Ce qui se passe dans le monde

La bibliothèque libre.
Collectif
Ce qui se passe dans le monde
Revue pour les Français1 (p. 125-134).

CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE



La conférence d’Algésiras a pris fin ou à peu près — si tant est que ce genre de conférences prennent jamais fin car elles engendrent d’ordinaire de longues séries chicanières. Au sujet de celle-ci, tout le monde se congratule ce qui autorise à penser que personne n’est satisfait. En tous les cas il ne reste à obtenir que… l’adhésion du Maroc ! Rien que cela ! Quand même le Sultan la donnerait du bout de la plume, il est à peu près certain que le pays refusera mentalement de ratifier cette signature ; or qui l’y forcera ? Seul en face de la France et le petit parti progressiste indigène aidant, le Maroc eût évolué peu à peu dans la voie des réformes. Mais en face du condominium franco-espagnol surveillé par l’Europe (car tel est bien le régime qu’on vient d’établir), ces braves Marocains seraient bien bons de se gêner. On connaît notre opinion sur tout cela : 1o la France finira par dominer au Maroc mais cette histoire compliquera sa tâche et ralentira son action, 2o l’intervention au Maroc n’a été, en ce qui concerne l’Allemagne, que le premier acte d’une vaste tragédie provoquée par l’obligation où se trouve ladite Allemagne de violenter toute l’Europe pour parachever son unité et parvenir à la mer. Donc, rien n’est fini. Tout commence au contraire.

Graves responsabilités.

La catastrophe de Courrières est désormais entrée dans l’histoire. Elle menace d’y tenir sa place à côté de la prise de Bastille. Veuille le ciel que le parallèle soit arrêté avant qu’un nouveau Comité de Salut public ne conduise à un second Robespierre qui nécessite un troisième Bonaparte. Et, de fait, un élément existe aujourd’hui dont il faut tenir le plus grand compte et qui n’existait pas il y a cent quinze ans ; c’est la solidarité internationale dont les ouvriers attendent le salut et dont il apparaît au contraire que ce sont les bourgeois qui recevront le renfort décisif. Nous reviendrons sur ce sujet très prochainement… Mais à part cette dissemblance, convenons que l’heure présente rappelle d’une façon bien singulière les approches de 1793 : Mêmes effervescences endiablées, mêmes illusions folles, même impuissance individuelle, même inaction des dirigeants. Et n’est-ce pas comme une seconde nuit du 4 août, aussi généreuse que l’autre et probablement aussi peu efficace, cette séance de la Chambre des députés où la presque unanimité des votants a donné raison aux mineurs : car tel est bien le sens du scrutin par lequel ont été approuvées les déclarations du gouvernement — et ses menaces à l’égard de la compagnie coupable.

Il est difficile de nier désormais cette culpabilité. Un professeur de l’Université de Genève, M. Milhaud, a publié dans le Courrier Européen le tableau des dividendes distribués par la Compagnie de Courrières à ses actionnaires. Elle fut constituée en 1852 avec un capital de 600.000 francs, représenté par 2.000 actions de 300 francs. Dès la cinquième année, le dividende s’éleva à 50 pour cent ; dix ans plus tard, il fut de 100 pour 100 ; puis il passa de 300 pour 100 en 1890 à 766 pour 100 en 1891 et enfin à 1.040 pour 100 en 1905. Ces chiffres sont indécents ; ils constituent une sorte de défi lancé à la face des travailleurs dont cette prospérité inouïe était l’œuvre. Si la mine de Courrières avait été ce qu’elle aurait dû être depuis quinze ans, une mine archi-modèle, la mieux dirigée de toutes, pourvue de toutes les améliorations imaginables, faisant à ses ouvriers une situation exceptionnelle au point de vue de la sécurité et du bien-être, songez quel instrument de paix sociale elle eût pu fournir ; des dividendes considérables, de hauts salaires, des institutions perfectionnées en vue du progrès matériel et moral du personnel… Au contraire, Courrières a allumé un incendie de discorde qui peut parfaitement aboutir à un entassement sans pareil de ruines et de misères. Et si, comme on semble maintenant le craindre, la Compagnie et ses ingénieurs, complètement affolés, ont tenté de sauver une partie des galeries en y murant ceux qui peut-être y vivaient encore, qui donc n’excuserait pas l’ivresse de colère dont, en ce moment même, le sol français est secoué ? Il se peut qu’un mouvement de réaction se dessine aux élections prochaines par suite de tous ces incidents, troubles dans les églises et destructions de propriétés qui menacent la sécurité publique ; car enfin — ne l’oublions pas — les ouvriers d’industrie sont, en France, une petite minorité comparée à la masse des propriétaires et des travailleurs agricoles. Mais une réaction de ce genre risque d’être peu durable. La conscience nationale est alarmée par des faits comme ceux dont elle vient d’être témoin. Les capitalistes de Courrières ont tiré à balle sur le capitalisme ; s’ils ne réussissent pas à le renverser, ce ne sera pas leur faute !

