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Origine des Cyclones/1

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ORIGINE DES CYCLONES

Chacun a pu observer pendant, l’été des tourbillons aériens rendus visibles par la poussière du sol qu’ils soulèvent. Ce sont des cyclones en miniature qui apparaissent fréquemment dans certaines régions. Le docteur Baddeley, cité par Piddington, donne une remarquable description de ceux qui se forment au-dessus des plaines arides de l’Afghanistan ; il en a vu qui restent stationnaires et d’autres qui ont un mouvement de translation. Ceux qui des rives desséchées de l’Orénoque s’élèvent dans certaines saisons jusqu’aux courants supérieurs de l’atmosphère ont été souvent cités d’après les Tableaux de la nature de Humboldt. Dans les Açores, on prend en quelque sorte sur le fait la naissance des tourbillons plus intenses appelés tornados, que les navires rencontrent assez fréquemment sur la côte africaine. L’action calorifique produite par le soleil sur ces îles donne lieu à une dilatation qui aspire l’air de tous les côtés. Les afflux nord et sud sont déviés en sens inverse par suite de la différence des vitesses que l’air possède sur les parallèles d’où il provient. Un couple est ainsi constitué et la masse d’air intermédiaire prend un mouvement giratoire en sens inverse de la marche des aiguilles d’une montre, ce qui est conforme à la loi observée dans l’hémisphère nord. M. Keller, auquel on doit cette application, fait remarquer que les tornados qui arrivent tout formés à Fayal et à Terceira prennent naissance à Corvo, île située au vent et écartée du groupe principal des Açores, ce qui permet aux afflux d’air d’y arriver sans trouver d’entrave sur leur route, condition par laquelle la formation du tourbillon est favorisée.

On sait que les moussons sont des alizés déviés de leur direction primitive au moment où ils se prolongent au delà des régions équatoriales afin de rétablir l’équilibre atmosphérique, troublé par le grand échauffement des déserts situés dans des latitudes plus élevées. C’est dans l’Inde que ce phénomène se développe sur la plus grande échelle, et les moussons nord-est et sud-ouest s’y partagent l’année. Le passage d’une mousson à l’autre constitue la période dans laquelle les conflits entre les vents peuvent donner lieu à des mouvements rotatoires de l’atmosphère. Par suite de l’inégalité dans la distribution des terres et des mers sur lesquelles passe la zone d’appel des moussons opposées, une partie de cette zone de maximum thermal peut être retenue dans une certaine position par rapport au déplacement du soleil. Il s’opérera alors une détente brusque dans laquelle la masse d’air retardée se précipitera avec impétuosité vers le point d’appel, et, rencontrant la mousson opposée, fera naître un tourbillon.

Fig. 1.

La figure 1, ci-jointe, indique la disposition des vents, la rotation et la marche des cyclones dans chaque hémisphère. Pendant que le soleil se trouve dans l’hémisphère nord la période de l’apparition des cyclones comprend les mois de juillet à octobre ; elle s’étend de janvier à avril quand il passe dans l’hémisphère sud. Les moussons de la mer de Chine ne sont pas des moussons de cinq mois comme celles dont nous venons de parler.

Maury signale trois systèmes de moussons de trois mois auxquels correspondent les cyclones qu’on nomme typhons dans cette région.

La théorie précédente explique bien le mouvement tournant de l’atmosphère, et, par la naissance de la force centrifuge qui pousse des masses d’air considérables du centre vers la circonférence, cette forte dépression barométrique constatée dans la partie centrale des cyclones. Mais elle est incomplète à l’égard d’un point très-important ; elle ne rend pas compte des causes qui développent et entretiennent le mouvement tournant. Il y a là une dépense toujours très-grande de force vive. Les vagues de la mer sont soulevées et souvent projetées en avant avec une vitesse énorme, « Des pierres du poids de 2 000 à 5 000 kilogrammes, qui forment l’enrochement de la digue de Cherbourg, ont été projetées par les lames de l’extérieur de cette digue par-dessus le parapet, et sont tombées à l’intérieur ; quelques-unes sont restées sur le parapet même ; elles ont, par conséquent été soulevées à une hauteur verticale de 8 mètres environ. En frappant la digue, les lames s’élevaient à une hauteur égale à trois fois la hauteur du fort central, qui a 20 mètres de haut. (Rapport de l’amiral de la Roncière sur l’ouragan du 11 janvier 1866). » Les mâts des navires brisés et d’un autre côté, à terre, les arbres séculaires déracinés et tordus, témoignent aussi de l’intensité de cette puissance mécanique de l’ouragan. Or toutes les résistances l’usent et on se demande comment un travail moteur équivalent peut se développer pendant la propagation de la tempête dans l’atmosphère.

Fig. 2.

