Rome contemporaine/12

La bibliothèque libre.
Lévy Frères (p. 244-270).

XII

mœurs romaines.


Si ce chapitre fourmille de contradictions énormes, je prie le lecteur indulgent de ne point s’en étonner. Tout est contradiction dans la ville de Rome : un peuple bien né et mal élevé ; un gouvernement plein de grandeur et de petitesses ; des lois très-douces et très-despotiques ; des impôts fort modiques et cependant fort lourds ; un grand fonds de sincérité naturelle, beaucoup d’hypocrisie acquise ; vie économe et dépenses folles ; prudence méticuleuse et colères aveugles ; habitude de se cacher et fureur de paraître ; sentiment très-vif de l’égalité, profond respect pour les inégalités sociales ; constitution assez despotique pour réunir tous les pouvoirs aux mains d’un seul homme, et assez démocratiques pour mettre une couronne de roi sur une tête de capucin.

Toutes les statues qu’on voit à Rome, soit sur les places publiques, soit même dans les galeries particulières, sont affublées d’une feuille de vigne. On a vêtu d’une draperie de fer-blanc les figures allégoriques qui décoraient quelques tombeaux des vieux papes. L’artiste les avait faites toutes nues, considérant qu’on ne doit aux morts que la vérité. L’hypocrisie moderne les a habillées, drapées, étoffées, étouffées, comme si une belle statue pouvait être un objet de scandale. En revanche, on permet à des hommes vraiment nus de se baigner dans le Tibre, ou même dans le bassin de la fontaine Pauline. Personne n’est choqué de cette liberté, ni la police, ni le public, ni les femmes romaines, qui vont et viennent et lavent leur linge autour de ces statues vivantes, sans songer à mal.


Je sors de l’hôpital du Saint-Esprit. C’est un immense établissement, plus riche et mieux doté que tous les nôtres. Un jeune interne m’a reçu à la porte et promené fort poliment sans me connaître. Il est docteur, du moins il a subi les examens du doctorat théorique. Dans deux ans, il passera le doctorat pratique et s’en ira exercer la médecine dans quelque village. En attendant il étudie, mais non tout ce qu’il veut. Il m’avoue en confidence qu’il n’a jamais vu le corps d’une femme vivante. « Et les accouchements ? — Nous accouchons des poupées enceintes d’un petit mannequin. Mais quand j’aurai passé mon dernier examen, j’aurai le droit d’accoucher des femmes. — Je plains la première qui vous passera par les mains. — Moi aussi. »

Les salles de l’hôpital sont énormes en longueur et en largeur. Quatre rangées de lits, bout à bout, sans rideaux ! Les pieds d’une malade touchent la tête de l’autre. On a sacrifié l’intérêt de ces malheureux à l’aspect grandiose du bâtiment.

Une pancarte placée auprès de chaque lit indique le régime prescrit au malade : « Portion entière, demi-portion, potage et œuf, viatique. » Ce dernier mot m’a fait dresser les cheveux sur la tête. Pauvres gens, à qui l’on dit vingt-quatre heures à l’avance qu’ils sont condamnés à mourir !

On appelle mon guide pour lui montrer le numéro deux cent et tant qui vient de passer. Je le suis et je vois un corps tordu en tous les sens par les convulsions de l’agonie. C’était un paysan atteint d’une gastrite aiguë pour s’être mal nourri. Un valet d’hôpital redresse ses membres, enlève la chemise, étend un drap, allume une lampe. Je remarque alors cinq ou six lampes allumées dans la salle : autant de cadavres. Mon cicerone me fait remarquer qu’on a eu l’heureuse idée d’adapter à chaque lit une sorte d’anneau pour la lampe funèbre.

Un capucin gros et gras circule dans la salle, distribuant l’absolution à ceux qui la demandent. Du reste, il y a deux grands confessionnaux devant la porte d’entrée.

On me montre un paysan rouge comme une tomate et suant dans son lit à grosses gouttes. Il a été piqué de la tarentule ; cependant, rien dans son extérieur n’indique la passion de la danse. Mon jeune docteur m’affirme que la piqûre des tarentules entraîne un mouvement de fièvre assez violent. Cependant, il a cru remarquer que la peur était pour beaucoup dans cette maladie. Il suffit quelquefois d’un verre d’eau claire ou d’une pilule de mie de pain pour la guérir radicalement.

Une salle spéciale est consacrée aux soldats malades. On les soigne paternellement, même pour leurs maladies irréligieuses. Mais dans ce cas particulier le prix des médicaments est retenu sur leur solde. Il suit de là qu’un soldat malade par sa faute évite l’hôpital et reste malade aussi longtemps qu’il plaît à Dieu.

