Pour cause de fin de bail/Légère Modification à apporter dans le cours de la Seine

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LÉGÈRE MODIFICATION À APPORTER DANS LE COURS DE LA SEINE

L’hygiène de notre capitale au cours des hautes températures, provoquées par l’été, est, au dire des meilleurs connaisseurs, déplorable en tous points, déplorable, déplorable…

Un des facteurs les plus importants de cet affligeant état de choses consiste en la traversée de Paris par la Seine (la malseine, comme dit notre vaillant maître Aurélien Scholl).

Contaminée par les égouts, dès son entrée dans Paris, la rivière charrie les miasmes les plus putrides, les brouillards les plus pernicieux avec, brochant sur le tout, un petit fumet de bouillon de culture peu piqué des hannetons.

Il y a longtemps que j’ai proposé la suppression radicale de cet inconvénient, et combien simple !

1o Établir à Charenton un barrage qui prohibe à la Seine son entrée dans Paris ;

2o Diviser le fleuve en deux courants qu’on canalisera dans les fossés des fortifications (élargis au besoin) ;

3o Réunir au Point-du-Jour ces deux courants qui, à partir de ce moment, reprendront en commun leur ancien cours.

Les avantages que présenterait la réalisation de ce projet sont innombrables et, peut-être même, incalculables.

D’abord, assainissement de Paris.

Ensuite, importance énorme et plus-value données à toute cette zone inutile, ridicule et périphérique qui enserre les fortifs.

Et puis (c’est là le clou charmant de l’entreprise), quel parc miraculeux, unique au monde, ce serait pour Paris que celui qu’on pourrait ainsi créer dans le lit abandonné de la Seine, depuis Charenton jusqu’à Auteuil !

Sans compter qu’en cas de siège, ce parc servirait à la culture de mille céréales et autres légumes nutritifs, ainsi qu’à la pâture de toutes sortes de bestiaux alimentaires.

Je vous entends d’ici, les gros malins, ricaner et me foudroyer de votre objection :

— Et les égouts ? Les ferez-vous couler dans votre magnifique parc, cher monsieur Allais ? Eh bien, alors, il sera chouette, votre magnifique parc, et parfumé !

Calmez-vous, bonnes gens, calmez-vous.

Rien de ce qui est humain ne saurait me demeurer étranger, même la question des égouts.

Loin d’être une nuisance, les égouts de Paris, dans mon nouveau projet, joueront un rôle décoratif, d’agrément et de charme.

Connaissez-vous ces filtres au charbon qui transforment le barbotage le plus nauséeux en onde cristalline ?

Voilà ce que j’utiliserai (en plus grand, naturellement).

Je filtrerai les égouts et j’amènerai l’eau claire ainsi obtenue dans de gracieux ruisselets au doux murmure, émaillés de coquettes rocailles.

Si ces messieurs des ponts et chaussées veulent se mettre, dès lundi prochain, à l’ouvrage, le travail pourra se trouver terminé au jour de l’ouverture de l’Exposition, en 1900.

Oui, mais voilà, la routine, les bureaux !…