L’Empire des tsars et les Russes/Tome 3/Livre 2/Chapitre 7

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Hachette (Tome 3p. 204-222).


CHAPITRE VII


Constitution intérieure de l’ÉgIise. — Composition et fonctionnement du Saint-Synode. — Membres effectifs et membres assistants. — Le haut procureur et sa chancellerie. — Cléricalisme orthodoxe. — La censure spirituelle. — Les évêques et les grades épiscopaux. — Grandeur des diocèses. — Les consistoires diocésains. — Influence des secrétaires de consistoire. — Les entrepreneurs de divorces. — Conciles provinciaux. — Centralisation et caractère bureaucratique de l’Église russe.


Examinons maintenant le mécanisme intérieur de l’administration ecclésiastique. Pénétrons dans le palais du Saint-Synode qui, sur la place de Pierre-le-Grand, fait le pendant du palais du Sénat. Au point de vue civil, le Saint-Synode est le premier des grande corps de l’État ; au point de vue religieux, il tient la place du patriarche et exerce les droits du patriarcat. Pierre le Grand, tout en se réservant d’en choisir les membres, semble avoir voulu faire de son synode une sorte de représentation des différentes classes du clergé. Les évêques y étaient en minorité ; au-dessous d’eux siégeaient des archimandrites de monastères et des membres du clergé séculier. Le conseil dirigeant de l’Église russe est revenu à une composition plus en harmonie avec la hiérarchie et les canons orthodoxes, qui attribuent le gouvernement de l’Église aux évêques. Dans le Saint-Synode, l’épiscopat est aujourd’hui en majorité. Le nombre des membres n’est pas fixe ; tous sont également nommés par l’empereur, mais non au même titre et pour le même temps. Il y a les membres effectifs et les membres assistants, les membres inamovibles et les membres temporaires. En tête des premiers figurent les trois métropolitains des capitales successives de l’empire, Kief, Moscou et Pétersbourg. C’est au métropolitain de Novgorod et Pétersbourg qu’appartient d’ordinaire la présidence avec le titre de premier membre. L’usage assure encore une place dans le Saint-Synode à l’exarque de Géorgie. Les autres membres sont nommés pour un temps déterminé ; ce sont quatre ou cinq archevêques, évêques ou archimandrites. Enfin viennent deux membres du clergé inférieur, du clergé marié, deux archiprêtres, dont, en général, l’un est l’aumônier, autrement dit le confesseur de l’empereur, l’autre le grand aumônier de l’armée.

Il semble peu conforme aux notions essentielles du gouvernement ecclésiastique que, pour gouverner l’Église, de simples prêtres soient associés à des évêques et se trouvent ainsi érigés en juges de l’épiscopat. D’un autre côté, la présence au conseil suprême de l’Église de quelques représentants de l’ordre des prêtres a un incontestable avantage dans un pays comme la Russie, où le corps ecclésiastique est partagé en deux classes ayant des tendances et des intérêts divers. Il se rencontre, dans l’Église même, des hommes qui voudraient faire au clergé séculier, au clergé blanc, comme on dit là-bas, une plus large place au sein de la haute assemblée. Ce serait peu, en effet, que deux prêtres séculiers, en face de sept ou huit prélats du clergé monastique, si l’appui de l’opinion ou du gouvernement ne compensait souvent l’infériorité numérique.

Le lieu de la résidence, comme la composition du Saint-Synode, fait que l’influence effective ne s’y répartit pas exactement sur le nombre des voix. C’est à Pétersbourg que siège le synode : à Moscou, comme en Géorgie, il n’a que des délégations, des commissions locales. Les titulaires pourvus d’évêchés sont obligés de se partager entre l’administration de leur diocèse et leurs fonctions synodales ; ils n’exercent ces dernières qu’à tour de rôle, selon un ordre de roulement déterminé. De cette façon, les membres qui ont leur demeure habituelle dans la capitale, comme le métropolitain de Pétersbourg et le confesseur de l’empereur, ont à la direction des affaires une part plus grande que leurs collègues de province. Lorsqu’il est question de réformes économiques ou civiles pour le clergé, le synode est appelé à siéger dans les commissions chargées de l’étude de ces difficiles problèmes : en d’autres termes, on lui adjoint alors quelques hauts fonctionnaires laïques. Ainsi était composée la grande commission des affaires du clergé orthodoxe, à laquelle le gouvernement d’Alexandre II avait remis la recherche des moyens d’améliorer la situation matérielle et la position sociale du clergé. Dans d’autres cas, c’est le synode lui-même qui réclame, de tous les évêques, des renseignements et des avis.

