Pragmatique sanction et loy perpétuelle

La bibliothèque libre.
La Bulle d’Orchez André Chevalier & Marchand Librairie (p. 63-71).

PRAGMATIQUE
SANCTION
ET LOY PERPETUELLE.


Charles par la grâce de Dieu, Empereur des Romains, toujours, Auguſte, & Roi d’Allemagne, de Caſtille, de Leon, d’Arragon, des deux Siciles, de Jeruſalem, de Hongrie, de Boheme, de Dalmatie, de Croatie, d’Eſclavonie, de Navarre, de Grenade, de Tolede, de Valence, de Galice, de Majorque, de Seville, de Sardaigne, de Cordouë, de Corsique, de Murcie, de Jaën, des Algarbes, d’Algecire, de Gibraltar, des Iſles de Canaries, & des Indes Orientales & Occidentales, des Iſles & Terre ferme de la Mer Oceane ; Archiduc d’Autriche ; Duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg, de Gueldres, de Milan, de Stirie, de Carinthie, de Carniole, de Wirtemberg, de la Haute & Baſſe Sileſie, d’Athenes & de Neopatrie ; Prince de Souabe ; Marquis du St. Empire, de Bourgau, de Moravie, de la Haute & Baſſe Luſace, Comte d’Habſbourg, de Flandres, d’Artois, de Tyrol, de Barcelone, de Ferrere, de Kybourg, de Gorice, de Rouſſillon & de Cerdagne ; Landgrave d’Alſace ; Marquis d’Oriſtan & Comte de Goceano ; Seigneur de la Marche, d’Eſclavonie, du Port-Naon, de Biſcaye, de Moline ; de Salins, de Tripoli, & de Malines, &c. Sçavoir faisons à tous & à chacun qu’il appartiendra, que les Empereurs des Romains, Rois & Archiducs d’Autriche, nos Ancêtres, ſe ſont donnés, par un effet de tendreſſe paternelle & par une prévoyance pleine de ſageſſe, beaucoup de ſoins, pour établir dans nôtre Auguſte Maiſon une regle & forme de Succeſſion, pour y être à perpetuité immuablement ſuivie & obſervée par toute leur Poſterité de l’un & de l’autre ſexe, dans tous les évenemens, que la Providence divine pourroit faire naître dans la ſuite des tems. Que l’ordre pour cette Succeſſion dans toute l’étenduë de nos vaſtes Etats, Royaumes, Seigneuries & Provinces, tant en géneral qu’en particulier & en toutes inſéparablement, a été introduit & fixé, pour en empêcher les démembremens & la diviſion entre les Héritiers de nôtre Auguſte Maiſon. Qu’entre autres l’Empereur Ferdinand II. nôtre très-honoré Biſayeul, de glorieuſe mémoire, par ſon Teſtament du 10. Mai 1621., confirme par ſes Codiciles du 8. Août 1635. a reglé l’ordre de la Succeſſion entre les Archiducs ſes fils & leurs Deſcendans mâles, par forme de Fidei-Commis perpétuel, apellé communément Majorat, en ordonnant que les filles renonçaſſent à l’hérédité & ſe contentaſſent de leur dot, ſauf toutefois leur droit de retour ; que le même ordre a été ſuivi par feu l’Empereur Léopold nôtre trés-honoré Seigneur & Pere, de glorieuſe mémoire, lequel, comme Chef de nôtre Auguſte Maiſon & ſeul en droit de diſpoſer de ſes Royames & Provinces héréditaires, a établi le même Majorat par le partage qu’il a fait le 12. Septembre 1703. entre nôtre très-cher & très-aimé frere l’Empereur Joſeph, d’heureuſe mémoire, alors Roi des Romains, & Nous, de tous ſes Royaumes & Etats ſitués tant en ces Pays, que dans la Monarchie d’Eſpagne & dans les dépendances d’icelle, & converti ledit ordre de Succceſſon en un vrai Droit de Primogeniture perpétuel en faveur des mâles, & pour plus de sûreté il ajouta à ce Traité de très-ſolemnels Pactes de Succeſſion, ou de Famille, qui furent acceptés & confirmés par ſerment des Parties contractantes de part & d’autre, & dans leſquels, après que l’on eut réglé & clairement expliqué l’ordre qui ſe devoit obſerver entre ledit Empereur Joſeph nôtre frère & Nous, & nos Deſcendans, ou celui des deux qui ſurvivroit à l’autre & ſa Poſterité, dans