L’Encyclopédie/1re édition/STIGMATE

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STIGMATE, voyez Fleur.

Stigmates, organes extérieurs de la respiration de plusieurs insectes, & principalement des chenilles. C’est M. Malpighi qui a reconnu le premier cette organisation. Les chenilles ont sur chacun des douze anneaux du corps, à l’exception du second, du troisieme & du dernier, deux taches ovales, une de chaque côté, placées plus près du ventre que du dos : ces taches sont imprimées en creux dans la peau, & bordées par un petit cordon le plus souvent noir. Ces taches sont jaunes dans certaines chenilles, & dans d’autres elles ont une couleur blanche. La petite ouverture, qui est au milieu de chacune de ces taches, communique à un poumon particulier, de sorte que les chenilles ont neuf poumons de chaque côté, ou plutôt neuf paquets de trachées qui composent le poumon, & qui s’étendent chacun tout le long du corps.

M. Malpighi a découvert que ces organes servoient à la respiration des chenilles, en les couvrant d’huile ou d’une matiere graisseuse quelconque, alors l’insecte tombe en convulsions sur le champ. Mais si on ne met de l’huile que sur un certain nombre de stigmates, les parties voisines de celles qui sont huilées deviennent paralytiques par la privation d’air, & souvent l’insecte meurt quelque tems après. On tient cependant sous l’eau un ver à soie pendant des heures entieres, sans le faire mourir ; il reprend ses forces & sa vigueur en le remettant à l’air & en l’exposant au soleil. M. de Reaumur croit que c’est parce que l’eau ne peut pas pénétrer dans les stigmates, comme l’huile, & que l’air qui se trouve renfermé dans le creux de chaque stigmate empêche que l’insecte ne soit suffoqué. M. Malpighi croyoit que l’air entroit & sortoit par les stigmates ; mais M. de Reaumur a découvert depuis par des expériences réïtérées en plongeant une chenille dans l’eau, que l’air avoit son issue par de très-petites ouvertures répandues sur tout le corps, qui communiquent à de petits canaux, & que ces canaux ont communication avec les trachées dont il a été fait mention. Mém. pour servir à l’hist. des insectes, par M. de Reaumur, tome I. n°. 3. Voyez Insecte.

Stigmates, (Hist. anc.) signes ou caracteres dont on marquoit ordinairement les esclaves qui avoient été fugitifs. La marque la plus commune étoit la lettre F, qu’on leur imprimoit au front avec un fer chaud. On se contentoit quelquefois de leur mettre un collier ou un bracelet, sur lequel on gravoit le nom du maître. Quelques-uns ont cru qu’on imprimoit aussi des caracteres sur les mains, les bras ou les épaules des nouveaux soldats chez les Romains ; mais cet usage n’a pas été général, & l’on n’en trouve pas des témoignages assez précis chez les anciens, pour affirmer que cette coutume fût constamment établie dans les troupes romaines.

Stigmates, (Théolog.) marques ou incisions que les payens se faisoient sur la chair en l’honneur de quelque fausse divinité.

Ces stigmates s’imprimoient ou par un fer chaud, ou par une aiguille avec laquelle on faisoit plusieurs piquures, que l’on emplissoit ensuite d’une poudre noire, violette, ou d’une autre couleur, qui s’incorporoit avec la chair, & demeuroit imprimée pendant toute la vie. La plûpart des femmes arabes ont les bras & les joues chargés de ces sortes de stigmates : Lucien dans son livre de la déesse de Syrie, dit que tous les syriens portoient de ces caracteres imprimés les uns sur les mains, & les autres sur le col. Moïse, Lévitiq. x. xix. vers. 28. défend aux Israélites de se faire aucune figure, ni aucune stigmate sur le corps. L’hébreu porte, vous ne vous ferez aucune écriture de pointe, c’est-à-dire, aucune stigmate imprimée avec des pointes.

Ptolemée Philopator ordonna qu’on imprimât une feuille de lierre, qui est un arbre consacré à Bacchus sur les juifs qui avoient quitté leur religion pour embrasser celle des payens. S. Jean, dans l’Apocalypse, fait allusion à cette coutume, quand il dit, c. xiij. vers. 16. & 17. que la bête a imprimé son caractere dans la main droite, & sur le front de ceux qui sont à elle ; qu’elle ne permet de vendre ou d’acheter qu’à ceux qui portent le caractere de la bête ou son nom, & S. Paul, dans son épitre aux Galates. dit qu’il porte les stigmates de J. C. sur son corps en parlant des coups de fouet qu’il a reçus pour la prédication de l’évangile.

