Les députés de la région des Trois-Rivières (1841-1867)/PAPINEAU, Louis-Joseph

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XVIII

L’Hon. Louis-Joseph
Papineau



Il est une vérité depuis longtemps admise en histoire, mais qui ne souffre pas d’être répétée. C’est celle-ci. Pour bien juger un homme, un homme politique surtout, il faut le recul du temps. Et cela est peut-être encore plus vrai au Canada qu’ailleurs, car les passions et les préjugés politiques sont, pour ainsi dire, héréditaires chez nos compatriotes. Et cela se conçoit aisément lorsqu’on songe aux luttes quotidiennes qu’eurent à subir nos pères sous la constitution de 1791. Ce régime parlementaire était un progrès marqué sur l’ancien mode de gouvernement. Il était cependant perfectible, et c’est ce à quoi nos législateurs s’employèrent durant la période qui s’étend de 1791 à 1837. Ils s’acheminaient lentement mais sûrement vers le gouvernement responsable et, si des écarts de langage et de conduite parlementaire n’y eussent mis obstacle, nous l’aurions obtenu pratiquement dès 1831, sans effusion de sang. Mais on voulut aller trop vite en besogne et l’on cassa les vitres. C’était malhabile, et ces procédés retardèrent de dix-sept ans l’obtention des privilèges, ou plutôt des droits réclamés, qui nous furent concédés finalement dans toute leur ampleur en 1848.

Papineau a été l’homme public le plus discuté, peut-être, de tout le Canada. D’un côté on l’a porté aux nues, d’un autre, on l’a rabaissé outre mesure. La passion politique était, jusqu’à ces derniers temps, entrée trop avant dans l’histoire du Bas-Canada pour qu’on pût juger l’homme froidement, sans parti-pris. Nous nous sommes efforcé au cours de cet article de le montrer sous son vrai jour. Avons-nous réussi ? À d’autres de répondre.

M. Alfred D. DeCelles est, sans contredit, l’historien qui a jusqu’à ce jour le mieux connu, le mieux compris Papineau. Son admirable ouvrage, publié à Montréal en 1905, (Librairie Beauchemin), mérite d’être lu attentivement par ceux qu’intéresse l’histoire de cette époque tourmentée. Il est aussi impartial qu’on puisse le souhaiter.

Fils de Joseph Papineau, notaire et député à l’Assemblée législative, et de Marie-Rosalie Cherrier, Louis-Joseph naquit à Montréal le 7 octobre 1786. Il commença ses classes à Montréal et il les continua au séminaire de Québec, où il fut le condisciple de Mgr  Turgeon, évêque de Québec, du docteur Joseph Painchaud et de Philippe Aubert de Gaspé, l’aimable auteur des « Anciens Canadiens » et des « Mémoires ». Ce dernier nous dit que « Papineau jouait rarement avec les enfants de son âge ; il lisait pendant une partie des récréations, faisait une partie de dames, d’échecs, ou s’entretenait de littérature, soit avec ses maîtres, soit avec les écoliers des classes supérieures à la sienne. L’opinion générale était qu’il aurait été constamment à la tête de ses classes, s’il n’eut préféré la lecture à l’étude de la langue latine. »

« Comme il lui était permis, continue M. de Gaspé, par faveur spéciale, de lire, même pendant l’étude, sans l’agrément des maîtres de salles, il se dépêchait de brocher ses devoirs pour se livrer ensuite à son goût favori. Il était redevable de cette indulgence, je crois, en reconnaissance de services importants que son père avait rendus au séminaire de Québec, ou peut-être aussi parce que les supérieurs croyaient avec raison que cette faveur ne l’empêchait pas de faire de brillantes études.

« Les maîtres menaient de temps à autre les pensionnaires du petit séminaire aux séances de la chambre d’assemblée pendant les séances du parlement provincial ; et comme les enfants aiment à singer tout ce qu’ils voient, il fut décidé que nous aurions aussi notre chambre d’Assemblée. On commença par les élections. Que d’intrigues ! que de corruption même pour faire élire un candidat de notre choix !

« Le parti conservateur, tremblant pour l’élection de son candidat, proposa de faire voter les ecclésiastiques du grand séminaire. Celui de l’opposition, dont Papineau était le chef, combattait de toutes ses forces l’introduction de cette clause dans notre charte, Il s’en suivit de longs débats, de bien chaudes discussions, mais les tories triomphèrent.

« Le grand jour de l’élection arrivé, les deux candidats firent les discours d’usage, et promirent, comme on le fait de nos jours, plus de beurre que de pain aux sots (et j’étais probablement du nombre) qui ajoutaient foi à leurs discours. L’âge d’or allait renaître pour les écoliers ! plus de pensums, plus de férule, mais des confitures à tous nos repas. Rien de plus aisé à obtenir ; il ne s’agissait que de présenter au supérieur, une requête appuyée par un corps aussi auguste que notre parlement.

