Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Marc/04

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 187-191).
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saint Marc


CHAPITRE IV


ROYAUME DE DIEU COMPARÉ À LA SEMENCE (Matth. xiii, 1 sv. ; Luc, viii, 5 sv. ; À UNE LAMPE (Matth. v, 15 ; Luc, viii, 16) ; À UNE PLANTE QUI CROÎT, À UN GRAIN DE SÉNEVÉ (Matth. xiii, 31 ; Luc, xiii, 19). — TEMPÊTE APAISÉE (Matth. viii, 23 ; Luc, viii, 22).


1 Jésus vint une autre fois enseigner au bord de la mer, et une grande multitude s’assembla auprès de lui, de sorte que, montant dans une barque, il se tenait sur la mer, et toute la multitude était à terre le long du rivage. Et il les instruisait de beaucoup de choses en paraboles, et il leur disait en enseignant :

3 Écoutez. — Celui qui sème sortit pour semer. Et pendant qu’il semait, des grains tombèrent le long du chemin, et les oiseaux du ciel vinrent et les mangèrent. D’autres tombèrent sur un terrain pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils levèrent aussitôt, parce que la terre était peu profonde[1]. Mais le soleil s’étant levé, la plante, brûlée par sa chaleur et n’ayant point de racine, se dessécha. D’autres grains tombèrent parmi les épines, et les épines crûrent et les étouffèrent, et ils ne donnèrent point de fruit. D’autres tombèrent dans une bonne terre, et, montant et croissant, donnèrent leur fruit, les uns trente pour un, les autres soixante, les autres cent. Et il disait : Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

10 Lorsqu’il se trouva seul, les douze disciples qui étaient avec lui l’interrogèrent sur cette parabole[2], et il leur dit : À vous il a été donné de connaître le mystère du royaume de Dieu[3] ; mais pour ceux qui sont dehors[4], tout est caché sous des paraboles, de sorte que voyant de leurs yeux ils ne voient point, entendant de leurs oreilles ils n’entendent point : de peur que, se convertissant, ils n’obtiennent le pardon de leurs péchés. Il ajouta : Vous ne comprenez pas cette parabole ? Comment donc entendrez-vous toutes les paraboles ? Celui qui sème, sème la parole. Le chemin, ce sont les hommes en qui on sème la parole, et ils ne l’ont pas plus tôt entendue, que Satan vient et enlève la parole semée dans leurs cœurs. Pareillement, le terrain pierreux où tombe la semence, ce sont ceux qui, entendant la parole, la reçoivent aussitôt avec joie ; mais ils ne la laissent pas prendre racine en eux, ils sont inconstants : que surviennent la tribulation et la persécution à cause de la parole, ils succombent aussitôt. Les épines qui reçoivent la semence, ce sont ceux qui entendent la parole ; mais les sollicitudes du siècle, et l’illusion des richesses, et les autres convoitises entrant dans leurs cœurs, étouffent la parole, et elle ne porte point de fruit. Enfin la bonne terre où tombe la semence, ce sont ceux qui entendent la parole et la reçoivent, et produisent du fruit, l’un trente, l’autre soixante, et l’autre cent.

21 Il leur disait encore : Apporte-t-on la lampe pour la mettre sous le boisseau ou sous le lit[5] ? N’est-ce pas pour la mettre sous le chandelier ? Car rien de caché qui ne soit révélé, rien de fait en secret qui ne vienne au grand jour. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende.

24 Il leur disait encore : Prenez garde à ce que vous entendez. Selon la mesure avec laquelle vous aurez mesuré, on vous mesurera, et avec surcroît. Car on donnera à celui qui a déjà, et à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera ôté[6].

26 Il disait encore : Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette en terre de la semence. Il dort pendant la nuit, il vaque à ses affaires pendant le jour, et la semence germe et croît sans qu’il sache comment. Car la terre produit d’elle-même du fruit : d’abord de l’herbe, puis un épi, et l’épi ensuite s’emplit de froment. Et quand le fruit est mûr, aussitôt on y met la faucille, parce que c’est le temps de la moisson[7].

