L’Encyclopédie/1re édition/TRUFFE

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TRUFFE, s. f. (Hist. nat. Bot.) tuber ; genre de plante qui ne sort pas hors de terre, & qui n’a ni racines, ni tiges, ni feuilles. La truffe est ordinairement arrondie, & couverte d’une écorce inégale, raboteuse & hérissée de tubercules en pointes de diamant. Sa substance est dure, calleuse & interrompue par un grand nombre de fentes sinueuses, de sorte qu’elle paroît divisée en plusieurs parties, comme la noix muscade ; elle est remplie de capsules molles, en forme de vessies, arrondies & très-petites, qui renferment chacune deux, trois ou quatre semences rondes ou arrondies, & dont la surface est inégale. Michelli nova plant. amer. genera. Voyez Plante.

Truffe, (Botan.) genre de plante dont voici les caracteres connus ; les truffes sont d’une sustance charnue, fongueuse, de forme irréguliere, croissant en terre ; elles sont quelquefois séparées, & quelquefois réunies ensemble.

S’il y a des animaux, qui ont peu l’air d’animaux, il ne faut pas être surpris qu’il y ait aussi des plantes qui n’en ont pas la mine. Les truffes sont de ce nombre ; elles n’ont ni racines, ni filamens qui en tiennent lieu, ni tiges, ni feuilles, ni fleurs apparentes, & nulle apparence de graine. Il faut pourtant qu’elles jettent des semences pour se multiplier. En un mot, il faut que ce soit des plantes. Elles méritent bien par leur singularité, qu’on recueille ici ce qu’en ont écrit quelques physiciens, & M. Geoffroy entr’autres, qui a fait un mémoire sur leur nature.

Tous les corps qui paroissent végéter, se peuvent partager généralement en deux classes. La premiere, de ceux à qui il ne manque rien de tous les caracteres des plantes. La seconde, de ceux à qui il en manque quelques-uns. Parmi ces derniers, les uns manquent de fleurs apparentes, comme le figuier dont on croit la fleur renfermée au-dedans du fruit. D’autres manquent de fleurs & de graines apparentes, comme la plupart des plantes marines dont on soupçonne les semences renfermées dans des vésicules particulieres. D’autres n’ont que des feuilles sans tige, comme le lichen, le lactuca marina, & le nostoch. D’autres ont des tiges sans feuilles, comme les euphorbes, la presle, le litophyton, &c. D’autres enfin, n’ont pour ainsi dire, aucune apparence de plantes, puisqu’on n’y distingue ni feuilles, ni fleurs, ni graines. De ce genre sont la plupart des champignons, les éponges, les morilles & sur-tout les truffes, qui de plus n’ont point de racines. Les Botanistes les ont rangées dans l’ordre des plantes, parce qu’on les voit croître & multiplier ; ils ne doutent point qu’elles n’aient du moins les parties essentielles des plantes, si elles n’ont pas les apparentes, de même que les insectes ont la partie essentielle à l’animal, quoique la structure apparente en soit différente.

Cette sorte de plante est une espece de tubercule charnu, couvert d’une enveloppe ou croûte dure, raboteuse, chagrinée, & gercée à sa superficie, avec quelque régularité, telle à-peu-près qu’on l’apperçoit dans la noix de cyprès. Elle ne sort point de terre ; elle y est cachée à environ un demi-pié de profondeur. On en trouve plusieurs ensemble dans le même endroit, qui sont de différentes grosseurs. Il s’en voit quelquefois d’assez grosses pour être du poids d’une livre ; & ces dernieres sont rares.

Il ne paroît pas que les anciens aient connu notre truffe, car ils décrivent la leur de couleur rougeâtre, & d’une surface lisse ; espece de truffe qui est encore commune en Italie, & qu’on appelle truffe sauvage, mais dont on ne fait aucun cas. Il est vrai cependant que les Romains recevoient quelquefois une truffe blanche d’Afrique, qu’ils estimoient singulierement pour son odeur ; ils la nommoient truffe de Lybie, & les Grecs fort peu au fait de toutes les productions africaines, appelloient celle-ci misy cyrénaïque.

