L’Émeraude du Pharaon

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Magasin d’Éducation et de Récréation, Tome XIV, 1901
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L’ÉMERAUDE DU PHARAON


I


Ce fut un gros événement dans tout le bourg de Ribagnac lorsqu’on apprit que le fils aîné de Vincent, des Borderies, entrait au service de M. le baron en qualité de secrétaire et de compagnon de voyage…

Il avait bien de la chance, ce Vincenou !…

Courir le monde, habillé de neuf, sans se préoccuper de son pain du lendemain, n’était-ce pas cent fois préférable à ce rude métier de laboureur qui vous rive à la terre, comme un galérien à son boulet !

Le père Vincent ne fut pas aussi ravi de la bonne fortune de son fils qu’on aurait pu le penser ; il appartenait à cette vieille race de paysans qui se font gloire d’être libres, de ne dépendre de personne, et cette domesticité, déguisée sous un titre flatteur, ne lui allait qu’à demi !…

Mais, hêlas ! les temps étaient durs !… Le blé avait manqué !… Le phylloxera n’avait rien laissé de la belle vigne, qui, jadis, sans qu’on s’occupât d’elle, mûrissait aux tiédeurs de septembre… Il avait fallu emprunter… on ne pouvait plus rendre, et il y avait aux Borderies deux autres petites bouches à nourrir !…

« Laissez moi Vincenou, avait dit l’instituteur, l’année précédente : il a été reçu le premier à son certificat d’études : c’est un enfant qui ira loin… Je le pousserai !… Nous l’enverrons à l’École normale de Périgueux ! »

Le père Vincent avait fait la sourde oreille à ces séduisantes propositions. Pierre — surnommé Vincenou, suivant l’antique coutume périgourdine, qui donne au fils aîné un diminutif du prénom paternel — avait déjà les bras solides : il vous retournait une pièce de terre mieux que n’importe quel garçon de ferme, et, lorsqu’il dirigeait la charrue, ses sillons s’en allaient droit, sans hésitation ni tortuosité, ainsi que le regard d’un honnête homme.

Et gentil avec cela, toujours de bonne humeur, pas lambin et travailleur comme pas un !…

La figure éveillée de l’enfant avait attiré l’attention, d’ordinaire un peu distraite, du baron de Ribagnac, et, un matin d’octobre, il était arrivé dans le champ où Vincenou labourait.

Une joyeuse flamme brillait dans les gros yeux de myope du vieux savant, toujours abrités derrière des lunettes d’or.

« Quel âge as-tu, petit ? avait-il demandé.

— Quatorze ans, monsieur le baron.

— M. le curé m’a dit que tu écrivais comme un clerc de notaire !

— C’est vrai, monsieur le baron !… J’aime bien tenir une plume et faire des problèmes aussi, sans parler de l’histoire de France que je sais par cœur !…

— Serais-tu content de voyager ?

— Oh ! oui, monsieur le baron ; à l’école, quand j’apprenais la géographie, j’aurais voulu pouvoir visiter tous les pays roses et bleus qui sont marqués sur les cartes.

— À merveille !… j’irai parler à ton père !… »

Et, le soir même, le baron s’était présenté chez Vincent, à l’heure du souper.

Les deux petits, Vincenille et Léonard, dormaient déjà derrière les courtines à carreaux rouges et blancs : on pouvait donc causer bien à l’aise, sans courir le risque d’être dérangés.

« Voilà ce que c’est, dit M. de Ribagnac, en s’asseyant sur le vieux fauteuil de paille que la Vincente avait vite épousseté avec son tablier, je vais bientôt retourner en Égypte, où mes travaux m’ont déjà appelé à plusieurs reprises, et j’aurais besoin d’un jeune compagnon de route, qui puisse à la fois soigner mes effets et me tenir lieu de secrétaire, mes yeux ne me permettant plus d’écrire longtemps… Vincenou me plaît… J’ai vu de son écriture… elle est très lisible !… Voulez-vous me le confier ? »

Le père Vincent regarda sa femme, restée debout auprès de la cheminée, où son écuelle de soupe gisait abandonnée sur le saloir.

La Vincente était très rouge !… Cela lui faisait de la peine évidemment de se séparer de son fils aîné.

« Je lui donnerai huit cents francs pour la première année, continua le baron, et, cela va sans dire, je le défrayerai de toute dépense. »

Huit cents francs !… Une fortune !… On pourrait éteindre quelques vieilles dettes, replanter une partie de la vigne, mettre des tuiles neuves sur la toiture, qui laissait passer l’eau du ciel, et curer le fossé qui bordait le grand pré !…

Huit cents francs ! Ça ne pouvait pas se refuser !

Avant d’accepter, Vincent voulut cependant élucider un point obscur.

« Nous n’avons jamais eu de gens à livrée dans notre famille, monsieur le baron, dit-il fièrement. Je ne voudrais pas que le petit portât un habit à boutons d’or !

