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Les vertus du républicain/01

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Charles Furne Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 5-8).

LES VERTUS
DU
RÉPUBLICAIN

i.

L’AMOUR.


Frères,

Aimons-nous d’abord. Tout est facile entre gens qui s’aiment.

S’il y a encore des cœurs indécis qui hésitent à s’ouvrir à l’amour, crions bien fort que ce n’est pas vrai : ce ne sera pas vrai demain.

L’amour est contagieux : luttons ensemble à qui aimera le premier.

Vous avez entendu parler de théories qui s’avancent, On vous a jeté à la face des mots effrayants ; on vous a murmuré à l’oreille des phrases haineuses. De part et d’autre on vous montrait au doigt, disant aux ignorants et aux faibles : « Vois-tu celui-là ? c’est un ennemi. »

Oublions tout cela. Aimons-nous. Nous sommes bien tous les enfants de la femme, les enfants de la même patrie, les enfants du même Dieu. Nous avons tous nos besoins communs, nos amours communs, nos mêmes erreurs, hélas ! et nos mêmes misères. Ne méprisons rien, n’insultons rien ; n’entrons pas dans une discussion sans fin, chacun nos droits à la main. Aimons-nous, c’est plus tôt fait, et cela vaut mieux.

L’amour est plus fort que le monde. Dieu parlait au cœur de celui qui l’a dit le premier. Que cette pensée sainte nous soutienne et nous rallie, et nous apprenne à nous appuyer les uns sur les autres, au lieu de nous appuyer les uns contre les autres.

Dites, au sein des luttes et des colères, n’avez-vous jamais senti quelque chose qui se révoltait en vous, une voix indignée, la voix de Dieu, qui criait tout bas dans vos poitrines haletantes : « Caïn, que fais-tu, que veux-tu faire de ton frère ? »

Ce n’est pas pour rien que la république s’est appelée : la liberté, l’égalité, la fraternité.

Un républicain doit aimer. Celui qui n’aime pas, n’est pas républicain, Il oublie que le premier mot de son catéchisme, c’est l’amour pour son frère.

Que ferez-vous de la terre, si vous éteignez le soleil ? Que ferez-vous de l’humanité, si vous lui ôtez l’amour ?

Ah ! je m’inquiète bien peu des grands problèmes qui se posent, et des solutions rivales qui se disputent l’honneur d’en venir à bout, Apprenez à tous ces gens-là à s’aimer ; ils n’auront plus besoin de vous.

Quand l’amour est devenu une nécessité, de quel nom le nommer ? Eh bien ! nous en sommes là. Il faut, sous peine d’être emportés avec les nôtres dans un abîme inconnu, dans un dédale d’intérêts entrecroisés, où nous péririons tous, il faut que nous nous décidions enfin à nous aimer, Dieu le veut ! Il nous a mis le marché à la main, et je vais vous traduire la phrase : Il faut que nous nous décidions à être heureux.

Un grand débat commence, qui veut avoir une issue, Si je vais de l’un à l’autre, ma tête se perd, et mon cœur s’est brisé cent fois, avant que j’aie osé décider.

L’implacable justice étend ses deux bras sur toutes ces têtes ; et faire couler des larmes pour en sécher d’autres, ce n’est pas là de l’amour. Non, je ne voudrais pas être juge ici, il faut que les parties s’entendent, et de la science du Code elles n’en ont que faire. Le Christ l’a dit, et nous pouvons l’en croire :

« Mes enfants, aimez-vous les uns les autres, c’est là la loi et les prophètes. »