Avicenne met au rang des meilleures truffes, celles qui sont en-dedans de couleur blanchâtre, ou pour mieux traduire le terme qu’il emploie, de couleur de sable, faisant allusion au sable grisâtre qui étoit en usage de son tems. Pline dit avec peu d’exactitude, que les truffes de Lybie étoient plus charnues que les autres. Theophraste s’exprime bien mieux, en disant que leur chair étoit d’un excellent parfum, pour les distinguer des truffes de la Grece qui étoient insipides. Comme les truffes de Lybie venoient dans les sables brûlans de cette région, on les appelloit truffes sablonneuses ; & Martial y fait allusion, lorsqu’il décrit les meilleures truffes, comme faisant des crevasses sur la surface du terrein. Il est vrai, que nous ne voyons point que la terre se fende dans les endroits où elle porte des truffes ; & Pline lui-même assure que les truffes sont enfouies en terre, sans donner aucune indication de leur place ; il a sans doute raison pour les truffes romaines, & le fait est également vrai pour les nôtres ; mais puisque Martial parle des truffes de Lybie, il faudroit avant que de le censurer, savoir si les truffes d’Afrique fendent ou non, le terrein des endroits où elles se trouvent ; & c’est surquoi nous avons par hazard le témoignage de Léon l’Africain. Cet auteur qui est fort exact dans son détail des truffes de Lybie, rapporte qu’on reconnoît les endroits qui produisent des truffes, par la surface de la terre, élevée en petites mottes, & fendue en un grand nombre de crevasses ; mais laissons les truffes d’Afrique, pour parler de celles de l’Europe qui sont sous nos yeux, & de caractere bien different.

Les bonnes sont communes en Italie, en Provence, en Dauphiné, dans le Languedoc, l’Angoumois, & le Périgord, où elles sont les meilleures. Il en croît aussi en Bourgogne & aux environs de Paris. Il en vient dans le Brandebourg, & en d’autres endroits d’Allemagne ; M. Hatton a le premier découvert les truffes de Northampton, province d’Angleterre, & Morton les a décrites dans son histoire naturelle du pays.

On remarque que les truffes viennent plus ordinairement dans des terres incultes, de couleur rougeâtre & sablonneuse, quoi qu’un peu grasses. On les trouve au pié & à l’ombre des arbres ; on les trouve aussi quelquefois entre des racines, des pierres, & quelquefois en pleine terre. Leur arbre favori est le chène ou le chène-verd, ou le chène blanc, comme l’orme est celui de la morille.

On commence à voir des truffes au premier beau tems qui suit les froids, plutôt ou plus tard, suivant que le tems est doux, mais à la suite du grand hiver, elles ont été très-rares. Elles ne paroissent dans leur naissance, que comme de petits pois ronds, rouges au-dehors, & blancs en-dedans ; ces pois grossissent peu-à-peu. C’est depuis ce tems-là, qu’on commence à tirer de la terre celles qu’on nomme truffes blanches. Elles sont insipides d’elles-mêmes, & on les fait sécher pour entrer dans les ragouts, parce qu’elles se gardent mieux séches que les marbrées.

C’est l’opinion commune, que les truffes qui ont été une fois déplacées ne prennent plus de nourriture, quand même on les remettroit dans la même terre d’où on les a tirées ; mais si on les y laisse jusqu’à un certain point sans les déranger, elles grossissent insensiblement ; leur écorce devient noire, chagrinée, ou inégale, quoiqu’elles conservent toujours leur blancheur au-dedans ; jusqu’à ce point, elles ont très-peu d’odeur & de saveur, & ne peuvent encore s’employer qu’en ragoût ; & c’est toujours ce qu’on appelle premieres truffes blanches, dont il ne faut point faire une espece différente des marbrées & des noires, que l’on recueille depuis l’automne jusque en hiver après les premieres gelées, car ce ne sont que les mêmes à différens points de maturité.

La truffe blanche est dans son premier état, comme une plante qui est tout-à-la-fois racine, tige & fruit, dont le parenchime se gonfle de toutes parts, & dont les parties se développent insensiblement. A mesure que la truffe se gonfle, l’écorce se durcit, se gerce, en différens endroits pour donner plus de nourriture à la masse qui est plus grosse ; alors la truffe change de couleur, & de blanche qu’elle étoit, on la voit insensiblement se marbrer de gris, & on n’apperçoit plus le blanc que comme un tissu de canaux qui se répandent dans le cœur de la truffe, & qui viennent tendre aux gerces de l’écorce.