— Qui vous parle de cela ?… Puisque je vous dis qu’il sera mon secrétaire… Partout où j’irai, il ira aussi… Il mangera à ma table… Là, êtes-vous content ?… »

Il eût été difficile de ne pas l’être !… La Vincente elle-même fut vaincue… Du reste, son homme avait parlé, elle n’avait qu’à s’incliner…

Vincenou, lui, eut beaucoup de peine à dissimuler sa joie !

Il allait connaître le pays des Pharaons !… L’Égypte où les Israélites restèrent captifs jusqu’à la venue de Moïse… L’Égypte où la Sainte Famille avait fui pour échapper à la fureur d’Hérode… L’Égypte où saint Louis était tombé aux mains des infidèles… L’Égypte où Bonaparte avait mené ses soldats d’Italie enivrés de victoires…

L’Égypte enfin où le grand-père — celui que Vincent appelait « le vieux », sans nulle intention irrespectueuse — avait gagné ses galons de sergent dans un mémorable combat livré par le général Desaix aux Mamelouks.

Vincenou n’avait jamais connu « le vieux », mais c’était tout de même pour lui une figure vivante.

Son père lui en avait si souvent parlé !

Désiré Vincent avait été grenadier… Il avait promené ses habits en loques et ses souliers percés de Marengo aux Pyramides, de Madrid à Moscou… Après Waterloo, il avait été de ceux qui, dans la cour de marbre du palais de Fontainebleau, pleurèrent comme des enfants devant leur empereur tombé et le drapeau du 1er régiment de la garde… Pauvre drapeau, grand comme un mouchoir de poche, mais où était écrite en lettres d’or l’histoire de cette poignée de braves qui l’avaient rapporté intact du steppe glacé et du désert brûlant.

Le vieux était alors revenu au pays pour se marier et fonder une famille…

On avait conservé de lui son bonnet à poil et un mauvais daguerréotype, œuvre d’un praticien de canton, qui le représentait encore très vert et très jovial en dépit de la grosse moustache blanche et des glorieuses balafres qui lui coupaient la figure.

Que de fois, le dimanche, les enfants avaient demandé à voir le bonnet du grand-père !

On le tirait alors du coffre où il reposait et on l’offrait à leur respectueuse admiration : un éclat de bombe l’avait troué… l’aigle était tordue… le poil n’avait plus de couleur… N’importe !… Tel qu’il était, le vieux bonnet parlait de gloire et de devoir accompli à ces humbles âmes de paysans que la vie des champs avait rendus poètes sans le savoir…

Longtemps, le père contemplait le couvre-chef guerrier, démesurément haut, puis il le replaçait dans le coffre, avec cette observation toujours la même :

« Petits, il faudra être digne du vieux ! Ce n’était pas un homme ordinaire… Il n’aurait jamais touché à ce qui ne lui appartenait pas, même en temps de guerre, alors que tous les camarades se bourraient les poches… Toute sa vie, il a marché droit et il m’a bien recommandé de suivre son exemple !… Je vous le recommande aussi !… »

Et ce furent encore ces mêmes paroles que Vincent adressa à son fils, lorsqu’il l’embrassa à l’heure du départ.

M. de Ribagnac, déjà installé au fond de sa berline, attendait patiemment la fin de ces épanchements de famille.

La Vincente pleurait dans un mouchoir à carreaux, les petits ouvraient de grands yeux admiratifs devant ce frère transformé en monsieur, par un tailleur de Bergerac. Seul, Vincent conservait toute sa dignité de chef de famille.

« Mon fils, dit-il, tu t’en vas loin de nous… Tu es encore bien jeune, mais tu as reçu de bons enseignements… J’espère que tu ne les oublieras pas… Souviens-toi du vieux !… Toute sa vie il a marché droit !… »

Vincenou était trop ému pour répondre ; une dernière fois, il embrassa sa mère et les petits, puis il grimpa en voiture.

La portière se referma et le cocher reçut l’ordre de partir.

Sur tous les seuils, des têtes curieuses se montrèrent… L’instituteur sortit de l’école… M. le curé souleva le rideau de son cabinet… L’enfant distribuait à droite et à gauche des saluts et des sourires… mais bientôt les maisons se firent plus rares et ce fut le grand chemin où les chevaux prirent une plus vive allure.

Vincenou était en route pour l’inconnu !


II


Tout l’émerveilla : la campagne qui fuyait devant les glaces du wagon, Marseille et le tohu-bohu cosmopolite de sa belle Canebière, le paquebot qui les emportait, et surtout la mer, plus bleue encore que les yeux de Vincenille, ainsi qu’il l’écrivit aux Borderies, à la première escale.

M. de Ribagnac s’amusait des exclamations de son petit secrétaire : peu de jours lui avaient suffi pour l’apprécier et s’y attacher.