J’ai visité l’amphithéâtre, le cabinet d’anatomie et toutes les collections scientifiques qui appartiennent à l’hôpital. Le morceau le plus remarquable est un écorché vêtu d’une feuille de vigne pour l’édification des jeunes médecins. Et nunc erudimini !

L’hôpital du Saint-Esprit, comme toutes les propriétés ecclésiastiques, est un lieu d’asile. Un voleur, un assassin, un parricide peut y guérir ou y mourir à l’abri des lois. Quelques malades, profitant d’une si douce impunité, ont pu croire qu’il leur était permis de voler et de tuer dans cette enceinte inviolable. Mais l’autorité pontificale, considérant qu’il ne faut pas abuser des abus, a décidé que les crimes et délits commis dans l’hôpital n’auraient pas droit à l’impunité. Cette loi, gravée sur une plaque de marbre, est mise sous les yeux des malades, qui d’ailleurs ne savent pas lire.


L’hospice des Enfants-Trouvés, annexé à Saint-Esprit, a vu le prologue d’un petit drame qui paraîtrait invraisemblable, si les tribunaux n’avaient mis tous leurs soins à le vérifier.

En 1807, la duchesse X., qui avait déjà un fils et une fille, accoucha clandestinement d’un troisième enfant dans le palais de son époux. Pourquoi fit-elle porter le nouveau venu à l’hospice du Saint-Esprit au lieu de le présenter au duc X. ? Peut-être parce que le duc faisait lit à part depuis plusieurs années. Le petit Lorenzo X. entra dans le monde par la porte des enfants trouvés, sans autre capital que la moitié d’une pièce de cinq sous, pendus au bout d’un fil.

Quelque temps après, la duchesse, qui avait des entrailles, prouva que la pièce de cinq sous et l’enfant lui appartenaient. Elle reprit Lorenzo, le mit en nourrice et lui fit une pension de vingt-cinq francs par mois, qui fut payée scrupuleusement jusqu’à la majorité. Grâce aux libéralités de sa mère, Lorenzo ne mourut pas de faim et apprit à peindre la miniature.

La mort de son père et de son aîné détourna le cours de sa vocation. Il voyait une jolie fortune, 75 000 francs de rente environ, s’en aller chez la princesse T., sa sœur, qui n’en avait pas précisément besoin. La princesse T. est quarante ou cinquante fois millionnaire ! La faim, l’occasion, la faveur publique et certains ennemis de la famille T. poussèrent Lorenzo à réclamer le nom et les biens des X.

Si je pouvais transcrire ici les pièces du procès, qui ont été réunies en un volume, vous y verriez quelques faits curieux. Les avocats du prétendant reprochaient à la duchesse d’avoir laissé son fils dans la misère, tandis qu’elle faisait des folies pour un droguiste de Frascati. La princesse T… disait, par l’organe de son défenseur : « Ce garçon est le fils de ma mère, soit ; mais à coup sûr mon père n’y est pour rien. Maman était variée à l’infini dans ses affections. Si Lorenzo est le fils de quelqu’un, c’est probablement d’un Russe appelé M.

Mais le plus merveilleux sans contredit, c’est la déposition de la duchesse. Au moment de comparaître devant Dieu, cette auguste personne ne dédaigna point de déclarer, dans l’intérêt de sa fille, que son fils était bâtard et inhabile à succéder.

Malgré un témoignage si respectable, le jeune Lorenzo gagna son procès : Is pater est quem justæ nuptiæ demonstrant. D’ailleurs, les avocats avaient prouvé que le feu duc s’était compromis avec toutes les femmes, la duchesse avec tous les hommes, et que par conséquent le duc et la duchesse avaient dû se rencontrer en partie fine au moins une fois.

Lorenzo, élève de l’adversité, est un des hommes les plus actifs, les plus intelligents et les plus libéraux de l’aristocratie romaine. Vous le trouverez à la tête de toutes les entreprises qui peuvent avancer le progrès de l’Italie. Ses fils sont élevés en Piémont. Il ne leur permet pas de venir à Rome, même en vacances, comme si l’air de la ville sainte pouvait leur empoisonner l’esprit.

Son seul défaut est une maladresse déplorable dans le maniement des armes à feu.


Autre roman. La duchesse A. était restée veuve en 1850. Sa fortune, comme son palais, était encore assez imposante, quoique passablement délabrée.

