Maximes et Réflexions (Goethe, trad. Sklower)/01

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Traduction par S[igismond]. Sklower.
Brockhaus et Avenarius, libraires-éditeurs (p. 1-29).

MAXIMES ET RÉFLEXIONS.

Première Partie.


Il n’est rien de sensé qui n’ait été déjà pensé, on doit seulement tâcher de le penser encore une fois.


Comment peut-on se connaître soi-même ? Jamais par la méditation, mais bien par l’action. Cherche à faire ton devoir et tu sauras ce que tu vaux.

Mais qu’est-ce que ton devoir ? L’exigence du jour.


L’humanité doit être considérée comme un homme immortel qui incessamment réalise des idées nécessaires, et par là domine l’accidentel.


Plus j’avance dans la vie, plus j’ai de chagrin de voir l’homme, qui est destiné à être le roi de la nature et à s’affranchir lui et les siens de la puissante nécessité, devenu l’esclave de quelque préjugé absurde, faire précisément le contraire de ce qu’il veut, et, parce qu’il n’a pas su coordonner l’ensemble de sa vie, s’égarer misérablement dans les détails.


Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ; dis-moi de quoi tu t’occupes, je te dirai ce que tu deviendras.


Chaque homme doit penser à sa manière ; car il trouve toujours sur son chemin une vérité ou quelque chose de vrai qui le soutient dans le cours de la vie ; seulement il ne doit pas s’y abandonner, mais se contrôler lui-même. L’instinct dans sa simplicité primitive ne suffit pas à l’homme.


Une activité sans bornes, de quelque nature qu’elle soit, finit toujours par faire banqueroute.


Dans les œuvres de l’homme, comme dans celles de la nature, c’est principalement le but qui mérite notre attention.


Les hommes se trompent sur eux-mêmes et sur les autres, parce qu’ils prennent les moyens pour le but ; car alors un excès d’activité fait tout manquer, ou produit le contraire de ce qu’on attendait.


Ce que nous méditons, ce que nous entreprenons, devrait être déjà si parfait, si pur, si beau, que le monde ne pût que le gâter. Nous conserverions ainsi l’avantage de n’avoir partout qu’à redresser ce qui est mal, ou à rétablir ce qui est détruit.


Il est difficile d’apprécier une erreur complète, une moitié et un quart d’erreur, d’en démêler le vrai, et de le mettre à la place qui lui convient.


Il n’est pas toujours nécessaire que la vérité prenne une forme positive ; il suffit qu’elle flotte vaguement dans les esprits et qu’elle trouve un écho dans notre âme, comme le son mélancolique d’une cloche se répand dans les airs.


Des idées générales, jointes à une grande prétention, mettent sur la route des plus affreux malheurs.


Souffler n’est pas jouer de la flûte. Il faut encore remuer les doigts.


Les botanistes ont une classe de plantes qu’ils appellent incompletæ ; on peut dire de même qu’il y a des hommes imparfaits et incomplets. Ce sont ceux dont les désirs et les efforts ne sont pas proportionnés à ce qu’ils sont capables de faire et de produire.


L’homme le plus médiocre peut être complet s’il sait se tenir dans les bornes de sa capacité et de son talent. Mais les plus brillantes qualités de la nature sont obscurcies, effacées et anéanties, si cette juste mesure, nécessaire en tout, vient à manquer. Ce mal se fait souvent sentir dans les temps où nous sommes ; car qui pourrait satisfaire aux exigences toujours croissantes d’une époque qui veut que tout se réalise avec la plus grande rapidité ?


Les hommes prudents et actifs qui connaissent leur force et s’en servent avec mesure et circonspection, seuls iront loin dans les affaires du monde.


C’est une grande faute de se croire plus que l’on est, et de s’estimer moins qu’on ne vaut.


Je rencontre de temps en temps un jeune homme chez lequel je ne voudrais rien changer. Mais j’éprouve un sentiment pénible en voyant tant de jeunes gens disposés à se laisser entraîner par le torrent du siècle, et je ne me lasserai pas de faire remarquer que des rames ont été mises entre les mains de l’homme, dans sa barque fragile, afin qu’il ne s’abandonne pas aux caprices des vagues, mais se laisse gouverner par sa raison.


Mais comment un jeune homme peut-il parvenir, par lui-même, à considérer comme blâmable et mauvais ce que tout le monde fait, approuve, encourage ? Pourquoi, en cela aussi, ne se laisserait-il pas entraîner par son naturel ?


