Les Quatre Vents de l’esprit/Le Livre lyrique/Exil

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Les Quatre Vents de l’esprit, Texte établi par Gustave SimonLibrairie OllendorffŒuvres complètes de Victor Hugo / Poésie, tome X (p. 305-306).



XXXVII

EXIL.


Si je pouvais voir, ô patrie,
Tes amandiers et tes lilas,
Et fouler ton herbe fleurie,
Hélas !

Si je pouvais, ― mais, ô mon père,
Ô ma mère, je ne peux pas, ―
Prendre pour chevet votre pierre,
Hélas !

Dans le froid cercueil qui vous gêne,
Si je pouvais vous parler bas,
Mon frère Abel, mon frère Eugène,
Hélas !

Si je pouvais, ô ma colombe,
Et toi, mère, qui t’envolas,
M’agenouiller sur votre tombe,
Hélas !

Oh ! vers l’étoile solitaire,
Comme je lèverais les bras !
Comme je baiserais la terre,
Hélas !

Loin de vous, ô morts que je pleure,
Des flots noirs j’écoute le glas ;
Je voudrais fuir, mais je demeure,
Hélas !


Pourtant le sort, caché dans l’ombre,
Se trompe si, comptant mes pas,
Il croit que le vieux marcheur sombre
Est las.


18 juillet 1870.