la manière de ſe ſuccéder les uns aux autres, tant en noſdits Royaumes & Provinces de par-deçà, que dans la Monarchie d’Eſpagne & les Pays qui la compoſent, a été auſſi principalement convenu & diſpoſé, que les Hoirs mâles, tant qu’il y en aura, excluront les femelles à perpétuité, & qu’entre les mâles, l’aîné exclura auſſi tous ſes autres frères puinés de toute l’hérédité ; de ſorte que la Succeſſion à tous ces Royaumes & Etats, en quelque part qu’ils ſoient, demeurera toute entiére & en indiviſe attachée inſéparablement à l’aîné des mâles, ſelon l’ordre de la Primogeniture, dans leſquels ſuſdits Pactes & Convention de Succeſſon a été auſſi diſpoſé & réglé la manière, dont les Archiducheſſes ſe doivent ſuccéder au défaut des mâles, ſi le cas y échoit jamais, ce qu’a Dieu ne plaiſe. Après la mort de l’Empereur Joſeph, nôtre très-cher & très-aimé frère, étant auſſi devenu l’unique Succeſſeur & Héritier, tant de nôtre propre Chef que par le droit du ſang, & en vertu des diſpoſitions faites par nos Auguſtes Ancêtres, de tous les Royaumes & Etats héréditaires de pardeçà ; & Nous, Nous en trouvant aujourd’hui le ſeul Maître abſolu, avons, par nôtre déclaration & diſpoſition publiée le 19. Avril 1713., en préſence d’un grand nombre de nos Conſeillers d’Etat intimes, Gouverneurs, ou Préſidens de nos Provinces & de nos autres Miniſtres, renouvelle non ſeulement le Droit de Primogeniture, déjà ſi fortement établi & enraciné dans nôtre Auguſte Maifon ; mais Nous l’avons de plus, en vertu de nôtre pleine puiſſance & ſelon l’exigence de l’état de nos affaires, érigé en forme de Pragmatique-Sanction & d’Edit perpétuel & irrévocable, expliquant nommément ce Droit de Primogeniture & de Succeſſion plus clairement établi par feu l’Empereur Leopold entre les Princes mâles de nôtre Auguſte Maifon, & au défaut d’iceux étendu en ſa manière aux Archiducheſſes : Nous avons déclaré en des termes intelligibles & exprès, qu’au défaut des mâles la Succeſſion échoira en premier lieu aux Archiducheſſes nos filles, en fecond lieu aux Archiducheſſes nos nièces, filles de nôtre frère, & en troiſiéme lieu aux Archiducheſſes nos ſœurs, & enfin à tous leurs Héritiers deſcendans de l’un & de l’autre ſexes voulant qu’en tous ces cas elles gardent entr’elles l’ordre de Succeſſion lineale, tel qu’il eſt marqué dans nôtre ſuſdit Règlement, lequel ſe trouve entiérement conforme à celui qui a été établi pour les mâles, ſelon le rang de la Primogeniture & Succeſſion lineale. En conſequence, & en exécution de cette Sanction, la Séreniſſime Archiducheſſe Marie-Joſephe, née Princeſſe Royale de Hongrie, de Boheme & des deux Siciles, à préſent Epouſe du Séreniſſime Prince Royal de Pologne & Electoral de Saxe, a non-ſeulement avant ſes Noces, déclaré d’adhérer & d’accepter les Pactes de famille, le droit de Primogeniture déjà établi dans nôtre Auguſte Maiſon, & le ſuſdit ordre preſcrit pour la Succeſſion lineale, confirmant ſon acceptation par ſon acte de renonciation formelle, & par ſon ſerment ; mais Elle l’a auſſi ratifié par ſemblable ſerment qu’Elle a réitéré après ſon Mariage, & avec Elle le Séreniſſime Roi de Pologne, Grand Duc de Lithuanie, Electeur de Saxe ſon Beau-Père, comme auſſi le Séréniſſime Prince Royal & Electoral ſon Mari ont reconnu & ſe ſont obligés par ſerment ſolemnel en termes formels, d’obſerver ledit droit de Primogeniture & le ſuſdit ordre de Succeſſion. C’eſt auſſi en conformité deſdites Diſpoſitions que, dans le même-tems par une déclaration & ſtipulation également ſolemnelles, il a été reſervé à cette Séreniſſime Archiducheſſe & à ſes Deſcendans