Je regarde comme le plus grand mal de notre siècle, qui ne laisse rien mûrir, cette avidité avec laquelle on dévore à l’instant tout ce qui paraît. On mange son blé en herbe. Rien ne peut assouvir cet appétit famélique qui ne met rien en réserve pour l’avenir. N’avons-nous pas des journaux pour toutes les heures du jour ? Un habile homme en pourrait encore intercaler un ou plusieurs. Par là tout ce que chacun fait, entreprend, compose, même ce qu’il projette, est traîné sous les yeux du public. Personne ne peut éprouver une joie, une peine, qui ne serve au passe-temps des autres. Et ainsi chaque nouvelle court de maison en maison, de ville en ville, de royaume en royaume, et enfin d’une partie du monde à une autre, avec une effrayante rapidité.


Il n’est pas plus possible d’arrêter le mouvement moral du siècle que celui des machines à vapeur. L’agitation du commerce, la circulation du papier-monnaie, l’accroissement des dettes pour payer les dettes, voilà le milieu dans lequel vit aujourd’hui un jeune homme. Heureux celui que la nature a doué d’un esprit assez modéré et paisible pour ne pas faire au monde des demandes exagérées, et pour conserver la liberté de ses déterminations.


Dans chaque circonstance l’esprit du jour pèse sur lui, et rien n’est plus nécessaire que de lui faire remarquer de bonne heure le but vers lequel doit se diriger sa volonté.


L’importance des mots et des actions les plus simples augmente avec le nombre de nos années. Pour peu que je regarde autour de moi, je ne puis m’empêcher de faire remarquer quelle différence il y a entre franchise, confiance, et indiscrétion. Il n’existe entre ces termes, à proprement parler, aucune différence ; mais seulement une légère transition de ce qui ne compromet pas à ce qui compromet gravement nos intérêts ; cette distinction demande à être remarquée ou plutôt sentie.


C’est sur ce point que nous devons exercer notre tact, autrement nous courons risque de perdre insensiblement la faveur des hommes par les mêmes moyens qui nous l’ont fait obtenir.


C’est ce que l’on comprend bien par soi-même dans le cours de la vie, mais après de nombreuses leçons que nous payons fort cher ; malheureusement, nous ne pouvons les épargner à ceux qui viennent après nous.


Le rapport des arts et des sciences à la vie réelle est très-différent, selon leur degré de culture, les temps et mille autres circonstances ; ce qui fait qu’il est très-difficile de se former une idée exacte de l’ensemble.


La poésie produit ses plus grands effets à l’origine des sociétés lorsqu’elles sont encore entièrement barbares ou à demi-civilisées, à l’époque d’un changement de civilisation, ou lorsqu’elles entrevoient la supériorité d’une culture étrangère, de sorte qu’on peut dire que l’attrait de la nouveauté y trouve toujours sa place.


La musique, du moins celle qui mérite ce nom, se passe plus facilement de la nouveauté ; et même plus elle est ancienne, plus on y est accoutumé, plus elle produit d’effet.


La dignité de l’art apparaît peut-être à son plus haut degré dans la musique, parce qu’elle n’a point de matériaux dont on soit obligé de tenir compte. Elle est tout entière forme et fond. D’ailleurs, elle élève et anoblit tout ce qu’elle exprime.


La musique est religieuse ou profane. Religieuse elle répond tout-à-fait à sa dignité, et ici elle exerce sa plus grande influence sur la vie, influence qui reste toujours la même dans tous les temps, à toutes les époques. Le caractère essentiel de la musique profane devrait être la gaîté.


Une musique qui mêle ensemble le religieux et le profane est impie, et une musique bâtarde, qui se plaît à exprimer des émotions faibles, sentimentales et mélancoliques, est absurde. Car elle n’est pas assez grave pour être religieuse et le caractère du genre opposé lui manque : la gaîté.


La sainteté dans la musique d’église et une gaîté pleine de verve dans les mélodies populaires sont les deux bases de la vraie musique. Ces deux caractères produisent inévitablement leur effet : le recueillement et la danse. Leur mélange gâte tout. La faiblesse est fade ; et, lorsque la musique veut s’appliquer à la poésie didactique, descriptive, ou d’un genre analogue, elle devient froide.