Il était si gai, si spontané, si intelligent, si avide de savoir !

De lui-même il avait questionné le baron ; il s’était intéressé à ces fouilles que celui-ci allait présider dès que le Service des Antiquités du Caire lui en aurait donné l’autorisation officielle.

Très vite il sut ce qu’on appelait les Pyramides, le Sphinx, les Colosses, le Ramseum… les noms les plus barbares ne l’arrêtaient pas !…

Pendant la traversée de cinq jours sur une mer d’huile, M. de Ribagnac lui dicta quelques notes de voyage.

L’enfant avait une écriture nette et ferme dont les lignes se. rangeaient comme des soldats en front de bataille, une véritable écriture d’algébriste, prétendait le baron, qui de plus en plus se réjouissait de sa trouvaille.

Le soir, Vincenou aimait à s’attarder sur le pont… Parfois, on apercevait une côte sombre piquée de points lumineux qui étaient une ville ou bien les feux d’un phare lointain.

Le plus souvent, c’était la solitude complète toute peuplée d’ombres que l’enfant reconnaissait sans peine : Ulysse, saint Louis, Bonaparte et « le vieux » avec son bonnet à poil et son air jovial.

Que de fois, par ces belles nuits sereines, il avait dû chanter à ses compagnons de l’avant les anciens refrains du Périgord, emportés des Borderies ! Peut-être les vagues s’en souvenaient-elles encore ?…

Vincenou trouva qu’Alexandrie était trop près de Marseille ; il avait du regret de se séparer de la grande mer bleue.

L’animation du Caire le consola un peu ; il n’avait pas beaucoup de termes de comparaison : cependant le Nil lui rappela la Dordogne : l’Ezbekieh, avec ses beaux jardins et ses somptueuses villas européennes, pouvait être rapproché des environs de Périgueux, les palmiers exceptés !

Quant au Mousky, c’était comme la foire de Bordeaux, un jour de train de plaisir.

On criait, on gesticulait… La foule grouillante vous portait presque…

Sur la chaussée encombrée se pressaient des âniers vêtus de robes bleues, des Arabes coiffés de turbans, des Égyptiens, le fez sur l’oreille, des soldats anglais imperturbables, de riches marchands en sandales brodées, des mules blanches, des chameaux renfrognés, des victorias élégantes, des chariots rustiques, des femmes voilées, des fellahs, des porteurs d’eau, des marchands de turquoises et de scarabées, des Bédouins en guenilles, et tous, choses, bêtes et gens, faisaient à Vincenou l’effet de se hâter pour quelque mystérieuse représentation foraine.

Le bazar le reposait du Mousky : c’était un quartier si tranquille, avec de frais recoins d’ombre, le vrai sanctuaire du travail !

Les ruelles s’entre-croisaient comme les mailles d’un filet ; des arcades les enjambaient et à midi seulement le soleil osait s’y glisser.

Dans la demi-obscurité, les voiles d’Assouan, tissés d’or et d’argent, scintillaient auprès des antiques tapis de prières ; des jades, sertis de pierreries, côtoyaient des armes damasquinées et les turquoises de Perse se mêlaient aux émeraudes du mont Zabarah.

Vincenou était un peu de la famille des alouettes : il allait à ce qui brille ; toutes ces choses miroitantes et reluisantes le fascinaient !

Une boutique surtout exerçait sur lui une véritable attraction : c’était celle d’un revendeur juif ; l’homme avait les cheveux crépus sous la tarbouch, le nez crochu, le visage olivâtre, la bouche lippue, les yeux fuyants et tout autour de lui étaient disséminés des sébiles et des coffrets, remplis de pierres


III


Les autorités locales avaient été averties de l’arrivée de M. de Ribagnac.

Depuis le moudhir[1] jusqu’aux derniers gaffirs[2], tous avaient reçu l’ordre de le laisser opérer ses fouilles dans la région choisie par lui : ce cimetière, abandonné depuis plusieurs siècles, où son flair de chercheur lui faisait pressentir l’une de ces intéressantes découvertes que les pillards du désert, grands détrousseurs de pyramides et autres lieux funèbres, rendent tous les jours plus rares.

Vincenou trouva que l’endroit désigné par le baron n’avait rien de réjouissant.

Du sable à perte de vue et quelques tas de pierres qui indiquaient les sépultures !…

Des ouvriers, recrutés en chemin, commencèrent aussitôt les sondages, sous la direction du réïs, le conducteur indigène des travaux. Ils déterrèrent ainsi des corps enveloppés de dix à douze linceuls, qu’ils apportaient aussitôt dans la tente de coutil où M. de Ribagnac avait établi son quartier général.