Près du synode est un délégué de l’empereur portant le titre de procureur général ou haut procureur (Ober-procouror). Ce fonctionnaire, qui, devant les dignitaires ecclésiastiques, personnifie le pouvoir civil, est toujours un laïque. Il doit, selon les instructions de Pierre le Grand, être l’œil du tsar. Sa fonction est de veiller à ce que toutes les affaires ecclésiastiques soient traitées conformément aux oukases impériaux. En Russie, il n’y a point de ministre des cultes, il n’y en a jamais eu qu’un moment sous Alexandre Ier. Le haut procureur du Saint-Synode en tient lieu ; il a sa place au comité des ministres et ne relève que du maître. Les religions dissidentes dépendent du ministère de l’intérieur ; l’Église orthodoxe s’administre par le synode sous le contrôle de son procureur. Ce dernier étant le fondé de pouvoir de l’empereur, c’est par lui que s’exercent tous les droits attribués au souverain. Le haut procureur est l’intermédiaire entre l’empereur et le Saint-Synode ; toute communication de l’un à l’autre passe par lui : il soumet au synode les projets de loi du gouvernement, et à la sanction impériale les règlements arrêtés dans le synode. Rien dans le conseil dirigeant de l’Église ne se fait sans la participation du procureur ; c’est lui qui propose et expédie les affaires, lui qui fait exécuter les mesures prises. Aucun acte synodal n’est valable sans sa confirmation[1] ; il a un droit de veto dans le cas où les décisions de l’assemblée seraient contraires aux lois. Chaque année, il présente à l’empereur un rapport sur la situation générale de l’Église, sur l’état du clergé et de l’orthodoxie dans l’empire et parfois au dehors[2].

Cette importante fonction, Pierre le Grand, désireux de faire marcher le clergé comme une armée, conseillait de la confier à un militaire, homme hardi et décidé. Sous Nicolas, le haut procureur fut pendant longtemps un officier de cavalerie, aide de camp de l’empereur, le comte Prolassof. De pareils choix pour un pareil poste n’avaient rien de très surprenant dans un pays et dans un temps habitués à voir les plus hautes fonctions civiles occupées par des généraux. L’impression était autre en Occident, où l’on se représentait un hussard rouge présidant en bottes éperonnées une assemblée d’évéques. Le haut procureur a, depuis longtemps, cessé d’être un hussard ; de ce côté, il n’y a plus de motifs de susceptibilité pour la dignité de l’Église, de raillerie ou de scandale pour l’étranger. Sous Nicolas, du reste, lorsque l’Église était régie par le sabre de Protassof, ce que le tsar demandait avant tout à son haut procureur, c’était de fourbir les armes rouillées de l’orthodoxie pour la mener à l’assaut des régions hétérodoxes des frontières. La réforme du clergé, la situation matérielle et morale des popes, la justice ecclésiastique, l’enseignement des séminaires, n’avaient pour le suprême curateur de l’Église et pour son vicaire près du Synode qu’un intérêt secondaire. La propagande au profit de l’Église d’État était leur grand souci.

Avec Protassof, l’apôtre bureaucratique de l’orthodoxie en Lithuanie et dans les provinces baltiques, le haut procureur était devenu le ministre du prosélytisme. Il l’est resté avec ses successeurs, les Tolstoï et les Pobédonostsef.

Si la propagande n’a plus été leur unique préoccupation, elle est demeurée la principale. Au lieu de calmer les passions religieuses et d’inculquer autour d’eux l’esprit de tolérance, ces tuteurs laïcs de la hiérarchie se sont donné pour mission de secouer l’apathie de l’Église et de stimuler le zèle convertisseur d’un clergé, à leur gré, trop indifférent ou trop tiède. Au lieu d’apprendre aux popes, dans leurs luttes avec les confessions rivales, à mettre toute leur confiance dans les lumières de la science ou dans la force de la foi, ils leur ont enseigné à en appeler en toute circonstance à l’appui de l’État. Au lieu de maintenir l’Église dans le cercle de sa mission purement religieuse, où elle tendait à se confiner, ils se sont efforcés d’étendre la sphère de l’activité ecclésiastique, cherchant à transformer l’Église en moyen de gouvernement et le clergé en agent politique.

Les passions nationales et l’agitation révolutionnaire ont également contribué à cette sorte de cléricalisme orthodoxe, parfois secondé à la cour par les penchants personnels du souverain ou par la dévotion de la souveraine, car, à Pétersbourg, de même qu’à Byzance, l’influence des femmes n’a pas toujours été étrangère au gouvernement de l’Église[3]. Inévitable sous un pareil régime, ce piétisme officiel s’est particulièrement manifesté aux époques d’inquiétudes révolutionnaires, sous Nicolas, sous Alexandre II, sous Alexandre III. Il s’était déjà fait jour sous la gestion du comte Dmitri Tolstoï, qu’Alexandre II avait appelé simultanément aux lourdes fonctions de ministre de l’instruction publique et de haut procureur du Saint-Synode[4]. Il a éclaté bruyamment sous l’administration de M. Pobédonostsef, ancien précepteur de l’empereur Alexandre III, dont il est demeuré le confident. Sorte de moine laïc, nourri des Écritures et des mystiques, traducteur de l’Imitation, défiant, par principe comme par tempérament, de toutes les libertés politiques et religieuses, H. Pobédonostsef semble moins appartenir à la Russie contemporaine qu’à l’Espagne du seizième siècle. On l’a appelé un Philippe II orthodoxe. Sa droiture, son austérité, son manque d’ambition personnelle le mettent assurément fort au-dessus du roi catholique. De Philippe II ou des grands inquisiteurs espagnols, le haut procureur a la foi, le fanatisme froid et patient, la haine de l’hétérodoxie, la passion de l’unité, l’habitude d’identifier les intérêts de l’État et les intérêts de l’Église, le peu de scrupules quand il s’agit des uns ou des autres. On comprend qu’à tous les ministères qu’ait pu lui offrir la confiance du maître, un pareil homme ait préféré un pareil poste. Du Saint-Synode il peut veiller à la fois sur l’Église et sur l’État, faire la police spirituelle de l’empire, et, sans avoir la responsabilité du pouvoir, inspirer la politique de son impérial élève.