« Papineau, âgé alors de treize à quatorze ans, monta sur le hustings et, dans un discours qui dura près d’une demi-heure, foudroya notre malheureux candidat. Je l’ai souvent entendu depuis tonner dans notre parlement provincial contre les abus, la corruption, l’oligarchie, mais je puis certifier qu’il n’a jamais été plus éloquent qu’il le fut ce jour-là. Les prêtres du séminaire s’écriaient : c’est son père ! c’est tout son père ! Quel champion pour soutenir les droits des Canadiens, lorsqu’il aura étudié les lois qui nous régissent ! Et les messires Demers, Lionnais, Bédard et Robert, qui rendaient ce témoignage, étaient des juges compétents. » conclut M. de Gaspé.

Juges compétents ! peut-être, mais éducateurs malhabiles, en tout cas. L’admiration irraisonnée et l’encens à bon marché prodigués à cet enfant, développèrent chez lui une trop grande confiance en soi-même et une croyance injustifiée en ses forces. Dès le collège, où maîtres et élèves le regardaient avec fierté, le tenaient pour ainsi dire sur un piédestal et se pâmaient d’admiration à ses moindres paroles, à ses moindres gestes, dès ses années de collège, dis-je, il se crut d’une essence supérieure, et son orgueil natif s’en accrut d’autant. C’était là, on en conviendra, une éducation fautive, désastreuse pour l’enfant, et qui devait être plus tard, son plus grand ennemi : on faussait inconsciemment son jugement.

Quoique d’une intelligence supérieure, ce manque de jugement, de pondération et d’empire sur soi-même, firent commettre à Papineau de lourdes fautes en politique. D’une suffisance impérieuse, il se croyait en droit de faire la leçon à tout le monde, de guider tout un peuple sans le secours de qui que ce fût. Il ne consultait, en effet, ses amis, ses lieutenants, que lorsqu’il ne pouvait faire autrement, et si les avis reçus ne concordaient pas avec ses désirs, il ne se faisait pas faute de les écarter et de passer outre.

Papineau avait de belles qualités : une grande puissance de travail, une parole facile et abondante, une mémoire bien servie par de nombreuses lectures, une connaissance assez approfondie de l’histoire constitutionnelle de l’Angleterre et des États-Unis, mais il manquait de connaissances générales et, par conséquent, d’envergure dans les idées.

Aucun autre homme politique canadien n’a joui d’autant de popularité que Papineau. Il était l’idole du peuple. Son nom est passé en proverbe. Un fluide magnétique semblait se dégager de sa personne ; il attirait les foules et les faisait tressaillir. Sorti du peuple, il connaissait sa sensibilité, il en avait les instincts et la vision d’un idéaliste.

« Le peuple aime les gestes expressifs qui s’aperçoivent de loin et par-dessus les têtes. Il aime les voix chaudes et vibrantes… Parlez-lui de patrie, de justice et de liberté, si vous voulez qu’il vous entende, qu’il vole dans vos bras et que son cœur soit à vous », a dit l’auteur des « Études sur les orateurs parlementaires ». Papineau connaissait le procédé et il en usait largement, quoique tout probablement d’une manière plus ou moins consciente. Il s’emportait en parlant ; il se grisait lui-même de ses propres paroles comme il enthousiasmait ses auditeurs. Le peuple canadien est grand admirateur de l’éloquence. Un beau parleur peut le manier à sa guise. C’est ce qui explique, en grande partie, l’ascendant de Papineau sur les masses. Au physique, c’était un bel homme ; de haute stature, des épaules larges, couronnées par une tête puissante aux traits fins et réguliers. C’était un homme qui attirait l’attention.

« De tous les hommes qui brillaient alors dans l’enceinte parlementaire ou sur les hustings, dit Benjamin Sulte[1], le plus nouveau, le plus admiré, le plus étonnant était le jeune Louis-Joseph Papineau… Il arrivait en Chambre précédé d’une réputation d’orateur et d’homme d’étude. On raconte que son premier discours fut pour combattre une motion soutenue par son père et qu’il enleva le sentiment des députés. Son père, qui était en même temps son meilleur ami, ne tarda pas à se retirer devant lui, sachant bien que la cause nationale avait trouvé un défenseur digne de devenir son champion en titre. Ses manières affables, son geste engageant, sa conversation polie et admirablement soutenue, presque toujours enjouée, en faisait l’idole de son entourage. Habile comédien, à la façon de tous les orateurs de talent, il s’animait devant le peuple et faisait passer sur son visage, dans sa voix, dans ses moindres mouvements les émotions qu’il voulait faire ressentir à ses auditeurs. Tout vibrait, en lui et à sa vue l’enthousiasme gagnait les têtes. Tel était l’homme qui, au moment où les anciens orateurs atteignaient l’âge de la vieillesse, apparaissait pour leur succéder, en compagnie de cinq ou six autres jouteurs des plus vaillants. »

Mais toute médaille a son revers. Si Papineau avait de belles qualités, il avait aussi des défauts sérieux. Une ambition démesurée, un amour excessif de l’autorité non partagée, c’est-à-dire un instinct dominateur, et un esprit irritable qui lui faisaient repousser les conseils, même ceux de ses plus dévoués partisans. Si ses qualités grandirent avec le temps, ses défauts ne s’améliorèrent pas, au contraire, ils ne firent qu’augmenter davantage de jour en jour, et il vint un temps où ceux-ci l’emportèrent sur celles-là, et l’on eut 1837.