Le ciel permit qu’un régiment de dragons français fût caserné dans le voisinage du palais A. Tous les matins, la duchesse n’avait qu’à se mettre à la fenêtre, pour contempler la toilette des chevaux. Elle remarqua un jeune maréchal des logis qui avait assez grand air, quoiqu’il surveillât une opération prosaïque. À force de le voir, elle se prit à l’aimer, et comme elle n’était point faite pour déplaire, elle lui plut. Renseignements pris, elle sut que M. H. appartenait à une très-honorable famille de cultivateurs normands. Lui-même était estimé de ses chefs et de ses camarades ; l’épaulette ne pouvait lui manquer longtemps. La duchesse attendit qu’il fût officier, persuadée, non sans raison, que tout officier français vaut un gentilhomme.

M. H. a quitté le service ; il cultive les terres de sa femme et relève une fortune que l’incurie romaine avait laissée déchoir. Sa femme n’est plus duchesse, mais elle sera riche et elle est heureuse.

Le difficile sera de persuader aux laquais de Rome qu’ils doivent annoncer l’ancienne duchesse A. sous le nom de Mme H. Quant aux paysans de ses terres, ils m’ont dit très-naïvement : « notre nouveau maître s’appelle le duc A., puisqu’il a épousé la duchesse. »


Lorsque l’amour s’établit dans une âme romaine, il y est roi. Tout cède : les intérêts, les devoirs, et même les préjugés. Voici un ci-devant jeune homme qui court vers la place d’Espagne. C’est le prince C. Il va baiser la main d’une jeune épicière dont il est épris au point de vouloir l’épouser. Une telle folie n’étonnerait personne. Il est vrai que la femme tient peu de place dans la famille, et qu’on peut la choisir n’importe où, sans déroger.


Ce n’est pas que les femmes de Rome soient des créatures sans conséquence. Il y en a de fort spirituelles, comme cette petite princesse C. de S.

Le prince C. de S., qui mourut de vieillesse en 1849, avait épousé en 1848 une personne infiniment plus jeune que lui. Le jour même où le barbon fut mis en terre, sa veuve déclara qu’elle était grosse, et elle n’en eut pas le démenti. Elle accoucha d’un fils à la limite du délai légal, et sa présence d’esprit lui valut une fortune. « Cet enfant est né montre en main, » disaient les jurisconsultes.


L’éducation a beau faire : on trouve des Romaines très-fières et très-nobles, même dans la noblesse.

Cette pauvre petite Tolla ou Vittoria Savorelli, dont j’ai publié l’histoire il y a quelques années, n’était certes pas une âme vulgaire.

J’ai rencontré dernièrement son séducteur. C’est un gros homme insignifiant. Ses remords, s’il en a, ne l’ont pas maigri.

M. Savorelli père s’est jeté dans l’industrie. Il fabrique des bougies de stéarine et relève ainsi tout doucement la fortune de sa maison. Il a chez lui un beau buste de sa fille, sculpté par un frère de Tolla.


On m’a montré une jeune personne de très-bonne famille qui a eu le courage d’apprendre un état, la peinture, pour épouser un jeune homme pauvre qu’elle aimait. Après dix-huit mois d’études, elle devint capable, l’amour aidant, de peindre des copies aussi présentables que tout ce qui se vend aux étrangers, mais son amant ne l’aimait plus ; il en courtisait une autre.

Cette héroïque enfant n’est pas morte comme Tolla. Elle s’est éprise d’un étranger qui ne l’épousera pas, qui le lui a dit, qu’elle aime en dépit du sens commun. Elle a refusé la main d’un vieux diplomate puissamment riche pour rester fidèle à ce Français qui n’est pas même son amant.


Le prince T., l’homme le plus riche de Rome, en est peut-être le plus malheureux. Sa famille a perdu en peu de temps un beau duché, un héritage important et une entreprise prodigieusement lucrative. Sa femme est folle, ses héritiers sont des filles, son frère est nul, un de ses neveux est idiot et l’autre, qui mériterait de vivre, ne vivra pas. Sic transit gloria mundi. Toute la ville plaint sincèrement le prince T. Il vend son argent un peu cher, mais il a fait le bien, encouragé les arts, et donné de belles fêtes.

Ses deux neveux ont épousé des filles de grande maison, fort belles l’une et l’autre. La femme de l’aîné est un caractère ouvert, loyal, passionné. Elle résiste énergiquement aux empiétements de sa belle-sœur qui dépense plus de politique que Richelieu et Mazarin pour confisquer la primogéniture au profit de son mari.

