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Odes (Horace, Séguier)/I/12 - À Clio

La bibliothèque libre.
Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 16-18).

XII

À CLIO



Clio, quel homme, aujourd’hui, quel héros
Va célébrer ta lyre ou ta trompette ?
Quel dieu choisi, dont le nom se répète,
          Par le jeu des échos,

Soit aux abords de l’Hélicon plein d’ombre,
Soit sur le Pinde ou le gélide Hémus,
Monts où jadis on vit les bois émus
          Suivre Orphée, au doux nombre,

Lorsque, arrêtant, grâce à l’art maternel,
Le cours de l’onde et les brises mobiles,
Il entraînait jusqu’aux chênes, dociles
          À son luth immortel ?

Salut d’abord, selon nos mœurs sacrées,
Au père-roi des hommes et des dieux,
Qui subordonne Océan, terre et cieux,
          Aux saisons mesurées !

Il n’engendra rien de plus grand que lui,
Rien qui l’égale ou l’approche en substance ;
Pourtant Pallas, en seconde puissance,
          Près de son trône a lui.


Hardi guerrier, je ne saurais vous taire,
Liber ; ni vous, la Vierge bataillant
Dans les forêts ; ni vous, Phébus brillant.
          Terrible sagittaire.

Nommons Alcide, et les nobles Gémeaux,
Tous deux si forts, l’un au combat du ceste,
L’autre à cheval : dès que leur œil céleste
          S’ouvre pour les vaisseaux,

L’onde écumante au pied du roc s’écoule ;
Le vent s’abat ; tout nuage est chassé ;
Et le flot rude, à leur guise affaissé,
          Laisse à peine une houle.

Faut-il citer Romulus après eux ?
Le bon Numa ? l’appareil magnifique
Du vieux Tarquin, ou de Caton d’Utique
          Le trépas généreux ?

J’exalterai Régule, avec délice ;
Les deux Scaurus ; Paul, magnanime cœur
Offrant sa vie au Punique vainqueur ;
          Puis l’honnête Fabrice :

Ainsi que lui, c’est par la pauvreté
Que se forma sous le chaume avitique,
Le fier Camille, et Cure au poil rustique,
          Au glaive respecté.


De Marcellus, comme un arbre, à toute heure
Croît le renom. Là-haut brille entre tous
L’astre de Jule : au sein de feux plus doux,
          Telle Phébé majeure.

Du genre humain père et guide fécond,
Fils de Saturne, à toi le Destin même
Remit le grand César : or, dieu suprême,
          Prends César pour second.

Quand il aura, dans sa juste colère,
Brisé le Parthe, agresseur des Latins,
Et refoulé vers leurs climats lointains
          L’Indien et le Sère,

Sur l’orbe entier qu’il règne, à toi soumis.
Toi, sous ton char secouant les airs vastes,
Tu darderas contre les bois peu chastes
          Tes foudres ennemis.