Les affaires qui dépendent du Saint-Synode sont divisées en plusieurs branches, dont les unes, comme la justice et la censure, sont plus particulièrement dans les attributions du synode, les autres, comme les écoles et les finances, dans celles du procureur. Les affaires ecclésiastiques se traitent par écrit et par correspondance : de là une administration compliquée, des bureaux et des dossiers de toute sorte. C’est la principale originalité et non la moindre plaie de l’Église russe. De toutes les institutions occidentales, la bureaucratie est celle qui s’est le mieux acclimatée en Russie ; elle s’y est étendue du domaine civil au domaine religieux. Dans l’Église, comme dans l’État, aucune question ne se décide sans rapports et sans pièces à l’appui. Pour l’étude et l’expédition des affaires, le synode et le procureur ont chacun leur chancellerie. Ces administrations laïques, remplies de fils de popes qui n’ont pu ou n’ont voulu entrer dans le sacerdoce, ont l’influence qu’ont partout les bureaux. Leur pouvoir effectif est d’autant plus grand que la composition du synode est plus variable, et que moins de ses membres sont au courant des détails de la jurisprudence ecclésiastique.

Le synode est hors d’état d’examiner toutes les questions en séance ; il ne siège guère qu’une ou deux fois par semaine ; et il vient devant lui environ 10 000 affaires par an. Un millier au plus peuvent être examinées en séance ; pour le reste, pour toutes les affaires courantes, la décision, comme le rapport, est abandonnée aux bureaux, et c’est le procureur ou le directeur de sa chancellerie qui décident quelles sont les affaires courantes. Les membres du synode n’ont qu’à signer. Pour plus de rapidité, on va souvent, dit-on, chercher les signatures à domicile. Dé là des anecdotes ou des mots plus ou moins édifiants. C’est un membre du synode qui, voyant un de ses collègues examiner un rapport, lui dit : « Ce n’est pas pour lire que nous sommes ici, c’est pour signer, ce qui est moins long ». Ou bien, c’est un prélat qui laisse surprendre sa signature dans une affaire où il est directement intéressé à la refuser ; parfois même, prétend-on, ce sont les bureaux qui altèrent une décision prise en séance, et sous cette forme la présentent à la signature[5]. Il faut beaucoup rabattre de ces récits où partout se complaît la malignité publique. La sévérité du gouvernement contre les employés prévaricateurs a déjà réformé plus d’un abus. La bureaucratie n’en a pas moins dans l’Église un rôle qui semble d’autant plus exagéré qu’elle y paraît moins à sa place. Du Saint-Synode, le formalisme bureaucratique descend, par les consistoires, jusqu’au fond des diocèses et des paroisses, enserrant toute l’Église dans les rouages inertes d’un pédantesque mécanisme.

Entre toutes ces affaires, dont un grand nombre sont abandonnées au procureur ou aux chancelleries, le synode se réserve plus spécialement les plus ecclésiastiques, celles qui touchent de plus près aux traditions ou à la discipline de l’Église : ainsi l’enseignement des séminaires, les enquêtes sur les dévotions et les superstitions populaires, la censure spirituelle. Cette dernière institution est aujourd’hui particulière à la Russie ; elle n’avait d’analogue que dans les États romains, avec cette différence que, sous le gouvernement papal, la censure ecclésiastique embrassait toute la sphère de l’esprit humain, tandis qu’en Russie elle est renfermée dans les matières religieuses. Les sciences laïques sont soumises à la censure laïque, dont l’esprit est naturellement moins étroit ou moins défiant[6]. Des ouvrages de sciences, de philosophie ou d’économie politique trouvent ainsi dans l’empire un accès qu’auraient pu leur fermer les scrupules de la commission synodale[7]. À la censure spirituelle sont d’abord soumis les traités de dévotion, puis les livres sortis du clergé, puis les recueils et les journaux ecclésiastiques, déjà nombreux en Russie. À l’intérieur, cette censure est préventive ; l’Église a retenu, visà-vis de la presse périodique, un privilège abandonné par l’État. L’oukaze d’Alexandre II qui, en 1865, a libéré la presse de ce servage, a eu soin d’édicter que les nouvelles franchises ne s’étendraient pas aux compositions, traductions, éditions, ni même aux passages (mesta) traitant de questions religieuses[8]. Dans ce domaine, l’oukaze de 1828, avec le règlement draconien de Nicolas, est demeuré en vigueur. Pour toucher aux matières religieuses, les feuilles politiques doivent obtenir l’agrément de la censure spirituelle ; le plus souvent elles préfèrent s’abstenir. Le clergé se trouve ainsi plus protégé que l’administration, et l’Église que le gouvernement. De là, en partie, le peu de place que tiennent dans la presse et la littérature russes la religion, l’histoire ecclésiastique, la théologie, la philosophie même. L’indifférence pour les questions religieuses, parfois reprochée aux écrivains russes, leur a été enseignée par la censure spirituelle.

