Lettres touchant la succession de Charles d’Anjou, roi de Sicile, au profit de la Maison d’Armagnac

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Ordonnances des rois de France de la troisième race
impr. royale (19p. 278-280).

Lettres touchant la jouissance des Terres de la Maison d’Armagnac.


Charles, par la grace de Dieu, roy de France, à tous ceulx qui ces présentes lectres verront, salut. Comme tantost après le trespas de feu nostre très-cher seigneur et pere, que Dieu absolve, et nostre joyeux advenement à la couronne, nous, estant en nostre chastel d’Amboise, eussions mande venir pardevers nous plusieurs grans princes et seigneurs de nostre sang et lignage, pour assister entour de nous et de nostre personne, et, entre autres, nos très-chers et très-amez cousins Jehan et Loys d’Armaignac lesquels, peu de temps après leur venue, nous eussent umblement fait supplier et requerir en la presence de plusieurs seigneurs de nostre sang, preslats d’église et autres gens de nostre grand conseil, que nostre bon plaisir fust leur faire delivrer les terres et seigneuries qui leur estoient escheues et advenues par le trespas de feu nostre très-cher et tres-amé cousin Charles d’Anjou, en son vivant roy de Sicile et comte du Maine, leur oncle maternel, et dont il estoit mort saisi et vestu, non tenues en pairie et appanage de France, ni venues de nostre domaine, appartenans auxdits Jehan et Loys d’Armaignac, Catherine et Charlote sœurs, comme enfans de nostre très-chère et très-amée cousine dame Loyse d’Aniou, sœur de nostredit cousin et sa seule héritiere ; c’est à savoir, les comté, chastel et seigneuries de Guise en Thierache, au bailliage de Vermandois, prevosté de Ribemont ; la terre, chastel et seigneurie de Nouyon, audit bailliage ; la terre et seigneurie de Chastellerault, au comté de Poitou ; les terres et seigneuries de la Ferté-Bernard, Mayene-la-Juhes et Sablé, au pais et comté du Maine ; les terres et seigneuries de Nogent-le-Rotrou, Brou, Mommirail, Authon, la Bazoche, Rivery, la Ferriere, Montlandon, Montigny, Alluye, Pierre-Coupe, assis au pais et comté du Perche et pais Chartrain ; les terres et seigneuries de Clairon et de Coulerbache, assis près la Rochelle en la seneschaussée de Saintonge ; les terres et seigneuries de Longjumel et Chailly en la prevosté de Paris, et une maison assise es faubourg de Saint-Marceau près Paris ; et autres plus à plein par eux declarées, avec leurs appartenances. Sur quoy avons voulu ouïr nostre procureur, qui nous a fait dire et remonstrer icelles terres et seigneuries par nosdits cousins demandées nous competer et appartenir à cause de la couronne, mesmement les aucunes et les autres moyennant le testament fait par nostredit cousin Charles d’Anjou, roy de Sicile, par lequel testament il auroit institué son héritier universel nostredit feu seigneur et pere. Après lesquelles choses ainsi par nostredit procureur proposées eust esté dit et repliqué, pour la partie de nosdits cousins, que lesdites terres et seigneuries n’estoient de nostre domaine, ne aussi tenues en pairie ne appanage de la couronne, declarant expressément qu’ils n’entendoient aucune chose demander ou requerir en ce que nostredit cousin Charles d’Anjou avoit tenu en pairie et appanage, ne semblablemem en ce qui seroit trouvé estre de nostredit domaine ; et au regard dudit testament, disoient que, selon les coustumes generalement gardées es lieux et pais où lesdites terres et seigneuries sont assises, institution de héritier n’a point de lieu, et s’en rapportoient à ce que notoirement en estoit sceu et tenu par tous esdits lieux et pais. Lesquelles parties ainsi ouyes par nous et les princes de nostre sang et autres gens de nostre grand conseil, eust esté appoincté quelles bailleroient leurs faits et raisons par un brief interdit d’un cousté et d’autre, pour sur iceulx faire inquisition par maniere d’enqueste, qui seroit apportée en dedans deux mois lors suivans, et produiroient tout ce que bon leur sembleroit, pour, le tout veu, en estre ordonné et fait droit ainsi qu’il appartiendra par raison. Et en oultre, fust appoincté que nosdits cousins, tant pour leur demeure que pour leur vivre et conduite de ce procez, auroient dès-lors les chastel, ville et manoir de Chastellerault, et la somme de six mille livres tournois, à la prendre et percevoir sur le revenu et plus clairs deniers dles susdites terres par eulx demandées. En suivant lequel appoinctement, et par vertu d’autres nos lettres sur ce données, nosdits cousins ont à toute diligence fait besoigner en ladite inquisition et enqueste, nostredit procureur deuement appelle, laquelle enqueste a esté rapportée devers nostredit grant conseil ; et aussi ont produit nosdits cousins leurs lettres et titres au temps sur ce prefix : mais nostredit procureur a tousjours delayé, tendant à fin que ladite cause et matiere fust renvoyée en nostredit court de parlement à Paris ; à quoy de la