Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/12

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DESCRIPTION
DE TOMBEAUX.
Planches 45, 46, 47, 48.


CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

Planche 45.

TOMBEAU DU MARÉCHAL NEY.

Dans l’origine, ce tombeau était situé près du mur de clôture, entre le quinconce et la superbe allée de charmilles que l’on a détruite. Avant l’exhumation de ce maréchal et de son beau-père, M. Auguier, administrateur général des postes, les tombeaux de l’un et de l’autre étaient semblables. Ils avaient la forme d’un piédestal carré, en pierre et à oreillons, et de belles proportions. Le tombeau du maréchal était, chaque jour, orné de plusieurs couronnes. La terre, enfermée dans une balustrade, était incessamment jonchée de fleurs et ombragée de lugubres cyprès.

Sur le tombeau de M. Auguier, on lisait cette inscription, qui donne une juste idée du caractère de cet administrateur :

À la mémoire
de
M. PIERRE-CÉSAR AUGUIER,
Administrateur général des postes,
Né à Figeac,
Le 25 décembre 1738,
Et décédé à Paris, le 11 septembre 1815.
Paix éternelle à l’homme juste
Qui a évité le mal
Et fait le bien,
Autant qu’il a été en son pouvoir.
Ce modeste monument
Lui a été élevé par ses enfans.


Après avoir été exhumées, les dépouilles du maréchal et de MM. Auguier et Gamot ont été inhumées dans le caveau de famille qui est érigé sur le plateau où s’élève le monument du maréchal Masséna, et sur la ligne où celui-ci repose, ainsi que le maréchal Lefèvre et d’autres braves de l’armée. Ce caveau n’a rien de remarquable. Un tapis de gazon couvre la superficie du terrain. Il y avait naguères un laurier à chaque angle et des fleurs au pourtour. L’ouverture, qui se trouve à fleur du terrain, est fermée par une pierre à chassi, entourée d’une balustrade en fer, d’environ cinq pieds de haut.

Le maréchal Ney, duc d’Elchingen, prince de la Moscowa, naquit à Sarrelouis, le 10 janvier 1769. Du rang de simple soldat, il parvint, de grade en grade, par son intelligence et sa bravoure, jusqu’à la première dignité de l’armée. Il serait trop long d’énumérer tous les combats où il se distingua, soit comme subordonné, soit comme général. Il était déjà célèbre, lorsqu’en 1800, à l’armée de Moreau, il prit une part glorieuse aux victoires de Moëskirch et de Hohenlinden. Elchingen, Inspruck, Iéna, Magdebourg, Thorn, Friedland ; les bords de l’Ebre, du Tage, de la Moscowa, de la Bérésina, et les plaines de Lutzen et Bautzen furent successivement le théâtre de sa valeur et de sa gloire… Mort le 7 décembre 1815 !… Si l’on arrache une ou deux des dernières pages de sa vie, tout le reste immortalise sa mémoire.


CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 46.

TOMBEAU DE MONSIEUR, DE MADAME ET DE
MADEMOISELLE LARMOYER.

Ce monument se voit à gauche, en entrant, et près de la grande porte du cimetière. Il est construit en pierre de liais, en forme de sarcophage, avec fronton et oreillons. L’épitaphe de M. Larmoyer est gravée sur un marbre blanc, incrusté dans le fronton de la principale face. Sous la corniche qui supporte le fronton, est une autre table de marbre blanc de quatre pieds et demi de long, sur sept pouces de large, incrusté à fleur de la pierre. On y a gravé une inscription latine, au dessous de laquelle, et dans toute la longueur du monument, on admire un superbe bas-relief, dont la composition se rapporte parfaitement au sujet. Il représente madame Larmoyer éplorée, le coude du bras gauche appuyé sur le chevet du lit de mort de son époux, et entourée de ses quatre enfans, trois garçons et une fille, hélas ! fort jeunes encore, dont l’attitude exprime bien la profonde affliction. Au pied du lit, le génie de l’hymen, tient, de la main droite, une couronne de roses, et de l’autre, le flambeau de la vie renversé.

Traduction de l’inscription latine qui se trouve au-dessus du bas-relief :

Ainsi la mort ravit, à l’improviste,
L’époux à l’épouse,
Le père à ses enfans,
Et, du lit nuptial,
L’entraîne vers la tombe.

