Revue musicale, 1863/06

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facilement. La scène a été un peu resserrée dans les bas côtés. M. Bagier, qui a bien voulu accepter le privilège du Théâtre-Italien sans la subvention de 100,000 francs qu’on avait accordée à ses prédécesseurs depuis la direction de Ronconi, a cru devoir prendre une mesure qui ne me semble pas des plus heureuses. On veut donner cinq représentations par semaine sans diminuer les prix élevés qu’on a mis aux places les plus modestes; je doute fort que cette innovation produise les résultats qu’en attend la direction.

Quoi qu’il en soit de ces changemens, disons seulement quelques mots aujourd’hui des nouveaux chanteurs qui composent la troupe formée par M. Bagier. Mme Anna de Lagrange, qui a débuté dans la Traviata, est une Française, et, je crois même, une Parisienne. Elle se fit entendre, il y a une quinzaine d’années, au théâtre de la Renaissance, où l’on donnait une représentation extraordinaire au profit des Polonais, si je ne me trompe. Mlle de Lagrange n’était alors qu’une cantatrice dilettante que le monde recherchait beaucoup pour sa belle voix et les grâces de sa personne. Depuis ces premiers essais, Mme Anna de Lagrange a beaucoup voyagé : elle a chanté dans les principales villes de l’Europe; elle a été en Russie, en Amérique, et elle vient de Madrid, où elle est restée plusieurs années. Sa voix, vigoureuse dans son ensemble, porte cependant déjà les traces du temps et de la fatigue. C’est une belle personne, grande, élancée, fortement constituée, et dont le visage exprime plutôt l’énergie que la sensibilité et le sentiment. Sa voix a le timbre d’un mezzo-soprano, bien que la cantatrice ne craigne pas de pousser son audace jusqu’à l’extrême limite du registre supérieur. Il résulte de ces efforts des effets désagréables, des sons faux et aigus, qui blessent l’oreille au lieu de la charmer. Pourquoi Mme de Lagrange ne reste-t-elle pas plus souvent dans le vrai domaine de sa voix sonore, qui s’étend du fa au la supérieur avec facilité? Ce qu’elle ajoute ensuite à ce beau registre, ces notes suraiguës dont elle se joue avec une si lourde coquetterie, sont d’un goût détestable. C’est en effet le goût qui manque au beau talent de Mme de Lagrange : elle ajoute à la musique qu’elle doit interpréter fidèlement des ornemens ridicules qui ne sont tolérables que dans la bouche de ce petit démon de Mlle Patti, qui va venir bientôt ensorceler de nouveau les Parisiens.

Avec Mlle de Lagrange, il s’est produit dans la Traviata un jeune ténor, M. Nicolini, qui n’est pas plus Italien que la cantatrice. Son nom véritable est Nicolas, et c’est sous ce nom qu’il a débuté, il y a quelques années, au théâtre de l’Opéra-Comique. M. Nicolini a une très jolie voix, un peu courte, mais timbrée et facile. Il chante sans efforts, avec sentiment et une modération de style que le public a su apprécier. C’est dans le Rigoletto de M. Verdi surtout que M. Nicolini a été fort agréable dans le rôle du duc, que M. Mario a rendu si difficile. Suffisant dans tous les morceaux qui lui sont dévolus,, M. Nicolini a particulièrement chanté avec grâce la douce cantilène du quatrième acte, — La donna è mobile; — il a aussi très bien rempli sa partie dans le beau quatuor qui vient après et qui est l’une des pages les mieux écrites de M. Verdi. C’est dans le rôle de Gilda de Rigoletto que Mme de Lagrange a été le mieux appréciée. Elle a chanté avec une grande énergie le duo du second acte avec le père, et surtout celui du troisième, dont la péroraison est si entraînante. Mme de Lagrange a été encore plus remarquable dans la belle scène du quatuor, où elle a eu de beaux élans. M. Delle Sedie chante et joue le rôle de Rigoletto en véritable artiste, et sa méthode de chanteur est celle que pratique le ténor Fraschini, qui a débuté, il y a quelques jours, dans la Lucia de Donizetti M. Fraschini, qui n’est plus jeune, chante depuis vingt-cinq ans. Il a brillé, comme on dit, sur tous les théâtres de l’Italie, il a été à Londres, à Vienne, à Madrid, à Barcelone, et je ne serais pas étonné qu’il eût été aussi en Amérique. On dit que M. Fraschini a toujours redouté l’opinion de Paris, et que le soir de son début dans la Lucia il avait préparé ses malles pour nous quitter après la représentation, s’il échouait dans sa tentative. M. Fraschini doit être rassuré maintenant, car, dès les premières notes du récitatif qu’il a dites, des murmures approbateurs l’ont accueilli. Il a été admirable ensuite dans le finale du premier acte, alors qu’il pousse ce cri sublime : — Maledetto sia, quel giorno, — et dans la scène dernière, si belle et si pathétique, il a été touchant et a ému toute la salle par ses sanglots, qui ne sont jamais des cris, mais des sons trempés d’émotion qui remuent le cœur en charmant l’oreille.