Les syndicats chinois.

Ce qui prouve que le syndicalisme n’est peut-être pas le dernier mot du progrès, c’est qu’il semble parvenu à son plus haut degré d’épanouissement dans le plus retardataire des milieux, le milieu chinois. Les syndicats du Céleste empire sont des corporations de métier administrées à la républicaine et à l’autocrate à la fois. Les chefs en sont élus mais leur autorité sur les adhérents, pour passagère qu’elle soit, ne s’en exerce pas moins de façon très despotique. On dit que ces syndicats — fort anciens — disposent aujourd’hui de richesses considérables. Leur action, en tous les cas, vient de s’affirmer d’une façon tellement générale qu’il faut bien voir en eux la seule organisation réellement puissante de cette civilisation cristallisée. Il s’agit du boycottage exercé sur les produits américains. On sait que les États-Unis ont fermé leurs frontières à l’émigration chinoise. L’exécution de cette mesure n’a pas été facile ; l’impossibilité où se trouvaient les agents américains de distinguer un Chinois d’un autre faisait que les mêmes papiers servaient à plusieurs et que des nouveau-venus s’introduisaient en justifiant de leur identité avec des compatriotes déjà entrés ; car la loi de prohibition n’avait pas d’effet rétroactif et il n’avait été procédé à aucune expulsion. Peu à peu cependant la surveillance se resserra. Juste à ce moment le commerce américain en Asie prit, à la suite de la guerre contre l’Espagne et de l’annexion des Philippines, un développement considérable. Les jaunes entrevirent dès lors la possibilité d’une revanche. Ils se mirent à boycotter tout ce qui venait d’Amérique ; il y eut même des désordres tels que pillages de boutiques ou destructions d’ateliers appartenant à des Américains. La crise a été s’accentuant. Des stocks de marchandises se sont accumulés dans les ports des États-Unis ou dans les usines ; l’écoulement s’en trouve arrêté ; le commerce et l’industrie se plaignent — si bien que des négociations ont fini par s’ouvrir entre les gouvernements de Pékin et de Washington qui aboutiront probablement à des concessions réciproques.

Les syndicats chinois sont très puissants et leur puissance date de loin. On n’aperçoit pas, pourtant, qu’ils aient amené la moindre amélioration technique ni fait avancer en quoique ce soit l’état social de leurs membres. Il faut reconnaître qu’en Extrême-occident comme en Extrême-orient, le syndicat paraît être un engin de lutte bien plus qu’un instrument de progrès.

Question de race.

À l’un des derniers dîners organisés par la vaillante revue l’Énergie Française, M. le Dr Laumonnier a fait une remarquable communication sur ce qu’il appelle la « défense des races ». Les races se défendent selon lui contre tout métissage matériel ou mental par deux procédés principaux, la conquête du milieu et la dégénérescence des métis. Il y a lutte, pour ainsi dire, entre ces deux éléments. Ou bien la race restée dans son milieu, dans son « aire de convenance » arrive à dominer l’individu — ou bien cet individu se stérilise et son sang se tarit en quelques générations. On ne peut nier qu’en effet il ne semble pas exister de races mélangées malgré que le mélange des races s’opère continuellement, « Nous connaissons, dit M. Laumonnier, beaucoup d’exemples de peuples envahis, asservis, exterminés, de conquérants lentement absorbés ou éliminés par la force ; nous n’en connaissons pas un seul de deux races se fondant l’une dans l’autre pour donner naissance à une race nouvelle et stable, différente des souches qui l’ont produite ». C’est peut-être un peu absolu ; mais l’exemple de la Grèce, de l’Égypte, des populations balkaniques, des Français du Canada (ou une vraie atmosphère française a pu se former) autorise à tenir un langage assez absolu en la matière. En ce qui concerne l’influence du milieu, M. Laumonnier a appuyé ses conclusions sur de curieuses statistiques de croisements anglo-hindous, franco-allemands et franco-italiens. Voici des séries de mariages mixtes. De quel côté s’affirmera la ressemblance des enfants ? Presque toujours de celui des parents demeuré dans son « aire de convenance » ; c’est-à-dire qu’en cas de mariage entre français et allemands, les enfants prendront, en général, le type de celui de leurs pères ou mères dans le pays duquel ils seront élevés.

