Deux et deux font cinq/Notes sur la Côte d’Azur
NOTES SUR LA CÔTE D’AZUR
… Au restaurant de la gare, où je dîne avant de prendre le train, à la table tout près de moi se trouve un petit ménage d’amoureux, fraîchement conjoint, sans doute, extrêmement réjouissant.
Surtout la petite femme, qui est drôle !
— Oh ! regarde donc ce brave homme ! La bonne tête qu’il a ! Parle-lui, il doit être rigolo.
Le brave homme ainsi désigné jouit effectivement d’une bonne tête. La face cramoisie avec, tout blancs, ses cheveux et ses favoris. Une tomate sur laquelle il aurait neigé, comme disait je ne sais plus qui à propos de je ne sais plus quel autre. Sur sa tête, une casquette qui porte ce mot : Interprète.
Docile, le jeune homme obéit à sa petite compagne :
— Hé, monsieur ?
— Monsieur ?
— Vous êtes interprète ?
— Oui, monsieur.
— Est-ce que vous parlez français ?
— Oui, monsieur.
— Ah ! c’est bien regrettable, parce que, moi aussi, je parle français, de sorte que vous ne pourriez me rendre aucun service. C’est bien regrettable !
— Qu’est-ce que vous voulez, monsieur, ce sera pour une autre fois.
— Mais, que cela ne vous empêche pas de prendre un verre avec nous ; voulez-vous ?
— Avec plaisir, monsieur.
La petite femme semble heureuse comme tout de trinquer avec le vieil interprète rouge et blanc.
… Le compartiment où je pénètre est occupé par trois messieurs, qui m’accueillent avec une évidente discourtoisie. Complet, s’écrient-ils, me désignant les places vacantes encombrées par des couvertures et autres menus objets.
Ces messieurs sont des Anglais inhospitaliers.
Délicatement, je prends les couvertures et autres menus objets de la place du coin, je les reporte à côté et m’installe le plus confortablement du monde.
Le train part.
Me voilà tout à la joie de m’en aller loin de ce boueux et brumeux Paris, vers le bon soleil, où je vais soigner ma petite neurasthénie et dorloter ma blême dégénérescence.
Je n’ai pas grandi d’une ligne dans la sympathie de mes Anglais. Ces messieurs ne se gênent vraiment pas assez. Décidément, ce ne sont pas de véritables gentlemen.
Et puis, je m’endors du pur sommeil de la brute avinée.
Quand je m’éveille, il fait petit jour, je jette un coup d’œil sur mes compagnons de route.
O délire ! Ces trois muffs sont des poitrinaires, tuberculeux au dernier degré !
Dès lors, ma liesse ne connaît plus de bornes.
À la hauteur d’Avignon, un radieux soleil inonde notre car, et j’éprouve un plaisir extrême à contempler la mine blafarde de mes insulaires pignoufs, leurs pommettes rouges, leurs yeux creux, leurs ongles qui s’incurvent et leurs oreilles qui se décollent.
D’Avignon à Marseille, mon voyage n’est qu’un Éden ambulant.
Ça leur apprendra à être polis.
… Cet accès de sauvagerie anglophobeuse (épisodique, d’ailleurs) est de la bien petite bière auprès du mot que j’ai entendu ce matin à Menton.
Le capitaine Kermeur, de Saint-Malo, dont le bateau est au radoub à Marseille, a profité de ses deux ou trois jours libres pour faire un tour à Menton.
— Quel sale cochon de pays, hein ! fait Kermeur.
— Vous trouvez ? Moi, je ne suis pas de votre avis.
— Eh bien, moi, je suis du mien, d’avis. S’il me fallait vivre dans cet ignoble patelin de mocos, j’aimerais mieux me f… à l’eau, tout de suite !
— Vous êtes sévère, Kermeur !
— Mais, enfin, vous n’allez pourtant pas comparer ce pays à la Bretagne ?
— Je ne compare jamais, Kermeur. Chaque contrée a son genre de beauté, voilà tout !
— Ah ! vous n’êtes pas dur, vous !
— Mais, dites-moi, Kermeur… Si ce pays vous dégoûte à ce point, que venez-vous donc y faire, alors que rien ne vous force à y venir ?
— Ce que je viens y faire ?
À ce moment, la physionomie de Kermeur revêt une expression double de joie excessive et de férocité peu commune :
— Je viens voir crever des Anglais !
Et, en disant ces mots, Kermeur a le rictus bien connu du tigre qui rigole comme une baleine…
… Toulon, vingt-trois minutes d’arrêt.
Une jeune femme, très gentille, ma foi ! qui n’a pas entendu, me demande :
— Pardon, monsieur, c’est bien Toulon, ici ?
Au lieu de lui répondre simplement : « Oui, madame », je ne puis résister à la tentation de faire un calembour idiot :
— Je ne sais pas exactement, madame, c’est Toulon… ou tout l’autre.