On peut en quelques mots définir Papineau un homme de génie, un grand orateur et un meneur d’hommes ; mais un génie égoïste qui ne savait pas mesurer la parole à l’action, ni au temps où il vivait. Il s’emportait trop en parlant et il ne semble pas avoir eu conscience du mal qu’il faisait par ses discours. Il s’enivrait littéralement de ses propres paroles et ne pouvait juger de leur portée. Il ne prévoyait pas la catastrophe à laquelle il menait inévitablement ses compatriotes suspendus à ses lèvres ; nous le répétons, il manquait de jugement et de pondération.

Nous avons vu que dès son entrée à l’Assemblée législative, Papineau y avait pris une des premières places malgré sa jeunesse. L’honorable Jean-Antoine Panet ayant été promu au Conseil législatif, la présidence de l’Assemblée, qu’il avait si honorablement remplie, devint vacante et Louis-Joseph Papineau fut élu pour le remplacer (21 janvier 1815). Il conserva ce poste de confiance jusqu’à la suspension de la constitution, le 27 mars 1838, si l’on en excepte toutefois les deux années de présidence de Vallières de Saint-Réal (10 janvier 1823 au 8 janvier 1825) pendant la mission de Papineau, envoyé en Angleterre pour combattre le projet d’union des deux Canada.

Durant les trente années qu’il passa à l’Assemblée, Papineau avait représenté les collèges électoraux suivants : comté de Kent du 18 juin 1808 au 22 mars 1814 : Montréal-ouest, du 14 mai suivant au 27 mars 1838 ; Surrey, du 25 août 1827 au 3 décembre 1828 ; et le comté de Montréal, du 22 novembre 1834 au 3 novembre 1835.

Papineau fut appelé à faire partie du Conseil exécutif le 28 décembre 1820. Trois Canadiens seulement faisaient partie de l’Exécutif composé de dix-sept membres, lorsque Papineau y entra : MM. François Baby, Antoine-Louis Juchereau Duchesnay et Olivier Perrault[2]. Voyant qu’il n’y pouvait jouer un rôle prépondérant, Papineau n’y demeura pas longtemps. Il assista à cinq séances du Conseil, puis il n’y mit plus les pieds. D’après le « Guide Parlementaire historique » de M. Joseph Desjardins, Papineau continua néanmoins d’en faire partie jusqu’au 25 janvier 1823. Lord Aylmer voulut l’y faire nommer de nouveau en 1831, mais le vicomte Goderich alors secrétaire d’État pour les colonies s’y objecta.[3]

Lord Aylmer montra en cette occasion une claire vision de la destinée politique et sociale des Canadiens et au point de vue anglais du danger qu’il y avait de les anglifier. « Je suis aussi partisan que peut l’être un Anglais, disait-il, des lois et des institutions britanniques. Il convient tout de même de se demander à quoi mènerait l’anglicisation des Canadiens. En ferait-on des Anglais ou des Américains ? Le Canadien est moral, religieux, obéissant aux autorités constituées, et il ne désire rien tant que de n’être pas dérangé dans ses habitudes et ses convictions. Mais, si on l’anglicisait, je crois bien qu’il prendrait plutôt modèle sur ses voisins immédiats que sur ceux d’outre-mer[4]. »

De 1808 à 1820, Papineau ne joua pas un rôle très actif à l’Assemblée législative. Tout en s’occupant de politique, il avait servi, en qualité de capitaine au cinquième bataillon de la milice d’élite incorporée, d’officier de l’état major (15 décembre 1813) et de capitaine surnuméraire au deuxième bataillon de la ville et banlieue de Montréal, en 1814. Il fut aussi rapporteur suppléant des conseils de guerre (deputy judge advocate), du 15 décembre 1813 au 20 avril 1819. Il fut promu major au troisième bataillon de Montréal, le 3 mai 1830.