Peut-on artificialiser l’influence du milieu ? c’est un sujet que M. Laumonnier n’a pas abordé et dont l’exemple des maisons royales actuelles facilite l’étude. Nous voyons en effet sur le trône de Suède une famille dont l’origine française et béarnaise est encore toute proche puisqu’Oscar ii est le petit-fils de Bernadotte — sur le trône d’Angleterre une famille qui est presque de pur sang germanique — sur le trône de Grèce une famille issue de sang danois et russe. Les Cobourg ont fourni des souverains à la Belgique, au Portugal, à la Bulgarie… À part les Habsbourg, les Hohenzollern, les Romanow et surtout la maison de Savoie, il apparaît que le sang national coule peu ou point dans les veines de bon nombre de chefs d’État ou de princes héritiers. Qu’y a-t-il pourtant de plus Scandinave que le prince royal de Suède et ses frères, de plus anglais que le prince de Galles et sa famille, de plus hellène que les fils du roi Georges ?… Par contre, qui ne sent que le fait d’avoir vécu en exil la majeure partie de leur existence a modifié pour le comte de Paris et pour le duc d’Orléans le type dominant et a donné à l’influence ethnique de leur mère et grand’mère, la princesse de Mecklembourg, une importance qui ne se fut pas manifestée à un pareil degré sur le sol français ? Nous en concluerions volontiers que le milieu mental, superposé au milieu matériel et devenu artificiellement intensif comme il l’est chez les familles régnantes, acquiert une telle force qu’il remplace en quelque sorte l’hérédité. Renvoyé à M. le Dr Laumonnier pour examen et appréciation.

L’itinéraire Sud-Europe.

La Chambre de commerce d’Agram a pris récemment une initiative fort intéressante. Elle a communiqué aux Chambres de commerce de Trieste, Venise, Milan, Genève et Paris un projet d’itinéraire commercial dont voici l’idée mère : profiter de l’ouverture du Simplon, pour créer des relations directes entre la France et la Russie par l’Italie, la Bosnie, l’Herzégovine, le Monténégro, la Serbie et la Hongrie. La presse italienne s’est emparée de ce projet et l’a chaleureusement prôné. Il ne paraît pas qu’à Paris on y ait prêté une suffisante attention et la chose est d’autant plus singulière que l’idée du « commerce latin » est partie de là. C’est vraiment une des infériorités les plus fâcheuses de l’esprit français que cette facilité à se passionner pour la théorie et cette indifférence persistante à l’égard de la pratique. Du jour où un projet devient réalisable, on cesse de s’y intéresser parce qu’à l’ère des grandes pensées larges, succède celle des petits labeurs techniques… Donc cet itinéraire Sud-Europe n’est pas une poule aux œufs d’or, assurément ; la seule énumération des frontières à traverser et des modes de transports successifs à utiliser évoque la notion d’aléas nombreux, de difficultés matérielles considérables, d’interruptions inévitables… Mais quoi ! cela vaut tout de même un effort et s’il n’en résulte qu’un peu de bon, il n’en résultera toujours rien de mauvais.

La trève.