La dame hausse imperceptiblement les épaules, descend du wagon, se dirige vers la bibliothèque, et achète le Parapluie de l’escouade, un des livres les plus amusants qu’on ait publiés depuis ces dernières vingt années.
… À Cannes, dans les allées de la Liberté, une petite fête foraine assez gaie.
Lu, sur l’une des baraques, cette annonce qui m’a beaucoup réjoui :
Le plus colossal du Globe
capturé dans les égouts de la Caroline du Sud.
… Dans cette même cité de Cannes, à l’hôtel où je suis (Hôtel des Colonies, complètement restauré et agrandi, lumière électrique, etc., etc.) se trouvent des écriteaux portant cette indication :
On n’a pas idée de ce que c’est commode !
Vous prenez votre bain au bout du corridor et, pour peu que vous soyez fatigué, vous regagnez votre chambre en landau.
Ce matin, je promenais au bon soleil, sur la promenade de la Croisette, ma carcasse endolorie, quand j’aperçus, venant à moi, une jeune fille hongroise fort jolie, gentiment intellectuelle et d’un flirt ravigoteur.
Je l’appelle Hieratica Pittoresco parce que son véritable nom ressemble un peu à ces syllabes et que, dans le commencement, je ne m’en souvenais jamais (de son nom).
Hieratica me tendit sa petite main finement gantée, comme dans les romans de Georges Ohnet. (Avez-vous remarqué, dans les romans de Georges Ohnet, que les jeunes femmes tendent toujours aux messieurs leur petite main finement gantée ?)
Puis elle me dit, avec un beau sourire clair comme le temps :
— Tiens, ça a l’air d’aller mieux, vous, ce matin, votre neurasthénie.
— Des êtres tels que moi, Hieratica, peuvent-ils jamais aller mieux ? Mettons moins pis et n’en parlons plus.
— Si, si, je m’y connais, moi ! Vous détenez le record de la désespérance pas tant que ces jours passés. Reçu un tendre mot de l’exclusive chérie, peut-être ?
— Pas un mot, Hieratica, pas un geste.
— Alors, quoi ?… J’ai pourtant vu, tout à l’heure, danser dans votre œil une petite lueur — comment dirais-je bien ?… — rigouillarde.
— Vous devenez, Hieratica, commune !
— Depuis que je vous hante, cher seigneur.
— Eh bien ! Hieratica Pittoresco, je vais tout vous dire. Si l’heure qui sonne me voit moins déprimé, c’est que je viens de lire le Figaro.
— Ça n’est pas un traitement bien cher !
— Oui, mais il y a Figaro et Figaro. Le Figaro dont je parle recélait en ses flancs un article de Saint-Genest.
Et, véritablement, cet article de Saint-Genest est bien la chose la plus irrésistiblement comique que j’aie lue depuis longtemps.
… Il m’arrive quelquefois de déjeuner ou de dîner à table d’hôte, et alors je ne m’embête pas une minute. Je ne puis pas croire autrement : on les a faits exprès pour moi, ces fantastiques bourgeois.
Dans quels insondables puits, dans quels terrifiants abîmes vont-ils pêcher tout ce qu’ils disent ? O stupeur !
Actuellement, les deux grands sujets de conversation sont : la température. (Il fait bon au soleil, mais le fond de l’air est froid.) Et les anarchistes. (Ces gens-là, je les étriperais avec plaisir jusqu’au dernier !)
En dehors du thermomètre et de la dynamite, j’ai noté quelques bouts de conversation :
— Les fleurs sont bigrement chères, en ce moment.
— C’est toujours comme ça au moment des fêtes.
— J’ai pourtant trouvé un petit panier à 3 francs.
— 3 francs ! Eh bien, vous ne vous ruinez pas, vous !
— Non, mais je dois dire qu’elles ne sont pas bien jolies. Bah ! les gens croiront qu’elles se sont abîmées en route… Et puis, dans un cadeau, qu’est-ce qu’on regarde ? l’intention, n’est-ce pas ?
Un autre de ces messieurs s’extasiait d’avoir été servi, dans un magasin où il achetait des bretelles, par une jeune Cannoise blonde comme les blés.
— Il y a des blonds partout, observe son voisin.
— Je ne dis pas, mais ça paraît étonnant de trouver une personne blonde dans ce pays où tous les habitants sont noirs comme de véritables indigènes.
Ensuite s’engage une discussion sur la coloration dermique des Méridionaux. Est-ce le soleil qui les brunit ainsi, ou bien s’ils ont ça dans le sang ?
— Une supposition que vous transportiez un ménage de nègres dans le pays des Albinos, croyez-vous par exemple qu’ils feront des enfants blancs comme neige ?
— Permettez, permettez…
Malgré mon énorme entraînement au flegme, ma seule ressource pour ne pas éclater de rire consiste à fixer éperdument les Natures mortes de la salle à manger, plus mortes qu’elles ne croient, les pauvres, et qui ont l’air de se passer dans une cave.