La matiere grise qui est renfermée entre ces canaux, étant considérée au microscope, paroît être un parenchime transparent, composé de vésicules. Au milieu de ce parenchime, on voit des points noirs, ronds, séparés les uns des autres, qui ont tout l’air d’être des graines nourries dans ce parenchime dont elles ont obscurci la couleur, & où il n’y a que les vaisseaux & quelques cloisons qui sont restées blanches.

Lorsque les truffes sont venues à ce point de maturité, elles ont une très-bonne odeur & un très-bon goût. La chaleur & les pluies du mois d’Août les font mûrit plus promptement ; c’est ce qui peut avoir donné lieu à quelques auteurs de dire que les orages & les tonneres les enfantoient. En effet, on ne commence à fouiller les bonnes truffes, que depuis le mois d’Octobre jusqu’à la fin de Décembre, & quelquefois jusqu’au mois de Février, où pour lors elles sont marbrées ; au lieu que celles que l’on ramasse depuis le mois d’Avril, jusqu’au mois de Juillet & d’Août, ne sont encore que blanches. Si on manque à ramasser les truffes lorsqu’elles sont à leur point de maturité, elles se pourrissent : c’est alors que l’on peut observer la reproduction de la truffe, parce qu’aubout de quelques tems, on trouve plusieurs amas d’autres petites truffes qui occupent la place de celles qui sont pourries. Ces jeunes truffes prennent nourriture jusqu’aux premiers froids. Si la gelée n’est pas forte, elles passent l’hiver, & forment de bonne heure les truffes blanches du printems.

Le grand froid de 1709 est encore une preuve de ce qu’on vient d’avancer, puisqu’on n’a vû des truffes que dans l’automne de la même année ; les plus avancées qui auroient dû paroître au printems, ayant péri par la rigueur de la saison, au lieu que l’année précédente, elles avoient été très-communes.

On ne remarque ni chevelu, ni filamens de racines aux truffes qu’on tire de terre. Elles en sont enveloppées de maniere, qu’elles y impriment les traces de leur écorce, sans y paroître autrement attachées. Elles sont sujettes comme les autres racines, à être percées de vers ; celui qui s’attache à la truffe est un ver blanc assez menu, & différent de ceux qui naissent de leur pourriture : par la suite, il forme une séve renfermée dans un nid tissu d’une soie blanche fort déliée. Il en sort quelque tems après une mouche bleue, tirant sur le violet, qui s’échappe de la truffiere, par des gerçures qu’on y observe. Dès qu’on apperçoit de ces sortes de mouches, on les regarde comme un indice certain qu’il y a des truffes dans l’endroit autour duquel on les voit voltiger ; mais nous ferons un article à part du ver de truffe.

Quand une truffe cuite a été piquée du ver, on s’en apperçoit à l’amertume qu’elle a au goût ; & en y faisant un peu d’attention, on reconnoît que l’endroit de la piquure est plus noir que le reste, & que c’est de-là que vient cette amertume, le reste de la truffe ayant un bon goût. Si on l’ouvre crue à l’endroit de la piquure, on y découvre aisément le nid du ver, & un espace autour sans marbrure, d’une couleur différente du reste de la truffe, & qui approche de celle du bois pourri.

On a observé avec le microscope la superficie des truffes, & on a remarqué que certains points blancs qui s’y trouvent, étoient autant de petits insectes qui les rongent. Ils suivent les sillons de l’écorce pour pouvoir tirer plus de nourriture ; ces insectes sont blancs & transparens, de figure ronde à-peu-près comme les mittes. Ils n’ont que quatre pates & une fort petite tête, ils marchent même assez promptement.