C’est la seule appellation qu’il convienne d’appliquer à l’entente intervenue entre la majorité hongroise et le pouvoir royal représenté par l’empereur d’Autriche. Il ne s’agit pas d’un traité de paix, encore moins d’une solution. Personne du reste ne doit s’illusionner à Budapest ni à Vienne sur ce point. On continue de marcher vers une séparation désormais fatale et qui pourrait s’accomplir à l’amiable tout comme le récent divorce suédo-norvégien, s’il n’y avait pas ce terrible voisinage de l’Allemagne impériale à laquelle les provinces allemandes de l’Autriche désagrégée voudront nécessairement et devront se rattacher. La crise hongroise n’est qu’un acte de la pièce — tout comme la crise marocaine ; ils se sont joués à la fois sur deux scènes différentes : magnifique perfectionnement théâtral convenant à un siècle pressé. Nous avons déjà indiqué les péripéties de cette crise hongroise : rappelons-les brièvement. Scène première : la Hongrie veut « magyariser » son armée c’est-à-dire la rendre autonome, la dissocier d’avec l’armée autrichienne. François-Joseph refuse. — Scène deuxième : le souverain persistant dans son refus, la Hongrie lui refuse à son tour les moyens de gouverner ; désordres et illégalités. — Scène troisième : le premier ministre imposé par François-Joseph à la Hongrie, le baron Fejervary, a une idée géniale : il menace les Magyars d’établir dans leur pays le suffrage universel c’est-à dire de déchaîner contre leur domination toutes les populations non Magyares qui vivent sur le sol hongrois. — Scène quatrième : compromis. L’armée ne sera pas magyarisée et le suffrage universel ne sera pas établi. Un cabinet régulier succède au cabinet Fejervary et François-Joseph y admet les chefs de la campagne menée contre son autorité. On s’embrasse, la toile tombe. Comptez qu’elle ne sera pas longue à se relever. Quand un gouvernement a lancé sur un pays la formule sacramentelle : suffrage universel — il ne peut jamais la retirer.

Une imprudence.

Le gouvernement britannique vient d’envoyer dans le Sud Afrique une commission chargée d’étudier les bases de la future constitution du Transvaal. Le gouvernement conservateur avait déjà accompli le travail et préparé une constitution qui n’était peut-être pas suffisamment représentative au regard du droit mais qui probablement l’était assez au regard de l’opportunité. Le cabinet libéral a voulu surenchérir et les instructions données aux commissaires qu’il dépêche dans l’hémisphère austral tendent à faire la part plus belle aux Boers. C’est très généreux et très louable en principe. Qui sait pourtant s’il n’en résultera pas beaucoup de mal pour le pays et pour ses habitants. Qu’on se rappelle ce qu’a produit la magnanime initiative de Gladstone restituant jadis au Transvaal son indépendance que l’Angleterre avait supprimée une première fois quelques années auparavant — et sans grandes difficultés du reste, en tous les cas sans guerre. Certes le grand old man était justifié en blâmant énergiquement un pareil acte. Était-ce un motif pour l’annuler ? Si, sans évacuer le Transvaal, il l’avait alors organisé d’une façon libérale, ce serait aujourd’hui une république prospère et la noble race boer s’y serait développée pacifiquement sous le protectorat anglais. Au lieu de cela, les Anglo-africains abandonnés par Gladstone furent tout naturellement l’objet de tracasseries et de persécutions qui attisèrent les haines de race et, dès lors, on peut dire que la guerre fut inévitable. C’était là une leçon dont les libéraux d’aujourd’hui feraient bien de profiter. L’essentiel, c’est que le Transvaal reçoive sans retard une autonomie aussi large que possible mais le plus essentiel encore, c’est que la pacification en soit définitive. Qu’on ne la compromette pas pour rendre prématurément cette autonomie plus complète.

Au Mexique.

Les Chambres mexicaines ont récemment créé une décoration d’un genre tout nouveau — contrairement du reste à la constitution qui n’en admet aucune. Cette décoration n’aura qu’un seul titulaire : il est vrai qu’il s’agissait d’honorer le général Porfirio Diaz, le président perpétuel de la République. Il a été remis solennellement à cet homme très éminent un grand cordon institué tout spécialement pour lui. Ce seront des annales curieuses à rédiger que celles de son long règne présidentiel prorogé tous les quatre ans par le libre suffrage des représentants de la nation. On pourra les intituler : Comment on refait un pays. Heureux Mexique : il ne possède pas seulement le prince modèle, il a encore le parfait dauphin. Car, pour succéder au général Porfirio Diaz le jour où la mort l’enlèvera de son poste, il y a M. Limantour, le génial ministre qui a fait au Mexique une situation financière aussi solide que brillante. On dit bien que pour l’élire il faudra donner une légère entorse à la Constitution laquelle prévoit que le chef de l’État doit être né dans le pays ; ce n’est pas le cas de M. Limantour. Mais ce que l’on fait pour octroyer un grand cordon au président actuel, on peut bien le faire pour donner à ce président un successeur digne de lui ; et lui-même, semble-t-il, préconise cette solution.

L’idée de M. Ribot.