… J’aime mieux les conversations d’un gosse que je rencontre quelquefois avec sa jeune mère :
— Dis donc, maman, je viens de rencontrer madame Lambert.
— Ah !
— Oui, tu sais, elle a un nouveau bébé.
— De quel âge ?
— Je ne sais pas trop, moi ; mais il a l’air tout neuf.
Et puis un autre jour :
— Dis donc, maman, qu’est-ce que c’est que ça, des Niçards ?
— Ce sont les gens de Nice qu’on désigne quelquefois comme ça.
— Alors, les gens de Cannes, on devrait les appeler des Canards… Ce serait bien plus rigolo, pas, m’man ?
… Envahi la principauté de Monaco, grimpé à la roulette de Monte-Carlo, gagné des monceaux d’or.
Pas quitté Monte-Carlo sans présenter nos bonnes amitiés au brave M. Steck, l’habile chef d’orchestre et organisateur de beaux concerts.
M. Steck nous reçoit le plus gracieusement du monde et nous offre une rasade de cet excellent rhum qui porte son nom. (Très réconfortant. Spécialement recommandé aux touristes épuisés, avec pas mal de pommes de terre autour.)
… Chouette ! Le Petit Marseillais avec une chronique de Sarcey !
La première phrase me plonge en des délices extrêmes :
Si j’avais un vœu à former pour mes lecteurs, au début de cette année, ce serait de garder l’intégrité de leur bon sens, du vieux bon sens français, et de ne pas se laisser envahir par les fantaisies des idées nouvelles.
Allons, me voilà heureux ! On ne m’a pas changé mon vieux Sarcey.
… Ce matin, la petite Hieratica Pittoresco a su m’arracher un pâle sourire :
— Alors, vous êtes revenu de tout ?
— De tout, Hieratica.
— Vous avez banni de votre âme tout idéal ?
— De mon âme tout idéal.
— Vous ne vous intéressez plus à rien, ni aux êtres, ni aux choses, ni aux idées ?
— Je m’intéresse à peau de balle !
— Qu’est-ce que c’est que ça, peau de balle ?
— C’est un mot appartenant naguère au répertoire de l’armée et signifiant le néant. Ce terme passa bientôt dans le domaine civil, où il fit une rapide fortune.
— Et ça s’écrit comment ?
— Comme ça se prononce.
— Mais encore ?
— Savez-vous écrire peau… de la peau ?
— Oui.
— Savez-vous écrire balle… une balle ?
— Oui.
— Alors, vous savez écrire peau de balle.
— Et j’en suis ravie… Si vous venez à claquer et qu’on me charge de votre épitaphe, dites-moi un peu ce que j’écrirai.
— Dites vous-même.
— Je mettrai :
Est-ce pas là la formule qui vous siérait ?
— Comme un gant.
Petite Hieratica ! Est-ce que je l’aimerais ?
… Nous rencontrons souvent une dame d’une certaine maturité, mais qui a dû être pas mal quand nous étions sous l’Empire.
Elle est toujours flanquée d’un joli petit jeune homme, l’air artiste. Et comme elle semble l’aimer, son jeune ami !
— Qui est cette dame ? demandons-nous.
— Une ancienne chanteuse d’opéra, Polonaise je crois, qui épousa un millionnaire et le perdit peu de temps après. Il lui reste un semblant de voix. Elle chante encore quelquefois, et le petit l’accompagne…
— En dos mineur, insinua le délicat poète Alfred Mortier.
(Dos — je donne cette explication pour quelques abonnés de l’étranger — est l’abréviation de dos vert, qui est lui-même le synonyme d’un terme servant à désigner un poisson bien connu pour son proxénétisme, ou tout au moins ses détestables complaisances.)
… À Nice, il y a un Mont-de-Piété sur les murs duquel est peinte, en grosses lettres, cette inscription :
On a bien fait de préciser ainsi : quelquefois, des gens auraient pu croire que c’était le Mont-de-Piété de Dunkerque.
(Qu’on n’aille pas conclure de cette remarque sur le clou niçois que j’aie coutume d’y fréquenter. Oh ! que le nenni ! Je connais ce monument comme vous pourriez le connaître, chère madame, car il est placé dans l’endroit le plus apparent de la cité.)
… Mon ami, le Captain Cap, actuellement fixé à Antibes avec son yacht, continue sa campagne microbophile.
— Émasculons l’ennemi, dit-il.
Un pauvre monsieur tuberculeux avalait devant nous des troupeaux entiers de capsules de créosote.
Cap l’interpelle.
— Quel effet croyez-vous, monsieur, que ça leur fait, aux bacilles, votre créosote ?
— Dame, ça doit un peu les embêter.
— Les embêter ! Ah ouitche ? On voit que vous ne connaissez pas les microbes… Ça leur fait, tout simplement, hausser les épaules.