La sculpture ne produit véritablement son effet que lorsqu’elle touche à la perfection. Le médiocre peut bien imposer par plusieurs causes, mais les œuvres médiocres de ce genre font plutôt illusion qu’elles ne plaisent réellement. La sculpture doit donc chercher aussi un intérêt dans les sujets qu’elle représente, et elle le trouve en perpétuant l’image des hommes illustres ; mais encore doit-elle ici atteindre à un haut degré de perfection, si elle veut être vraie et conserver sa dignité.


La peinture est le moins exigeant, le plus commode de tous les arts : le moins exigeant, parce qu’en raison des moyens qu’elle emploie et de l’objet qu’elle représente, lors même qu’elle n’est qu’une œuvre manuelle, et à peine un art, elle se fait encore bien venir et nous plait ; ensuite, parce qu’une exécution technique, bien que dépourvue de talent, excite l’admiration des hommes d’un esprit cultivé comme des ignorants, de sorte qu’il suffit d’approcher jusqu’à un certain point de l’art pour être bien accueilli dans une sphère supérieure. La vérité dans les couleurs, dans le dessin, dans la perspective, nous fait déjà plaisir ; et comme l’œil d’ailleurs est habitué à tout voir, il n’est pas blessé par une forme laide ou même par une image hideuse, comme l’oreille est choquée par un son faux. On tolère les plus mauvaises peintures parce qu’on est accoutumé à voir des objets plus difformes encore. Il suffit donc au peintre d’être artiste seulement jusqu’à un certain degré, pour trouver un public plus nombreux que le musicien qui a un talent égal. Au moins, le peintre médiocre peut toujours travailler seul, au lieu que le musicien faible est obligé de s’associer à d’autres musiciens pour produire quelque effet par l’ensemble.


Dans l’examen des productions de l’art, doit-on comparer ou non ? Nous pouvons répondre à cette question de la manière suivante : Le véritable connaisseur doit comparer ; l’idéal est présent à son esprit ; il a saisi l’idée qui peut et doit être représentée ; l’amateur, qui n’en est encore qu’à former son jugement, fera plus de progrès si, s’abstenant de comparer, il étudie le mérite particulier de chaque ouvrage ; par là se forme peu-à-peu le sentiment et l’intelligence en général. Comparer, pour les non connaisseurs, est chose commode qui dispense de juger.


Trouver partout le bien et l’apprécier, c’est en cela que se montre l’amour de la vérité.


Le sens historique se révèle chez l’homme de tact et d’un esprit exercé, qui, dans l’appréciation des contemporains, de leurs mérites réels et accessoires, sait faire entrer le passé en ligne de compte.


Le plus grand avantage que nous retirons de l’histoire, c’est l’enthousiasme qu’elle excite.


L’originalité provoque l’originalité.


On doit penser que, parmi les hommes, il en est beaucoup dont l’esprit est stérile, et qui veulent cependant dire quelque chose de remarquable. C’est ce qui fait que l’on entend des choses si singulières.


Les penseurs profonds et sérieux sont dans une mauvaise position vis-à-vis du public.


Si l’on veut que je prête l’oreille à l’opinion d’autrui, qu’elle soit exprimée nettement. Je trouve en moi assez de problèmes.


La superstition est inhérente à l’homme. Si l’on veut la bannir complètement, elle se réfugie dans les plis et les recoins les plus singuliers de l’âme, d’où elle sort pour reparaître tout-à-coup lorsqu’on se croit le plus sûr de soi.


Il y a beaucoup de choses que nous connaitrions bien mieux si nous ne voulions pas les connaître avec tant d’exactitude. Notre vue ne saisit bien les objets que sous un angle de quarante-cinq degrés.


Le microscope et le télescope troublent, à proprement parler, la pureté du sens de la vue.


Je me tais sur bien des choses, car je ne veux pas porter le trouble dans l’esprit des hommes, et je suis très-satisfait lorsqu’ils se réjouissent sur des points dont je suis loin d’être content.


Tout ce qui affranchit notre esprit sans nous donner les moyens de maîtriser nos passions est pernicieux.


Ce qui intéresse les hommes dans un ouvrage d’art, c’est ce qu’il est et non comment il produit son effet ; ils peuvent comprendre le premier point en s’attachant aux détails ; mais ils ne peuvent saisir le second dans l’ensemble. Aussi, fait-on ressortir les endroits remarquables. Après un examen attentif, l’impression produite par l’ensemble se fait bien finalement sentir, mais on n’en a pas conscience.


