L’Encyclopédie/1re édition/GALOIS
GALOIS, s. m. pl. (Hist. de la Chevalerie.) nom que les historiens donnent aux membres d’une espece de confrairie qui parut en Poitou dans le quinzieme siecle, & qu’on pouvoit appeller la confrairie des pénitens d’amour. Les femmes, aussi-bien que les hommes, entrerent dans cette confrairie, & se disputerent à qui soûtiendroit le plus dignement l’honneur de ce fanatisme d’imagination, dont l’objet étoit de prouver l’excès de son amour par une opiniâtreté invincible à braver les rigueurs des saisons. Voici ce qu’ajoûte M. de Saint-Palaye, dans son curieux traité de la chevalerie.
Les chevaliers, les écuyers, les dames & demoiselles qui embrasserent cette réforme, devoient, suivant leur institut, pendant les plus ardentes chaleurs de l’été, se couvrir chaudement de bons manteaux & chapperons doublés, & avoir de grands feux auxquels ils se chauffoient comme s’ils en eussent eu grand besoin : enfin ils faisoient en été tout ce qu’on fait en hyver ; peut-être pour faire allusion au pouvoir de l’amour, qui suivant nos anciens poëtes, opere les plus étranges métamorphoses. L’hyver répandoit-il ses glaces & ses frimats sur toute la nature, l’amour alors changeoit l’ordre des saisons ; il brûloit de ses feux les plus ardens les amans qui s’étoient rangés sous ses lois ; une petite cotte simple avec une cornette longue & mince, composoit tout leur vêtement : c’eût été un crime d’avoir fourrure, manteau, housse, ou chapperon double, & de porter un chapeau, des gants, & des mouffles ; c’eût été une honte de trouver du feu dans leurs maisons ; la cheminée de leurs appartemens étoit garnie de feuillages ou autres verdures, si l’on pouvoit en avoir, & l’on en jonchoit aussi les chambres. Une serge legere étoit toute la couverture qu’on voyoit sur le lit.
A l’entrée d’un galois dans une maison, le mari soigneux de donner au cheval de son hôte tout ce qu’il lui falloit, le laissoit lui-même maître absolu dans la maison, où il ne rentroit point que le galois n’en fût sorti : il éprouvoit à son tour, s’il étoit de la confrairie des galois, la même complaisance de la part du mari, dont la femme associée à l’ordre sous le nom de galoise, étoit l’objet de ses soins & de ses visites. Si dura cette vie & ces amourettes grant piece (long-tems), dit l’auteur (le chevalier de la Tour) en terminant ce récit, jusques à tant que le plus de ceux en furent morts & périlz de froit : car plusieurs transissoient de pur froit, & mouroient tout roydes de lez leurs amyes, & aussi leurs amyes de lez eulx, en parlant de leurs amourettes, & en eulx mocquant & bourdant de ceulx qui étoient bien vesttus : & aux autres, il convenoit desserrer les dents de cousteaulx, & les chauffer & frotter au feu comme roydes & engellez… Si ne doubte point que ces galois & galoises, qui moururent en cet état, ne soyent martyrs d’amour, &c. (D. J.)