Ces jours derniers, le cardinal Antonelli avait invité les dames de la noblesse romaine à une promenade aux flambeaux dans les caveaux de Saint-Pierre. Au souper qui suivit, son Éminence s’approcha de la jeune princesse T., femme de l’aîné, et s’excusa de n’avoir point invité sa belle-sœur. — Vous avez bien fait, répondit la fière Romaine. Il faut bien maintenir la distance entre les aînés et les cadets. »


Une Romaine, une princesse élevée dans un couvent, a commis quelques imprudences ; la femme de chambre sait tout et fait sentir à sa maîtresse qu’elle pourrait tout dire. En pareille occasion, quelle est la Française qui n’aurait pas transigé ? Ma Romaine soufflette l’impertinente créature, la renverse, la foule aux pieds, et la chasse sur l’heure. Si notre pauvre Stendhal était vivant, il aimerait ce trait de courage. Notez, s’il vous plaît, que la princesse n’est pas une virago, mais une petite femme mignonne et délicate. La servante est partie, et elle n’a jamais parlé. C’est l’héroïne qui a conté l’aventure à son ami.


De tous les nobles Romains, le plus Français est le prince de S., descendant de Valerius Publicola. Il a fait le siège de Rome avec nos officiers, et mérité le ruban de la Légion d’honneur. J’ai vu chez lui un mobilier riche et même de bon goût, ce qui est plus rare. Sa conversation est amusante et variée, surtout avant le dîner. C’est ce qu’on appelle à Paris un bon enfant, mais trop enfant. Hier, il était à Rignano, pour l’investiture solennelle du jeune duc. La municipalité avait préparé un feu d’artifice. Le prince de S. ne s’est-il pas avisé d’y mettre son cigare et d’allumer les fusées en plein midi ?

J’ai quelquefois rencontré au Pincio un autre prince de S., tout aussi prince que son cousin, et réduit à vivre d’une pension de quelques écus par mois. Celui-ci aurait fait un beau soldat, en pays laïque. Il se console de son inaction forcée en chassant le chevreuil et le sanglier. C’est un Nemrod résigné. Sur le Pincio, il promène philosophiquement ses chiens à l’heure où le duc Grazioli et tant d’autres boulangers parvenus promènent pompeusement leurs chevaux.


Chevaux, carrosses, laquais, livrées, armoiries, la ville de Rome en est pleine. Le plus mince curé se donne le luxe d’un blason. Personne, excepté les cochers de fiacres, n’attelle un seul cheval à la voiture. Les voitures sont hautes, larges, pompeuses ; on y monte par une échelle comme au paradis. Je me suis toujours demandé pourquoi les cardinaux et les autres grands seigneurs traînaient trois laquais, debout sur la même planche, derrière leur carrosse. Il suffirait d’un seul. Je comprends à la rigueur que les Turcs mettent quelquefois deux factionnaires dans une guérite : la faction est longue, le temps lourd ; la deuxième sentinelle peut servir à réveiller la première. Mais, trois valets de pied ballottés au petit trot derrière un cardinal ! Y a-t-il là-dessous quelque intention charitable ? Le second et le troisième sont-ils là pour empêcher que le premier ne tombe ? alors n’en ayez qu’un, et le faites asseoir.


À Rome, le plus mince bourgeois se fait un point d’honneur de ne rien porter lui-même. Les bambins qui vont en classe enveloppent leurs livres dans un foulard et les balancent négligemment. Montrer qu’ils portent leurs livres à l’école serait avouer qu’ils n’ont pas de domestique !


Un notaire de Paris qui avait étudié ce gouvernement, disait en rentrant chez lui : « Il n’y a qu’un moyen de résoudre la question Romaine. Mettez tous les laïques à la porte et ne laissez que les prêtres. »

C’est une mesure un peu violente, et j’imagine qu’on pourrait atteindre le même but par un autre chemin. Donnons l’Italie aux Italiens et Rome au pape. La ville éternelle ne sera peuplée que de gens tranquilles et résignés d’avance à une douce servitude : cardinaux, prélats, prêtres, moines, princes, clients, fournisseurs, laquais. Total, cinquante ou soixante mille individus, qui ont tous érigé l’obéissance à la hauteur d’un principe. Ajoutez une population flottante de vingt mille étrangers qui viendront voir les ruines enfermées dans cette ruine.


Les cardinaux romains ne sortent guère à pied dans la ville ; leur grandeur les attache au carrosse. Ceux qui éprouvent le besoin de faire un peu d’exercice vont à la villa Borghèse, ou plutôt dans un jardin désert qui s’étend derrière le Colysée. Je ne me souviens pas d’en avoir vu marcher un seul au Pincio, mais on y rencontre plus d’un prélat de bonne mine qui se promène le jarret tendu, le bas bien tiré, suivi de ses laquais.


On m’assure que les cardinaux ne peuvent mettre le pied dans une église sans un certain cérémonial. Il suit de là que si un cardinal était tenté d’ouvrir la porte et d’aller faire sa prière comme un simple fidèle, l’étiquette lui barrerait le chemin.