M. Peslin, ingénieur des mines, s’occupe de cette question dans un mémoire très-remarquable de l’Atlas météorologique de l’Observatoire de 1867. Outre le violent mouvement tournant, fait-il d’abord observer, il doit y avoir un mouvement vers l’axe du tourbillon et un mouvement parallèle à cet axe. Pour s’alimenter d’air nouveau, le cyclone doit le prendre aux parties de l’atmosphère qui entrent successivement dans son cercle d’action, en vertu de son mouvement de progression. Mais par où se fait l’aspiration ? Ce ne peut être par les parties hautes du tourbillon, car soumis en descendant à des pressions croissantes l’air doit acquérir une température de plus en plus élevée qui, pour la provenance d’une altitude moyenne, serait près de la surface, en excès de plus de 20 degrés sur celle de l’atmosphère ambiante. L’afflux aurait donc lieu par la partie inférieure du tourbillon et serait dirigé, par un mouvement de spirale, vers les couches moyennes, qui se meuvent bien plus rapidement que les couches inférieures, retardées par le frottement et d’autres résistances. Ceci admis, M. Peslin calcule la valeur du travail moteur qui entretient la tempête et la discussion de la formule à laquelle il arrive le conduit aux conclusions suivantes : « Un tourbillon qui se propage dans une atmosphère y trouvera d’autant plus d’aliments pour entretenir sa violence que la loi de décroissance des températures y sera plus rapide. Si la loi de décroissance est plus lente que la loi théorique que nous avons donnée pour l’air saturé, l’atmosphère jouit d’une stabilité absolue, et le tourbillon y est amorti au bout d’un faible parcours. Si la loi de décroissance est plus rapide que la loi théorique donnée pour l’air non saturé, l’atmosphère est dans un état d’équilibre instable, et le moindre tourbillon produit une immense perturbation. Si la loi est intermédiaire, ce qui est le cas ordinaire pour l’atmosphère terrestre, les tourbillons d’une amplitude suffisante trouvent passage et peuvent conserver leur violence ; mais ceux qui ne s’étendent que sur une faible hauteur dans l’atmosphère seront arrêtés ou amortis. Toutes choses égales d’ailleurs, le travail moteur créé par le tourbillon, et qui entretient sa violence, est d’autant plus grand que l’air de l’atmosphère où il se propage est plus près du point de saturation. »

La formation, la persistance et la translation des cyclones dépendent donc non-seulement des conditions relatives aux mouvements mécaniques de l’atmosphère, mais encore de ses conditions thermales et hygrométriques. Cette théorie rend également compte des pluies abondantes qui accompagnent les tempêtes. Ce n’est qu’après que le point de saturation est dépassé que le travail correspondant au mouvement ascensionnel devient moteur. La quantité de pluie versée est la différence entre la proportion de vapeur d’eau contenue dans l’air au moment où il est aspiré par la tempête, et celle qu’il conserve au moment où il est rejeté dans les régions supérieures de l’atmosphère tranquille. La hauteur à laquelle s’étend la tempête étant généralement assez grande, l’air est rejeté dans les hautes régions à une température plus basse de 20 à 30 degrés que celle de l’air pris dans les régions inférieures, et ne peut retenir par suite que le tiers, le quart ou une fraction plus petite de sa vapeur d’eau primitive, ce qui explique les abondantes averses qui surviennent si souvent. Une dilatation considérable de l’air par laquelle la vitesse de l’afflux ascendant est puissamment renforcée, provient aussi du dégagement du calorique latent résultant de ces pluies.

Il y aurait à expliquer encore le mouvement de translation de la tempête à la surface du globe. Beaucoup d’auteurs qui ont traité des cyclones ont évité la difficulté en se contentant de considérer leur transport comme une simple conséquence de la circulation atmosphérique générale. Cette question a besoin d’être mieux étudiée, et il y a lieu de recommander des observations nouvelles, faites avec une grande exactitude, aux navigateurs qui rencontrent des tempêtes tournantes. Il y a là pour un hardi capitaine, possédant un solide bâtiment à vapeur, un sujet d’exploration dans lequel il peut rendre d’importants services à la science et à l’art de la navigation.

De récents travaux du bureau météorologique de Londres sont propres à corroborer les idées que nous venons de résumer sur la formation des cyclones. M. le capitaine Toynbee, chef de la section maritime du Bureau, a entrepris d’étudier successivement les différentes régions de l’Atlantique, à l’aide d’observations tirées des journaux de bord, en suivant la méthode de Maury, judicieusement modifiée dans quelques détails. Il s’est tout d’abord attaché à une région très-importante, le carré no 3 de la division adoptée pour cet océan par M. Marsden. Compris d’une part entre l’équateur et le parallèle de 10° nord, de l’autre, entre les méridiens de 20° et 30°, ce carré est à peu près intermédiaire entre l’Amérique du Sud et l’Afrique ; deux fois par an le maximum thermal le traverse, et on peut suivre mois par mois la marche des alizés, la pression barométrique et les isothermes de la mer et de l’air sur les vingt-cinq carrés qu’il comprend ; l’alizé S.-E. pénètre dans le carré no 5, tandis que, par suite du voisinage de la côte d’Afrique, l’alizé N.-E. assez peu prononcé dans la région, n’a sa pleine influence que dans le coin nord-ouest du carré, et se trouve si bien rejeté vers l’ouest qu’il se fait sentir sur la côte américaine jusqu’à la latitude du 4° sud. Pour arriver à des conclusions relatives au sujet qui nous occupe, nous marquerons sur la figure 2 les aires de haute pression A et B qui, d’après la carte des isobares moyennes construites par M. Buchau, secrétaire de la société météorologique d’Écosse, se trouvent sur les côtés polaires de la zone des vents alizés et les alimentent. La plus forte pression se produit dans le carré au mois de juillet, avec la prévalence des alizés S.-E. Le minimum de pression se trouve alors au nord, au-dessus des eaux les plus chaudes, et M. Toynbee fait remarquer que c’est dans cette situation que les circonstances sont les plus propres à la naissance des tempêtes tournantes. En effet les vents M et N se rencontrent perpendiculairement de manière à former des tourbillons, et les grandes quantités de calorique et d’humidité qui se trouvent dans la zone intermédiaire favorisent leur développement en cyclones. On constate que c’est bien à partir du mois du juillet que ceux des Indes occidentales commencent à paraître, et nous venons de pénétrer dans le principal laboratoire où ils prennent naissance.

F. Zurcher.

La suite prochainement. —