À partir de 1820, Papineau devint plus remuant et plus audacieux à l’Assemblée. La question des finances prenait une ampleur nouvelle et devait à l’avenir y primer toutes les autres. Or, les économistes anglo-canadiens d’aujourd’hui sont d’opinion que les vues de Papineau sur ce sujet étaient justes et très étendues ; il devançait de beaucoup son temps. Il eut de plus l’avantage d’avoir pour le seconder dans cette tâche des hommes de mérite, tels que Cuvillier, Neilson et autres. On connaît la lutte qui s’en suivit entre Papineau et Dalhousie. La brèche alla s’élargissant jusqu’au rappel de ce dernier, en 1827. Sous Kempt, qui ne fut que deux ans à la tête des affaires, il y eut accalmie, mais peu après l’arrivée d’Aylmer, en 1830, la lutte reprit de plus belle.

Le vicomte Goderich avait remplacé, le 30 avril 1827, lord Bathurst qui avait dirigé le bureau des colonies pendant quinze ans, mais il n’avait fait qu’y passer. Remis en charge de ce ministère, le 22 novembre, lord Goderich se mit à la besogne et décida enfin d’accorder à l’Assemblée législative à peu près tous les privilèges que celle-ci réclamait. Garneau, qui était un grand admirateur de Papineau reconnaît pourtant que celui-ci eut le grand tort de ne pas accueillir les propositions fort acceptables de lord Goderich. Papineau était devenu intraitable ; il voulait tout ou rien. De ce moment, il n’a plus le beau rôle. Il continua de soulever la province contre le gouvernement, et l’on connaît le résultat de l’élection de 1832 et l’incident regrettable qui eut lieu à Montréal cette année. Papineau somma « Matthew, lord Aylmer » de venir à Montréal et de punir les coupables, c’est-à-dire les officiers des troupes qui avaient commandé le feu lors de l’émeute. Inutile de dire que le gouverneur ignora avec dédain cette sommation pour le moins irrespectueuse.

Deux ans plus tard, Papineau et quelques-uns de ses plus fidèles lieutenants imaginèrent les 92 résolutions. C’en était trop. Le leader canadien qui avait déjà vu plusieurs de ses suivants le quitter, vit avec indignation sept des principaux membres canadiens de l’Assemblée s’unir à l’opposition et voter pour le rejet de ces propositions. Pas un seul de ces sept braves ne put se faire réélire aux élections générales qui suivirent.

De 1834 à 1837, il n’y a qu’un pas ; Papineau le franchit bientôt, et ce fut alors la rébellion ouverte contre l’autorité. Papineau essaya, mais trop tard, de s’y opposer. Le peuple du district de Montréal enflammé par la parole ardente et non mesurée du chef, ne l’écouta plus. Cette échauffourée nous coûta cher et nous valut l’Union si détestée et qui semblait devoir écraser à jamais la nationalité canadienne.

Si Papineau n’est pas le seul coupable, il est du moins le principal facteur de la rébellion. On nous dit qu’il n’a pas voulu la révolte ouverte, armée, et l’on prétend que ses lettres prouvent cette assertion. Est-il possible qu’un homme comme Papineau ait pu se tromper à ce point ? Est-il possible qu’il ne se soit pas aperçu que sa fougue, sa véhémence, son emportement soulevaient les masses et les affolaient ? Mais alors, il faudrait croire qu’il était aveugle ! aveuglé par la passion, par la colère, par l’orgueil ! Encore une fois est-ce que Papineau se grisait, s’enivrait littéralement en parlant, au point de ne pouvoir se rendre compte de l’abîme qu’il creusait et où il conduisait, tête baissée, ses compatriotes. Nous le croyons. Et ce serait là un politique habile, un homme d’État !

Papineau sentait, dès 1831, le pouvoir lui glisser des mains ; les principaux membres de l’Assemblée commençaient à se fatiguer de sa tyrannie. Mais voyant la défection de ceux-ci, le chef n’en devint que plus entêté, plus irrité, plus intraitable. Et dès lors, il glissa rapidement sur le plan incliné qui menait à la révolte ouverte, c’est-à-dire à l’abîme. Il ne sut pas, ou ne put pas s’arrêter à temps.

À la grande assemblée de Saint-Charles, où on avait élevé une colonne surmontée du bonnet de la Liberté, et où le docteur Nelson déclara que le peuple devait s’organiser pour résister à la violence par la violence, Papineau parut et souleva un enthousiasme indescriptible. Il parla longuement aux applaudissements répétés de la multitude. Il conseilla aux gens de rester sur le terrain de l’agitation constitutionnelle. Mais à ce moment M. Nelson s’écria : « Eh bien ! non, je diffère d’opinion avec M. Papineau ; je prétends que le temps est arrivé de fondre nos cuillers pour en faire des balles. »[5]

L’auteur auquel nous empruntons ce détail, ne nous dit pas que Papineau ait rebuté le docteur Nelson pour ces paroles véhémentes, ces paroles séditieuses. D’autres discours tous plus violents les uns que les autres suivirent. Papineau fit-il quoique ce soit pour dissuader les orateurs de fomenter la rébellion ouverte ? Nul ne le dit. En tout cas, plusieurs prises d’armes eurent lieu et Papineau dut prendre le chemin des États-Unis pour mettre sa personne en sûreté.