La censure synodale et ses comités de province étant composés de moines, l’esprit monastique y prédomine ; le clergé marié, le clergé paroissial se trouve, plus encore que les laïcs, entravé dans l’exposition de ses griefs ou de ses vœux. Au lieu d’être toujours asservie à l’État, l’Église en cette matière s’est parfois servie de l’autorité publique dans des vues qui n’étaient ni celles de la nation, ni toujours celles du pouvoir. Avec la faveur de l’opinion, et même des hautes régions gouvernementales, le clergé inférieur et ses avocats ont souvent été obligés d’avoir recours à des moyens détournés, à des récits romanesques ou à des livres imprimés à l’étranger. Il en a été de même des laïcs les plus religieux, de Khomiakof et de Samarine à Vladimir Solovief. La censure privilégiée de l’Église a été ainsi un obstacle à la réforme du clergé. Érigée, en 1740, par Pierre le Grand, pour combattre le raskol, elle a manifestement manqué à sa mission d’arrêter la diffusion des sectes. Dans l’état actuel des mœurs politiques de l’empire, on n’en saurait espérer la suppression ; ce qui serait à désirer, c’est qu’elle fût réduite à un contrôle disciplinaire du clergé orthodoxe.

Grâce au Saint-Synode, l’Église russe est probablement la plus centralisée du monde. Obligés à d’incessantes relations avec le pouvoir central, les évêques sont devenus une sorte de préfets ecclésiastiques. Ils sont nommés par l’empereur sur la proposition du synode, qui présente trois candidats ; d’ordinaire, le souverain désigne le premier de la liste. Les Russes se flattent d’avoir ainsi mis d’accord les droits de l’Église et les intérêts de l’État. Les diocèses, les éparchies, comme disent les orthodoxes, sont en général délimités sur les gouvernements civils. L’empire en compte soixante, divisés en trois classes. Il n’y en a pas cinquante pour la Russie d’Europe[9]. Dans certaines régions, ces diocèses sont plus grands que la France ou l’Italie. Ils sont, en moyenne, quinze ou vingt fois plus vastes que les nôtres. À cet égard, l’Église russe est en contraste avec l’Église grecque, où chaque bourgade a son évêque. De ces soixante éparchies, trois ont le titre de métropolies, dix-neuf celui d’archevêchés. Ces titres ne correspondent plus à une juridiction réelle ; ils indiquent un rang, non une fonction. Il n’y a plus de suffragants : les métropolites (métropolity) et les archevêques ont pour auxiliaires un ou deux évêques-vicaires, ou coadjuteurs. Il ne reste dans l’empire qu’une province ecclésiastique, ce sont les diocèses qui forment l’exarchat de Géorgie ; partout ailleurs les évêques dépendent uniquement du synode.

Les titres de métropolite et d’archevêque ne sont pas toujours portés par les prélats assis sur le siège auquel ils appartiennent. Le gouvernement n’accorde souvent la dignité qu’après plusieurs années d’occupation du poste. L’évêque est promu archevêque, ou l’archevêque métropolite, en récompense de ses services. Ces titres, donnés comme une sorte de grade dans la hiérarchie du tchine, deviennent ainsi une distinction personnelle. Parfois le souverain accorde aux prélats la jouissance des honneurs autrefois réservés au patriarche. Ainsi de Philarète, métropolite de Moscou ; ainsi de son disciple, Monseigneur Isidore, métropolite de Novgorod et Pétersbourg.