Philon le juif, de monarch. l. I. dit qu’il y a des hommes qui pour s’attacher au culte des idoles d’une maniere plus solemnelle & plus déclarée, se font sur la chair avec des fers chauds, des caracteres qui prouvent leur engagement & leur servitude. Procope, in Isaï. xliv. remarque l’ancien usage des chrétiens, qui se faisoient sur le poignet & sur les bras des stigmates, qui représentoient la croix ou le monogramme de J. C. usage qui subsiste encore aujourd’hui parmi les chrétiens d’Orient, & parmi ceux qui ont fait le voyage de Jérusalem. Prudence, hymn. x. décrit en ces termes la maniere dont les payens se faisoient des stigmates en l’honneur de leurs dieux.

Quid cum sacrandus accipit sphragitidas ?
Acus minutas ingerunt fornacibus,
His membra pergunt urere : utque igniverint
Quamcumque partem corporis fervens nota
Stigmavit, hanc sic consecratam proedicant.

Calmet, dictionn. de la Bibl.

Stigmates, (Théolog.) terme que les Franciscains ont introduit pour exprimer les marques ou empreintes des plaies de Notre Seigneur, qu’il imprima lui-même sur le corps de S. François d’Assise.

Voici ce qu’en dit M. l’abbé Fleury, dans son histoire ecclésiastique, tom. XVI. l. LXXIX. n°. 5. d’après Vading & S. Bonaventure. « En 1224, saint François se retira sur le mont Alverne pour y passer son carême de saint Michel, c’est-à-dire, les quarante jours qu’il avoit coutume de jeûner, depuis l’assomption de Notre Dame, jusqu’à la fin de Septembre… Un matin, vers la fête de l’exaltation de la sainte Croix, qui est le 14 Septembre, comme il prioit au côté de la montagne, il vit un séraphin, ayant six aîles ardentes & lumineuses, qui descendoit du haut du ciel d’un vol très-rapide. Quand il fut proche, saint François vit entre ses aîles la figure d’un homme, ayant les mains & les piés étendus & attachés à une croix. Deux aîles s’élevoient au-dessus de sa tête, deux étoient étendues pour voler, & deux couvroient tout son corps… La vision disparoissant, le saint apperçut à ses mains & à ses piés les marques des clous comme il les avoit vus à l’image du crucifix. Ses mains & ses piés paroissoient percés de clous, dans le milieu, les têtes des clous se voyoient au-dedans des mains & au-dessus des piés, & les pointes repliées de l’autre côté, & enfoncées dans la chair. A son côté droit paroissoit une cicatrice rouge, comme si elle venoit d’un coup de lance, & souvent elle jettoit du sang, dont sa tunique & ses fémoraux étoient arrosés. »

L’impression de ces stigmates fut confirmée par plusieurs miracles que rapporte le même auteur, qui continue ainsi : « Quelque soin que prît François de cacher ses stigmates, il ne put empêcher que l’on ne vît ceux des mains & des piés, quoique depuis ce tems-là il marchât chaussé, & tînt presque toujours ses mains couvertes. Les stigmates furent vus par plusieurs de ses confreres, qui bien que très dignes de foi par leur sainteté, l’assurerent depuis par serment, pour ôter tout prétexte d’en douter. Quelques cardinaux les virent par la familiarité qu’ils avoient avec le saint homme ; ils ont relevé les stimagtes, dit saint Bonaventure, dans les proses, les hymnes & les antiennes qu’ils ont composées en son honneur, & ont rendu témoignage à cette vérité de vive voix, & par écrit. Enfin le pape Alexandre IV. prêchant au peuple, en présence de plusieurs freres & de moi-même (ce sont les propres paroles de saint Bonaventure), assura que pendant la vie du saint il avoit vu ces sacrés stigmates de ses propres yeux. Il ajoute qu’à la mort de saint François plus de cinquante freres les virent, & la pieuse vierge Claire avec ses sœurs, & une multitude innombrable de séculiers, dont plusieurs les baiserent & les toucherent de leurs mains pour plus grande certitude.

» Quant à la plaie du côté, il la cacha si bien, que de son vivant personne ne put la voir qu’à la dérobée, mais après sa mort elle parut évidemment comme les autres ».

On a institué en mémoire de ce miracle une fête appellée la fête des stigmates de saint François, avec une messe & un office particulier, mais qui n’est obligatoire que pour les Franciscains. Il y eut aussi à la même occasion une archi confrérie érigée en 1594, par François Pizi, chirurgien de la ville de Rome.