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Odes (Horace, Séguier)/IV/14 - À Auguste

La bibliothèque libre.
Odes et Épodes et Chants séculaires
Traduction par M. le Comte de Séguier.
A. Quantin (p. 166-168).


XIV

À AUGUSTE


Par quels monuments, par quelle offrande juste
L’amour du Sénat et du peuple romain
      Pourra-t-il, sur le marbre ou l’airain,
   Éterniser tes bienfaits, cher Auguste,

Ô toi le plus grand des princes que Phébus
Éclaire ici-bas de ses rayons propices ;

Toi qui viens d’apprendre aux Vindélices,
   Jusqu’à ce jour te niant leurs tributs,

Ton pouvoir guerrier ? Car tes soldats modèles,
Sous l’actif Drusus, ont cent fois châtié
      Le Génaune ignorant le pitié,
   Le Brenne agile, enfin les citadelles,

Des sommets alpins affreux couronnement.
L’ainé des Nérons bientôt à fond s’engage
      Dans la lutte, et du Rhète sauvage
   Son bras vengeur triomphe heureusement.

Au fort des combats, l’on vit par myriades
Ses coups martelant tout un peuple excité
      À mourir en pleine liberté :
   Comme l’Auster, quand le chœur des Pléiades

Entr’ouvre la nue, accourt bouleversant
Les flots indomptés, ainsi l’ardent Tibère
      Poursuivait l’ennemi ventre à terre,
   Sur son coursier dans ces chocs frémissant.

Ou tel que l’Aufide, aux rives mugissantes,
Roulé emmi les champs par Daunus consacrés,
      Quand, terrible, il menace les prés
   Et la moisson de ses vagues croissantes,

Tel ce Claudius, sublime de vigueur,
Enfonçait partout les turmes des barbares
      Cuirassés,

et, de sanglantes mares
   Couvrant le sol, sans perte était vainqueur,

Grâce à ton génie, à tes fières cohortes,
À tes dieux puissants. Au jour même où le seuil
      Du palais d’Alexandrie en deuil
   S’ouvrit pour toi, comme toutes les portes,

La Fortune encor, fidèle après quinze ans,
À ton étendard concède la victoire,
      Et, docile à tes souhaits de gloire,
   Fait applaudir tant d’actes imposants.

Désormais Cantabre, autrefois indomptable,
Scythe vagabond, Mède avec Indien,
      Chacun t’aime, ô visible gardien
   De l’Italie et de Rome si stable.

À toi sont soumis le Nil mystérieux,
Le Danube immense et le Tigre célère,
      Puis là-bas, vers le Picte insulaire,
   L’Océan, plein de monstres furieux.

A toi les respects du Gaulois impavide,
De l’Ibère inculte, autre esclave empressé,
      Le Sicambre, au carnage dressé,
   À tes genoux pose son carquois vide.