Tant que l’homme sera l’homme, l’art devra toujours être le revêtement de la vérité, et la mélodie restera l’élément fondamental des plus grandes compositions musicales. M. Fraschini, dont la taille est ordinaire et la figure peu expressive, se rattache par le style et par sa large manière de dire le récitatif à la vieille et belle école italienne. Sa voix, qui n’est pas très forte ni très flexible, je crois, a un timbre qui rayonne facilement, surtout dans les notes supérieures. C’est une voix italienne un peu ternie, mais charmante encore, quand l’artiste est animé. Il phrase admirablement, il articule chaque mot comme le faisait Garcia, et comme le fait M. Tamberlick, avec lequel M. Fraschini a quelques rapports de talent. Nous laisserons ce grand chanteur, que tout le monde voudra entendre, aborder les différens rôles de son répertoire avant de le juger définitivement. Il nous suffit d’avoir annoncé aux amateurs qu’il y a à Paris un maître del cantar chenell’anima si sente, comme dit Rossini.


P. Scudo.

REVUE MUSICALE


Nous avons à parler aujourd’hui d’un événement qui s’est passé au Théâtre-Lyrique le 4 novembre : on y a donné la première représentation d’un ouvrage en cinq actes, les Troyens, paroles et musique de M. Berlioz. Il y a longtemps que, dans le monde des beaux esprits, on s’entretenait de cette conception épique d’un homme hardi et patient qui aurait consacré à l’édification de son rêve autant d’années qu’il en a fallu aux Grecs pour prendre la ville de Priam. On assurait aussi que le plan primitif de M. Berlioz embrassait les deux grands épisodes, la prise de Troie et la fuite d’Énée, L’auteur a été obligé de modérer son ambition et de se contenter de cinq actes, dont l’action se passe, on le sait bien, à Carthage. Toute une légende se rattache, dit-on, à l’œuvre de M. Berlioz, qui a été refusée par l’administration de l’Opéra, et qui n’aurait peut-être pas trouvé d’asile sans la bonne volonté de M. Carvalho, directeur subventionné du Théâtre-Lyrique. Quelle que soit la valeur de cet ouvrage, on ne peut que louer M. le directeur du Théâtre-Lyrique d’avoir tendu la main à un homme de mérite qui est Français, et qui a bien le droit d’offrir à son pays le fruit de ses talens.

Avant d’examiner de près le sujet traité par M. Berlioz, on peut se demander s’il est prudent de transporter sur un théâtre ces grandes figures de la poésie antique qui, depuis tant de siècles, vivent dans la mémoire des peuples civilisés. N’est-il pas téméraire de détacher d’un poème qui occupe dans l’éducation publique presque la place de la Bible un épisode d’amour raconté par Virgile dont chaque vers est gravé dans notre mémoire comme une parole de l’Évangile ? Avez-vous prévu que le public d’une grande ville comme Paris ne manquerait pas d’établir une comparaison redoutable entre des vers d’atelier et la langue divine du contemporain d’Horace ? Vous êtes-vous bien rendu compte de la grande difficulté de votre entreprise, où il faut absolument que la musique, art nouveau, enveloppe la poésie de Virgile, s’en pénètre et en traduise à sa manière les mystérieuses beautés ? Illustre auteur de symphonies fantastiques, de Benvenuto Cellini, de l’Enfance du Christ et d’une opérette en deux actes, Béatrice et Bénédict, représentée sur le théâtre de Bade avec un succès qui n’a pu se renouveler, voyons comment vous avez traduit en votre langue ce rêve d’amour qui charme l’humanité depuis tant de siècles !

