Les Reposoirs de la procession (1893)/Tome I/Frappez, et l’on vous ouvrira

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Édition du Mercure de France (Tome premierp. 85-90).


FRAPPEZ
ET L’ON VOUS OUVRIRA


À François Coulon.


J’allais, plein d’Elle.

Son nom ?

Le sais-je !

L’inconnue.

Existait-elle seulement ?

Elle, sans plus.

J’allais…

Je m’arrêtai devant une porte, la porte d’une chambre, dans un logis, en une ville, que je ne saurais retrouver, ni la ville, ni le logis, ni la chambre, ni la porte.

— La chambre est vide, et personne jamais n’y demeura.

M’avait dit, à la première marche de l’escalier, un nain si parvule que j’étais comme aveugle le bref instant de sa phrase.

Je frappe.

Toc…

Rien !

Toc toc…

Rien encore !

J’insiste.

Toujours le silence.

Elle doit être là pourtant, protestai-je, puisque je suis venu.

Sinon serais-je venu, moi qui ne vais nulle part ?

Je suis certain qu’elle est derrière cette porte.

Qui donc ?

Elle, encore une fois !

Mon attente me paraît exorbitante à la fin.

Je m’acharne.

Toc toc toc…

Cela fait un vacarme à réveiller le néant.

Toc toc toc toc…


Impatient, je regarde par le nombril de fer de la porte.

Au milieu de la chambre, une petite fille…

Toute nue…

Lui fallut-il pas le temps de naître ?

J’eus tort de m’irriter.

J’espionne derechef.

D’un regard à l’autre la voici demoiselle déjà.

Lui fallait-il pas le temps de grandir ?

Toute nue toujours, et que jolie !

Si je n’appréhendais d’abuser, discrètement je frapperais.

Mais lui faut-il pas le temps de se vêtir ?

Attendons encore l’espace d’un coup d’œil.

Une chemise, blanche comme un lange, à présent la couvre.

Risquons un appel timide.

Toc…

Eh laissons-lui le loisir de se blottir en la tulipe d’une robe !

Enfin !

Dieu, la belle dame !

Le moment est propice.

Toc toc…

La porte s’ouvre.

J’entre.