Des États-Unis, Papineau passa en France où il demeura jusqu’en 1844, alors que La Fontaine obtint pour lui comme pour tous les autres rebelles, une amnistie pleine et entière. Il revint alors au Canada.

À peine était-il de retour — grâce aux bons procédés du nouveau chef des Canadiens — qu’il s’agitait de nouveau. Il se fit élire dans le comté de Saint-Maurice, le 24 janvier 1848 et il le représenta jusqu’au 6 novembre 1851. Aux élections suivantes, il se présentait dans le comté des Deux-Montagnes et il était élu, le 9 juillet suivant. Il se retira définitivement de la politique, le 23 juin 1854.

Quelle fut sa conduite en Chambre durant ces sept années ? Il se posa comme le chef du radicalisme et fit la lutte à La Fontaine. Il ne semble pas s’être aperçu du pas immense fait dans la politique canadienne durant son absence en Europe où la fréquentation de Lamennais, de Béranger et de Louis Blanc laissa son empreinte sur ses idées.[6] Il voyait tout en noir, et il fut la cause, inconsciente peut-être, de la division du parti canadien en chambre et de la fondation du nouveau parti soi-disant démocratique, ayant pour chef les deux Dorion, Rodolphe Laflamme, Dessaulles et autres. Il prit enfin sa retraite de la politique et se retira en son manoir de Montebello d’où il ne sortit plus guère jusqu’à sa mort survenue le 22 septembre 1871, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

Louis-Joseph Papineau avait épousé, à Québec, le 29 avril 1818, Julie, fille de Pierre Bruneau et de Marie-Anne Robitaille. De cette union naquirent trois fils, Lactance, Gustave et Amédée, et deux filles, Ézilda et Azélie. Cette dernière épousa Napoléon Bourassa. De ses trois fils, Amédée seul lui survécut ; les deux autres moururent jeunes.

Terminons cette esquisse par ce paragraphe cueilli dans l’ouvrage de M. De Celles :

« Ce serait faire injure à sa mémoire que de conclure de l’attitude de Papineau dans les luttes qui ont occupé une partie de sa vie, qu’il fut un homme imbu de préjugés de race. Son hostilité n’a jamais été dirigée contre les Anglais comme peuple ; elle visait uniquement les ministres qui refusaient de nous accorder, dans toute leur intégrité, les droits de sujets britanniques que nous étions fondés à réclamer. Il serait impossible de relever dans l’ensemble de ses discours une seule parole malsonnante à l’adresse du peuple anglais. Ses idées l’auraient plutôt entraîné à un cosmopolitisme conforme aux aspirations de la démocratie. À ce point de vue, il est en avance sur ses contemporains de tous les pays, où les préventions religieuses et nationales, toujours actives, ne rappellent que trop souvent les hommes arriérés des siècles évanouis. Un jour que M. Ougy, Suisse d’origine, inféodé au parti anglais, disait, à la Chambre de Québec, qu’il préférait voir aux affaires un ministère composé de citoyens nés dans le pays, Papineau lui répondit : « Pour moi, ce que je désire, c’est un gouvernement composé d’amis des lois, de la liberté, de la justice ; d’hommes qui protègent indistinctement tous les citoyens, qui leur accordent tous les mêmes privilèges. J’aime, j’estime ces hommes sans distinctions d’origine ; mais je hais ceux qui, descendants altiers des conquérants, viennent dans notre pays nous contester nos droits politiques et religieuxOn nous dit : « Soyons frères » ! Oui, soyons-le, mais vous voulez tout avoir : le pouvoir, les places et l’or, c’est cette injustice que nous ne pouvons souffrir. »

En conclusion, nous dirons que, malgré ses défauts, Louis-Joseph Papineau a été pendant un quart de siècle l’homme le plus en vedette au pays. Ce grand citoyen a tenu durant la première moitié de sa carrière politique un rôle éminent, et peu d’hommes en aucun pays ont joui d’une aussi grande popularité. S’il eut eu plus de modération, plus de diplomatie, il eut obtenu plus de succès en politique. Papineau est et demeurera néanmoins une des grandes figures politiques du Canada français ; son nom restera gravé dans la mémoire de ses compatriotes qui lui pardonneront ses imperfections en raison des services inappréciables qu’il a rendus à la cause canadienne, et pour le nouveau lustre qu’il a ajouté à la gloire des ancêtres.

La biographie qui précède était écrite depuis plusieurs années lorsque Nova Francia, revue d’histoire du Canada publiée à Paris,[7] nous apporta un jour deux lettres de M. E. de Pontois, ambassadeur de France aux États-Unis, adressées au comte de Molé, ministre des Affaires Étrangères, relatives à Papineau et à la rébellion de 1837-38. Il va sans dire que nous les avons lues avec autant de plaisir que d’étonnement. Comme on le verra par les extraits que nous en donnons ici, ce noble et distingué diplomate porte sur Papineau le même jugement que nous. M. de Pontois n’étant ni Anglais ni Canadien pouvait voir la situation telle qu’elle était en réalité et porter sur le chef de la rébellion un jugement tout à fait désintéressé. Nous sommes donc en bonne compagnie.