Le pauvre monsieur tuberculeux est tué du coup. Il lève au ciel ses yeux, tout à la tâche de se figurer nettement l’image d’un Syndicat de microbes haussant les épaules.
… Le même Cap a un mot exquis, je trouve, pour exprimer qu’on est, assez longtemps, resté dans le même bar, dans le même café, et que l’heure a sonné de se diriger vers d’autres tavernes.
Il dit :
— Changeons de mouillage.
Ce terme, emprunté au vocabulaire maritime, s’applique divinement au cas terrien qui nous occupe.
… Je ne puis m’empêcher de sourire en repensant au mot de cet imbécile de Paul Robert, la veille de mon départ :
— Alors, tu t’en vas dans le Midi ?
— Mais oui, mon vieux.
— Comptes-tu y faire de la photographie ?
— De la photographie !… Quelle drôle d’idée ! Pourquoi de la photographie ?
— Parce que, je te vais dire, c’est très difficile à réussir un cliché, là-bas.
— Pourquoi cela ?
— Parce que le Midi bouge !…
Allusion à un chant de guerre que composa Paul Arène en 70, à l’usage des mobiles de Sisteron :
… C’est ce même Paul Robert qui eut, avec le ténor Jean Périer, ce bout de dialogue :
— Quelle orchidée ?
— Une eurythmie.
Ce qui signifie :
— Quelle heure qu’il est ?
— Une heure et demi.
Ces messieurs détiennent-ils point le record de l’à-peu-près ?
Comme c’est loin tout ça !
… Le New-York Herald, qui possède un gros office à Nice, affiche plusieurs fois par jour, au coin du quai Masséna et de la place, un immense tableau avec les dernières dépêches de partout.
Ce matin, la première dépêche inscrite était la suivante :
New York. — A bill will be presented to Congress for protection of public and to prevent importation of deseases.
Nous passions, moi (je me cite le premier, parce que la personne qui vient ensuite est une excellente fille qui ne se formalisera pas de si peu), moi, dis-je, et la maîtresse d’un de mes amis, une petite bonne femme, très gentille, mais qui n’a inventé aucun explosif.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Comment, vous ne comprenez pas ?
— Je ne sais pas l’américain, moi !
— Si vous voulez, je vous l’apprendrai, dès que vous aurez une minute.
— En attendant, expliquez-moi.
— Ça veut dire : Une loi va être présentée au Congrès pour la protection du public et pour interdire l’importation des décès.
— L’importation des décès ?
— Bien sûr, l’importation des décès ! Ça vous étonne, ça ?
— Dame, un peu… Je ne vois pas bien…
— Ça n’est pourtant pas très compliqué. La douane de New-York, si la loi est votée, empêchera les décès de pénétrer. Comme ça, personne ne claquera plus en Amérique.
— Ça, par exemple, c’est épatant ! Et pourquoi qu’on n’en fait pas autant en France ?
— Ah ! voilà. Tant que nous aurons ce gouvernement-là, on ne pourra espérer aucune réforme. Imagine toi, ma pauvre petite, qu’il y a trois ans, monsieur Conrad de Witt, député de Pont-l’Évêque, a proposé un droit d’entrée de 3 francs par tonne sur les ouragans… La Chambre l’a repoussé.
— Tu crois que faudrait pas mieux un bon empereur, tout de même ?
— À qui le dis-tu !
… À une devanture de librairie, j’ai aperçu Rouge et Noir, de Stendhal.
L’envie m’a pris de relire cet admirable livre et je l’ai acheté. Comme le libraire avait une bonne tête, je lui ai demandé :
— Vous n’auriez pas, du même auteur, Pair et Impair ou bien Manque et Passe ?
Et le commerçant, avec un aplomb infernal, m’a répondu :
— Pas pour le moment, monsieur, mais si vous le désirez, je peux vous le faire venir.
Il en a une santé, celui-là ! comme dit le sympathique directeur d’un grand journal littéraire de Paris.
… Anglomanie.
— Vous voyez ce monsieur, à cette table, avec ses deux filles ?
— Je vois surtout tes deux jeunes filles.
— Eh bien ! c’est un Américain qui est à la tête d’une dizaine de millions de dollars. À quatorze ans, ce bonhomme-là…
— N’achevez pas… À quatorze ans, il conduisait des trains de bois sur l’Hudson. Tous les Américains qui sont arrivés à quelque chose ont débuté par conduite des trains de bois sur l’Hudson. Continuez.
— Rien d’étonnant, d’ailleurs, à ce que cet homme ait si merveilleusement réussi. Il avait au plus haut degré cette qualité… Malheureusement, nous n’avons pas en français de mot pour bien exprimer cette qualité si américaine.
— Comment dit-on en anglais ?
— On dit… activity.
… Déjeuné au mess de MM. les officiers du bataillon de chasseurs alpins. Fait la connaissance du lieutenant Élie Coïdal, un charmant garçon qui va faire parler de lui avec sa nouvelle invention de la bicyclette de montagne.
