Mirages (Renée de Brimont)/Resouvenances

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MiragesEmile-Paul Frères (p. 113-114).

RESOUVENANCES

Car j’ai peuplé toute nostalgie,
toute heure floue au charme des lampes,
et toute veille, un doigt sur la tempe,
de souvenirs — fugace magie…

de souvenirs, de reflets d’opale,
fantômes bleus dont l’étreinte est douce
et qui semblaient glisser sur la mousse…
de souvenirs fugaces et pâles.

Aubes, midis, brumeux crépuscules,
s’en vont dansants et parés de nimbes,
et nous suivons aux bords de ces limbes
les temps défunts, les temps qui reculent ;

le parc muet s’anime, frissonne
comme une femme inquiète et triste ;
ma guimpe est blanche, en frêle batiste ;
les rossignols se sont tus… Personne…

Mais notre amour caché dans les branches,
ardent et trouble, et tendre, et qui cède ;
dans votre main, ma main, jouet tiède…
et vous froissez la batiste blanche !


— Amour, Amour, qu’à travers les choses
votre parfum rôde et s’insinue !
J’ai deviné votre épaule nue
comme un parfum révèle une rose…

N’est-il, hélas, n’est-il nulle digue
pour protéger de vos influences ?…
Que votre voix se vêt de nuances,
Amour, Amour en baisers prodigue !

… Ah ! j’ai peuplé toute nostalgie,
toute heure floue au charme des lampes
et toute veille, un doigt sur la tempe,
de souvenirs — fugace magie…

de souvenirs, de reflets d’opale,
fantômes bleus dont l’étreinte est douce
et qui semblent glisser sur la mousse…
de souvenirs fugaces et pâles.