partie de nosdits cousins fust dit que ladite matiere se pouvoit vuider par leur enqueste et production, car les choses proposées par nostredit procureur n’estoient que fuites ou nyances, et pour ce requeroient que les susdites terres et seigneuries leur fussent entierement delivrées, du moins par maniere de provision dès maintenant pendant lesdits procez, attendu qu’ils n’avoient de quoy vivre, et que de la provision de six mille livres dont dessus est faite mention, ils nauroient peu recouver aucune chose, et si avoient frayé beaucoup pour obtenir l’execution d’icelle, et parce ne leur estoit venu de ladite provision que tout dommaige, et leur voulsist mieulx que jamais ne leur eust esté donnée, ainsi qu’ils disoient. Et il soit ainsi que aucuns princes de nostre sang, complaignans l’affaire de nosdits cousins, nous ayent fait pour iceulx nos cousins très-instantes requestes, et semblablement les gens des trois estais de nostre royaume, lesquels, en la publique assemblée d’iceulx estats, nous ayent par deux fois umblement supplié que voulsissions avoir pitié du fait de nosdits cousins ; sçavoir faisons que, eu regard ausdites requestes, veu et visité ledit procez par les gens de nostredit grant conseil, et oy leur rapport, et aussi ladvis et opinion de plusieurs princes et seigneurs de nostre sang et autres de nostre conseil estant alentour de nous, consideré tout ce que fait à voir et considerer en ceste partie, et mesmement pour aucuns piteulx et charitables regards avec la proximité de lignage à quoy nosdits cousins nous attiennent et nous à iceulx nos cousins, de plaine puissance et auctorité royal leur avons baillé et delivré, baillons et delivrons, lesdites terres et seigneuries venues de la succession dudit feu roy Charles d’Anjou, leur oncle maternel, à cause de nostredite cousine leur mere, c’est à savoir, la comté de Guise en Thierache, au bailliage de Vermandois, prevosté de Ribemont ; la terre, chastel et seigneurie de Nouyon, audit bailliage, la terre et seigneurie de Chastellerault, au comté de Poitou ; les terres et seigneuries de Mayene-la-Juhes, Sablé et la Ferté-Bernard, assises au comté du Maine ; les seigneuries de Nogent-le-Rotrou, Brou, Mommirail, Authon, la Bazoche, Rivery, la Ferriere, Montlandon, Montigny, Alluye, Pierre Coupe, assises au pays et comté du Perche et pais Chartrain ; les terres et seigneuries de Chailly et Longjumel en la prévosté de Paris, et une maison assise es faubourg de Saint-Marceau près Paris avec leurs appartenances, pour en joyr plainement et paisiblement par maniere de provision sous nostre main jusqu’à ce que par nostre court de parlement à Paris, parties ouyes, autrement en soit ordonné ; reservé, que nous pourrons pourvoir et commectre à la garde des places fortes et principalles d’icellesdites terres et seigneuries, si bon nous semble ; et avons renvoyé et renvoyons à icelle court de parlement ladite cause et procès, ensemble les parties en l’estat qu’ils sont, pour proceder sur le principal de ladite matiere au premier jour du mois de juing prochain venant ; moyennant laquelle provision presente nosdits cousins ne pourront demander aucune chose à cause de l’autre provision, fors jusqu’à la date de ces presentes, de six mille livres nonobstant quelzconques dons faits à quelques personnes que ce soit par feu nostre très-cher seigneur et pere et par nous confirmez et donnez de nouvel, oppositions ou appellations quelzconques faites ou à faire et sans prejudice d’icelles. Si donnons en mandement à nostre amé et féal conseiller en nostre grant conseil maistre Charles de Bayencourt, aux baillis de Vermandois et de Chartres, prevost de Paris, seneschal de Poictou, et juge du Maine, ou à leurs lieuxtenans, à ung chacun d’eulx à qui il appartiendra, et à tous nos autres justiciers et officiers, que de nostre presente ordonnance et provision ils souffrent et laissent joyr et user plainement et paisiblement nos cousins, sans sur ce leur donner ou souffrir estre donné aucun destourbier ou empeschement, en contraignant à ce faire tous ceulx qu’il appartiendra par toutes voyes et manieres deues et raisonnables, nonobstant comme dessus. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre scel à ces presentes. Donné au Plessiz du Parc-lez-Tours, le cinquiesme jour de mars, l’an de grace mil quatre cent quatre-vingt-et-troys, et de nostre regne le premier. Sic signatum supra plicam : Par le roy en son Conseil, auquel estoient Monseigneur le duc de Bourbon, connestable de France, les contes de Clermont, d’Albret et de Dunoys, vous, les évesques d’Alby, de Perigueux et de Coustances, les seigneurs de Gyé et Desquerdes, mareschaux de France, de Jorcy et de Comminges, de Richebourg, de Baudricourt, d’Argenton, de Genly, de la Roche, de Vatan et de l’Isle, maistres Bernard Lauret, premier Président de Toulouse, Jehan Chambon, Pierre de Sasierges, Guillaume de Cambray, Philippe Baudot, et autres présens. PETIT.