L’Encyclopédie/1re édition/STYMPHALE

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STYMPHALE, (Géog. anc.) Stymphalus, ville du Peloponnèse, dans l’Arcadie, aux confins de l’Argolide, sur le bord d’un lac de même nom. Homere & Hésiche écrivent στύμφηλος, Stymphelus. Il semble qu’il y avoit aussi une montagne nommée Stymphalus ; cependant Strabon, l. VIII. la passe sous silence, lorsqu’il décrit les montagnes de l’Arcadie ; mais Ptolomée, l. III. c. xvj. compte Stymphalus au nombre des montagnes du Péloponnèse, & une ville du même nom parmi celles de l’Arcadie.

Le lac étoit au pié d’une montagne, selon Pline, & sur le bord du lac étoit la ville Stympalus ; dans le scholiaste d’Apollonius, ad lib. II. v. 1055. la ville est appellée Stymphalus, & le lac Stymphalis. Ovide, l. II. fast. v. 27. en parlant du lac, dit Stymphalides undæ. Polybe, l. II. c. 55. appelle la contrée Stymphalia, & les habitans Stymphalii. Strabon compte Stymphalie parmi les villes détruites ; le fleuve qui sortoit du lac portoit aussi le nom de Stymphalus, jusqu’à l’endroit où il se cachoit sous terre ; mais lorsqu’il reparoissoit dans l’Argie, il prenoit celui d’Erasinus. Pausanias, l. VIII. c. xxij. décrit ainsi la ville, le lac, & le fleuve Stymphalus.

Le mont Géronte étoit comme une barriere entre les Phénéates, & ceux de Stymphale. Ces derniers n’étoient plus censés du corps arcadique, depuis qu’ils s’en étoient volontairement séparés, pour ne plus dépendre que des états d’Argos.

Cependant Homere témoigne qu’ils étoient originairement Arcadiens, & on sait d’ailleurs que Stymphale leur fondateur, étoit petit fils d’Arcas ; ce n’est pas qu’Arcas eût été le fondateur de Stymphale, qui subsistoit du tems de Pausanias ; mais il en avoit bâti une autre qui ne subsistoit plus. Ces peuples prétendoient que Téménus avoit habité l’ancienne Stymphale, qu’il y avoit élevé Junon, & qu’il lui avoit bâti ensuite trois temples sous divers noms, suivant les trois états où il l’avoit vue ; l’un à Junon enfant, l’autre à Junon femme de Jupiter, & le troisieme à Junon veuve, après qu’elle eut fait divorce avec Jupiter, & qu’elle se fut retirée à Stymphale. Voilà ce qu’ils disoient ; mais cela n’a rien de commun avec la nouvelle Stymphale dont il s’agit ici.

Aux environs de cette ville, il y avoit une fontaine, dont l’empereur Hadrien avoit fait venir l’eau jusque dans Corinthe. Cette fontaine formoit à Stymphale, durant l’hiver, une espece de petit lac, d’où le fleuve Stymphale se grossissoit ; l’été ce lac étoit ordinairement à sec, & pour lors c’étoit la fontaine qui fournissoit de l’eau à ce fleuve, lequel, à quelque distance de là, se précipitoit sous terre, & alloit reparoître dans les terres des Argiens, non plus sous le nom de Stymphale, mais sous le nom d’Erasinus. On disoit que sur les bords du Stymphale il y avoit autrefois des oiseaux carnassiers qui vivoient de la chair humaine, & qu’Hercule les tua tous à coups de fleches. Pisandre de Camire dit qu’il ne fit que les chasser par le bruit des tymbales.

Les déserts d’Arabie, qui engendrent tant de sortes de bêtes, continue Pausanias, avoient aussi des oiseaux nommés stymphalides, qui ne sont gueres moins à craindre pour les hommes, que les lions & les léopards ; car lorsqu’ils étoient poursuivis par les chasseurs, ils fondoient tout-à-coup sur eux, les perçoient de leurs becs, & les tuoient. Le fer & l’airain étoient de foible résistance ; mais il y avoit dans le pays une écorce d’arbre fort épaisse, dont on se faisoit des habits ; le bec de ces animaux rebroussoit contre, & s’embarrassoit de la même maniere que les petits oiseaux se prennent à la glu. Les stymphalides étoient de la grandeur des grues, & ressembloient aux cigognes, avec cette différence, qu’ils avoient le bec beaucoup plus fort, & qu’ils ne l’avoient pas recourbé.

Je ne puis décider, dit Pausanias, s’il y a eu autrefois en Arcadie des oiseaux de même nom que ceux qui se voient aujourd’hui dans l’Arabie, quoique d’une forme différente ; mais supposé, ajoute le même Pausanias, que l’espece des stymphalides soit unique, & qu’elle ait toujours existé comme celle des éperviers, des aigles, & des autres oiseaux ; je me persuade que les stymphalides sont des oiseaux d’Arabie, dont quelques-uns auront volé vers les rives du Stymphale, & que dans la suite la gloire d’Hercule & le nom des Grecs, beaucoup plus célebre que celui des Barbares, aura fait appeller ces oiseaux stymphalides dans l’Arabie même, au lieu qu’auparavant ils avoient un autre nom.

Il y avoit à Stymphale un vieux temple de Diane, surnommé aussi stymphalie. La statue de la déesse étoit de bois, & dorée pour la plus grande partie ; la voûte du temple étoit ornée de figures d’oiseaux stymphalides. Sur le derriere du temple on voyoit des statues de marbre blanc, qui représentoient de jeunes filles avec des cuisses & des jambes d’oiseaux. On disoit que les habitans de Stymphale avoient éprouvé la colere du ciel d’une maniere terrible : la fête de Diane étoit négligée, on n’y observoit plus les cérémonies prescrites par la coutume : un jour l’arcade qu’on avoit faite pour l’écoulement des eaux du Stymphale, se trouva tout à-coup engorgée au point que l’eau venant à refluer, inonda toute la campagne l’espace de plus de quatre cens stades ; un chasseur qui couroit après une biche, se laissant emporter à l’envie d’avoir sa proie, se jetta à la nage dans ce lac, & ne cessa de poursuivre l’animal, jusqu’à ce que tombés tous deux dans le même gouffre, ils disparurent & se noyerent ; les eaux se retirerent à l’instant, & en moins d’un jour la terre parut séche. Depuis cet événement, la fête de Diane se célébra avec plus de pompe & de dévotion.

Voila le récit de Pausanias. La ville de Stymphale se nomme aujourd’hui Vicisse, d’autres disent Vulsi. M. Fourmont y passant en 1719, ne vit point dans le environs de ce lieu, & n’entendit rien dire aux habitans, des oiseaux stymphalides si célebres chez les poëtes, & dans Pausanias ; mais M. Fourmont découvrit au voisinage de Stymphale, les ruines du tombeau de Térence, sur lequel il avoit fait espérer un mémoire particulier, qui n’a point vu le jour. (D. J.)