Ce n’est pas seulement en France que l’opinion va suivre avec curiosité et sympathie la carrière de l’idée lancée récemment par M. Ribot devant une assemblée locale de la région du Nord. L’éminent homme d’État faisant allusion à la loi sur les retraites ouvrières a déclaré qu’à son sens il y avait quelqu’un de plus intéressant encore que le retraité, c’était le jeune ouvrier qui, libéré du service, hésitant sur l’orientation de sa personnalité et l’emploi de ses forces, se trouve à un tournant décisif de l’existence. Ne peut-on rien pour celui-là ? Voilà l’heure où l’État devrait intervenir, non certes pour suppléer à l’initiative individuelle mais pour l’aider à se manifester, pour lui apporter le renfort déterminant. Ce jeune homme, avec peu de chose on ferait de lui un propriétaire rural, un chef de famille en tous les cas et c’est là précisément ce qui importe le plus à la nation préoccupée de stabilité foncière et de fécondité humaine. C’est très simple — si simple qu’on n’y avait jamais pensé ou que, du moins, on ne l’avait jamais dit.

À Ceylan et à Shanghaï.

De la lecture du rapport que vient de faire paraître le Colonial Office sur l’île de Ceylan, on doit conclure que le commerce cinghalais grandit de façon remarquable. De 1903 à 1904 la plus value, importations et exportations comprises, s’est élevée à 5.424.000 rupees. Mais, chose curieuse, tandis que le commerce avec les colonies britanniques et les pays étrangers a constamment progressé depuis dix ans, les échanges avec la mère-patrie sont demeurés pour ainsi dire stationnaires ; dans certains cas, ils ont même diminué. La récolte de thé a été extraordinaire en 1904 ; elle s’est élevée à 150 millions de livres en augmentation de près de 9 millions sur 1903 ; par contre, le prix a baissé de 60 centimes par kilog. Le thé de Ceylan s’exporte pour deux tiers en Angleterre et pour un tiers dans les autres pays. La culture du riz se développe mais lentement ; le caoutchouc voit son rendement s’accroître ; c’est le para qui donne les meilleurs résultats ; en deux cas il s’est vendu près de 10 francs 60 la livre. Le développement des voies ferrées aide aux progrès de la culture qui tire également un grand profit des réservoirs destinés à l’irrigation, lesquels viennent d’être fort améliorés.

À Ceylan comme en d’autres lieux, on note l’augmentation du commerce allemand qui a monopolisé certaines branches du marché et dont les achats ont forci de 22 pour 100 en douze mois. C’est que les exportateurs allemands se montrent prêts à aider de toutes les manières compatibles avec leur sécurité financière les maisons qui reçoivent leurs articles ; ils savent même risquer des pertes pour arriver à établir ensuite leur suprématie. En cela ils sont utilement secondés par le gouvernement impérial. Au consulat général d’Allemagne à Shanghaï, un agent commercial qu’assistent des employés compétents est chargé de signaler les occasions qui s’offrent à l’introduction des produits allemands en Chine. L’information ainsi recueillie est promptement portée par l’entremise gouvernementale à la connaissance des manufacturiers et des négociants de la métropole. Non seulement l’intéressé est avisé de la nature des articles demandés mais on lui fait connaître les prix courants, la qualité en usage, la nature de l’emballage désirable… en un mot tous les points lui permettant d’exporter l’objet manufacturé dans les conditions les plus propres à satisfaire à la fois son intérêt personnel et les désirs du consommateur indigène.

Un coin du budget américain.

Les États de la vieille Europe n’ont pas le monopole des irrégularités budgétaires. Lorsque le chapitre des pensions fut discuté dernièrement par la Chambre des représentants des États-Unis, le rapporteur fit connaître qu’il existait encore six pensionnés de la guerre de l’Indépendance ; or cette guerre a pris fin il y a environ cent vingt-cinq ans. Le gouvernement américain sert en outre des pensions à 8.000 veuves de combattants qui auraient trouvé la mort dans la guerre de 1812 contre l’Angleterre. Sur les dix milliards que la guerre de Sécession a coûtés, dit-on, plus de la moitié est absorbée par le paiement des pensions. Mais voici mieux. À la suite de la guerre contre l’Espagne, il va y avoir un nombre de pensionnés supérieur à l’effectif de l’armée de Shafter. Les pertes américaines dans cette guerre s’évaluent à 16.000 hommes. Or près de soixante-dix mille demandes de pensions ont été enregistrées et il est très rare que le bureau compétent rejette une instance de ce genre. Doux pays !