Les Éblouissements/Les prêtresses des Panathénées

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Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 143-145).

LES PRÊTRESSES DES PANATHÉNÉES

(Au Musée du Louvre.)

Je vous vois aujourd’hui pour la première fois,
Et levant mes mains étonnées,
Je vous adore avec mon extase et ma voix,
Prêtresses des Panathénées !

Ô sublime candeur, vous passez lentement ;
Votre robe où mes yeux s’abreuvent,
Ruisselle, coule, luit, – divin allongement –
Comme les rayons et les fleuves !

Vos membres effilés, votre frêle épaisseur
Semblent la surface des sources ;
Immobiles, pourtant vous glissez, ô douceur,
Comme le soleil fait sa course.

Vos bras abandonnés et votre main qui pend,
Suivent les plis de vos toniques,
Ô roseaux enflammés, ô flûte du dieu Pan,
Ô mystérieuses musiques !


Vous êtes moins des corps que des ruisseaux de miel,
Que des gerbes de seigle tendre,
Que des jasmins dorés, que des pentes du ciel
Où la lumière vient s’étendre.

Ni la Vierge Marie, assise auprès d’un lis
Et jouant avec de doux gestes,
Ni le rire enfantin et grave de son fils,
N’ont votre pureté céleste.

Dans le triste Musée où pâlissent vos jours,
Promeneuses du ciel attique,
Regrettez-vous les secs et limpides contours
Des collines et du Portique ?

Songez-vous aux bergers assis au bord de l’eau,
Au potier près d’un toit qui fume,
A la brebis laineuse allaitant un agneau,
A la mer, fileuse d’écume…

Vous ne reverrez pas votre coteau natal ;
Jamais un peuple au son des flûtes
Ne vous ramènera, cortège triomphal,
Sur la noble terre où vous fûtes.

Ah ! du moins, demeurez chez les Francs aux beaux yeux,
Près de la Seine sinueuse,
Où la clarté de l’air, où la douceur des cieux
Rappellent votre rive heureuse.

 
Demeurez, nymphes d’or, perles des jours sacrés,
Ô filles du chantant Homère !
Flottez sur la cité, rayonnez sur les prés,
Reposez-vous sous la fougère.

Ah ! que j’aille tresser une corbeille d’or,
Et que pour vous l’offrir j’y mette
Les roses de Délos, les figues de Luxor,
Les serpolets du mont Hymette !

D’autres prêtres, courbés auprès de lourds autels
Illuminés comme un théâtre,
Brûlent devant des dieux moins que vous immortels
Votre encens laiteux et bleuâtre.

– Mais vous, claire Pallas, ô porteuse de lin,
Ô noblesse de la nature,
Aurore aux lèvres d’or, ruissellement divin,
Vous êtes l’Idole future