Il en est, à quelques égards, du traitement comme du titre ; les évêques sont, par ce double lien, tenus dans la dépendance du pouvoir central. L’allocation du trésor n’est point fixe, ou plutôt elle ne forme que la moindre partie des revenus épiscopaux. À côté du traitement, il y a les secours du Saint-Synode, puis les immeubles ecclésiastiques ou l’indemnité qui les remplace, enfin le casuel et les dons volontaires. Toutes ces ressources constituent des revenus assez élevés, sans être excessifs. Les évêques, les principaux surtout, ont dans la société un haut rang dont, en général, leur mérite les rend dignes. Les choix du Synode et du gouvernement portent presque toujours sur des hommes éclairés, instruits, de mœurs pures. Pour la vertu, la science, l’éloquence, les métropolites de Moscou, les Platon, les Philarète, les Macaire n’auraient pas déparé les plus grands sièges de l’Occident. Aucune chaire de l’Europe, ni Paris, ni Vienne, ni Cantorbéry, n’a été illustrée par une plus remarquable lignée de prélats. On en pourrait dire presque autant de Pétersbourg. À cet égard, les âmes pieuses ne sauraient regretter que la Russie ne soit pas revenue à l’élection des évêques par le concours du clergé et des laïcs. L’accès de l’épiscopat n’est point ouvert par l’intrigue. Il n’en est pas comme en Turquie, où les échelons de la hiérarchie ne sont trop souvent franchis qu’à prix d’argent. Sous le sceptre des tsars orthodoxes, l’Église russe est demeurée indemne de la plaie invétérée de l’Église byzantine, la simonie.

L’existence extérieure des évêques russes est entourée d’un certain luxe, leur vie intérieure est sévère. Ils sont astreints à la résidence, conformément aux canons, à moins que la confiance du souverain ne les appelle à siéger au synode. Ils ne quittent guère leur ville épiscopale que pour de pénibles visites pastorales dans leurs immenses diocèses. Pris dans le cloître, les évêques ont d’ordinaire un couvent pour demeure. À travers les plus hautes dignités de l’Église et au milieu des honneurs les plus élevés de l’État, ils observent la rigoureuse abstinence des moines. Aux banquets des fêtes officielles, à la table même du tsar, ils ne touchent d’autres mets que les légumes et le poisson. Il est vrai que, dans leurs tournées pastorales, la mondaine vanité de leurs hôtes laïques, non contente de leur offrir les gras sterlets du Volga ou de la Dvina, se permet parfois, dit-on, de leur servir de l’oukha au bouillon[10].

Les évêques ne sont pas seulement subordonnés à l’autorité du synode, chacun d’eux est assisté d’un conseil ecclésiastique qui joue, dans le diocèse, un rôle comparable à celui du Saint-Synode dans l’empire : c’est le consistoire éparchial, éparkhialnaïa consistoria. Les membres en sont nommés par le synode sur la présentation de l’évêque ; et leurs décisions n’ont de validité qu’avec la confirmation épiscopale. Ces consistoires participent aux soins de l’administration diocésaine. Ce sont eux qui jugent en première instance les causes encore déférées à la justice ecclésiastique. Pour la plupart des affaires, spécialement pour la justice, le Saint-Synode sert de cour d’appel et de cour de cassation jugeant en dernier ressort. Les causes soumises aux tribunaux de l’Église peuvent se ranger sous deux chefs principaux : les affaires disciplinaires du clergé, et les affaires de mariage ou de divorce. Ce droit de justice que presque seule, dans le monde chrétien, elle a conservé jusqu’à nos jours, l’Église russe ne voudrait pas s’en dessaisir. Les attributions de ses tribunaux, déjà réduites par Pierre le Grand, devaient être encore diminuées. Il avait été question de leur enlever les causes de divorce, pour ne réserver à l’évêque que la confirmation de la sentence rendue par les tribunaux ordinaires. Cette délicate réforme a été ajournée. Le gouvernement s’est arrêté devant les répugnances de l’Église et les objections du Saint-Synode, montrant par là, une fois de plus, que le domaine ecclésiastique est celui où le pouvoir se sent le moins libres[11].

La justice consistoriale est cependant une des parties les plus défectueuses de l’administration ecclésiastique. Avec l’ancienne procédure se retrouvent, dans les tribunaux diocésains, les vices des anciens tribunaux russes, l’extrême lenteur, le formalisme, la vénalité même. Ces défauts apparaissent surtout dans les affaires de mariage et de divorce, pour lesquelles la société civile relève encore de l’Église et de ses consistoires. Malgré les efforts du clergé et la sévérité de la plupart des évêques, le rouble n’a pas toujours perdu son empire séculaire dans les bureaux laïques des consistoires orthodoxes. — « Je sais par expérience, me disait, à Pétersbourg, une femme du monde divorcée et remariée, ce qu’il en coûte pour préparer le dossier d’une demande de divorce ; je sais la couleur des billets de banque qu’il est sage de laisser sur la table des différents employés. » Et de fait, le divorce légal n’est guère accessible qu’aux hautes classes. C’est ce qui explique le nombre relativement minime des mariages cassés par les consistoires diocésains[12]. Les paysans, qui, à bien des égards, demeurent en dehors des lois, se passent de ces coûteuses formalités : les mauvais ménages font casser leur union par l’assemblée du mir ou par les tribunaux de bailliage[13].