Vincenou éprouva une impression très désagréable en présence de la première momie ; mais il eut vite surmonté cette involontaire répugnance, et quelque temps après il pouvait écrire à ses parents :

« Je suis bien occupé !… Toute la journée, je brosse et je nettoie les linceuls des momies, puis je mets ces étoffes en petits tas numérotés et j’inscris sur un livre, en regard des numéros correspondant aux objets, leur description. Il faut beaucoup d’ordre, puisque tout doit être remis au Service des Antiquités… M. le baron est content de moi et je me porte bien ; je désire que la présente vous trouve de même… »

Ce souhait final, que Vincenou jugeait indispensable, ne fut pas exaucé.

La lettre de Ribagnac, qui se croisa avec la sienne, ne contenait que de tristes nouvelles.

Vincenille était tombée d’une échelle, et si malheureusement que, pour qu’elle ne restât pas infirme le reste de sa vie, il avait fallu la conduire à un grand médecin de Bordeaux.

Celui-ci avait ordonné un traitement coûteux et la mise de l’enfant dans un appareil.

On ne pourrait pas encore replanter la vigne, réparer la toiture, curer le fossé, payer les vieilles dettes, et voilà que le cousin Chambareau, qu’on croyait patient, avait envoyé l’huissier.

Il allait faire vendre les Borderies ! Le père Vincent n’ajoutait pas de commentaires, mais on le devinait écrasé sous ce dernier coup de massue !

Vincenou lui-même vit trouble !… Les Borderies à d’autres ?… Non, ce n’était pas possible !

Et sur la lettre péniblement écrite par le vieux paysan, un après-midi de dimanche, ses larmes vinrent délayer l’encre et former de petites lunes noires…

Juste à ce moment, M. de Ribagnac l’appela de la tente :

« Pierre, arrive vite ! »

Que se passait-il ?

Les ouvriers venaient d’exhumer une nouvelle momie, et, sous la première enveloppe, ils avaient trouvé un linceul d’une telle richesse qu’il laissait présumer la haute qualité du mort inconnu.

Les mains de M. de Ribagnac tremblaient en coupant les bandelettes ; il écarta enfin le dernier voile de lin et la momie apparut.

C’était celle d’un vieillard dont le visage, au grand nez busqué, aux pommettes saillantes, était empreint d’une réelle majesté.

Un collier à trois rangs entourait son cou, et, sur son front, un bandeau d’or ciselé semblait indiquer le rang suprême.

« Petit, murmura le baron, je crois que nous sommes à la veille d’une grande découverte… Nous avons devant nous un pharaon. »

Du coup, Vincenou en oublia les Borderies, Vincenille et le cousin Chambareau !

Les ouvriers apportaient des débris de vases et de statuettes, des fragments de bijoux lourdement gravés, recueillis dans la fosse profonde.

L’un d’eux jeta sur le sol une plaque de métal couverte de caractères hiéroglyphiques.

« Voilà qui nous donnera la clef de l’énigme ! s’écria M. de Ribagnac… Dussé-je y perdre les yeux, je passerai la nuit à déchiffrer cette inscription… En attendant, Vincenou, tu vas prendre le signalement des effets et des bijoux… Fais attention que la pierre qui devait orner le centre du diadème a malheureusement disparu… Il faut le constater !… »

Le petit garçon écrivit docilement ce qui lui était dicté ; lorsqu’il eut fini, le crépuscule tombait… il n’y avait plus de rose que le sommet des collines lointaines.

« Je ne retournerai pas ce soir à la dahabieh, déclara le baron. La trouvaille d’aujourd’hui est trop importante pour que je la laisse à la seule garde du réïs, mais je ne t’empêche pas de regagner ton lit, si tu t’y trouves mieux que sous la tente ! »

Vincenou ne se fit pas répéter deux fois l’invitation : il ne se souciait pas de dormir à côté de la momie du pharaon !… Sa pèlerine était posée à terre : il la ramassa et la jeta sur ses épaules, car l’air fraîchissait et il avait eu très chaud en écrivant.

Puis, escorté de deux matelots, il s’éloigna du lieu des fouilles pour rallier le bateau amarré aux bords du Nil.

Sa cabine était toute petite, mais elle renfermait le nécessaire ; Vincenou posa sur la table la lampe qu’il venait d’allumer, et, avant de se coucher, il se mit à relire la lettre de son père.

Comment faire pour le tirer de cette mauvaise passe ?…

S’adresser à M. de Ribagnac ?… Il avait déjà été si généreux que c’eût été abuser de lui !…

Prier le cousin Chambareau d’attendre, en lui promettant l’argent que Vincenou gagnerait l’année suivante ?… Ce n’était pas possible !… Si le cousin Chambareau réclamait ses huit cents francs avec une telle insistance, c’est que probablement il en avait besoin tout de suite !

Le petit garçon était si absorbé par ses douloureuses préoccupations qu’il n’avait pas songé à enlever sa pèlerine.

