Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Bec-Croisé d’Amérique

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Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 241-242).

LE BEC CROISÉ D’AMÉRIQUE.[1]
(Americean Cross Bill.)


Au premier coup d’œil, on serait tenté de s’écrier en voyant le singulier instrument que la nature a donné à cet oiseau, en guise de bec, « Quelle monstruosité ! » ; néanmoins ce n’est qu’un exemple de plus, pour démontrer que la providence sait adapter les moyens à la fin qu’elle se propose. Au Bec Croisé, destiné à se nourrir de bourgeons de pins et de graines fort dures, il fallait un moyen tout particulier d’effectuer cet objet : des mandibules d’une force peu commune.

Le Bec Croisé voyage en bande dans toute l’étendue du Canada dans la migration d’automne qu’il entreprend, quand il quitte les latitudes de la Baie d’Hudson, pour hiverner dans les régions tempérées des États-Unis. Ces oiseaux font entendre un chant distinct, sonore et assez agréable lorsqu’ils se posent sur les pins et autres arbres ; ce ramage se change en un gazouillement rapide quand ils prennent leur vol. À l’état domestique, ils ont plusieurs des allures des perroquets ; grimpent le long des barreaux de la cage, et saisissent les bourgeons avec leurs pieds, pour en extraire les graines. Il ne faut pas les confondre avec les Gros becs des pins, avec lesquels, malgré ce que certains auteurs ont écrit, ils ont peu d’analogie. Les Becs Croisés sont sujets à plusieurs variations dans leur plumage ; les jeunes mâles, la première année, sont d’un jaune olive, mélangé de cendré, auquel succède un vert vif jaunâtre, mêlé de teintes d’olive foncé ; tout ce plumage, la seconde année, fait place à un rouge clair ; les franges de leur queue tirent sur le jaune. En captivité, à l’instar de l’Oiseau Rouge et du Gros bec des pins, ils échangent leur belle livrée rouge pour un manteau d’un brun-jaune clair ; on a vu le Bec Croisé dans les plantations, jusque sur les limites des villes.

Le mâle a le bec d’une couleur de corne brune, aigu et terminé en angle à son extrémité, où les mandibules se croisent ; la couleur générale du plumage est rouge couleur de plomb, plus éclatant sur le croupion et mélangé de teintes olivâtres sur les autres parties du corps ; les ailes brun-noir ; la queue de même, saupoudrée et frangée de jaune ; les pieds et les jambes jaunes ; les griffes fortes, très recourbées et très aiguës ; le dessus du croupion blanc strié de cendré ; la base du bec recouverte d’un duvet lissé d’une couleur brun pâle ; l’œil couleur de noisette.

Longueur totale, 7. Envergure, 10.

La femelle est moindre que le mâle en volume ; le bec d’une couleur de corne plus pâle ; le croupion, les couvertures caudales et les côtés de la queue, d’un jaune d’or ; les ailes et la queue d’un brun-noir sale ; le reste du plumage, d’un jaune olive mélangé de cendré ; les pieds et les jambes comme celles du mâle. Les jeunes, le premier été, comme dans la plupart des espèces, ressemblent à la femelle ; les mâles qui muent échangent le roux pour du brun jaunâtre.


  1. No. 318. — Curvirostra Americana. — Baird.
    Loxia Americana.Audubon.