Direction politique 9 7bre Montréal le 9 août, 1837.

No. 14-31


Monsieur le Comte

20 À la première nouvelle de l’adoption des résolutions dont je viens de parler, l’agitation s’est manifestée dans le Pays, de nombreux et fréquens rassemblemens, provoqués par les Organes de l’opposition, ont eu lieu dans les villes et dans les campagnes, et des proclamations d’un caractère violent et séditieux ont été adressées au Peuple. Je crois pouvoir dire, avec connaissance de cause, que ces troubles ne sont pas nés d’un mouvement national et spontané, et qu’ils ont été préparés à l’avance par les Chefs du parti Canadien de concert avec leurs amis du Parlement tels que MM. Roebuck, Leader, etc., dans le but de réaliser les prédictions de ces derniers sur les mauvais effets des résolutions. Ils ont été du reste et sont encore en ce moment, beaucoup moins sérieux que ne voulaient le faire croire les journaux des deux partis, les uns pour effrayer le Gouvt. les autres pour lui montrer la nécessité des mesures de rigueur. Le vrai but que se proposent les agitateurs est d’agir sur l’esprit du Ministère Britannique et sur l’opinion publique, par ces bruyantes protestations, et d’arracher à la crainte ce qu’ils n’ont pu obtenir de la persuasion. C’est dans le même espoir qu’ils cherchent à établir quelques rapports entre leur Pays et les États-Unis, et qu’ils font, en ce moment, signer par leurs partisans une pétition au Congrès, tendant à obtenir une réduction de droits sur leurs grains. Ils ne se bornent pas à inspirer à l’Angleterre des inquiétudes sur la conservation de la Colonie, ils veulent encore lui en rendre la possession peu profitable et même onéreuse, en l’obligeant à accroître sa force militaire et ses autres moyens de défense, et en la privant en même temps d’une partie des profits que son commerce retire du Canada. Pour obtenir ce dernier résultat, ils ont pris la résolution de ne plus consommer de produits Anglais, ou importés par les batimens de cette nation, et de ne faire usage que d’objets manufacturés dans le Pays, ou introduits en contrebande. Il paraît que cette recommandation a déjà été suivie d’assez d’effet pour produire une diminution sensible dans la vente des importations anglaises. Quant aux moyens plus violents et plus décisifs c’est à dire le recours aux armes, il faut espérer que malgré les excitations de la Presse et des résolutions des meetings qui prêchent ouvertement la révolte les Canadiens seront assez sages assez prudens, assez éclairés sur leurs véritables intérêts pour s’en abstenir. Ils n’auraient en effet aucunes chances de succès, dans les circonstances actuelles, et cette imprudente tentative, non seulement causerait la ruine actuelle de leur Pays, mais aurait encore pour effet inévitable de reculer, indéfiniment peut être, l’époque du redressement de leurs griefs et de leur émancipation, deux choses que le temps et l’influence de l’opinion publique peuvent seuls amener. J’espère qu’ils renonceront aussi au projet moins dangereux mais aussi impolitique, de recourir à l’intervention des États-Unis, d’abord au moyen de la pétition dont j’ai parlé plus haut ensuite, peut être, en réclamant l’exécution des promesses faites au Canada par la Confédération Américaine, dans l’acte de déclaration de son Indépendance. C’est dans ce sens que je me suis franchement expliqué avec diverses personnes de ce parti, et surtout avec M. Papineau qui m’a fait l’honneur de venir me voir, et m’a longuement parlé de l’état des affaires. M. Papineau est, comme le sait Votre Excellence, le Chef du parti Canadien Français : Il est depuis vingt ans le Président (speaker) de la chambre d’assemblée, et les efforts tentés, à différentes reprises par l’Autorité Anglaise et notamment par Lord Dalhousie qui cassa même le parlement à ce sujet, pour l’écarter de cet emploi, ont tous été infructueux. Il jouit dans le Pays d’une immense popularité et il la mérite à certains égards, ses ennemis eux-mêmes ne contestent ni ses talents, ni son caractère honorable ; ils le représentent seulement comme manquant de l’énergie et de l’audace qu’il faudrait à un Chef de Parti. Par conviction ou politique, Lord Gosford m’en a fait le plus grand éloge. M. Papineau qui a aujourd’hui environ 50 ans a exercé dans sa jeunesse, la profession d’avocat qu’il a entièrement abandonnée, depuis qu’il est entré dans la vie publique. Il possède au lieu dit la petite Nation à vingt ou trente lieues de Montréal, une propriété ou, pour parler le langage du pays, une seigneurie d’une assez grande étendue, mais d’un revenu médiocre. Il touche, comme speaker 1000 livres sterling par an. M. Papineau, m’a paru beaucoup au-dessous de sa réputation et du rôle qu’il prétend jouer ; ses idées sur les questions générales sont communes, sa conversation déclamatoire, son admiration pour les Institutions démocratiques des États-Unis, dénuée de critique et de discernement ; ce qui peut-être doit peu surprendre de la part d’un homme qui n’a reçu que l’imparfaite éducation d’un Pays fort arriéré, qui a à peine vu l’Europe et qui passe sa vie au milieu de gens qui lui sont fort inférieurs et l’écoutent comme un oracle ; mais ce qui m’a étonné et en même temps peu rassuré sur l’avenir du Parti Canadien, qu’il dirige à son gré, c’est qu’il se fait les plus dangereuses illusions tant sur la portée de ses ressources et l’esprit de la population, que sur l’appui à attendre des États-Unis. Il faut être en effet, bien aveuglé par les préoccupations de l’esprit de parti, ou comme on le croit ici assez généralement, par les fumées de l’ambition, pour vouloir faire d’hommes pacifiques, religieux, et Français d’origine comme le sont les Canadiens, des Révolutionnaires et des Démocrates jaloux de s’incorporer dans la République des États-Unis et pour se persuader que cette République va se jeter dans les chances périlleuses d’une guerre avec l’Angleterre, par enthousiasme chevaleresque et sympathie pour leur cause.