Une bouffée de chaleur la lui rappela !… Il la dégrafa d’un geste brusque et la lança sur le lit.

Le bruit sec d’un objet dur qui tombe se fit entendre au même moment.

« Je parie que c’est un de mes boutons ! » pensa Vincenou.

Il prit la lampe pour le chercher et demeura bouche bée devant ce qu’il aperçut.

Ce n’était pas un bouton de bois noir qui était là derrière un pied de chaise, mais bien une énorme émeraude qui brillait comme un œil de chat !

Vincenou n’en avait pas vu de si belles au bazar du Caire : elle avait une limpidité merveilleuse ; on eût dit qu’elle vous regardait !

Il l’avait posée sur la paume de sa main gauche…

D’où venait-elle ?…

L’enfant songea tout de suite au bandeau d’or du Pharaon !

La pierre était évidemment tombée de son alvéole, lorsqu’on avait apporté la précieuse momie sous la tente ; elle avait glissé dans le capuchon de la pèlerine, restée sur le sol, faute de crochet pour la suspendre, et, sans s’en douter, Vincenou l’avait emportée avec lui !

M. de Ribagnac serait bien étonné, le lendemain matin, d’apprendre la singulière aventure !…

Combien cette émeraude pouvait-elle valoir ?

Elle était beaucoup plus grosse que celles qu’on estimait quatre cents francs… Le double peut-être ?…

Huit cents francs alors ?

Juste la somme dont son pauvre père avait un si pressant besoin !

L’image du revendeur au nez crochu, qui faisait si habilement ruisseler les pierreries entre ses doigts crasseux, traversa le souvenir du petit garçon.

Achèterait-il cette émeraude si on la lui offrait ? Dans la petite âme de Vincenou, un travail ténébreux se préparait…

Cette pierre, en somme, n’appartenait à personne : elle était enfouie sous la terre depuis tant de siècles !

Le musée auquel était destinée la momie n’en avait que faire !… Et M. de Ribagnac ne la regrettait que par pur amour de l’art…

On la placerait sous une vitrine, où elle ne rendrait pas plus de services qu’un caillou du chemin : la somme qu’elle représentait pouvait, au contraire, faire tant d’heureux, peut-être même sauver des existences…

Le médecin n’avait-il pas dit, l’an passé, que le père Vincent avait « quelque chose du côté du cœur ».

Si la vente de la chère maison allait le tuer, que deviendraient la mère et les deux petits.

Vincenou avait beau endormir sa conscience sous d’ingénieux sophismes, il savait bien au fond qu’il agissait mal !

Son sommeil fut très agité : il rêva qu’il était de nouveau au catéchisme et qu’il entendait la voix de M. le curé répéter à satiété :


Le bien d’autrui tu ne prendras
Ni retiendras injustement.


Elle roulait dans l’église comme le tonnerre dans la montagne, tant et si bien que le petit garçon se réveilla en sursaut, les tempes moites de sueur.

Il avait gardé l’émeraude et il la serrait si fort que les facettes s’étaient incrustées dans la paume de sa main !

Le lendemain matin, il se leva très las. Si M. de Ribagnac l’avait examiné attentivement, il se fût alarmé de sa mauvaise mine ; mais le vieux savant avait la vue très basse et, de plus, son esprit était ailleurs.

« Victoire ! s’écria-t-il, en apercevant son jeune secrétaire, j’ai passé la nuit à déchiffrer l’inscription hiéroglyphique. Nous sommes en présence de la momie de Thoutmès III, que l’on dut, à une époque reculée, enlever des Pyramides et cacher ici pour la soustraire aux profanations… Ce sera l’une des plus grandes découvertes du siècle ! »

Il gesticulait !… il s’épongeait le front… il ne pouvait tenir en place !…

« Thoutmès III !… Thoutmès III !… répétait-il, Thoutmès III, le conquérant de l’Asie occidentale, « celui qui posa les frontières de l’Égypte où il lui plut », comme le dit un ancien chant héroïque… Le musée de Boulacq ne possédait pas encore une pièce aussi curieuse… Je ne regrette qu’une chose : la pierre du diadème… Elle devait être d’une grosseur peu ordinaire !… Ces gueux de Bédouins, ils n’en font jamais d’autres !…

Vincenou rougit jusqu’au front : un moment, il fut sur le point de tout avouer… Il glissa même la main dans sa poche ; mais, avant de trouver l’émeraude, il rencontra la lettre de son père, et le seul contact du papier froissé l’ancra dans sa faute…

On ne vendrait pas les Borderies !…


IV


Les fouilles s’achevèrent rapidement : on enferma dans des caisses les objets recueillis ; la momie de Thoutmès eut les honneurs d’un long coffre qui ressemblait à un cercueil ; puis, le permis de circulation étant arrivé, les précieux colis, soigneusement scellés, furent confiés à la voie administrative, qui se chargeait de les transporter au Caire, et M. de Ribagnac réintégra sa dahabieh pour descendre le Nil.