Quelques mesures de symphonie, que l’auteur qualifie de lamento, précèdent le lever du rideau, qui laisse voir de loin Troie en flammes !… À la bonne heure, nous voilà en pleine fiction, car il est assez difficile qu’on ait pu voir de Carthage l’incendie de la grande ville de Priam. Un rapsode raconte alors la grande catastrophe qui a effrayé le monde entier. Après ce récit, qui n’est pas autrement remarquable, on entend derrière la coulisse un chœur de rapsodes et un rhythme de marche triomphale qui célèbre la gloire de la malheureuse Cassandre. Il faut noter déjà dans cette introduction, qui ne produit qu’un effet de fantasmagorie, que le musicien n’observe pas toujours la prosodie de ses propres vers, et qu’il estropie les mots pour les faire entrer, per fas et nefas, dans ses rhythmes violens. Voyez dans la partition (page 14) comment le compositeur a traduit ces beaux vers :

Unie à la lyre troyenne,
Te porte nos pieux concerts !

La toile tombe après ce prologue, qui tient la place, dit le libretto, d’un opéra en trois actes qui avait pour sujet la prise de Troie. L’auteur a donc versifié et mis en musique tout le IVe livre de l’Énéide. Honni soit qui mal y pense !

Le premier acte nous présente une vaste salle de verdure dans le palais de Didon. Une partie du peuple, réuni dans le palais, chante la gloire de Carthage naissante et celle de la reine qui a mené à bonne fin de si grands travaux. Didon survient au milieu de cette foule enthousiaste, à qui elle adresse quelques paroles dans un récitatif informe. L’air en sol bémol qu’elle chante ensuite :

Chers Tyriens, tant de nobles travaux,


n’a aucune valeur, et c’est tout au plus si l’ensemble bruyant et confus qui termine cette scène peut être écouté sans fatigue. Il faut voir dans la partition les intervalles que le compositeur donne à réaliser à des voix aiguës chantant en chœur ! Et que dirons-nous du duo des deux sœurs ? comment le rimeur et le compositeur français a-t-il interprété ce dialogue immortel :

Anna soror, quae me suspensam insomnia terrent ?


Hélas ! rien ne peut se comparer à ce morceau si vulgaire, si mal dessiné, si tourmenté d’intonations impossibles, qu’on le prendrait pour l’œuvre d’un sourd. Il faut entendre les répliques que se font ces deux sœurs dans le. passage en mi majeur qui précède la conclusion, qui vaut un peu mieux que le reste. Passons sur un air bizarre de Iopas, poète de la cour de Didon, et sur tous ces détails explicatifs. Rien ne ressort dans cette scène décousue, où Ascagne, fils d’Énée, vient implorer la pitié de la reine. C’est un mélange de récits confus et informes qui aboutissent à un tutti formidable d’une longueur démesurée et d’une sonorité brutale. Ainsi se termine le premier acte, par un cri de guerre sauvage.

On intermède fantastique ou l’auteur a eu la prétention de peindre une chasse royale dans une forêt vierge de l’Afrique,… avec toute sorte d’incidens surnaturels, cette scène grandiose, comme dit le livret, est une orgie de sons, de cris, où l’oreille éperdue ne sait à quel hurlement se prendre. Pauvre M. Berlioz ! il a voulu dans ce chaos imiter la chasse fantastique du Freyschütz !