Sur la face opposée au monument, on lit l’inscription suivante, gravée sur un marbre noir, granit de Flandre, formant table renfoncée :

La parque inflexible et jalouse,
Sourde à tous nos gémissemens,

Ravit l’époux à son épouse,
Ravit le père à ses enfans.
Malgré l’amour qui le protège,
L’irrévocable arrêt du sort
L’entraîne, avec un noir cortège,
Du lit d’hymen au lit de mort.

Au pied de la face principale de ce monument, on a placé la tombe de madame Larmoyer, sur laquelle on lit cette inscription, en langue latine :

Epitaphium
Franciscæ Melaniæ
Hésèque, orbæ
Joannis Andreæ Antonii
Larmoyer,
Mortuæ die trigesimo
Altero mensis augusti,
Anno millesimo
Octingentesimo sexto.

xxxi août mdcccvi.

Dira virum et filiam sponsæ mors abstulit orbæ ;
Nunc filiæ mater, sponsa reducta viro.

Traduction de cette épitaphe :

épitaphe
De Françoise-Mélanie HÉSÈQUE,
Veuve
De Jean-André-Antoine LARMOYER,
Décédée le 31 du mois d’août 1806.
La cruelle mort
A ravi un époux à son épouse,
Une fille à sa mère.
Aujourd’hui
La mère est réunie à sa fille,
Et l’épouse à son époux.

Sur la tombe qui se voit au pied de la face opposée, on lit cette épitaphe :


ÉPITAPHE
de
Mélanie-Joséphine LARMOYER,
Décédée le 25 mai 1806.

Je n’ai vécu qu’un jour : je naquis le matin ;
Sur le midi, j’étais à peine éclose ;
Un déclin trop hâtif vint finir mon destin,
Et j’ai tombé, le soir, comme une rose.

Heu ! prœceps fatum subitò mea fata resolvit,
Mi fuit una dies miserœ ; mihi sol fuit unus !
Nascens nascentem medius vix vidit apertam,
Vergentem vergens ; rosa vespere fracta recessi.

Sur ces deux tombes, on a gravé en tête, pour ornement, une étoile, et, de chaque côté des inscriptions, une torche funéraire renversée ; au pied, un lacrymatoire. Ce monument est ombragé par des peupliers, et entouré d’une balustrade

en fer.

CIMETIÈRE DE VAUGIRARD.

Planche 47.

TOMBEAU DE LA HARPE.

Ce monument se voit à droite, en entrant par la porte du Petit-Vaugirard. Il se compose d’une dalle en pierre de liais, de cinq pieds de haut sur deux pieds et demi de large ; il est adossé au mur de clôture de la ruelle. Il a été élevé par les soins de M. Boulard, ancien notaire, législateur et homme de lettres, ami intime de La Harpe.

Les lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré de leur avoir mis sous les yeux quelques traits du testament de ce célèbre critique, tel que le rapporte M. Boulard, dans une lettre adressée au rédacteur du Moniteur, en mai 1814.

« Je lègue deux cents francs aux pauvres de ma paroisse. Ce que je laisserai étant peu de chose, il ne m’est pas possible de faire davantage pour cette classe qui est si à plaindre. J’engage chaque Français à se rappeler que la religion lui fait un devoir sacré de soulager les indigens, et de contribuer, autant qu’il lui est possible, à adoucir le sort des infortunés… Je supplie la divine Providence d’exhausser les vœux que je forme pour le bonheur de mon pays. »

« Depuis Voltaire, dit M. Boulard, dans la lettre précitée, La Harpe a été l’écrivain qui a eu une plus grande variété de talens, et qui s’est exercé avec plus de succès, dans un grand nombre de genres.

» Son Cours de Littérature sera un monument éternel de l’étendue de ses connaissances, de la pureté de son goût, ainsi que de son courage, qui n’a pu être affaibli, ni par les infirmités, ni par la vieillesse. »


CIMETIÈRE SAINTE-CATHERINE,
FAUBOURG SAINT-MARCEL.

Planche 48.

TOMBEAU DU FILS BIEN-AIMÉ.

On voit ce monument, en entrant, à droite. Il est adossé au mur de clôture, à quelque pas de la chapelle. Son ensemble se compose d’une dalle de pierre, de six pouces d’épaisseur, et forme une estrade, sur laquelle est posée une urne d’une bonne proportion. Cette urne a, pour ornement, une couronne de feuilles de lierre naturel, symbole du plus tendre attachement. Le tombeau est dans l’ombre épaisse de gros thuyas de la Chine ;

ce qui, avec l’inscription, présente un sens mystérieux.