Vincenou ne dormait ni ne mangeait plus depuis qu’il portait suspendue à son cou, dans un petit sachet, l’émeraude du pharaon.

Les choses qui l’entouraient lui paraissaient sombres comme son cœur !

Où étaient les beaux granits roses qui semblent toujours retenir un peu du soleil qui les caresse ?… Il n’apercevait plus que des roches calcinées, des falaises abruptes… la désolation du chaos !… L’eau bouillonnait sur les pierres, et, au lieu de filer droit, la dahabieh louvoyait pour ne pas se briser contre les écueils.

Tout à la joie de sa découverte, M. de Ribagnac ne demandait à son petit secrétaire que de recopier lisiblement ses griffonnages hâtifs, sans se douter de l’épreuve qu’il lui infligeait.

Le seul nom de Thoutmès était devenu odieux à Vincenou : dès qu’il l’écrivait, il revoyait devant lui le pharaon avec son air sévère et son grand nez et il lui semblait que les lèvres parcheminées allaient s’entrouvrir pour lui crier : « Voleur, voleur ! »

Cent fois, il avait été à deux doigts de jeter l’émeraude sur la table du baron ; une fausse honte l’avait toujours retenu !

Ce fut dans ce triste et douloureux état d’âme qu’un soir, Vincenou aperçut le temple de Philœ tout rouge sur les rochers noirs, sous la chaude lumière du soleil couchant.

L’ancien sanctuaire d’Isis se dressait parmi les palmiers dans un isolement hautain.

Défendu jadis par ses murailles et le bouillonnement des cataractes, il devait être à peu près inaccessible.

« Nous allons descendre ici, déclara M. de Ribagnac : on ne peut pas passer auprès de Philœ sans lui rendre visite. Philœ est à la fois un temple et une oasis, un bouquet de verdure et de granit !… »

On aborda parmi des éboulements de pierres, et tout de suite le vieux savant tomba en arrêt devant des hiéroglyphes… Vincenou n’attendit pas qu’il les eût déchiffrés ; il avait soif de mouvement, d’agitation et voulait monter plus haut.

Bientôt, il atteignit le temple où il erra d’abord en indifférent, plus occupé de la vue qu’on découvrait que de l’architecture ancienne.

Tout d’un coup, une inscription frappa ses regards : celle-là n’était pas écrite en caractères égyptiens, mais bien en français, et voici ce qu’on lisait péniblement sur le granit :

L’an VI de la République, le 10 messidor, une armée française, commandée par Bonaparte, est descendue à Alexandrie. L’armée ayant mis, vingt jours après, les Mamelouks en fuite aux Pyramides, Desaix, commandant la 1re division, les a poursuivis au delà des cataractes où il est arrivé le 13 ventôse de l’an VII.

Desaix ?…

Il avait passé là avec ses grenadiers !…

L’image du grand-père vénéré se dressa devant le petit-fils, non plus joviale et fière, mais triste et abattue.

« Enfant, semblait-elle dire, m’as-tu donc oublié ?… Tu t’es engagé dans la mauvaise route !… Allons ! un bon mouvement, reviens vite dans le droit chemin ! »

Vincenou se laissa glisser par terre et, le front appuyé à une stèle brisée, il éclata en sanglots !

Le vieux !… Le vieux !… Depuis huit jours, il n’avait pas osé y penser…

Et voilà qu’à l’improviste, dans cette île lointaine, il retrouvait sa trace glorieuse !

L’aïeul avait traversé ce temple… Ses gros souliers à clous avaient foulé ces débris antiques, ses yeux avaient contemplé le grand fleuve qui fuyait vers le nord…

Il ne savait pas, lui, ce qu’étaient Isis ou Ramsès, le Serapéum ou l’hypogée d’Ipsamboul ; mais ce qu’il savait mieux que personne, c’est qu’il devait obéir à ses chefs et faire son devoir partout !…

Quel frisson d’horreur l’eût parcouru s’il avait pu deviner que, près d’un siècle plus tard, un de ses petits-fils passerait en ce même endroit l’âme chargée d’une lourde faute !

Vincenou était écrasé sous le poids de sa honte !… Une main toucha son épaule et une voix dit auprès de lui :

« Qu’as-tu, petit ? Serais-tu tombé sur ces pierres ? »

L’enfant secoua la tête sans répondre : il ne pouvait encore parler.

« Voyons, explique-toi ! reprit M. de Ribagnac, sérieusement inquiet. Quelle est la cause de tes larmes ?

— C’est Desaix ! » balbutia Vincenou.

Le baron écarquilla les yeux derrière ses lunettes d’or : il ne s’attendait pas à rencontrer l’un des généraux de Bonaparte en cette affaire !