Cette question : De quelle idée le poète s’est-il inspiré ? Appartient encore au premier point de vue. Le comment c’est ce que personne ne sait.


L’art seul, et en particulier la poésie, impose des limites à l’imagination. Il n’y a rien de terrible comme l’imagination sans le goût.


Le maniéré est un faux idéal, un idéal où la personnalité se montre seule. Aussi, ne peut-il se passer facilement de l’esprit.


Le point essentiel pour le philologue est la concordance des idées dans les monuments conservés par l’écriture. Un manuscrit est donné ; il s’y trouve des lacunes réelles, des fautes matérielles qui produisent des interruptions dans le sens, et en général tous les défauts qu’on peut reprocher à un manuscrit. Maintenant s’offre une seconde copie, une troisième ; pour les comparer il faut s’attacher à la liaison logique des idées et à la pensée générale. Il y a plus, un pareil travail exige de lui que, par la seule pénétration de son esprit, sans secours extérieur, il sache saisir de plus en plus la concordance de toutes les parties. Un tact particulier, la faculté de pouvoir s’identifier avec son auteur, qui n’existe plus, lui sont nécessaires ; il lui faut même jusqu’à un certain degré de l’imagination et de l’invention. On ne doit donc pas savoir mauvais gré au philologue s’il se mêle de porter son jugement sur les matières de goût, quoiqu’il ne soit pas toujours heureux dans ses aperçus.


Le poète a pour but la représentation ; il atteint au plus haut degré de l’art lorsqu’il rivalise avec la réalité, c’est-à-dire lorsque ses tableaux sont tellement animés par l’esprit, que chacun les croit avoir sous les yeux. À son plus haut point de perfection, la poésie paraît toute extérieure ; plus elle se retire dans le monde intérieur, plus elle est en danger de se perdre. Représenter le sentiment intérieur sans le revêtir d’une forme matérielle empruntée au monde extérieur, ne pas animer et spiritualiser la forme extérieure, sont les deux extrêmes par lesquels on entre dans la prose.


L’éloquence a le privilège de s’emparer de tous les avantages de la poésie et de tous ses droits. Elle se les approprie, en use et en abuse pour obtenir dans la vie sociale certains avantages extérieurs et passagers tantôt avoués tantôt réprouvés par la morale.


Lord Byron est un talent qui s’est développé dans toute sa grandeur naturelle, malgré son caractère sauvage et insociable.

Sous ce rapport il n’y a peut-être personne qui puisse lui être comparé.


Le mérite propre de ce qu’on appelle les chants populaires, c’est d’être inspirés immédiatement par la nature. Cet avantage, le poète dont le talent est cultivé par l’art pourrait l’avoir, s’il savait en profiter.


Mais il est un point sur lequel les premiers ont toujours l’avantage. Le talent simplement naturel l’emporte sur les esprits cultivés par le laconisme de l’expression.


La lecture de Shakespeare est dangereuse pour les talents naissants. Il les force à le reproduire et ils s’imaginent se produire eux-mêmes.


On ne peut juger l’histoire que quand on la trouve dans sa propre vie. Il en est ainsi d’une nation tout entière. Les Allemands ne savent juger la littérature que depuis qu’ils ont eux-mêmes une littérature.


On ne vit réellement que quand on jouit de la bienveillance des autres.


La dévotion n’est pas un but, mais un moyen pour arriver par le calme le plus pur de l’âme au plus haut degré de perfectionnement moral.


Aussi, peut-on remarquer que ceux qui considèrent la dévotion comme le but sont pour la plupart des hypocrites.


Quand on est vieux on doit agir plus que quand on était jeune.


Un devoir rempli laisse toujours dans l’âme un sentiment qui ressemble au remords : celui de n’avoir pas assez fait.


Il n’y a que celui qui ne nous aime pas qui puisse bien connaître nos défauts ; aussi, pour les découvrir, il faut oublier que l’on aime, mais tout juste assez pour le but qu’on se propose.


Le plus haut degré de bonheur consiste à nous perfectionner et à effacer nos défauts.


Nous ne reconnaissons la puissance qu’autant qu’elle nous est utile. Nous reconnaissons celle du prince, parce que nous voyons la propriété assurée sous son nom. Nous attendons de lui protection contre les événements qui nous menacent au dedans et au dehors.