La valetaille de Rome, pleine de respect pour les cardinaux, est un peu blasée sur la dignité épiscopale ; c’est qu’il y a une multitude d’évêques dans la ville. On raconte que, dans une de ces cérémonies qui attirent la foule, un suisse de paroisse repoussait les gens à coups de hallebarde. « Prends garde ! lui cria un laquais ; tu vas assommer Son Éminence !

— Pardonnez-moi, dit le suisse en se prosternant devant le cardinal ; je croyais que c’était un évêque ! »


Lorsqu’un cardinal passe en carrosse devant un poste militaire, le poste sort et lui présente les armes. Le cardinal salue sans toucher à son chapeau, en soulevant légèrement la glace de sa voiture. Les simples prélats saluent de la même façon.

Un pensionnaire de l’Académie de Rome, que je pourrais nommer, va visiter la manufacture de mosaïques. Dans un des ateliers de l’établissement, il voit un prélat qui se promène le chapeau sur la tête. Il en conclut qu’on peut rester couvert, et il se couvre. Le prélat vient à lui et d’un revers de main lui fait tomber son chapeau. Cette anecdote est de 1858.


On ne fait plus de miracles à Rome, ni dans l’État pontifical. Quelques zélés essayent de temps à autre, mais le saint-office les arrête court.

Une jeune fille morte à l’hôpital Saint-Jean conserve quelque temps la figure vermeille. Mgr Tizani crie au miracle. L’inquisition lui commande de se taire.

À Sezza, il y a quatre ou cinq ans, une jeune sainte dirigée par deux prêtres se mit à prédire l’avenir. Le peuple rit de ces prophéties ; le gouvernement emprisonne la pythonisse et ses deux directeurs.

Il y a trois ans une jeune fille extatique attira la foule à un mille de Rimini. Deux ecclésiastiques disaient la messe dans sa chambre ; elle prophétisait assez couramment. Mais trois dominicains accoururent de Rome. On fit cesser le miracle ; on instruisit l’affaire, et à la suite d’un procès qui dura trois ans, la jeune fille et ses magnétiseurs prirent le chemin des galères.

Peut-être faut-il se féliciter que le miracle si lucratif de la Salette se soit produit en France. Le saint-office de Rome est plus sévère que le clergé de Grenoble, ou plus prudent. Il a peur du scandale et s’en tient aux vieux miracles.


La loi, ou du moins l’usage de Rome, permet au pauvre de voler un pain dans la corbeille du boulanger, s’il a faim.

J’ai vu de malheureux affamés qui n’usaient pas de ce privilège. Un paysan d’une cinquantaine d’années se promène le long du Cours, regardant à droite et à gauche, d’un air indifférent. Au coin d’une rue adjacente, il avise un énorme trognon de chou au milieu d’un tas d’ordures ; il y court, le prend et le mange avec une avidité terrible à voir.

Attendez ! Lorsqu’il fut rassasié, ou dégoûté, il jeta son reste. Un jeune gars de vingt ans qui le suivait depuis quelques minutes, ramassa ce reste et le dévora.

Voilà des observations que le touriste ne saurait faire. Il faut le temps, l’occasion et un certain genre de curiosité.


Les femmes Turques dorment toutes coiffées et les Grecques tout habillées. Les Romaines, leurs maris, leurs enfants, dorment tout nus. À Paris, il est malpropre de coucher avec des bas ; à Rome, il est malpropre de garder la chemise.

Une dame française m’avait chargé d’un petit cadeau pour sa sœur de lait, mariée à un serrurier du Borgho. J’y vais le dimanche matin vers sept heures. Je frappe : « chi è ? » répond une voix d’homme. J’expose mon affaire. « Excusez-moi, répondit-il ; je ne suis pas habillé. — Qu’est-ce que cela me fait ? — Entrez alors. »

J’entre. Il était nu comme un ver, et faisait de grandes révérences. Il me conduisit ainsi jusqu’à sa femme qui était au lit dans le même ajustement. Je lui remis la montre d’argent que j’avais pour elle. Elle poussa des cris de joie.

À ce bruit, quatre oiseaux sans plumes se levèrent à mi corps au-dessus d’un lit voisin. C’était les enfants de la maison ; deux garçons et deux filles.


Récit d’un artiste de mes amis, garçon de bonne foi et incapable de mentir.