(Signé) E. de Pontois
Légation de France aux États-Unis
Direction Politique
No. 68-42.
New York, 30 Novembre, 1838.
Monsieur le Comte,

Monsieur le Comte,Vous trouverez ci-joint copie de la réponse de Mr. Fox à la lettre Confidentielle que je lui avais adressée.

M. Papineau est venu me voir il y a quelques jours. J’ai acquis, par sa conversation, de nouvelles preuves de l’impossibilité du succès de l’Insurrection. « C’est, a-t-il fini par m’avouer lui-même, une Population, réduite au désespoir, qui se précipite aveuglément au devant du danger, sans concert, sans organisation, sans secours étranger, et qui se dévoue à la mort. » J’ai cru devoir lui représenter alors, au nom de l’intérêt ce que le sort du Canada inspire à tout cœur français et avec la force que donne une profonde conviction, que si un pareil sentiment pouvait être excusable dans les Masses, il ne l’était pas dans leurs Chefs, dont le devoir était, au contraire d’user de tous les moyens en leur pouvoir pour arrêter une lutte trop inégale, et sauver, s’il en était tems encore, leur malheureux Pays dupe et victime des intrigants et des spéculateurs Américains, de la ruine et de la destruction dont il était menacé. C’était une promte soumission, ai-je ajouté, qui pouvait seule donner au Gouvernement de la Reine la possibilité d’écouter les plaintes des Canadiens et de protéger leurs droits et leur Nationalité contre le Parti qui en demandait hautement l’anéantissement, et dont les circonstances actuelles ne favorisaient que trop l’animosité et les exigeances. C’était elle qui pouvait aussi permettre aux voix amies et généreuses de tous les Pays de faire entendre des paroles de modération et de conciliation, qui aujourd’hui ne seraient pas écoutées. J’ai dit enfin à M. Papineau que ce beau et noble rôle de sauveur de ses compatriotes pouvait, s’il le voulait, lui appartenir, à lui qui, je le savais, avait déconseillé l’Insurrection, qui était dénoncé par les Meneurs actuels, et qui représentait seul, aux yeux de tous les gens éclairés de ce Pays, comme à ceux des Autorités Anglaises elles-mêmes, le côté honorable et vraiment patriotique de la cause canadienne ; qu’il ne lui fallait, pour cela, que se séparer, dès à présent, et avec éclat, des intrigans qui s’étaient mis à la tête des derniers mouvemens et avaient exploité la crédulité des Canadiens, recommander à ses partisans la soumission et la patience, et, en même temps, réclamer avec énergie et persévérance auprès du Gouvt Britannique contre le Régime illégal, arbitraire et violent qui opprimait le Pays et lui préparait de nouveaux troubles et éveiller ainsi l’intérêt et les sympathies de l’opinion publique, tant en Amérique qu’en Europe et jusque dans le sein du Parlement Anglais. Malheureusement, Monsieur le Comte, un pareil rôle est au dessus de la portée de M. Papineau, homme honnête et consciencieux, mais d’un esprit médiocre et étroit, rempli de lieux communs à la place d’idées et opposant à la logique des faits et des réalités de vaines utopies et de puériles illusions, en un mot, précisément le contraire de ce que doit être un Chef de Parti. Au reste, il est juste de dire que, voulut-il adopter le Plan que je lui indiquais, pour l’exécution duquel il pouvait compter sur l’appui de M. Fox, et probablement sur celui de Lord Durham, peut-être ne le pourrait-il pas : car son influence et sa Popularité, auxquelles les événemens de l’année dernière avaient déjà porté une rude atteinte, pourraient bien être tout à fait nulles aujourd’hui. Il vient de partir pour Washington non das l’espoir, dit-il, d’intéresser à sa cause le Gouvernement des États-Unis qu’il accuse de faiblesse et de pusillanimité, mais pour se mettre en rapport avec quelques membres influens du Congrès. Il songe aussi à passer en Europe c’est à dire en France où il espère réveiller d’anciens souvenirs et faire parler de puissans intérêts. J’ai cru devoir ne pas lui laisser d’illusions à cet égard, et lui ai dit, en le dissuadant de son projet, qu’il était sûr de rencontrer chez les personnes auxquelles seules il voulait s’adresser (c’est à dire aux Ministres du Roi) sympathie pour les habitans du Canada et désir de contribuer à adoucir leur sort mais rien au dela…