Près de chaque consistoire est placé un secrétaire laïque dont les fonctions, dans le conseil diocésain, rappellent celles du haut procureur près du Saint-Synode. Ce secrétaire est à la tête de la chancellerie éparchiale, chargée de la rédaction et de la correspondance. Nommé par le Synode sur la présentation du haut procureur, il reste sous la juridiction immédiate de ce dernier. C’est au procureur que le secrétaire adresse ses rapports, tandis que l’évêque et le consistoire envoient les leurs au Synode. Comme la plupart des employés des chancelleries ecclésiastiques, ce fonctionnaire laïque est, d’ordinaire, sorti d’une famille cléricale. Dans toute cette vaste administration, le haut procureur et ses principaux assistants sont à peu près les seuls qui, par la naissance, ne tiennent pas au clergé. L’influence du secrétaire et des chancelleries éparchiales sur la présentation des affaires, sur la nomination aux places, sur la décision des procès, a ouvert les portes de l’Église à la corruption administrative. C’est aux secrétaires de consistoires que l’on fait remonter la plupart des abus de l’administration ou de la justice ecclésiastiques. On en a vu s’ériger en entrepreneurs de divorces, mettre toutes les ressources de leur expérience au service des ménages mal assortis, fournir eux-mêmes des témoins aux époux désireux de faire constater un adultère fictif[14]. La littérature russe a parfois mis en scène de ces bureaucrates ecclésiastiques, adonnés à cette lucrative spécialité[15]. Pour supprimer de telles pratiques, on a tenu les secrétaires des consistoires sous une surveillance plus exacte, en même temps qu’on augmentait leur traitement. Les bases de l’administration diocésaine n’ont pas été modifiées ; elles tiennent à toute la constitution de l’Église. Dans chaque diocèse, comme dans le Synode, on a conservé près des autorités ecclésiastiques un fonctionnaire laïque, organisation qui, par certains côtés, rappelle notre système judiciaire, avec sa double et parallèle hiérarchie de juges et de procureurs.

Le Saint-Synode intervient dans l’administration du diocèse à peu près de la même manière qu’un ministre de l’intérieur dans celle d’une préfecture. De là une énorme correspondance et toute une paperasserie encombrante. L’évêque et son consistoire doivent sans cesse en référer au Synode : pour toute chose de quelque importance, pour l’érection ou la suppression d’une église, pour l’emploi des fonds ou des aumônes, pour la déposition d’un prêtre ou le relèvement de ses vœux, il faut une autorisation synodale. Pour s’absenter plus de huit jours de son diocèse, l’évêque a besoin d’un congé du Synode. Chaque année, il est tenu de présenter un rapport sur l’état de son éparchie, sur les écoles ecclésiastiques, sur la réception des sacrements, sur les conversions faites parmi les cultes hétérodoxes.

Cette tutelle administrative s’explique par les conditions particulières à la Russie et à l’Église russe. L’immensité des distances a longtemps opposé de telles difficultés à tout recours contre les abus de l’autorité locale, que le gouvernement a, dans toutes les branches de l’administration, été conduit à une étroite centralisation. La division du clergé en deux classes, animées d’une sourde rivalité, rendait plus nécessaire le contrôle du pouvoir central. Plus l’évêque et le haut clergé célibataire étaient, par le genre de vie ou les intérêts, séparés du clergé marié, plus se faisait sentir dans l’Église le besoin d’un pouvoir modérateur et impartial. On ne l’a point remarqué, c’est là une des causes de l’influence du pouvoir civil chez l’Église russe. Dans l’Église latine, où le clergé n’est point de la même façon divisé en deux classes, le prêtre s’est encore trouvé trop exposé à l’omnipotence de l’évêque pour ne pas chercher un abri contre elle. Cette protection que, depuis la Révolution, il ne pouvait réclamer de l’État, le clergé inférieur l’a demandée à Rome. C’est là, on le sait, une des causes de l’ultramontanisme parmi le clergé français. N’ayant ni chef national ni souverain pontife étranger, le clergé russe n’a eu contre le despotisme épiscopal d’autre refuge que le recours au gouvernement civil. Les garanties que le prêtre catholique a cherchées auprès du pape dans l’ultramontanisme, le pope orthodoxe les a trouvées auprès du tsar dans l’intervention de l’État. Si l’autorité de l’État pèse sur le haut clergé, elle abrite le clergé inférieur : pour la plèbe ecclésiastique l’ingérence gouvernementale est peut-être moins un joug qu’une protection.