Ces insectes se nourrissent du suc nourricier de la truffe ; la preuve est qu’on en a trouvé qui s’étoient retirés dans le canton qu’avoit habité un ver, ils étoient devenus quoique transparens, d’une couleur de caffé, telle que celle de l’endroit où le ver avoit niché. Il est à remarquer que la terre qui produit la truffe ne porte point d’autres plantes au-dessus de la truffiere ; la truffe en soustrait le suc nourricier, ou peut-être par son odeur fait périr, & empêche les herbes d’y pousser. Cette derniere raison paroît assez probable, d’autant que la terre qui porte la truffe sent la truffe. Les paysans en certains endroits font un tel profit sur le débit des truffes, que cela les rend soigneux de découvrir les truffieres ; ensorte qu’ils deviennent très-habiles en ce métier.

Ils connoissent l’étendue d’une truffiere à ce qu’il n’y croît rien, & que la terre est nette de toute herbe. En second lieu, suivant la qualité de la terre, lorsque la truffiere est abondante, elle se gerce en différens endroits. Ils la reconnoissent encore, à ce qu’elle est plus légere ; ils la reconnoissent enfin, à ces petites mouches bleues & violettes dont j’ai parlé, & à une autre espece de grosses mouches noires, longues, différentes des premieres, qui sortent des vers qui s’engendrent de la pourriture de la truffe, & tout semblables à ceux qui naissent de toute autre matiere pourrie.

Il y a une habileté à fouiller les truffes, sans les couper, sur-tout lorsqu’elles sont grosses. Pour les tirer, les paysans ont une espece de houlette ; dans d’autres endroits, ils ne s’en rapportent point à eux-mêmes pour cette recherche, mais ils ont recours à un moyen dont parle Pline & d’autres auteurs. Il faut savoir, que les porcs sont fort friands de truffes ; on se sert donc d’un de ces animaux qu’on dresse à les chercher, & à les tirer. Il faut être prompt à leur ôter les truffes qu’ils découvrent, & leur donner quelque chose à la place pour les récompenser, sans quoi ils se rebuteroient, & laisseroient-là une chasse qui leur seroit infructueuse. Dans le Montferrat, ils ont des chiens dressés à cette chasse ; il en est de même en Angleterre, & cette derniere méthode a ses avantages.

Voilà en général les observations de M. Geoffroi sur la truffe. Je vais présentement en déterminer les especes d’après Tournefort, il en compte deux, qu’il distingue par leur figure. La premiere, est la ronde, dont on voit la figure dans ses élémens de Botanique, la même que celle qui est dans Mathiole & dans les autres Botanistes. Cette espece est celle que l’on mange en ce pays, & qui est connue de tout le monde. La seconde espece est celle que Mentzelius nomme dans son pugillus rariorum plantarum, truffes d’Allemagne, tubera subterranea testiculorum formâ. Cette truffe est différente des autres par sa figure, & par sa couleur interne, qui, au rapport de cet auteur, est d’un roux tirant sur le verdâtre, semblable à la couleur interne des vesses de loup de nos bois : peut-être que s’il les eût ouvertes en d’autres tems, il les eût trouvées d’une autre couleur. Il les compare même à une matiere qui change de couleur comme elles. Mentzelius découvrit cette espece dans les mois d’Août & de Septembre, qui est le tems où elles ne sont pas encore mûres, & en un certain canton de la marche de Brandebourg.

Sur ce pié là, nous n’avons encore en Europe que deux especes de truffes qui different par le port extérieur, & nous ne devons point prendre les variétés de couleurs internes, ni les différentes grosseurs pour des caracteres de différentes especes, puisque les racines ou les pierres qu’elles rencontrent en grossissant, leur peuvent donner différentes formes. La truffe est donc une plante & non point une matiere conglomerée, ou un excrément de la terre, comme Pline l’a pensé, en rapportant pour preuve une histoire d’un gouverneur de Carthagène, qui en mordant une truffe, trouva sous ses dents un denier. Cette preuve n’est point suffisante, puisque le hasard peut avoir fait que la truffe en grossissant, ait enveloppé ce denier, comme on voit arriver pareilles choses à certains arbres, de la végétation desquels on est persuadé. Il me paroît même que Pline ne savoit à quoi s’en tenir, puisqu’il rapporte ensuite, que l’on observoit que les truffes ne venoient auprès de Mételin dans l’île de Lesbos, que quand le débordement des rivieres en apportoit les semences d’un endroit nommé Tiares, dans la terre ferme d’Asie, où il y avoit des truffes en quantité.