« Quand je courais la montagne pour étudier le costume, j’avais mon quartier général au village de… Le plus souvent j’étais guidé dans mes promenades par un bonhomme d’ermite qui quêtait le long du chemin. C’était un digne homme, et assez utile à ses concitoyens, car il savait arracher les dents. Un soir, nous arrivons ensemble au hameau de… Pas d’auberge ; nous entrons chez un paysan. Hospitalité foudroyante ! J’entends deux cris et couic ! , c’est un chevreau qu’on égorge ; couic, c’est un poulet à qui on serre le cou dans un tiroir. Après souper, le paysan me fait un lit dans la chambre. « Toi, dit-il à l’ermite, tu coucheras bien avec nous. » Il était marié. Je me couche, il en fait autant, après avoir éteint la lampe : la femme sur le devant, le mari au milieu, l’ermite au fond ; tous les trois dans le costume national. Le matin, avant le jour, j’entends un peu de bruit : c’est le paysan qui se lève pour aller à ses travaux. Il rentre sur les huit heures pour apprêter le déjeuner.

« Nous partons ; je veux payer. Le paysan se défend tout de bon. J’insiste, il se désole. Enfin il dit à l’ermite : « Puisque ce monsieur ne veut pas que je vous aie donné l’hospitalité pour rien, prends tes outils et arrache-moi une dent. J’en ai une ici qui se gâte. Elle ne me fait pas mal, mais il faudrait l’ôter un jour ou l’autre. »


Le peuple des villes et des campagnes et généralement tout le petit monde de ce pays aime les fleurs. Il y a bien peu de paysans qui n’entretiennent autour de leur vigne une haie de roses. Les femmes du commun mêlent des fleurs à leurs cheveux ; le cultivateur qui revient du travail attache un bouquet à son chapeau. Les amoureux persécutés correspondent entre eux par quelques fleurs semées sur le chemin : c’est une écriture en règle où chaque rameau dit quelque chose. Dans un village voisin de Rome, les processions sont exercées à dessiner, tout en marchant, un riche tapis de fleurs.

Il n’y a pas plus de vingt ans que la noblesse romaine se distinguait du vulgaire par un dégoût aristocratique pour la puanteur des fleurs, la puzza de fiori. Ce qui m’étonne, c’est que dans un pays où toutes les odeurs naturelles, même les plus désagréables, sont supportées patiemment, on ait fait une exception contre les roses, les violettes, les héliotropes.

Depuis quelques années le beau monde se convertit à des goûts plus naturels. J’ai vu à la villa Borghèse une exposition d’horticulture qui dénote un progrès évident. Mais si vous parcourez les jardins du siècle dernier, vous verrez que les fleurs étaient exclues du plan primitif. On n’y voulait que des gazons, des buis, des lauriers, des chênes verts, des cyprès, des pins parasols et beaucoup de pierres de taille.


Il n’y pas à Rome un établissement de bains un peu confortable. Les étrangers se baignent à l’hôtel et les grands seigneurs dans leur palais. Une grande partie de la population se prive de ce petit plaisir, qui d’ailleurs coûte fort cher.

On lave les morts à l’eau chaude. Que de Romains n’ont eu que ce bain-là !

« Pour qui me prenez-vous ? répondait une jeune Romaine ; je suis honnête fille, je ne trempe pas mon corps dans l’eau. »

Un bain public un peu propre et mis à la portée de tout le monde exciterait le même étonnement que l’éclairage au gaz, la pose du télégraphe électrique, la première locomotive de Frascati, ou les premières poupées tournantes qui ont attiré la ville entière devant un perruquier du Cours.


Chacun sait que dans l’État pontifical un homme marié ne peut arriver à rien. Il n’y a d’avenir que pour les célibataires. Cependant la nature a tant de force que les Romains de toute condition se marient jeunes. Ce peuple vit simplement. Ses maîtres lui permettent peu d’ambition, peu de plaisirs et peu d’idées : il s’adonne à la reproduction et Dieu bénit ses efforts. De là cette fourmilière d’enfants qui couvre le pavé de Rome.

Le souverain, c’est-à-dire le clergé, ne tolère pas ces unions libres qui abondent malheureusement chez nous. Lorsqu’une fille et un garçon vivent en communauté, la police les guette, les surprend, amène un prêtre et leur inflige la bénédiction nuptiale.

De telles surprises vous paraîtront invraisemblables ; elles seraient impossibles dans un pays régi par des lois ; mais souvenez-vous qu’il n’y a pas de lois à Rome. Le mariage n’y est pas un acte, mais un sacrement. Les registres de l’état civil sont tenus, et assez mal tenus, par les curés. En matière de naissance, de mariage et de mort, le certificat du curé est la seule pièce qui fasse foi.


