L’Encyclopédie/1re édition/LOOCH, ou LOOH

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LOOCH, ou LOOH, s. m. (Pharm. & Thérap.) mot pris de l’arabe, & les noms d’une composition pharmaceutique d’une consistance moyenne, entre le syrop & l’électuaire mou, destinée à être roulée dans la bouche, & avalée peu-à-peu, ou à être prise par très-petites portions, & en léchant. Les Grecs ont appellé cette préparation eclegma, & les Latins linctus. Le mot looch est depuis long-tems le plus usité, même chez les auteurs qui ont écrit en latin.

Le looch n’est composé que de remedes appellés pectoraux (voyez Pectoral), & principalement des liquides, ou au moins mous, comme décoctions, eaux distillées, émulsions, huiles douces, syrops, mucilages délayés, miel, pulpes, gelées, conserves, &c. ou consistans, mais solubles, comme sucre, gomme, &c. On y fait entrer quelquefois aussi des matieres pulvérulentes, non solubles, comme de l’amydon, de la réglisse en poudre, des absorbans porphyrisés, &c. mais alors le remede est moins élégant & moins parfait.

Pour unir différens ingrédiens sous forme de looch, il n’y a 1°. s’ils sont tous vraiment miscibles, ou réciproquement solubles, qu’à y mêler exactement en agitant, triturant, appliquant une chaleur convenable ; en un mot procurant la dissolution ou combinaison réelle, ces différens ingrédiens employés en proportion convenable, pour que le mélange achevé ait la consistance requise : cette proportion s’apprend facilement par l’usage, & un tâtonnement facile y conduit.

2°. Si les différens ingrédiens ne sont pas analogues, qu’il s’agisse, par exemple, d’incorporer une huile avec des liqueurs aqueuses & des gommes ; en joignant ces substances immiscibles par l’intermede des substances savonneuses, le sucre & le jaune d’œuf, & en leur faisant contracter une union, au-moins superficielle, indépendamment de celle qui est procurée par cet intermede, par une longue conquassation, en les battant, & broyant long-tems ensemble.

Le looch blanc de la Pharmacopée de Paris, nous fournira le modele de la composition la plus compliquée, & la plus artificielle du looch.

Looch blanc de la Pharmacopée de Paris réformé. Prenez quatre onces d’émulsion ordinaire, préparées avec douze amandes douces ; dix-huit grains de gomme adragant réduite en poudre très-subtile. Mettez votre gomme dans un mortier de marbre, & versez peu-à-peu votre émulsion, en agitant continuellement & long-tems, jusqu’à ce que vous ayez obtenu la consistance de mucilage. Alors mêlez exactement avec une once de syrop de capillaire, & une once d’huile d’amandes douces, que vous incorporerez avec le mélange précédent, en continuant d’agiter le tout dans le mortier, fournissant l’huile peu-à-peu : enfin vous introduirez par la même manœuvre environ deux drachmes d’eau de fleurs d’orange.

Ce que j’appelle la réforme de ce looch, consiste à substituer de l’eau pure à une décoction de réglisse demandée dans les dispensaires, & qui ôte de l’élégance au remede, en ternissant sa blancheur, sans y ajoûter aucune vertu réelle ; & à mettre le syrop de capillaire à la place du syrop d’alhtéa, de Fernel, & de celui de diacode, qui le rendent désagréable au goût, sans le rendre plus efficace. Les bons apoticaires de Paris préparent le looch blanc de la maniere que nous avons adoptée. Ils dérogent à cet égard à la loi de la Pharmacopée ; & certes c’est-là une espece d’infidélité plutôt louable, que condamnable, & presque de convention ; les Medecins qui connoissent le mieux la nature des remedes, l’approuvent, & ce suffrage vaut assurement mieux que là soumission servile à un précepte dicté par la routine.

Quant à l’usage médicinal, & à la vertu des looch, il faut observer premierement, qu’ils sont donnés, ou comme topiques, dans les maladies de la bouche & du gosier, en quoi ils n’ont absolument rien de particulier, mais agissant au contraire selon la condition commune des topiques (v. Topique), ou bien qu’on les roule dans la bouche aussi long-tems qu’on peut les y tenir, sans céder au mouvement de la déglutition, qui est machinalement déterminé par ce roulement dans la bouche (quantùm patitur frustratæ deglutitionis tædium), dans l’espoir que l’air à inspirer, qui passera à travers le looch retenu dans la bouche, se chargera, sinon de la propre substance, du-moins d’une certaine émanation du remede ; & qu’ainsi il arrivera au poumon empreint de la vertu médicamenteuse de ce remede.

Secondement, que le premier emploi du looch, c’est-à-dire, à titre de topique, est très-rare, pour ne pas dire absolument nul ; car, dans les cas de maladies de la bouche & du gosier, c’est presqu’uniquement le gargarisme qu’on emploie. Voyez Gargarisme.

Troisiemement, que le second emploi, à titre de pectoral, ou béchique incrassant, dirigé immédiatement vers le poumon par le véhicule de l’air inspiré, qui est très-ordinaire & très-usuel, est fondé sur un des préjugés des plus puériles, des plus absurdes, des plus répandus pourtant, non-seulement chez le peuple, mais même chez les gens de l’art, & dans les livres.

Car d’abord l’air ne peut certainement rien enlever des corps doux ou huileux, qui font la nature essentielle des looch, ni par une action menstruelle, car l’air ne dissout point ces substances grossieres ; ni par une action méchanique, car l’air ne traverse pas impétueusement la bouche, pour se porter par un courant rapide dans le poumon ; l’air est au contraire doucement attiré par l’inspiration ; d’où il est clair à priori, que l’air inspiré ne se charge d’aucune partie intégrante substantielle du looch. En second lieu, cette vérité est démontrée à posteriori, par cette observation familiere, vulgaire, qu’une seule goutte d’un liquide très-benin, blandissimi, d’eau pure, qui enfile l’ouverture de la glotte, occasionne sur le champ une toux convulsive, suffocante, qui s’appaise à peine par l’expulsion du corps dont la présence l’excitoit. Que seroit-ce si des matieres plus grossieres, plus irritantes, telles que sont celles qui composent le looch, si de pareilles matieres, dis-je, étoient portées dans la trachée-artere.

Quatriemement, que si on se restraint à prétendre que l’air ne se charge que d’une émanation d’une vapeur, la prétention est au-moins tout aussi frivole ; car la matiere des looch n’exhale absolument qu’une substance purement aqueuse : c’est-là un fait très connu des Chimistes. Ce n’est donc certainement pas la peine de rouler un looch dans la bouche pour envoyer de l’eau, un air humide au poumon. Si c’étoit là une vûe utile, il vaudroit mieux que le malade tînt continuellement devant la bouche, un vaisseau plein d’eau chaude, fumante, que de tenir sa bouche continuellement pleine de salive.

On emploie communément le looch, le blanc ci-dessus décrit principalement, pour servir de véhicule à des remedes qu’on donne peu-à peu, & pendant toute la journée, le kermès minéral, par exemple. Cet usage a commencé d’après un préjugé : on a donné le kermès principalement destine à agir sur la poitrine, dans un véhicule prétendu pectoral ; la vûe est certainement vaine, mais l’usage est indifférent. (b)

Looch blanc, (Pharm. & Thérap.) voyez l’article précédent.