J’ai l’honneur &c., &c.
Monsieur le Comte
de Votre Excellence
le t. h. & obéissant serv.
E. de Pontois


(Lettre autographe signée)[8]


son excellence monsieur le compte molé, président du conseil, ministre des affaires étrangères, &a. &a.

  1. Hist, des Can. fran., VIII, 72.
  2. Les quatorze Anglais étaient : MM. James Monk, Adam Lymburner, John Richardson, Jonathan Sewell, James Irvine, James Kerr, Ross Cuthbert, Michael-Henry Perceval, John Mure, Wm-B. Coltman, William Smith, Jr, le lieutenant-colonel John Ready et M. John Hale, tous deux nommés en même temps que Papineau.
  3. Lettre d’Aylmer à Goderich, 26 août 1831. Arch, du Can. série Q. Vol. 198-1, p. 172.
  4. Voici le texte de cette lettre :

    « I feel it to be due to myself to intrude a few words (merely of explanation) on your lordship’s notice regarding the application, which on a former occasion, I took the liberty of addressing to you for the appointment of Mr. Papineau to be a Member of the Executive Council.

    « It is quite impossible to go further than I do in condemning the publick Conduct, and language of that Gentleman in the House of Assembly ; and he must himself be well aware of this for I have expressed myself without reserve on the subject to some of his most intimate friends ; and although as an individual I live upon good (I may say cordial) terms with Mr. Papineau whose private Character I much esteem, I studiously avoid all conversation with him upon the Publick Affairs of the Province — my recommendation of him therefore, to be a Member of the Executive Council, could not have proceeded from any favorable disposition towards him as a Public Character. But I felt desirous, I confess, to show Mr. Papineau, and all those who participate in his Political Sentiments, that the Administration of the Province was free of all party connexions determined to work its way in a straight forward course, and to afford the most unequivocal proof that the machinery which impelled it was open to the inspection of whoever might be disposed to examine it. Policy like this appears to me to be one that will suit the Actual circumstances of this Government, which is altogether (and I entreat your Lordship to bear this in mind on all occasions) without influence of any description in the House of Assembly ; the only branch of the Legislature which is regarded with any degree of respect and confidence by the people at large — nothing remains, therefore, for the Government but to create for itself the strength, derived from the possession of publick opinion — it is my constant aim, and study to obtain for it the advantage of this powerful lever, and I am rejoiced in having the opportunity which the contents of your Lordship’s Despatches affords me, to observe, that the wise, the enlightened, and I must add, the noble views, taken by His Majesty’s Government of the Affairs of this Province, afford every prospect of rendering the execution of my publick duty a delightful and easy task for the time to come.

    I will only intrude one more observation on your Lordship whose time I am well aware must be most fully & anxiously occupied. I myself partake of all that parliality which so particularly distinguishes Englishmen in favor of their own Laws and Institutions, and should be most happy to see them universally established in all Btilish Colonies ; but in the case of this particular Colony it well becomes all those who are so eager to ANGLIFY the French Canadians, to consider what those French Canadians would become on ceasing to be what they are : Would the change make them Englishmen, or Americans ? At present the French Canadian is moral, religious obedient, to the authorities placed over him ; and desirous of nothing but of not having his habits and prejudices invaded. Such is the Character of the French Canadian of the present day ; but if this to be re-modelled, I much fear that he would look, not across the Atlantick to a distant land, but over an imaginary line at the threshold of his own door, for the forms which his character and principles are then to assume.

    (Signed) AYLMER

    The Lord Viscount Goderich

  5. L-O. David. Les Patriotes de 1837. 
  6. A.-D. De Celles — Papineau, p. 196.
  7. Année 1928-29
  8. Arch. des Affaires Étrangères, Corr. P. États-Unis, Vol. 94, ƒƒ. 241-244.