de l’un & de l’autre ſexe leur droit de ſuccéder aux Royaumes de ſes Ayeux, & aux Provinces Autrichiennes, ſelon l’ordre de la naiſſance & la regle établie, arrivant le défaut des Archiducs, ce qu’a Dieu ne plaiſe jamais. La même choſe a été obſrvée enſuite avec la Séreniſſime Archiducheſſe Marie-Amélie, née Princeſſe Royale de Hongrie, de Boheme, & des deux Siciles, Epouſe du Séreniſſime Prince Electoral de Bavière, laquelle a pareillement, avant ſes Noces, déclaré d’adhérer & d’accepter les Pactes de Famille, le droit de Primogeniture déjà établi dans notre Auguſte Maifon, & le ſuſdit ordre preſcrit pour la Succeſſion lineale, confirmant ſon acceptation par ſon acte de renonciation formelle & par ſon ſerment, l’ayant de même ratifié par ſemblable ſerment, qu’ElIe a réitéré après ſon Mariage, & avec Elle le Séreniſſime Electeur de Bavière, ſon Beau-Pere, comme auſſi le Séreniſſime Prince Electoral ſon Mari ont reconnu & ſe ſont obligés par ſerment ſolemnel en termes formels, d’obſerver ledit droit de Primogeniture & le ſuſdit ordre de Succeſſion ; en conſéquence des prédites diſpoſitions, par une déclaration & ſtipulation pareillement ſolemnelles, il a été dans le méme tems reſervé à cette Séreniſſime Archiducheſſe, & à ſes Deſcendans de l’un & de l’autre ſexe, leur droit de ſuccéder aux Royaumes de ſes Ayeux, & aux Provinces Autrichiennes, ſelon l’ordre de ſa naiſſance & la règle établie, arrivant le défaut d’Archiducs, ce qu’à Dieu ne plaiſe. Et conſidérant qu’il eſt très-important pour la sûreté, repos & tranquillité de nos Provinces héreditaires, que Nous poſſedons dans les Pays-Bas, que ledit ordre & règle de Succeſſion indiviſible de tous nos Royaumes & Provinces héréditaires ſituées tant au-dedans qu’au dehors de l’Allemagne, & ledit droit de Primogeniture établi dans nôtre Auguſte Maiſon ſoient reçus, introduits, établis & promulgués dans noſdites Provinces des Pays-Bas, pour Pragmatique-Sanction & Loi perpétuelle & irrévocable, & que pour l’introduction de cette nouvelle Loi ſoit dérogé à celle touchant la Succeſſion du Prince deſdites Provinces, établie dans nos Pays-Bas par l’Empereur Charles-Quint, d’éternelle mémoire, nôtre Prédeceſſeur, par ſa Pragmatique Sanction du 4. de Novembre 1549., reçue par chacun de leurs Etats dans leurs aſſemblées, & juſqu’a préſent y reſtée en vigueur, é à toutes coutumes de noſdites Provinces, pour autant ſeulement que leſdites Sanction & coutumes ne ſeroient pas conformes aux ſuſdits ordre & règle de Succeſſion, leſquelles en tous autres cas ſeront entretenues & obſervées comme du paſſé. Nous avons fait communiquer & propoſer ce que deſſus aux Etats reſpectifs de nos Provinces deſdits Pays-Bas, afin qu’ils vouluſſent ſe conformer à cette Pragmatique Sanction, Edit perpétuel & Reglement de Succeſſion indiviſible ; & tous les Etats ayant ſur ce mûrement délibéré dans leurs reſpectives Aſſemblées, & ſpécialement réflechi au bien & à l’avantage qui en reviendront à nos bons & fidèles Sujets, ils s’y ſont unanimement & volontairement conformés, & ont, en tout reſpect & ſoumiſſion, & avec une extrême reconnoiſſance, accepté la ſuſdite Pragmatique Sanction, Loi perpétuelle, Reglement de Succeſſion & union indiviſible de tous nos Etats, tant au-dehors qu’au-dedans de l’Allemagne, en Loi perpétuelle & irrévocable pour autant qu’elle regarde le règlement de Succepspsion à la Seigneurie & Souveraineté de chacune deſdites Provinces, & l’union indiviſible de tous nos Pays & Etats héréditaires, conſentant de plus à la dérogation de la Pragmatique-Sanction établie au mois de Novembre 1549., par