Peut-être que l’on pourroit multiplier les truffes en tentant différens moyens, puisque nous les voyons multiplier dans la terre. Cette reproduction nous confirmeroit l’opinion que les graines sont renfermées dans l’intérieur de la truffe, & que ce sont ces graines & ces points ronds qui forment le parenchime de la truffe. Ce parenchime est soutenu par des fibres qui vont irrégulierement de la circonférence au centre, & tout traversé par des canaux blancs qui forment la marbrure de la truffe. Quelquefois ces canaux s’étendent en formant des plaques blanches, composées de vésicules transparentes plus déliées que les autres ; en sorte que vues de côté, elles forment une surface unie, blanche ; considérées perpendiculairement, elles laissent discerner à-travers elles, des points noirs ; si ces points sont les graines de la truffe, il est probable que les plaques blanches en sont comme les fleurs, y ayant toute apparence que les fleurs doivent être renfermées dans la truffe avec les graines.

Quoique les fibres de la truffe soient fort déliées, elles ne laissent pas toutes ensemble, d’avoir assez de force pour résister quelque tems à l’effort que l’on fait en les tirant en long. On les observe mieux dans une truffe passée que dans une autre, parce que le tissu charnu étant flétri, laisse appercevoir les locules qu’elles occupoient, & qui rend en les exprimant, le suc dont elles étoient chargées. Si au contraire on tire ces fibres de côté, elles se déchirent en se séparant en plusieurs lames dans le sens des fibres. Une preuve que ce sont des fibres, c’est que l’endroit qui a été gâté par le ver, étant vu au microscope, paroît être semblable à du bois pourri ; en sorte que ce ne sont plus que des fibres ou des lames sans suc, sans vésicules, & sans les points qui sont peut-être les graines. On les trouve comme criblées aux endroits où ces matieres auroient dû être ; d’où l’on peut conjecturer que les vers ou les insectes ont soustrait le suc nourricier, puisque les insectes de la truffe ont la même couleur que la truffe dans l’endroit qu’ils ont piqué.

Au reste, tout ceci n’est que pure conjecture ; car nos physiciens étant rarement à portée d’une truffiere, n’ont point encore cherché, comme il conviendroit, à approfondir tout ce qui concerne la végétation de la truffe. Ce ne sont pas les paysans qui découvriront ce mystere, moins encore ces personnes voluptueuses qui font leurs délices de ce mets, & qui, comme disoit Juvenal de leurs semblables,

Libidinis alimenta per omnia quoerunt.

(Le chevalier de Jaucourt.)

Truffe, (Diete.) quoique la truffe contienne une assez bonne quantité de matiere alimenteuse, cependant son goût très-relevé est cause qu’on l’emploie principalement à titre d’assaisonnement ou d’irritamentum gulæ.

La consistence naturelle de la truffe qui est d’un tissu dur & serré, n’empêche point qu’elle ne soit de facile digestion. On n’observe point dans les pays où elles croissent abondamment, & où on en mange beaucoup, qu’elle cause des indigestions, ni même qu’elle fatigue l’estomac. Le véritable inconvénient de leur usage est d’échauffer considérablement, mais cependant sans exciter la soif qui est le plus importun de tous les accidens de l’échauffement proprement dit.

La vertu d’exciter l’appétit vénérien qu’on leur attribue est très-réelle ; elle s’y trouve même en un degré fort énergique. Ainsi elles ne conviennent certainement point aux tempéramens sanguins, vifs, bouillans, portés à l’amour, ni à ceux qui sont obligés par état à s’abstenir de l’acte vénérien.

