Monseigneur François de Laval/I

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L’œuvre des tracts (p. 1-3).

I


Préparation de l’« homme de Dieu »


François de Laval était né le 30 avril 1623, au château de Montigny, dans le diocèse de Chartres. Il appartenait à l’illustre maison des Montmorency. Une telle ascendance explique la distinction native, les vues élevées, la noblesse d’âme du jeune seigneur. Joints à ces dons naturels Dieu voulait l’apport des lettres et des sciences pour l’esprit. pour le cœur l’acquisition des plus belles vertus, afin d’offrir à son petit peuple choisi de la Nouvelle-France un homme complet, un modèle : grand citoyen, grand évêque, grand saint.

À l’âge de neuf ans, il est envoyé au collège royal de la Flèche tenu par les Pères Jésuites, où se donnait rendez-vous l’élite de la noblesse de France. Pendant ses dix années d’études littéraires et philosophiques, il a successivement comme professeurs ou surveillants des hommes qui doivent un jour se dépenser dans les rudes missions du Canada, tels les Pères Pijart, Gabriel Lalemant, Claude d’Ablon, Jacques Buteux, Simon le Moyne et d’autres. Congréganiste de la sainte Vierge, déjà on remarque en lui la profondeur de sa foi et de sa charité, et en mille rencontres la sollicitude divine à enrichir de ses dons surnaturels cette nature faite de franchise, de fermeté et d’élévation.

Sa philosophie terminée, il se rend à Paris au collège de Clermont dirigé lui aussi par les Pères de la Compagnie de Jésus. Mêlé là encore aux fils de hauts personnages de la cour, il suit pendant quatre ans les classes de théologie que donnent des professeurs devenus célèbres, Denis Petau, Philippe Labbe, Jacques Sirmond, etc. Comme à la Flèche, il est fervent congréganiste et non moins remarquable par ses succès dans les études. L’évêque de Bayeux écrira bientôt du jeune étudiant devenu prêtre : « Il est licencié en droit canon de l’Université de Paris, très versé dans les lettres, tant sacrées que profanes. »

Il aspirait au sacerdoce. Une fausse direction venant de haut faillit tout compromettre. Heureusement que la voix de Dieu rétablit bientôt ce qu’une voix d’évêque avait fait dévier. Le jeune de Montmorency-Laval portait un des plus beaux noms de France, les honneurs dans le monde l’attendaient, on touchait au grand règne, on allait entrer dans les splendeurs de la cour de Louis XIV. Mais François avait de plus hautes vues, nourrissait de plus fécondes aspirations : il renonce à tout, cède son droit d’aînesse et ses titres à la seigneurie de Montigny en faveur de son jeune frère, part pour Paris, où il prend sa licence en droit canon, et reçoit l’onction sacerdotale le 23 septembre 1647.

Il y avait alors à Paris une congrégation de la sainte Vierge que dirigeait admirablement le Jésuite Jean Bagot. Composée de jeunes gens, laïques et prêtres, elle fournissait au directeur des équipes pour ses œuvres nombreuses de charité. Quelques-uns d’entre eux voulurent s’unir et habiter ensemble pour éviter nombre de périls, mener une vie plus parfaite. On les appela la Société des bons amis ; elle donnera naissance à la Société des Missions Étrangères. François de Laval en fut naturellement un des membres les plus fervents.

Sur ces entrefaites, arrive le P. Alexandre de Rhodes, premier prédicateur de la foi au Tonkin. Il vient chercher des apôtres pour l’Orient, des prêtres et des évêques : il trouve ses candidats au sacerdoce dans les cinq provinces de la Compagnie en France, et trois évêques dans la Société des bons amis. L’un des trois était l’abbé de Montigny, — comme on appelait alors le jeune de Laval, — ravi d’aller se dévouer chez les peuples « assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort ». Mais l’aimable Providence l’avait préparé pour nous. Le roi du Portugal s’opposa à la nomination de prêtres français aux évêchés du Tonkin, de la Chine et de la Cochinchine. François de Laval, tantôt à Paris avec ses compagnons d’apostolat, tantôt à Caen dans l’Ermitage de M. de Bernières, attendit l’heure de Dieu.

Elle sonna en 1658. Il était question depuis plusieurs mois de donner un évêque à la Nouvelle-France. Proposé par les Jésuites de Paris, agréé avec empressement par le roi Louis XIV, l’abbé de Montigny, comprenant tout ce que les dures missions de l’Amérique septentrionale promettaient à son zèle de travaux, de sacrifices, d’œuvres à organiser, d’âmes à sauver, accepta le fardeau que l’on demandait à Rome de lui imposer.

Les bulles arrivèrent en France aux premiers jours de juillet, et le 8 décembre 1658, le nonce du Pape consacra dans l’église de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, l’abbé François de Laval, sous le titre d’évêque de Pétrée et de vicaire apostolique de la Nouvelle-France.