout préparé.

Maxime Collignon.
  1. Tous les recueils européens consacrés à l’archéologie classique ont mentionné les découvertes d’Athènes. Mrs Jane Harrison et M. E. -A. Gardner ont à plusieurs reprises signalé les résultats des fouilles dans le Journal of hellenic Studies, 1888, p. 119-126 ; 1889, p. 255-260. En France, la Gazette archéologique a publié sous la signature Théoxénou une suite d’articles où les résultats des fouilles sont analysés en détail : les Fouilles récentes de l’Acropole d’Athènes (Gazette archéologique, 1888. M. S. Reinach les a fait connaître aux lecteurs de la Gazette des Beaux-Arts. Enfin M. Lechat, membre de l’École française d’Athènes, qui a suivi les fouilles avec un soin particulier, en a rendu compte dans le Bulletin de correspondance hellénique ; ses articles comptent parmi les meilleurs qui aient été écrits sur ce sujet.
  2. Voir le plan dressé par M. Doerpfeld, Antike Denkmaeler herausgegeben vom kais, deutschen arch. Institut, I, pl. 25-24. — Voir A. Boetticher, Die Akropolis von Athen, 1888. p. 61 et suiv.
  3. M. Doerpfeld a exposé ces vues dans une série d’articles : Der Alte Athena-Tempel auf der Akropolis (Mittheilungen des arch. Instituts in Athen, 1887).
  4. M. Petersen en a formulé plusieurs (Mittheil. des arch. Instituts, 1887, p. 62).
  5. Les Musées d’Athènes, en reproduction phototypique de Rhomaïdès frères. — Les Fouilles de l’Acropole, texte descriptif de P. Cavvadias et Th. Sophoulis. Athènes, Karl Wilberg, 1886-87. — Il n’a paru que deux livraisons de cet ouvrage dont la publication est suspendue. L’idée de donner de bonnes reproductions des marbres des musées d’Athènes est cependant excellente, et bien faite pour tenter un éditeur entreprenant.
  6. J’emprunte ces détails à un récent article de M. Lechat (Bulletin de correspondance hellénique, 1889, p. 130). Voir en outre un article de M. Alfred Brückner dans les Mittheilungen des arch. Instituts, Athenische Abtheilung, 1889, p. 67-87, et Journal of hellenic Studies, 1889, p. 261, fig. A.
  7. Ce morceau a été reproduit en chromolithographie dans les Denkmaeler des arch. Inst, I, pl. 30, 1889.
  8. Voir les exemples cités par M. Heuzey, Catalogue des figurines antiques de terre cuite du Louvre, p. 22.
  9. Revue archéologique, 1889. t. XIII, p. 31-37.
  10. Histoire de l’Art dans l’antiquité, t. I, p. 788.
  11. Ephéméris archéologique, 1883, pl. 7. Mittheilungen des arch. Instituts in Athen, 1885, pl. X, p. 238. 1886, p. 61 et suiv.
  12. Mittheilungen des arch. Instituts in Athen, 1885, p. 237 et suiv.
  13. M. E. Loewy a publié le recueil complet des inscriptions grecques mentionnant des noms d’artistes : Inschriften griechischer Bildhauer. Leipzig, 1885.
  14. Musées d’Athènes, p. IX.
  15. Homolle, Bulletin de correspondance hellénique, Vv, p. 272. — Voir la récente interprétation de M. J. Six, dans les Mittheilungen des arch. Instituts, athenische Abtheilung, 1888, p. 141-150.
  16. Bulletin de correspondance hellénique, III, pl. 6-7.
  17. Voir Ephéméris archéologique d’Athènes, 1883, pl. 6.
  18. Rappelons que ce type, originaire des îles, était déjà connu par une série de statues provenant des fouilles de M. Homolle à Délos.
  19. Les auditeurs qui suivent les leçons sur le costume antique professées chaque année par M. Heuzey à l’École des Beaux-Arts savent avec quel art l’éminent professeur tire parti de ces documens.
  20. C’est celle qui porte sur sa base la signature du sculpteur Anténor (Musées d’Athènes, pl. VI).
  21. Le Jupiter olympien ou l’art de la sculpture antique considéré sous un nouveau point de vue, 1815.
  22. M. G. Treu a discuté ces questions dans une intéressante brochure intitulée : Sollen wir unsere Statuen bemalen ? Berlin, 1884.
  23. Voir R. Borrmann, Stelen für Weihgeschenke auf der Akropolis zu Athen, dans le Jahrbuch des arch. Instituts, 1888, p. 269.
  24. Voir la communication de M. Courajod à la Société des antiquaires de France, 16 janvier 1889.
  25. Jahrbuch des arch. Instituts, II, 1887, p. 140.
  26. S. Reinach, Esquisses archéologiques, p. 142. — C. Robert, Hermes, XII, p. 135.
  27. Il est vrai qu’une de ces statues est dédiée à Athéna par un homme, Euthydikos. Mais ce personnage a pu consacrer la statue d’une femme de sa famille, de sa fille par exemple. Voir les remarques de M. Winter, dans le Jahrbuch des arch. Instituts, II, 1887, p. 220.
  28. Voir les remarques de M. G. Perrot, dans le Journal des savans, mars 1887, p. 132.
  29. Par exemple dans la tête de l’ancienne collection Sabourof acquise par le musée de Berlin (Furtwaengler, Collection Sabourof, pl. 3-4), et dans celle qui appartient à M. Jakobsen à Copenhague (O. Hayet, Monumens grecs publiés par l’Association des études grecques, 1877).
  30. Éphéméris archéologique d’Athènes, 1883, pl. 8.
  31. Catalogue des figurines de terre cuite du musée du Louvre, p. 132.
  32. Musées d’Athènes, pl. XVI.
  33. Robert, Hermès, 1887, p. 129. — Studniczka, Jahrbuch, des arch. Instituts, II, 1887, p. 142-144.