feu l’Empereur Charles V. de glorieuſe mémoire, en tant qu’elle n’eſt pas conforme à nôtre ſuſdite Pragmatique Sanction, concernant la Succeſſion à la Souveraineté deſdits Pays-Bas, & Nous ont ſuplié trés-inſtanment de faire publier nôtredite Pragmatique-Sanction & Edit perpétuel, afin qu’il ſoit par tous nos Royaumes, Provinces & Etats héréditaires à toujours obſervé en Loi irrévocable & inaltérable, ainſi qu’il en conſte par les Actes de chaque deſdites Provinces, qu’ils Nous ont produits & délivrés. Nous, à grande & mûre délibération, à l’avis de nôtre Conſeil d’Etat établi dans nos Pays-Bas, de nôtre Plénipotentiaire au Gouvernement d’iceux, de nôtre Lieutenant, Gouverneur & Capitaine Général de noſdits Pays, & oüi ſur le tout nôtre Conſeil ſupréme établi lez nôtre Perſonne Royale, pour les affaires des mêmes Pays, avons, conformément à l’acceptation en faite par leſdits Etats des Provinces de nos Pays-Bas, & à leur réquiſition, de nôtre certaine ſcience, autorité & puiſſance abſoluë, qui Nous compete, ou peut competer comme Souverain Prince & Seigneur deſdits Pays, ordonne, ſtatué & décreté, ordonnons, ſtatuons & décretons par ces préſentes la ſuſdite Pragmatique Sanction, reglement de Succeſſion & union indiviſible de tous nos Etats, tant au de-hors qu’au-dedans de l’Allemagne, en Loi perpétuelle & irrévocable dans noſdits Pays-Bas ; & qu’en conséquence d’icelles la Succeſſion de toûtes nos Provinces héréditaires de noſdits Pays, en une maſſe & indiviſiblement, échoira dorénavant, ſelon ledit droit de Primogeniture & ordre de Succeſſion lineale, & reſtera à nos Deſcendans mâles, tant qu’il y en aura aucun, & au défunt de ceux-ci, que Dieu ne veüille, aux Archiducheſſes nos filles, toujours ſuivant l’ordre & droit de Primogeniture, ſans le pouvoir jamais partager, & qu’au défaut de tout héritier légitime de l’un ou l’autre ſexe, deſcendans de Nous, le droit d’Héritier de toutes noſdites Provinces échoira aux Princeſſes filles de nôtre frère l’Empereur Joſeph, de glorieuſe mémoire, & à leurs Deſcendans de l’un & de l’autre ſexe, ſelon ledit droit de Primogeniture, & qu’arrivant l’extinxtion de ces deux lignes, ce droit héréditaire ſera entiérement reſervé aux Princeſſes nos ſœurs & leurs Deſcendans légitimes de l’un & de l’autre ſexe, & ſucceſſivement à toutes les autres lignes de l’Auguſte Maiſon, à chacune ſelon le droit de Primogeniture & ſuivant le rang qui en réſultera, & ce nonobſtant le Reglement & ancienne Loi, touchant la Succeſſion de Prince deſdits Pays-Bas, établie dans leſdits Pays par la Pragmatique Sanction de l’Empereur Charles V. du quatriéme Novembre quinze cens quarante-neuf, & toutes coutumes d’aucunes de noſdites Provinces, auſquelles, pour les cauſes & conſidérations ſuſdites, avons, de nôtredite autorité & pleine puiſſance, dérogé & dérogeons, en ce que la ſuſdite Sanction & coutumes ne ſeroient conformes à nôtre préſente diſpoſition, voulanr qu’en tous autres cas elles demeurent en leur force & vigueur, & ſoient entretenues & obſervées.

Si donnons en mandement, &c. Donné en notre Ville & réſidence Impériale de Vienne en Autriche le ſixiéme jour du mois de Décembre, l’an de grâce mille ſept cens ving-quatre, & de nos Règnes, de l’Empire Romain le treiziéme, d’Eſpagne le ving-deuxième, & de Hongrie & de Bohême auſſi le treiziéme. Etiit paraphé, Princ. de Cardna Pr. vt. Signé, CHARLES.

Plus bas étoit écrit, Par Ordonnance de Sa Majeſté, contreſigné, A. F. de Kurz, & ſcellé du grand Seel de Sa Majeſté en cire vermeille y pendant à double cordon de ſoye rouge, noire, blanche & jaune en une boite.


FIN.