Si le clergé marie les gens malgré eux, les époux, par un autre genre d’abus, peuvent extorquer la bénédiction nuptiale et forcer la main du curé. Que deux jeunes gens aient résolu de s’unir sans le consentement de leur famille, ils se rendent chez un prêtre, le surprennent au saut du lit. L’un dit à voix haute et intelligible : « Voici ma femme, » l’autre : « Voilà mon mari ; » Et si le prêtre a entendu les deux phrases, il est obligé de bénir les deux époux. Le tour est fait, le mariage demeure aussi indissoluble que si les maires des vingt arrondissements de Paris y avaient passé. L’autorité pourra sévir contre les délinquants, mettre le garçon sous clef pendant quinze jours, emprisonner la fille dans un couvent pour un mois ; mais lorsqu’ils auront payé leur dette à la justice, rien ne les empêchera plus de consommer le mariage.

Un bonhomme de curé, dans une paroisse de la banlieue de Rome, s’était laissé prendre au piège et avait marié deux enfants malgré lui. Son évêque le soupçonna de s’être laissé corrompre et le punit d’un mois de retraite. L’année suivante, ses paroissiens lui tendirent le même piège ; mais il ne s’y laissa plus attraper. On l’éveille la nuit pour porter le sacrement à un malade in extremis. Il s’habille à la hâte, allume sa lanterne et court à une maison isolée : c’était là que les amoureux l’attendaient. Mais il fut bientôt sur ses gardes, et lorsqu’il vit à quelle sorte de malades il avait affaire, il se boucha les oreilles, chanta, dansa, tourna sur lui-même, gagna la porte et prit la clef des champs, sans avoir entendu les deux phrases sacramentelles.


Il y a dans ce moment à Rome une jeune paysanne du royaume de Naples que tous les artistes connaissent sous le nom de Stella. Le public de Paris, sans l’avoir jamais vue, connaît bien sa figure et son costume, car elle a posé pour plus d’un peintre français. Stella est très-jolie et très-sage ; elle circule impunément dans tous les ateliers sans autre chaperon que sa petite sœur Gaetana. Ces deux enfants (l’aînée a dix-huit ans, la cadette neuf ou dix) gagnent ensemble une douzaine de francs par jour à faire le métier de modèle. Elles posent la tête et le costume. C’est un travail très-pénible, surtout dans les premiers temps. L’immobilité absolue du corps dans une attitude commandée devient accablante au bout d’une demi-heure, et j’ai vu des modèles inexpérimentés tomber comme une masse inerte au milieu de la séance.

Stella, je vous l’ai dit, est d’une sagesse irréprochable. Cette jeune fille, qui ne sait pas lire, qui n’a reçu aucune éducation morale, qui vit tout le jour au milieu des garçons et qui entend les conversations les plus variées, n’a jamais donné prise à la critique. Elle fait son métier en conscience, amassant écu sur écu, jusqu’au jour où elle sera assez riche pour acheter dans son village une maison et un mari. Ces montagnards du midi sont les Auvergnats de l’Italie.

Malheureusement le village de Stella est en puissance de curé. Le curé a peur que Stella ne se perde à Rome ; il en écrit à l’évêque de la province, qui écrit au prélat chargé de la police pontificale. Ordre à Stella de déguerpir ou de se marier. Les peintres poussent les hauts cris, on fait agir de hautes influences ; on obtient un mois de répit. Mais le curé, l’évêque et la police reviennent à la charge. On trouve un mari pour Stella. C’est un butor des mêmes montagnes, laid, stupide et fainéant. Il se croise les jambes chez un tailleur, mais il se croisera les bras dès qu’il sera le maître d’une femme qui gagne de l’argent. L’affaire en est là. Stella pleure. La petite Gaetana promet de tuer l’homme.


Vous me demanderez pourquoi ces honnêtes ecclésiastiques se font un devoir de marier une pauvre fille qui ne gêne personne ? Est-ce amour de la vertu ? Non, c’est l’horreur du scandale. La vertu n’est pas plus commune à Rome que dans les autres capitales de l’Europe ; mais le scandale y est mieux étouffé. La police ne permet pas qu’une fille ait un amant, il y aurait scandale ; mais une femme mariée peut faire commerce de sa personne : le pavillon couvrira la marchandise.


Et les maris, que disent-ils ? C’est selon. Je rencontre chez un peintre de mes amis une jeune femme qui n’était pas là pour se faire peindre. Nous causons. Elle m’apprend qu’elle est mariée à un cordonnier de la rue F… ; elle se loue de son mari, de sa belle-mère, de ses enfants. « Mais, lui dis-je, que penserait votre mari s’il savait ce que je viens d’apprendre ? — Lui ? il ne trouve pas mauvais que j’aille gagner un peu d’argent chez des personnes de qualité (persone di garbo). Ah ! si je me laissais aller avec quelqu’un de notre monde, il me tuerait. » Comprenez-vous ? D’un côté, la misère ; de l’autre, la vanité. Le sens moral ? absent.