Jusqu’à présent, les bicyclettes n’avaient guère rendu de services que sur les routes horizontales ou, tout au moins, de faible pente.
Mais pour ce qui est de l’alpinisme, il n’y avait rien de fait, comme dit Jules Simon.
L’idée n’est venue à personne, pas même au redoutable alpiniste Étienne Grosclaude, d’ascensionner le Mont-Blanc à l’aide d’un vélocipède.
Le lieutenant Élie Coïdal vient de combler cette lacune.
Sa bicyclette de montagne ressemble, à première vue, à n’importe quelle bicyclette. Disons même qu’elle lui est sensiblement identique.
Elle n’en diffère que par un dispositif des plus subtils et dont l’idée fait grand honneur à son inventeur.
À l’extrémité de chaque roue — l’extrémité d’une roue ! ça vous épate, ça, hein ? — est fixé une manière de piton auquel peut s’accrocher une forte courroie de cuir.
Vient-il à s’agir de grimper un pic inaccessible, le touriste installe la courroie de cuir, se la passe autour du corps en bandoulière (de l’italien in bandoliera qui veut dire en sautoir).
L’ascension n’est plus, dès lors, pour un gaillard un peu résolu, qu’un jeu d’enfant.
La bicyclette en aluminium est, pour ce sport, infiniment préférable à celle en platine écroui (densité, 23 et quelque chose).
… Môme fin de siècle :
— Viens, Pierre, nous allons faire un tour.
— Où qu’nous allons, m’man ?
— Sur la promenade des Anglais.
— Ah ! zut ! j’en ai soupé, moi de la balade aux Angliches !
… Étrange ! Étrange !
J’ai demandé, ce matin, à un sergent de ville de Nice :
— Pardon, mon lieutenant[1], pour aller au Pont-Vieux, s’il vous plaît ?
— Oh ! mon Dieu, c’est bien simple, monsieur. Prenez le boulevard du Pont-Neuf que voici, et allez tout droit, vous arriverez au Pont-Vieux.
Prendre le boulevard du Pont-Neuf pour aller au Pont-Vieux, c’est la première fois que m’arrivait pareille aventure.
— Mais, me dis-je, peut-être que pour aller au Pont-Neuf il faut prendre le boulevard du Pont-Vieux.
Ça ne rata pas :
— Pardon, mon lieutenant, fis-je à un autre sergot ; pour aller au Pont-Neuf, s’il vous plaît ?
— Oh ! mon Dieu, c’est bien simple, monsieur. Prenez le boulevard du Pont-Vieux que voici, et allez tout droit, vous arriverez au Pont-Neuf.
… Puisque je parle de ces deux ponts, laissez-moi vous signaler l’unique au monde spectacle du Paillon, par un coup de soleil.
Des femmes sans nombre et myriachromes y lavent du linge et le font sécher.
Le Paillon est, d’ailleurs, une des rares rivières de France dont la principale occupation soit de sécher du linge.
… Lu, dans un journal local, cette annonce troublante :
Je ne connais pas la disposition ingénieuse en question, mais je puis affirmer, de chic, que celui qui l’a imaginée n’est pas un type ordinaire.
… Chacun procède au culte de la patrie comme il l’entend.
J’ai vu, tout à l’heure, un Américain qui, à la lecture d’une dépêche du Gordon Bennett Herald, relatant la pluie à New-York, a, tout de suite, relevé le bas de son pantalon, bien que le sol, à Nice, fût parfaitement sec, et radieux le soleil.
… L’excellent Jacques Isnardon, qui détient, en ce moment, le record du succès au Casino Municipal, possède une nièce, un amour de petite nièce d’une demi-douzaine d’années, laquelle, née et élevée à Marseille, a un assent des plus comiques dans cette petite bouche.
Je la rencontre sur le trottoir à la porte d’un magasin.
Après lui avoir fait une grimace pour la faire rire — quand elle rit, ça lui met aux joues deux jolies petites fossettes — je lui demande :
— Que fais-tu ici, toute seule, jeune Émilie ?
La jeune Émilie me répond par un gazouillis qui ne me semble avoir rien de commun avec le langage humain.
Je réitère ma question. Émilie réitère sa tyrolienne.
À la fin, je réussis à noter les sons qu’elle émet :
— Ja tann tann tann tô nine.
Heureusement, sa tante, sa gracieuse tante sort du magasin et m’explique.
Émilie me disait tout simplement :
— J’attends tante Antonine.
Je ne m’en serais jamais douté.
Tiens, ça me fait penser que je déjeune, demain, chez Isnardon.
… Le docteur australien nous en a raconté une bien bonne, ce matin, au déjeuner.
