Mirages (Renée de Brimont)/Méditation au miroir

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MiragesEmile-Paul Frères (p. 3-4).

MÉDITATION AU MIROIR

Dans la pénombre, votre visage luit et songe,
et mon visage songe et se penche sur cette onde…

miroir, mirage serti d’argent par un orfèvre,
regard magique, reflet du monde et de mon rêve !

Et j’interroge, minutieuse, l’eau dormante
où mon visage vient refléter ses ressemblances ;

où mon enfance douce-amère déjà lointaine
penchait son âme, son âme lourde de mystère ;

où des images fraternelles mais fugitives
se sont mirées dans ce visage exempt de rides ;

où tels des cygnes, des cygnes noirs glissant à l’aise,
j’ai vu se perdre, se perdre en lui tant de chimères ;

où ma jeunesse, faune aux yeux pers, s’est reconnue
parmi les danses, parmi les fleurs — au son des flûtes !…

Et j’interroge, minutieuse, l’eau dormante
où mon visage vient refléter ses ressemblances ;


car une image, toujours la même, m’accompagne,
oui, m’accompagne le long des jours, le long des âges,

fidèle image modelée à ma ressemblance
sous les doux voiles de ses cheveux couleur de cendre…

Nos fronts se touchent… nos âmes restent confondues…
Et j’interroge, comme une sœur — ma solitude.

Dans la pénombre, votre visage luit et songe,
et mon visage songe… et se penche sur cette onde…