Lohengrin (Albert Giraud)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 134-135).


Lohengrin


Ô douce voix d’enfant, pleine de chanterelles,
Chante dans la lumière autour de mon chevet !
Ton rire, comme un vol soyeux de tourterelles,
Laisse neiger en moi son tiède et blanc duvet.
Ô douce voix d’enfant, pleine de chanterelles,
Chante dans la lumière autour de mon chevet !

Regards sablés d’argent, couleur d’ardoise humide,
Semblables à des lacs sous des cieux violets,
Égayez lentement de votre azur timide
La candeur du matin qui bleuit mes volets,
Regards sablés d’argent, couleur d’ardoise humide,
Semblables à des lacs sous des cieux violets !

Rafraîchissez mon sang, lèvres ! Roses mousseuses
Qui parfumez le cœur en caressant les yeux !
Éclairez-moi du jour de vos chairs paresseuses !
J’ai trop pensé, la nuit, et je me sens très vieux.
Rafraîchissez mon sang, lèvres ! Roses mousseuses
Qui parfumez le cœur en caressant les yeux !


Comme un rouge brasier qu’attriste la chimère
De voir jaillir un lys de ses tisons flambants,
Je t’appelle du fond de ma joie éphémère,
Tête royale et pâle aux longs cheveux tombants,
Comme un rouge brasier qu’attriste la chimère
De voir jaillir un lys de ses tisons flambants !

C’est Lohengrin enfant qui, traîné par des cygnes,
Vogue vers ma douleur comme vers son Elsa.
Bannissant à jamais les souvenirs indignes
Des cœurs tumultueux que la vie épuisa,
C’est Lohengrin enfant qui, traîné par des cygnes,
Vogue vers ma douleur comme vers son Elsa.

Toi qui ne connais pas, mais dont l’âme devine
Le vague et pur amour de Caïn pour Abel,
Ouvre-moi le berceau de ta blancheur divine,
Enfant miraculeux, cher enfant maternel,
Toi qui ne connais pas, mais dont l’âme devine
Le vague et pur amour de Caïn pour Abel,

Répands sur l’incrédule et sur le misérable
Les pardons ignorants qui pleuvent de tes mains !
J’écoute la chanson de ta bouche adorable
Comme un murmure en fleur d’invisibles jasmins.
Répands sur l’incrédule et sur le misérable
Les pardons ignorants qui pleuvent de tes mains !