On parlait de la grande discussion qui passionne, en ce moment, certains milieux :
« Est-il indispensable que les médecins sachent le latin pour vous prescrire un gramme d’antipyrine ou pour vous couper la jambe ? »
— Cette discussion, dit le docteur, me rappelle le plus extraordinaire pharmacien que j’aie vu de ma vie. En voilà un qui n’avait pas fait son éducation à Oxford ni à Cambridge, ni même à Cantorbery, comme Max Lebaudy ! Il ignorait le latin, le grec et n’était pas bien reluisant sur l’orthographe anglaise… Ceci se passait dans une petite ville d’Australie de fondation récente. Notre homme… s’était établi apothicary, comme il se serait établi marchand de copeaux, tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’apothicary dans le pays. Ses affaires prospérèrent assez bien, d’ailleurs. Au cours d’un voyage qu’il fit à Melbourne, le potard improvisé remarqua une magnifique pharmacie sur la devanture de laquelle était peinte cette devise latine : Mens sana in corpore sano, qui le frappa fort. À son retour, il n’eut rien de plus pressé que d’orner sa boutique de cette merveilleuse sentence qu’il élargit à sa manière, et bientôt les habitants de Moontown purent lire, à leur grand ébaubissement, cette phrase en lettres d’or :
(Mens and womens, en dépit d’une légère faute d’orthographe, bien excusable aux antipodes, signifie hommes et femmes.)
… Le même docteur, qui me fait l’effet d’être un joli pince-sans-rire, disait, en parlant de cet hôtel de San-Remo dont les appartements, grâce à une disposition ingénieuse, sont tous exposés au Midi :
— Moi, j’ai vu plus fort que ça.
Vous pensez si on tendit l’oreille.
— Oui, j’ai vu plus fort que ça. C’est une jeune fille russe, à Menton, qui avait le poumon droit attaqué. Dans ses promenades, elle s’arrangeait de façon à avoir toujours le côté droit au soleil.
— Pardon, docteur, interrompt un vieux monsieur, ça ne devait pas toujours être bien commode.
— Pourquoi cela, pas bien commode ? Est-ce qu’on ne peut pas toujours s’arranger pour avoir le soleil à sa droite ou à sa gauche ?
— Je ne vous dis pas, mais… Enfin, une supposition : votre jeune fille russe sort de l’hôtel. Bon ! Elle va se promener dans une direction qui lui permet d’avoir le soleil à sa droite. Mais quand elle rentre à l’hôtel ?…
— Elle rentre par un autre chemin, pardi.
— Ah ! c’est juste.
Le plus comique, c’est que le vieux monsieur est parfaitement persuadé de l’exactitude du raisonnement, et même il a l’air de se dire :
— Faut-il que je sois bête pour ne pas avoir songé à cela !
… Je crois que l’existence deviendrait plus aisément coulable et qu’on pourrait parfois, comme disent les Anglais, take a smile with life, si on s’attachait à lire toutes les choses exquises écrites sur les murailles des cités ou la paroi externe des magasins.
En débarquant à la gare d’Antibes, l’œil émerveillé du voyageur peut immédiatement contempler un avis au public, composé de lettres de 1 mètre de hauteur, ainsi conçu :
Pour une voirie soigneuse, la voirie d’Antibes est une voirie soigneuse.
Et cette enseigne, cueillie sur la boutique d’un petit épicier de Villefranche :
… Dialogue de table d’hôte.
— Et… vous comptez passer tout l’hiver à Nice ?
— Oh non, je ne crois pas. D’ailleurs, cela ne dépend pas de moi.
— Vous avez des affaires à Paris ?
— Oh ! non, pas d’affaires à Paris.
— Je dis à Paris… ou ailleurs, bien entendu.
— Ni à Paris, ni ailleurs.
— Eh bien ! alors, cela dépend de vous.
— Non, cela ne dépend pas de moi. Je resterai à Nice, jusqu’à ce que j’ai rattrapé les 80 kilos que je pesais cet été… Encore trois livres et demie et ça y sera.
… Haute philosophie de mon jeune ami Pierre.
— Pierre, as-tu fini tes devoirs ?
— Je les ai seulement pas commencés.
— Veux-tu bien les faire tout de suite, petit malheureux !
— Dis donc, m’man, crois-tu que ça soit bien utile ?
— Bien utile… quoi ?
— De faire mes devoirs, parbleu ?
— Quelle question ridicule ! Allons, dépêche-toi !
— Parce que, je vais te dire, m’man, plus que je vieillis, plus que je trouve inutile de se fiche tant de coton !
— Tant de… ?
— Tant de coton ! tant de peine, quoi !… Ainsi, tous ces bonshommes épatants, qu’on voit dans les versions latines, qui faisaient des bouquins, qui gagnaient des batailles et tout le tremblement, à quoi que ça leur sert d’avoir fait tout ce turbin-là, maintenant qu’il y a trois mille ans qu’ils sont claqués ?
— En voilà un raisonnement !
— Bien sûr que c’est un raisonnement ! T’es ben gentille, ma pauvre p’tite mère, seulement… voilà, tu ne comprends pas ces machines-là.