Il y aurait beaucoup à faire pour rendre à l’Église plus de vie et plus de liberté, car les deux choses ne sauraient guère aller l’une sans l’autre. On s’est souvent, en Russie même, préoccupé des moyens de relever l’autorité spirituelle. Suivant un conseil des Aksakof et des Katkof, le gouvernement impérial s’est décidé à rendre à la hiérarchie un droit, de tout temps suspect à la plupart des gouvernements. Les évêques, que le Règlement de Pierre le Grand s’attachait à maintenir isolés, ont été autorisés, il serait peut-être plus juste de dire, ont été invités à se réunir en assemblées régionales. L’Église russe a ainsi revu ce que l’Église de France n’a pas connu depuis longtemps, sauf un moment sous la deuxième république, des conciles provinciaux. Il faut dire que ces conciles russes ne peuvent siéger, ni délibérer, ni rien publier qu’avec la permission du Synode, autrement dit du gouvernement. Kief, Vilna, Kazan, Irkoutsk même, plusieurs des capitales régionales de l’empire ont assisté à des assemblées de cette sorte. Il est vrai que, selon l’impulsion donnée à l’Église par la main des hauts procureurs, ces assises épiscopales se sont peut-être moins préoccupées des intérêts du clergé et des réformes intérieures de l’Église que de prosélytisme. Quelques orthodoxes de tendances slavophiles avaient, sous Alexandre III, préconisé la réunion à Moscou d’un concile national de toutes les Russies, voire d’un concile œcuménique de tout l’Orient, destiné à resserrer les liens des Églises de rit grec et la solidarité du monde orthodoxe. Les questions à débattre auraient beau ne pas lui manquer, il est douteux que les tsars russes soient de longtemps curieux de provoquer un pareil concile, ou les gouvernements étrangers pressés d’y envoyer leurs évêques.

En dehors du renouvellement des conciles provinciaux, bien des réformes pourraient être introduites dans l’Église, si les mœurs publiques étaient mûres pour elles. On pourrait, selon le vœu de certains publicistes, rétablir les élections ecclésiastiques ; on pourrait, en presque toutes choses, revenir à l’antique discipline. En admettant qu’un pareil retour au passé fût toujours un progrès, ce serait assurément moins malaisé dans l’Église gréco-russe que dans l’Église catholique romaine. Dans l’une, la centralisation dérive d’un principe théologique ; elle vient de l’intérieur, du cœur même de l’Église ; dans l’autre, la centralisation n’a qu’un principe politique ; elle vient du dehors, du pouvoir civil. On pourrait faire bien des choses dans l’orthodoxie russe, si les mœurs s’y prêtaient ; mais les mœurs s’y prêtent peu. En tout cas, s’il est un pays où la société religieuse ne se puisse isoler de la société civile, c’est la Russie. Les mœurs religieuses ne s’y pourront transformer qu’avec les mœurs politiques.

Ce que peuvent désirer les amis de l’Église, ce n’est pas l’abrogation des institutions existantes, c’est leur élargissement progressif de manière qu’elles restent en harmonie avec les besoins spirituels aussi bien qu’avec le gouvernement civil. En gardant la surveillance de l’administration ecclésiastique, l’État se devrait interdire d’user du pouvoir séculier dans un intérêt confessionnel et d’user du clergé dans un intérêt temporel. Selon l’expression d’un des plus éloquents panégyristes de l’orthodoxie, « la foi ne doit pas être subordonnée au but extérieur et étranger d’un étroit conservatisme officiel. Il n’est pas bon que l’Église soit chargée de bénir et de consacrer tout ce qui existe dans l’ordre politique à un moment donné[16]. » L’intérêt de la religion demande que l’intervention de l’État dans les affaires ecclésiastiques soit réglée et discrète ; l’intérêt de l’Église et l’intérêt du pays s’opposent également à ce que l’État abdique toute influence dans l’Église. L’abandon prématuré de l’Église à elle-même la livrerait à l’ignorance et à la routine. Dans l’opinion vulgaire, la principale cause de la torpeur séculaire de l’Église russe est sa dépendance du pouvoir civil. L’observateur aboutit souvent à de tout autres conclusions ; il découvre que, dans la Russie moderne, la plupart des progrès, la plupart des réformes de l’Église ont été dus à l’initiative de l’État. Il y a pour cela deux raisons. La première, c’est que l’esprit ecclésiastique est généralement conservateur, stationnaire ; que, pour l’amener à des réformes, il faut le plus souvent des influences extérieures. La seconde c’est que, en Russie, l’initiative est presque toujours partie d’en haut, du trône ; c’est que, grâce au contact avec l’Occident, le pouvoir s’est trouvé plus éclairé que la nation. Ce fait historique s’est imposé à l’Église comme à l’État.