« C’est Desaix ! reprit Vincenou, il a poursuivi les Mameloucks jusqu’ici !…

— Je viens de lire ça sur une pierre… Alors, j’ai pensé « au vieux » qui était avec lui…

— Quel vieux ?

— Mon grand-père, le grenadier… Avant de mourir, il a dit à mon père : « Je vous ai donné l’exemple… Marchez droit comme moi ! » Et moi, je suis allé de travers !… Je suis un misérable, un voleur !… »

Un voleur ? M. de Ribagnac commençait à croire que le soleil d’Égypte avait détraqué son petit secrétaire.

« Oui, répéta Vincenou avec force, je suis un voleur !… J’ai trouvé l’émeraude du pharaon et je l’ai gardée pour la vendre !… Ils étaient si malheureux aux Borderies !… Vincenille était tombée d’une échelle… Il avait fallu payer le docteur… Le cousin Chambareau réclamait son argent… l’huissier était venu… Alors, j’ai perdu la tête !… J’ai songé à ce marchand du bazar qui vend des pierreries comme d’autres vendent des haricots… Mais elle est encore là, l’émeraude… La voici ; elle me brûlait comme du fer rouge. Je suis bien content de m’en débarrasser !… »

Il avait saisi, entre deux doigts, le cordon qui retenait le sachet à son cou ; d’un geste brusque il le rompit et tendit au baron la pierre dans sa gaîne d’étoffe.

Le vieux savant la prit, mais il ne songea pas à la regarder tout de suite.

Son cœur de célibataire, un peu fermé jusqu’ici aux émotions extérieures, s’était rempli soudain d’une grande pitié pour cet enfant qui avait succombé à la tentation du vol pour sauver les siens ; il se reprochait de ne s’être pas assez occupé de la petite âme qui lui était confiée.

Maintenant que ses yeux étaient ouverts à autre chose qu’à la gloire de Thoutmès, il s’apercevait que le garçonnet était très pâle, très amaigri…

Ne l’avait-il pas fait trop travailler depuis quelques jours ?… N’avait-il pas abusé de ses forces ?

Cet enfant était extraordinairement bien doué, mais où le mèneraient les connaissances un peu spéciales qu’il acquérait en ce moment ?

À rien !… Le jour où son protecteur viendrait à lui manquer, il ne serait plus qu’un déclassé sans titre d’aucune sorte…

Ne serait-il pas alors en droit de murmurer contre celui qui l’aurait arraché à son humble vie de paysan sans rien lui offrir en échange.

Il y avait là une œuvre qui s’imposait et dont M. de Ribagnac vit aussitôt se dessiner les grandes lignes…

Doucement, il reprit :

« Péché avoué est à moitié pardonné ! Tu as trop souffert de ta faute pour y retomber jamais !… Le reste de ta vie, tu te souviendras qu’en ce monde toute chose appartient à quelqu’un, et qu’il n’est pas de motif — si louable soit-il — qui puisse excuser un acte condamnable !… À présent, laisse-moi t’adresser un reproche : pourquoi ne m’as-tu pas parlé de la détresse de tes parents ?

— Je n’ai pas osé, monsieur le baron. Vous aviez déjà été si bon pour nous !

— Si je l’avais connue, je t’aurais épargné bien des heures d’angoisses… Pour commencer, à la prochaine station télégraphique, tu enverras la dépêche suivante au créancier de ton père, le cousin…

— Chambareau !

— Le cousin Chambareau ! Suspendez poursuites. Je payerai tout. Pierre Vincent.

— Mais avec quoi payerai-je, monsieur le baron, je n’ai rien ?…

— Avec l’argent que je te donnerai, nigaud !

— Oh ! monsieur le baron, que vous êtes bon !… Je ne le mérite pas, cependant ! »

Il avait pris la main du vieux garçon et, malgré celui-ci, il y déposa un baiser furtif.

« Quant à toi, poursuivit M. de Ribagnac, plus ému qu’il ne voulait le paraître, dès que j’aurai terminé mes affaires avec le Service des Antiquités, je te conduirai à Paris ! »

Vincenou ouvrit de grands yeux… À Paris ? Pour quoi faire ?

« J’ai reconnu, continua le baron, que tu étais un enfant intelligent et travailleur, et qu’il serait coupable de ma part de laisser la lumière sous le boisseau… Tu entreras donc au collège. C’est moi qui me chargerai de tes frais d’études ! »

Cette fois, les larmes de Vincenou recommencèrent de couler… Aller au collège… Étudier le latin, le grec… les mathématiques surtout… Il avait bien souvent fait ce rêve sans oser l’avouer à personne.

« Monsieur le baron, murmura-t-il, comment pourrai-je jamais reconnaître vos bontés ?

— Tout simplement en me faisant honneur et en restant toujours digne « du vieux » !