— Merci, Pierre.
— Et moi, quand il y aura trois mille ans que je serai claqué…
— Veux-tu te taire ! malheureux enfant !
— Tiens, te voilà encore ! Est-ce que tu t’imagines, par exemple, que je serai vivant dans trois mille ans ? Et toi aussi ? Et papa aussi ? Et Bébé aussi ? Ah ben zut ! alors, nous serions rien gaga !… Alors, quand il y aura trois mille ans que je serai claqué, à quoi que ça me servira de m’être rasé à faire des devoirs ?… Tiens, veux-tu que je te dise ? Si on était raisonnable, on passerait sa vie rien qu’à la rigolade.
… À Toulon.
Des gendarmes entourent un wagon décoré de cette inscription : ministère de l’intérieur.
En descendent de jeunes messieurs, dénués de distinction et pas très luxueusement vêtus.
Je demande à un vieillard solennel et propret qui a l’air de se trouver tout à fait chez lui dans cette gare :
— Des forçats, sans doute, monsieur ?
— Pas précisément, me répond le vieillard solennel et propret, des relégués, tout simplement… Ces voyageurs sont de jeunes hommes que la police cueillit, une belle nuit, en des bouges de la périphérie parisienne et qui ne purent justifier d’autres moyens d’existence que l’argent à eux versé par leur concubine, argent provenant de la prostitution. Le gouvernement, en vertu d’une loi votée voilà tantôt trois ou quatre ans, procure à ces messieurs toutes facilités pour aller exercer leur coupable industrie par des latitudes diamétralement opposées à la nôtre.
— Alors, ce wagon est, comme qui dirait, un alphonse-car.
— Pas si fort, monsieur ! Les mânes d’Alphonse Karr reposent tout près d’ici, à Saint-Raphaël, et pourraient vous entendre.
— Les morts n’entendent pas, vieillard solennel et propret !
… À la Réserve :
— Et après le poisson, qu’est-ce que ces messieurs prendront ?
— Moi, répond Narcisse Lebeau, je prendrai un beefteak sur le gril sans beurre.
— Sans beurre ?
— Oui, sans beurre… et sans reproche !
… Aux courses.
— Tiens, voilà Montaleuil ! Qu’est-ce qu’il a donc de vert à la boutonnière ?
— Le Mérite agricole, parbleu !
— Le Mérite agricole à Montaleuil ! Ah ! celle-là est bonne !
— Mais pas du tout ! dit Pierre Nicot. Au point de vue champêtre, Montaleuil est loin d’être le premier venu. C’est lui l’inventeur du procédé qui consiste à nourrir les lapins qu’on pose avec les carottes qu’on tire.
… Devant le magasin d’un coiffeur à prétentions britanniques.
Dialogue entre une jeune niaise et celui qui écrit ces lignes :
La jeune niaise : Qu’est-ce que ça veut dire Hair dresser ?
Celui qui écrit ces lignes : Hair, ça veut dire cheveux.
L. J. N. : Et dresser ?
C. Q. É. C. L. : Dresser, parbleu, ça veut dire dresseur.
L. J. N. : Et alors ?
C. Q. É. C. L. : Alors, le hair dresser, c’est un individu qui vous fait tellement mal en vous rasant que les cheveux vous en dressent sur la tête.
L. J. N. : Ah ?
C. Q. É. C. L. : Oui.
… Le record de la distraction est certainement détenu par un monsieur qui prend ses repas dans une pension où je vais quelquefois.
Hier matin, j’arrive très en retard. Presque tout le monde finissait de déjeuner.
Je prends des sardines et, en songeant à autre chose, je les passe au susdit monsieur qui grignotait un dessert quelconque.
Le pauvre homme saisit la boîte et, docilement, se sert une sardine qu’il mange d’un air de candeur inexprimable.
Tous les gens autour de nous ont ri comme des bossus. Le monsieur s’est aperçu de son étourderie et c’est grand dommage, car je me serais amusé à le faire redéjeuner totalement.
… Fragment de conversation entre mon jeune ami Pierre et sa maman :
— T’es-tu bien promené, Pierre ?
— Oh ! oui, m’man, j’ai assez rigolé !… Et puis, tu sais pas ce que j’ai vu ? Devine.
— Mais je ne peux pas deviner.
— Quelque chose d’épatant : une nounou nègre !
— Que vois-tu de si extraordinaire en cela ?
— Tu trouves pas ça épatant, toi ? Eh ben ! zut, t’es pas dure !… Tu sais pas l’effet que ça me fait à moi, une nounou nègre ?
— Dis un peu.
— Eh ben ! l’effet que ça me fait, c’est que le gosse doit téter du café au lait !
… Maintenant que le gentleman en question vogue entre le Havre et New-York, je peux bien conter l’histoire.
Le gentleman en question est rédacteur important dans un Chicago Tribune quelconque.