Le second acte s’ouvre dans les jardins de Didon, situés au bord de la mer. On voit réunis un grand nombre d’hommes et de femmes qui entourent les grands personnages, Didon, Énée, Ascagne, etc. Un ballet, des danses d’esclaves nubiennes, d’aimées d’Égypte, s’exécutent devant la cour. La musique de ce divertissement est fort jolie, surtout le motif qui accompagne le pas des esclaves nubiennes, qui est original. La chanson que le poète Iopas chante sur l’ordre de la reine est une mélodie un peu tourmentée, mais d’un accent touchant et vrai. Après ce chant, Énée s’approche de Didon en lui disant un mot galant. « Énée, lui répond la reine, daignez achever le récit commencé de votre long voyage. » Quand Énée a satisfait au désir de la reine en lui apprenant le sort de la pauvre Andromaque, elle s’écrie, en faisant un retour sur elle-même : — Ô pudeur ! — et il résulte de ce cri échappé du cœur de la reine un quintette qui est clairement écrit et qui renferme de jolis détails. — Bannissons ces tristes souvenirs, dit le héros troyen. Venez, chère Didon, respirer les soupirs de cette brise caressante. — C’est sur ces paroles que le compositeur a écrit un septuor charmant, qui est le meilleur morceau de la partition. Ce n’est, à vrai dire, qu’un grand nocturne ; mais l’effet n’en est pas moins délicieux. Le public l’a fait répéter, et il a eu bien raison. Cette scène de rêverie, que M. Berlioz a rendue avec un si rare bonheur, doit le convaincre que la vérité dramatique n’est pas incompatible avec la belle musique, et que le problème de l’art sera toujours de réunir ces deux élémens dans un ensemble harmonieux. Le duo qui suit, entre Énée et Didon, a l’inconvénient de répéter le motif du septuor qu’on vient d’entendre. Ce duo est joli cependant, mais trop long, et d’un style élégiaque qui ne convient guère aux deux grands personnages qui le chantent. C’est en général le défaut de toute la partition des Troyens.

Au troisième acte, on voit les Troyens au bord de la mer, qui se disposent à quitter Carthage pour suivre la destinée qui les pousse en Italie. Toutes les scènes de soldats sont manquées, et on ne peut même s’arrêter au récitatif informe ni à l’air que chante Énée d’un ton héroïquement vulgaire. À part un petit chant du matelot Hylas, il n’y a rien dans les deux derniers actes qu’on puisse signaler. Le morceau d’ensemble que chantent les Troyens, le duo d’Énée avec Didon, la scène horrible de la mort de la reine, tout cela révèle une imagination surmenée et d’une rare impuissance.

L’exécution des Troyens est aussi bonne que possible, si l’on songe aux difficultés que présente l’interprétation d’une telle œuvre. Mme  Charton-Demeur, dont le goût pourrait être plus pur, ne se tire pas mal du rôle de Didon, où elle est obligée, dans la scène finale, de pousser des cris de hyène. M. Monjauze est parfaitement digne de représenter l’Énée de M. Berlioz, car on ne peut pas être plus commun ni plus trivial que le héros de Virgile tel qu’il se montre travesti par le librettiste français. Les chœurs et l’orchestre méritent des éloges ; les beaux costumes, les décors très variés, les petits ballets, tout cela forme un spectacle assez imposant, où il ne manque guère que l’intérêt, la mélodie et le sens commun.

Nous sommes à l’aise avec M. Berlioz, car nous n’avons pas attendu les Troyens pour prédire, il y a dix ans, que cet homme d’esprit et d’imagination n’avait pas la faculté particulière de composer des opéras. Il a déjà prouvé cette impuissance par Benvenuto Cellini et par une opérette en deux actes, Béatrice et Benedict, où l’on ne trouve absolument qu’un madrigal à deux voix, et qui ressemble au duo entre Didon et Énée au second acte des Troyens. En terminant cette analyse un peu rapide, je dirai que, si M. Berlioz a échoué et comme poète et comme musicien dramatique dans l’œuvre qu’il vient de produire, les cinq actes des Troyens prouvent cependant que l’auteur d’une telle conception n’est pas un artiste ordinaire, et qu’il avait le droit de se faire entendre. Que M. Berlioz se rassure donc : s’il est tombé, il est tombé de haut, et son désastre n’affaiblira pas l’estime qu’on doit à un homme qui a consacré dix ans de sa vie à réaliser son rêve.