Chez un peuple aussi foncièrement religieux, l’Église a le droit de revendiquer sa part dans la grande œuvre du . renouvellement national ; si elle n’y a pas coopéré davantage, si bien des projets sont restés stériles, bien des mesures mal exécutées, la faute n’en est pas toujours à l’État, elle est parfois aux sourdes résistances ou aux répugnances de l’Église. Cette Église, en apparence si dépendante, si docile, a, vis-à-vis du pouvoir, plus de moyens de défense qu’il ne le semble ; quand elle n’en a point d’autre, il lui reste la force d’inertie. Dans la société ecclésiastique plus qu’ailleurs, la routine, les traditions, l’esprit de corps font obstacle aux innovations. Le pouvoir ne peut guère agir sur l’Église que par l’Église, par la hiérarchie. Au lieu d’être entravées par l’immixtion de l’État, les réformes ecclésiastiques peuvent aussi l’être par la timidité, par l’incurie ou la faiblesse du pouvoir. Le gouvernement n’aime point à provoquer le déplaisir du Saint-Synode ou le mécontentement du clergé ; il redoute surtout de blesser l’ignorante piété du peuple. C’est ainsi qu’a été ajournée plus d’une réforme, comme l’émancipation des raskolniks, la sécularisation de la justice ou des registres de l’état civil, l’adoption du calendrier grégorien, la suppression de la censure spirituelle. En pareille matière, nous ne saurions trop le répéter, l’autocratie n’est pas omnipotente : les mœurs sont plus fortes que l’autocrate. L’empereur a, si l’on veut, le gouvernement de l’Église ; il ne peut l’exercer qu’en en respectant les traditions, et parfois les préventions.



  1. Ce passage nous a été emprunté presque textuellement, par M. Elisée Reclus, dans sa Nouvelle Géographie Universelle. Comparez l’Europe Scandinave et russe, p. 903, à notre étude sur le patriarcat et le Saint-Synode, Revue des Deux Mondes, 1er mai, 1874, p. 30.
  2. L’étranger ne voit pas sans étonnement le procureur du Saint-Synode adresser officiellement à l’empereur un rapport sur les relations des autres gouvernements avec leurs sujets de rite grec, comme si le tsar était reconnu pour le patron de tous les orthodoxes, et le haut procureur pour gardien de toutes les Églises d’Orient. C’est ce qu’a fait notamment M. Pobédonostsef (Rapport de décembre 1886), prenant à partie les gouvernements étrangers : Âutriche-Hongrie, Turquie, Grèce, Roumanie, Serbie, Bulgarie, les tançant et leur faisant la leçon, reprochant à l’Autriche ses prérérences latines, à la Roumanie ses négociations avec le Vatican, aux autres leur ingérence dans les affaires ecclésiastiques, à tous les obstacles apportés aux rapports des Églises locales avec le Saint-Synode russe.
  3. Ainsi ; par exemple, l’empereur Alexandre II cédait souvent, dans les questions religieuses, aux inspirations de sa femme, l’impératrice Marie Alexandrovna.
  4. On sait qu’Alexandre III lui a depuis confié le ministère de l’intérieur.
  5. O pravoslavnom Rousskom tchernom i bélom Doukhovenstvé, t. II, ch. 29, ouvrage anonyme, publié à Leipzig, sous Alexandre II. L’auteur, D. Rostilavof, donne sur l’Église de curieux détails ; mais il manque trop d’impartialité envers le haut clergé pour qu’on s’y puisse entièrement fier.
  6. Voyez tome II, livre VII, chap. i et ii.
  7. l’Indicateur de la Librairie (Oukatatel po délam petchati) feuille officielle paraissant à Pétersbourg deux fois par mois, donne la liste des livres admis ou repoussés par l’une ou l’autre censure. On peut ainsi se rendra compte de l’étendue de la sphère de chacune, en même temps que de leur sévérité. Dans quelques numéros pris au hasard, j’ai remarqué la prohibition de livres de Strauss, d’Athanase Coquerel, de Renan, de H. Spencer. Bien des traductions n’ont pu paraître qu’avec des omissions exigées par la censure ou par la prudence des éditeurs.
  8. Voyez Golovatchef : Deciat let reform., p. 283-86.
  9. La Russie d’Europe formait, en 1887, 48 diocèses ; la Transcaucasie en formait 4 ; la Sibérie 6 ; le Turkestan 1 ; les Iles Aléoutiennes et l’Aliaska 1.
  10. Oukha, soupe maigre au poisson.
  11. Sur l’organisation des tribunaux ecclésiastiques et sur les réformes projetées, voy. t. II, liv. IV, chap. ii, p. 320-327 (2e éd.).
  12. Pour l’année 1880, par exemple, les rapports du haut procureur du Saint-Synode annonçaient 920 divorces ou annulations de mariage, ainsi motivés : 32 par suite de bigamie d’un des époux ; 17 pour impuissance ; 121 pour adultère : 482 pour absence prolongée ; 259 pour cause de condamnation aux travaux forcés ou à la déportation ; 9 mariages enfin avaient été annulés comme ayant été contractés entre parents à des degrés prohibés. On voit que l’adultère n’est pas la seule cause de rupture du lien conjugal admise par l’Église russe.
  13. Voyez t. II, liv. IV. chap. ii, p. 309 (2e éd.).
  14. Voyez plus haut, même livre, chap. iv.
  15. Ainsi, par exemple, le Vestnik Evropy (janv. 1879), dans une nouvelle intitulée Un spécialiste.
  16. G. Samarine. Introduction aux œuvres de Khomiakof.