— Je vous le promets, monsieur le baron, tenez, là, en face du ciel où le bon Dieu m’écoute, et devant cette inscription qui me rappelle le grand-père… Je deviendrai quelqu’un… J’en prends l’engagement formel !… »

La voix de l’enfant montait, rauque et un peu tremblante, dans l’air calme du soir ; on eût dit qu’il prenait comme témoins de ses paroles le fleuve aux eaux murmurantes et les siècles écoulés qui pesaient sur le temple en ruines…

M. de Ribagnac eut l’intuition que l’instant était solennel ; il prit Vincenou dans ses bras et le baisa au front.

« À dater d’à présent, dit-il, tu n’es plus mon secrétaire, tu es mon fils !… Je n’étais qu’un égoïste !… Ta jeune existence donnera un peu d’intérêt à mes vieux jours !… Les momies ont du bon, mais de gentils gamins comme toi, ça vous racornit moins l’âme !… »

Et bras dessus, bras dessous, le vieillard appuyé sur l’enfant, ils redescendirent vers la dahabieh, laissant derrière eux la fière inscription de Desaix que le soleil couchant n’éclairait plus…


V


L’émeraude a repris sa place au centre du bandeau d’or qui orne le front de Thoutmès, exposé aux regards des visiteurs, dans le musée de Boulacq.

M. de Ribagnac est resté sur cette découverte qui a rendu son nom célèbre dans tout le monde égyptologue : il se fait vieux… les voyages le fatiguent… L’hiver, il habite Paris ; l’été, il revient à la gentilhommière qui l’a vu naître.

Il y a déjà six ans que Vincenou est au collège ; c’est à présent un grand et beau garçon qui a conquis ses diplômes de bachelier et une place d’honneur dans la classe de mathématiques spéciales.

Quand nous le retrouvons, il est sur le chemin qui mène du château de Ribagnac aux Borderies. Ses yeux brillent… ses mains tremblent… il tient un journal à la main.

Pourquoi est-il si pressé ?… Ceux qui le rencontrent voudraient bien le savoir, mais ils n’osent pas le lui demander !

Le voici qui entre chez lui ; le père Vincent est assis au coin du feu dans le vieux fauteuil de paille : depuis quelques mois, il souffre de rhumatismes et les jeunes le remplacent. Léonard est devenu son bras droit et Vincenille, qui est à présent une belle jeune fille de dix-sept ans, lui donnera bientôt un gendre, excellent travailleur que l’on ne voit jamais au cabaret.

« Père, dit Vincenou, je vous apporte le journal que vient de me donner M. de Ribagnac… Il renferme quelque chose d’intéressant… Voulez-vous lire vous-même ? »

Le vieux paysan cherche ses lunettes ; il les ajuste sur son grand nez et, d’abord, il déchiffre péniblement l’en-tête de l’entrefilet que lui indique son fils, à genoux, auprès de lui.

Liste d’admission à l’École Polytechnique.

À leur tour, ses vieilles mains tremblent : il devine ce qu’il va apprendre…

Son doigt noueux, où la terre s’est incrustée, suit les lignes trop serrées pour son inexpérience de lecteur.

Enfin, il a trouvé !

5e Pierre Vincent.

C’est écrit en toutes lettres !

Le journal lui échappe…

« Que je suis heureux d’avoir assez vécu pour voir cela ! » murmure-t-il…

Puis, comme si une idée subite avait germé en lui, il ajouta déjà inquiet :

« Petit, te voilà un monsieur à présent… N’auras-tu jamais honte de nous qui ne sommes que des paysans ?

— Mon père, dit gravement Pierre qui s’était relevé, ne savez-vous donc pas que je suis au contraire fier de vous… C’est votre exemple et celui du grand-père qui m’ont mené tout droit jusqu’ici…

— Pauvre vieux !… Il serait si joyeux s’il était encore là… Tiens, petit, je veux revoir son vieux bonnet à poil… Ce sera quelque chose de lui !… »

Le jeune polytechnicien souleva le lourd couvercle du coffre : une douce odeur de lavande se répandit dans la cuisine, venue des habits de fête soigneusement pliés.

Le haut couvre-chef guerrier était enveloppé d’un mouchoir à carreaux ; il le découvrit et le prit entre ses mains.

Et comme si ce débris de la Grande-Armée avait eu le pouvoir d’évoquer les scènes d’autrefois, il revit soudain le temple de Philœ, le Nil majestueux et l’inscription de Desaix, si laconiquement fière !…

La promesse solennelle faite à son bienfaiteur, en cette heure inoubliable, il l’avait tenue… Il avait émergé de la foule ; il était quelqu’un !

Doucement, il posa les lèvres sur l’aigle ternie :

« Grand-père, murmura-t-il, merci !… »


J. de Coulomb.

  1. Gouverneur de la province.
  2. Sortes de gardes champêtres.