On m’a présenté à lui comme étant Maurice Barrès. Joie débordante du Yankee.
J’ai subi une interview des plus corsées.
À la grande satisfaction de mes camarades, j’ai bourré mon homme de documents infiniment contestables et d’idées personnelles, semblant provenir de Ville-Évrard, au sujet de l’évolution littéraire et artistique de notre belle France.
Ce journaliste américain fut tellement ravi d’avoir fait la connaissance de Barrès qu’il nous invita tous, le soir même, au Helder, où nous avons fait un dîner, mes petites chéries, je ne vous dis que ça !
Je ne sais pas encore comment Barrès prendra la chose quand il recevra le journal d’Amérique.
… Il faudrait le pinceau de Goya pour dépeindre le ravissement où me plongea la lisance des feuilles d’aujourd’hui.
L’abondance des matières nous force, à notre grand regret, à écourter les citations.
Au choix :
D’abord, dans l’Éclair, une chronique de Gerville-Réache qui débute par cette phrase définitive et lapidaire :
Il y a quatre aspects dans Victor Schœlcher.
Quatre, seulement ?
Êtes-vous bien sûr, Gerville, de n’en avoir pas oublié un petit ?
Dans le Petit Niçois, une circulaire du général Poilloüe de Saint-Mars, commandant du 12e corps, dans laquelle je relève une observation frappée au coin du bon sens :
Le pied du soldat est un organe d’une très grande importance (sic).
Votre remarque, mon général, est très juste.
C’est même grâce à cette considération que les conseils de révision hésitent rarement à réformer un cul-de-jatte.
Ah ! je ne lis pas souvent les journaux, mais quand je les lis, je ne m’embête pas !
… Quai des Phocéens, à côté du New-Garden Bar, il y a un grand marchand de liquides et de produits de toutes sortes, lequel se nomme Berlandina.
Le Captain Cap me donna une excellente idée, c’était d’aller proposer à cet industriel de lui composer une chanson-réclame dont le refrain serait :
M. Berlandina demanda à réfléchir.
Sur notre assurance que cette chanson lui serait fournie à titre gracieux, il accepta immédiatement.
Seulement… dame ! n’est-ce pas ?… on ne peut pas faire une chanson… comme ça… de chic… Il faudrait quelques échantillons… pour nous donner des idées.
Et le soir, quand nous rentrons chez nous, Cap et moi, nous trouvons une admirable sélection des best spirits of the world.
Cap juge que M. Berlandina a bien fait les choses et que nous sommes, d’ailleurs, des garçons d’infiniment de ressources.
… Rencontré à Beaulieu deux matelots américains du Chicago, le croiseur qui est en rade de Villefranche.
Ces deux Yankees, ivres comme toute une escadre polonaise, se font des confidences probablement consternées, car ils pleurent, tels deux lugubres veaux.
— Qu’ont-ils bien pu boire, ces malheureux, pour être si tristes ?
Et Maurice Leblanc, duquel j’aurais attendu une toute autre réponse, suppose :
— Peut-être bien des chopines Auër.
(Car, détail peu connu, M. Auër ne s’est pas contenté d’inventer le bec qui porte son nom. Il imagina, en outre, les affligeantes chopines qui désolent notre époque.)
… Toulon !
Depuis la joyeuse fête (il y a six semaines) de la Batterie des hommes sans peur, je m’étais bien promis de le revoir ce Toulon gai, tout pimpant avec ses mathurins au grand joli col bleu, au regard clair et brave. Je me suis tenu parole.
Arrivé le soir. On donnait Sigurd au Grand-Théâtre.
J’adore sacrifier au Grand Art, en général, et au père Reyer, en particulier.
Je me suis donc envoyé les deux premiers actes de Sigurd. Interprétation éminemment discutable.
Je signalerai, entre autres, les choristes-dames, qui gagneraient énormément, — les pauvres femmes — à avoir vingt-cinq ou trente ans de moins.
Les choristes-hommes ne perdraient pas, non plus, grand’chose à avoir l’air un peu moins paquet.
Pour ce qui est des deux sexes réunis, je ne verrais nul inconvénient à ce qu’ils chantassent juste et en mesure, où même qu’ils ne chantassent pas du tout.
… Au contrôle de ce théâtre de Toulon, on distribue, en guise de contremarques, des cartes à jouer, marquées d’un quelconque signe cabalistique.
Au premier entr’acte, je fus loti d’un neuf de pique.
Au second, m’échut en partage la dame de cœur.
Si, au lieu de jouer Sigurd, c’eût été au baccara, j’abattais, et, j’ose dire, c’était bien mon tour.
… Rentré à Paris.
Zut !
ah ! elle est chouette, la Ville-Lumière !
Si je retournais là-bas !
- ↑ J’appelle toujours les sergents de ville de province mon lieutenant. Ça ne me coûte rien et ça leur fait tant plaisir !