Une observation rapportée à l’article Poule d’Inde (diete), voyez cet article, semble prouver que le principe aromatique de la truffe est anti-sceptique ou assaisonnant. (b)

Truffe de cerf, (Botan.) espece de champignon nommé tuber cervinum, ou cervi boletus, par J. B. 111. 851. Lycoperdastrum tuberosum, arrhizon, fulvum, cortice duriore, crasso, & granulato ; medullâ ex albo purpurascente ; semine nigro, crassiore, Mich. nov. gen. plant. 220. n°. 10. tab. 99. fig. 4. Cette espece de champignon ou de truffe, est de la grosseur d’une noix, quelquefois d’une noisette, & même plus petite, arrondie, raboteuse, inégale ; d’une substance qui n’est ni dure, ni molle, & d’un noir pourpre ; elle est couverte d’une écorce semblable à du cuir, grise, rousse, semée de petits grains par-dessus, renfermant en-dedans une substance fongueuse, d’un blanc tirant sur le pourpre, subdivisée & distribuée en des cellules cotonneuses & molles, remplies de très-petites graines, qui font une masse, & qui sont attachées par des filamens. Cette même substance ayant donné sa graine mûre, se resserre, & forme un petit globule.

Lorsque cette truffe est récente, elle a un goût & une odeur forte & muriatique ; mais lorsqu’elle est seche & gardée depuis quelque tems, elle n’en a presque point de sensible. Elle naît sous la terre comme les autres truffes, sans racines, au-moins visibles. On la trouve dans les forêts épaisses & les montagnes escarpées d’Allemagne & de Hongrie ; les cerfs en sont friands ; étant attirés par son odeur, ils grattent la terre où elle est cachée pour la découvrir & la manger. (D. J.)

Truffe vers des, (Hist. nat.) espece de vers qui se transforment en mouches, & qui avant leur métamorphose, vivent dans les truffes, & s’en nourrissent. Ces sortes de vers qui vivent dans les truffes, sont souvent cause qu’elles nous arrivent à Paris très-corrompues ; car ils logent dans la truffe comme d’autres vers dans la viande. S’ils ne donnent pas toujours à la truffe le premier degré de corruption, au-moins en accelerent-ils les progrès. Lorsqu’on en presse quelqu’une entre les doigts, qui est trop avancée, on y sent des endroits qui cedent, qui se sont ramollis ; qu’on ouvre ces endroits, ordinairement on y trouvera des vers. Ils sont assez petits, & de ceux dont le bout postérieur est plan comme celui d’un cylindre. Ce bout a deux tubercules bruns, placés sur la même ligne, plus près de la partie supérieure que de l’inférieure, qui sont les deux stigmates postérieurs. Ces vers sont blancs & transparens ; aussi lorsqu’on regarde le dessus de leur partie antérieure, on voit distinctement les deux tiges noires des deux crochets noirs dont ils sont armés.

Ils piochent la truffe avec ces crochets, comme d’autres vers piochent la viande avec les leurs ; leur anus qui est aisé à trouver, est en-dessous du ventre, près du bout postérieur ; il jette une matiere blanche & gluante, qui aide peut être à faire corrompre la truffe ; chaque ver est toujours entouré de cette liqueur épaisse. Quand ils ont pris tout leur accroissement, & ils l’ont pris en peu de jours, ils quittent la truffe comme les autres quittent la viande, & pour la même fin ; je veux dire pour chercher un lieu propre à leur transformation ; ils entrent en terre, & au bout de douze heures, ils sont transformés dans leur coque, qui est de couleur de marron.

La coque du ver des truffes, comme celle de tous les vers de leur classe, est faite de leur peau, & a de même, à-peu-près la forme d’un œuf. Ce qu’elle a de particulier, c’est que son bout antérieur est un peu applati ; il a moins de diametre de dessus en-dessous, que d’un côté à l’autre. Dans l’étendue de cette portion applatie, chaque côté est bordé par une espece de cordon, analogue à celui des coques des vers de la viande, mais qui dans celle-ci, va jusqu’au bout. Le cordon finit pourtant à un des stigmates antérieurs ; mais ces stigmates sont sur la ligne droite par laquelle le bout plat est terminé. Au milieu de ce bout, paroissent des plis disposés comme ceux d’une bourse, qui entourent l’ouverture par laquelle le premier anneau est rentré en-dedans.

L’espece de ver dont nous venons de parler, n’est pas la seule qui mange les truffes ; elle donne encore de la nourriture à d’autres vers semblables à ceux qui mangent les champignons ; ce sont des vers sans jambes, qui ont le corps jaune, & la tête noire & écailleuse. Reaumur, Hist. des insectes, tome IV. page 374. (D. J.)