L’Encyclopédie/1re édition/FABRIQUE

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Fabrique, s. f. (Archit.) maniere de construire quelqu’ouvrage, mais il ne se dit guere qu’en parlant d’un édifice. Ce mot vient du latin fabrica, qui signifie proprement forge. Il désigne en Italie tout bâtiment considérable : il signifie aussi en françois la maniere de construire, ou une belle construction ; ainsi on dit que l’observatoire, le pont royal à Paris, &c. sont d’une belle fabrique. (P)

Fabrique des Vaisseaux, (Marine.) se dit de la maniere dont un vaisseau est construit, propre à chaque nation ; desorte qu’on dit un vaisseau de fabrique hollandoise, de fabrique angloise, &c. (Z)

Fabrique signifie, dans le langage de la Peinture, tous les bâtimens dont cet art offre la représentation : ce mot réunit donc par sa signification, les palais ainsi que les cabanes. Le tems qui exerce également ses droits sur ces différens édifices, ne les rend que plus favorables à la Peinture ; & les débris qu’il occasionne sont aux yeux des Peintres des accidens si séduisans, qu’une classe d’artistes s’est de tout tems consacrée à peindre des ruines. Il s’est aussi toûjours trouvé des amateurs qui ont senti du penchant pour ce genre de tableaux. Lorsqu’il est bien traité, indépendamment de l’imitation de la nature, il donne à penser : est-il rien de si séduisant pour l’esprit ? Un palais construit dans un goût sage, où les parties conviennent si bien qu’il en résulte un tout parfait, ce palais si bien conservé que rien n’en est altéré, nous plaira sans doute ; mais nous appercevons presqu’en un même instant ces beautés symmétriques, il ne nous laisse rien à desirer. Est-il à moitié renversé, les parties qui subsistent nous présentent des perfections qui nous font penser à celles qui sont déjà détruites. Nous les rebâtissons, pour ainsi dire, nous cherchons à en concevoir l’effet général. Nous nous trouvons attachés par plusieurs motifs de réflexion ; jusqu’à la variété que des plantes crûes au hasard, ajoûtent aux couleurs dont les pierres se trouvent nuancées par les influences de l’air, tout attache les regards & l’attention.

Indépendamment de cette classe d’artistes qui choisit pour principal sujet de ses ouvrages des édifices à moitié détruits, tous les Peintres ont droit de faire entrer des fabriques dans la composition de leurs tableaux, & souvent les fonds des sujets historiques peuvent ou doivent en être enrichis. Sur cette partie les regles se réduisent à quelques principes généraux, dont l’intelligence & le goût des Artistes doivent faire une application convenable. Celui qui me paroît de la plus grande importance, est l’obligation d’avoir une connoissance approfondie des regles de l’Architecture : l’habitude réitérée de former des plans géométraux, & d’élever ensuite sur ces plans les représentations perspectives de différens édifices, est une des sources principales de la vérité & de la richesse de la composition. Il résulte de cette habitude éclairée, que les édifices dont une partie intérieure est souvent le lieu choisi d’une scene pittoresque, s’offrent aux spectateurs dans la juste apparence qu’ils doivent avoir. Combien de ces péristiles, de ces sallons, de ces temples, vains fantômes de solidité & de magnificence, s’évanoüiroient avec la réputation des artistes, si d’après leurs tableaux on en faisoit l’examen en les réduisant à leurs plans géométraux ? Combien d’effets de perspectives trouverions-nous ridicules & faux, si on les soûmettoit à cette épreuve ? L’exécution sévere des regles, je ne puis trop le répeter, est le soûtien des Beaux arts, comme les licences en sont la ruine. Dans celui de la Peinture, la perspective linéale est un des plus fermes appuis de l’illusion qu’elle produit  : cette perspective donne les regles des rapports des objets  ; & puisque nous ne jugeons des objets réels que par les rapports qu’ils ont entr’eux, comment espere-t-on tromper les regards, si l’on n’imite précisément ces rapports de proportions par lesquels nos sens perçoivent & nous excitent à juger ? Les grands peintres ont étudié avec soin l’Architecture indépendamment de la Perspective, & ils ont trouvé dans cette étude les moyens de rendre leurs compositions variées, riches & vraissemblables. Il seroit à souhaiter que les Architectes pussent s’enrichir aussi des connoissances & du goût qu’inspire l’art de la Peinture, en le pratiquant ; ils y puiseroient à leur tour des beautés & des graces qu’on voit souvent manquer dans l’exécution de leur composition. Les Arts ne doivent-ils pas briller d’un plus vif éclat, lorsqu’ils réünissent leurs lumieres ? Voyez Perspective, Ruines, &c. Cet article est de M. Watelet.