P. SCUDO.


La saison des théâtres lyriques, qui s’avance, n’a rien encore produit de saillant. C’est le vieux répertoire qui règne à l’Opéra, à l’Opéra-Comique, au Théâtre-Lyrique, et surtout au Théâtre-Italien, qui a bien de la peine à ressaisir la vogue qu’il a eue sous la restauration et le gouvernement de juillet. Excepté le grand chanteur Fraschini, dont nous avons déjà parlé, le reste du personnel réuni par la nouvelle administration n’est pas tout ce qu’on peut désirer. Cependant nous avons eu à ce théâtre, si nécessaire à la conservation du bel art de chanter de très belles représentations. On a repris tour à tour Rigoletto, la Traviata, la Lucia, Lucrezia Borgia, la Norma, il Barbiere di Siviglia, il Trovatore, et tout récemment la Cenerentola. M. Fraschini a été admirable dans tous les rôles qu’il a abordés. Il s’est élevé très haut, surtout dans la scène finale de la Lucia de Donizetti, où ses sanglots ont ému toute la salle, qui était remplie d’un public émerveillé. Dans il Trovatore, il est parfois sublime. Il chante purement et avec une douce émotion la romance du troubadour, — Deserto sulla terra. — Sa voix pure domine sans effort dans le trio vigoureux qui vient après ; il a de beaux momens dans le duo avec la zingara, et il est touchant dans la scène si pathétique du Miserere. Jamais M. Fraschini ne crie ; dans les élans les plus énergiques, il reste chanteur, et jamais le son ne perd son caractère mélodique. Bon style, belle voix, comédien suffisant, attentif et modeste dans sa contenance, M. Fraschini est presque parfait dans le rang moyen où il faut le placer. Rubini était un oiseau merveilleux qui n’avait qu’à ouvrir la bouche pour enchanter le monde, tandis que M. Fraschini est un chanteur exquis, un artiste intelligent, qui représente bien la grande et belle école de son pays. M. Fraschini vaut à lui seul les cent mille francs dont on a privé le Théâtre-Italien. Mme de Lagrange, qui va bientôt retourner à Madrid, où s’est formée sa réputation, a supporté depuis le commencement de la saison un répertoire assez lourd : elle a chanté tour à tour dans la Traviata, dans Rigoletto, dans la Lucia, dans la Lucrezia Borgia. Dans tous ces ouvrages, elle a fait preuve d’une grande énergie et d’un véritable talent de comédienne. Possédant une voix vigoureuse, qui n’est plus jeune, et une vocalisation brillante, dont elle abuse, Mme de Lagrange a eu de beaux élans dans la scène finale de la Lucrezia Borgia, dans plusieurs morceaux de Rigoletto et dans la scène touchante du quatrième acte du Trovatore. Si cette noble artiste ne gâtait pas souvent les qualités réelles qu’elle possède par des traits nombreux de mauvais goût, son succès à Paris aurait été moins contesté. Une femme qui porte un nom illustre dans les arts, Mme Méric-Lablache, a débuté pour la première fois à Paris dans le rôle de la bohémienne du Trovatore. D’une physionomie piquante, possédant une voix assez forte de mezzo-soprano, Mme Méric-Lablache est surtout une comédienne intelligente qui a su donner à ce personnage profond d’Azucena une physionomie nouvelle et originale. Aussi a-t-elle été accueillie par le public avec une faveur marquée. Si Mme Méric-Lablache parvient à se corriger de quelques petits défauts de prononciation, et surtout si elle s’applique à mieux articuler les mots italiens, on peut lui prédire une brillante carrière dans le genre de rôles auxquels elle semble destinée. Un nouveau baryton, M. Giraldoni, qui a chanté en Italie pendant plusieurs années, et qui est aussi bon Français que Mme de Lagrange, a débuté tout récemment dans il Trovatore par le rôle du comte de Luna. M. Giraldoni possède une assez bonne voix, dont il se sert avec une certaine expérience; il est bien en scène, et tout annonce qu’il sera un artiste de talent, fort utile à la troupe de virtuoses que possède cette année le Théâtre-Italien. Nous finirons en annonçant l’arrivée de Mme Borghi-Mamo, que le public de Paris connaît de reste, et qui a fait son apparition dans il Barbière et dans la Cenerentola.


P. SCUDO.


V. DE MARS.