30 Il disait encore : À quoi comparerons-nous le royaume de Dieu ? Ou par quelle parabole le représenterons-nous ? Il est semblable à un grain de sénevé qui, lorsqu’on le sème, est la plus petite de toutes les semences que l’on confie à la terre ; et lorsqu’on l’a semé, il monte et devient plus grand que toutes les plantes, et étend si loin ses rameaux que les oiseaux du ciel peuvent se reposer sous son ombre.

33 Il les[8] enseignait ainsi sous diverses paraboles, selon qu’ils pouvaient l’entendre. Car il ne leur parlait point sans paraboles, et en particulier il expliquait tout à ses disciples.

35 Or, ce même jour[9], sur le soir, il leur dit : Passons à l’autre bord. Et laissant le peuple, ils emmenèrent Jésus dans la barque où il était assis, et d’autres barques l’accompagnaient. Alors il s’éleva un vent impétueux qui poussait les flots dans la barque, de sorte qu’elle s’emplissait d’eau. Lui cependant était à la poupe, dormant sur un oreiller[10] ; et ils le réveillèrent et lui disent : Maître, n’avez-vous point de souci que nous périssions ? Et s’étant levé, il commanda au vent, et dit à la mer : Tais-toi, calme tes fureurs. Et le vent s’apaisa, et il se fit un grand calme. Et il leur dit : Pourquoi êtes-vous effrayés ? N’avez-vous pas encore de foi ? Et ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient l’un à l’autre : Qui donc est celui-ci, que le vent et la mer lui obéissent ?

  1. Les racines ne pouvant s’allonger beaucoup, toute la vigueur se portait du côté de la tige. Patrizzi.
  2. En grec : Ceux qui étaient autour de lui avec les Douze, c’est-à-dire plusieurs disciples et les Apôtres. — Saint Marc rapproche de la parabole son explication, qui ne fut donnée qu’après le vers. 34, lorsque Jésus revint à la maison : comp. Matth. xiii, 36.
  3. La doctrine cachée sous ces paraboles.
  4. Qui ne veulent pas être mes disciples.
  5. Il s’agit ici des lits ou divans sur lesquels les anciens s’étendaient pour prendre leurs repas. Sens des vers. 21-23 : Ma doctrine ne doit pas rester secrète, mais être prêchée partout : comp. Matth. xiii, 52.
  6. Sens des vers. 24-25 : Si vous vous servez d’une mesure grande, on vous mesurera avec une plus grande ; si vous vous servez d’une mesure petite, on vous mesurera avec une plus petite : Dieu sera plus miséricordieux que les miséricordieux, plus sévère et plus inflexible que les hommes implacables et sans pitié. On peut aussi donner à ces deux vers. un sens moins général, et les regarder, avec le P. Patrizzi, comme la suite des vers. 21-23 : Plus les Apôtres montreront de zèle à répandre parmi les hommes les enseignements de Jésus-Christ, plus le Sauveur les fera croître dans la connaissance de sa céleste doctrine.
  7. L’homme, ce sont les prédicateurs de l’Évangile ; la semence, c’est l’Évangile, la doctrine de Jésus-Christ ; la terre, les hommes ; la moisson, le jugement. Le royaume de Dieu (l’Église) une fois fondé, croîtra jusqu’à la fin du monde, de telle sorte que ses accroissements ne devront pas être attribués aux prédicateurs, mais à Dieu seul (vers. 27). C’est la pensée de saint Paul, I Cor. iii, 6, 7, 9. La même parabole peut s’appliquer au royaume de Dieu dans chaque chrétien en particulier.
  8. Les, c’est-à-dire le peuple. Patrizzi.
  9. Les locutions en ce jour-là, aussitôt, dans saint Marc, comme alors, en ce temps-là, dans saint Matthieu, n’ont pas toujours une signification précise : ce sont le plus souvent de simples transitions. Ainsi ce qui suit n’est pas le fait indiqué par saint Matthieu xiii, 53, mais arriva plus tard, probablement dans l’hiver qui commence la vingt-huitième année de l’ère vulgaire.
  10. C’est le seul endroit de l’Évangile où il soit question du sommeil de Jésus.