Le ruisseau est l’ami du meunier à qui il est utile, et il aime à faire tourner son moulin. Que lui sert-il de couler nonchalamment dans la vallée ?


Celui qui se contente de la pure expérience et la prend pour guide, possède déjà beaucoup de vérité. L’enfant qui grandit en sait déjà beaucoup dans ce sens.


La théorie, en elle-même, n’est utile qu’en ce qu’elle nous fait croire à l’enchaînement des phénomènes.


Toute vérité abstraite est mise à la portée du sens commun par les applications, et ainsi le sens commun s’élève, par la pratique et l’observation, jusqu’à l’abstraction.


Celui qui vise trop haut, celui qui se plaît dans les questions compliquées, est exposé à s’égarer.


Juger par analogie, n’est pas une méthode à blâmer ; l’analogie a cet avantage qu’elle n’exclut rien, et ne se propose pas, à proprement parler, un but final ; au contraire, l’induction est dangereuse, parce qu’elle a toujours un but devant les yeux, et en poursuivant elle entraîne avec soi l’erreur et la vérité.


L’intuition, dans le sens vulgaire, c’est-à-dire un coup-d’œil juste pour saisir les affaires du monde, est le partage du sens commun.

L’intuition pure du monde extérieur et intérieur est très-rare.


Le premier de ces deux genres d’intuition se manifeste avec le sens pratique, par l’action prompte et soudaine ; le second, par des symboles, principalement par les rapports mathématiques, par les nombres et les formules, par le langage primitif figuré, comme poésie du génie, comme proverbe du sens commun.


C’est par la tradition que le passé agit sur nous. La tradition ordinaire doit s’appeler historique. Une tradition plus élevée, qui s’adresse à l’imagination, est mythique. Si dans cette dernière on veut en trouver une troisième, en y cherchant un sens, elle devient mystique ; elle prend même facilement le caractère sentimental, tant il est vrai que nous ne nous approprions véritablement que ce qui parle à notre cœur.


Les causes auxquelles nous devons faire attention lorsque nous voulons obtenir un véritable succès, sont :

Celles qui préparent ;

Celles qui accompagnent ;

Celles qui agissent simultanément, ou comme auxiliaires ;

Celles qui accélèrent ;

Celles qui augmentent la force ;

Celles qui font obstacle ;

Celles qui produisent de nouveaux effets.


Dans la spéculation, comme dans l’action, on doit distinguer le possible de l’impossible ; sans cela on fait peu de progrès dans la vie domme dans les sciences.


« Le sens commun est le génie de l’humanité. »

Le sens commun, que l’on peut regarder comme le génie de l’humanité, doit être considéré avant tout dans ses manifestations. Or, si nous examinons à quoi l’humanité s’applique, nous trouverons ce qui suit :

L’humanité a des besoins qui sont les conditions de sa nature ; s’ils ne sont pas satisfaits, elle se montre impatiente ; sont-ils satisfaits, elle paraît indifférente. L’homme se meut entre ces deux états, et il emploie sa raison, ce qu’on appelle vulgairement la raison humaine, à pourvoir à ses besoins. A-t-il atteint ce but, alors naît pour lui la nécessité de combler le vide de l’indifférence. S’il se referme ici dans d’étroites limites, dans les bornes nécessaires, il peut y réussir encore ; mais si les besoins s’élèvent, s’ils sortent du cercle des choses communes, le sens commun ne suffit plus ; il n’est plus génie. La région de l’erreur est ouverte à l’homme.


Il n’arrive en ce monde rien de déraisonnable que la raison et le hasard ne puisse redresser, rien de raisonnable que la déraison et le hasard ne puisse faire manquer.


Toute grande idée, aussitôt qu’elle apparaît, exerce une domination tyrannique. Aussi les avantages se changent bientôt en désavantages. On peut défendre chaque institution pour peu qu’on sache se rappeler et démontrer que tout ce qu’on a pu dire d’elle primitivement, on peut encore le dire maintenant.


Il existe dans ce monde deux puissances pacifiques : le droit et la convenance.


Le droit a pour objet le délit, la police ce qui est de convenance publique.

Le droit délibère et décide, la police surveille et ordonne. Le droit a rapport aux individus, la police à l’intérêt général.


L’histoire des sciences est un grand concert dans lequel on distingue successivement la voix des différents peuples.