Voici un trait plus original. Un jeune homme de Lyon, chargé de représenter une maison de commerce, s’arrête à Rome et prend un logement dans le voisinage de la poste. Il reçoit la visite d’un entremetteur. Ces messieurs pullulent dans la ville, et lorsqu’on leur donne cinq francs, ils vous baisent la main. Mon Lyonnais, l’entremetteur aidant, prend une maîtresse. Elle était mariée à un postillon fort honnête homme, et beaucoup plus jaloux que le cordonnier de la rue F… Si elle donnait quelques coups de canif dans le contrat, c’était à l’insu du mari. Le Lyonnais fut prudent par nécessité. Il n’allait jamais chez sa maîtresse que lorsqu’il avait vu le mari sortir à cheval de la cour des postes. Il savait alors que la longueur du relais et la nécessité du service lui assuraient cinq ou six heures de parfaite sécurité. Un jour pourtant il fut pris. Le mari s’était bien mis en route en faisant claquer son fouet ; mais à moitié chemin il s’était senti indisposé. Un camarade qui revenait à Rome avait changé de chevaux avec lui. Bref, il rentra au logis sans être attendu, et son premier mouvement fut de tirer le couteau. Le Lyonnais s’expliqua, pria, raisonna, fit valoir sa qualité de Français, offrit en indemnité les cinq ou six écus qu’il avait sur lui. On finit par accepter ses raisons et son argent. « Habillez-vous, dit l’homme, mais si jamais vous racontez ce qui s’est passé aujourd’hui, si vous m’exposez aux railleries des personnes de ma classe, je jure de vous tuer, fussiez-vous en France et au pied des autels. Bon voyage !… ou plutôt non ; attendez-moi. Je vais avec vous. » Il serra son couteau dans sa poche, enferma sa femme à double tour et sortit avec le Français plus mort que vif. Le pauvre garçon recommandait son âme à Dieu, bien convaincu qu’il n’avait pas dix minutes à vivre. Toutes les fois qu’il entrait dans une rue mal éclairée, il se disait : « C’est ici. » 11 arriva pourtant sans encombre à sa porte, et son terrible guide prit poliment congé de lui. « Ah çà ! dit le jeune homme étonné de vivre, pourquoi avez-vous pris la peine de me ramener à domicile ? » Le Romain répondit avec une bonhomie sublime : « La ville n’est pas sûre, et je craignais qu’il ne vous arrivât malheur. »

Le héros de cette aventure (c’est le Français que je veux dire) est aujourd’hui marié, père de famille et chef d’une des premières maisons de Lyon. Il n’a plus rien à craindre du couteau des postillons romains, et pourtant lorsqu’il raconte son histoire, il baisse la voix d’un ton et regarde machinalement si la porte est close.


J’ai connu un officier français, fort beau garçon, ma foi ! qui s’était logé en garni chez une belle femme de Rome. Le mari, domestique chez un cardinal, gagnait une cinquantaine de francs par mois ; la femme faisait le reste. Chose singulière ! cette créature avait conçu une véritable passion pour son amant. Elle lui faisait parfois des scènes de jalousie, et l’arrivée du mari ne lui fermait pas la bouche. « Pour Dieu ! disait le pauvre homme, laissez-moi donc souper en paix Si vous ne pouvez vivre sans vous quereller, n’avez-vous pas toute la journée à vous ? »

La même femme avait un fils, un petit garçon de dix ans. Elle ne songeait pas à se cacher de lui. Du reste, l’enfant lui baisait la main tous les soirs, et elle lui donnait sa bénédiction.



Le peuple de Rome a des délicatesses de langage inouïes et des brutalités incroyables. Il ne dira pas un cochon, mais un animal noir, par euphémisme. En revanche, il traite hardiment de cochon tout homme qui lui déplaît. Un maçon qui entre au cabaret appelle le marchand de vins monsieur le patron, sa femme, madame l’épouse, son garçon, monsieur le premier, monsieur le principal. Mais si vous agacez une petite fille de quatre ans, elle vous dira des injures qui saliraient la bouche d’un équarrisseur.



Je me suis trouvé dans une voiture avec un bourgeois de cinquante ans et une fort jolie personne qui était sa fille. Au premier relais, le père dit à la demoiselle : « Veux-tu descendre ? — Non, papa. — Si tu avais quelque petit besoin à satisfaire, tu aurais bien tort de te gêner. Ces messieurs te le diront comme moi ; tu aurais tort. — Merci, papa. J’ai pris mes précautions avant de partir. » Ô nature ! J’ai adouci les mots en traduisant.


Ce même bourgeois, s’il écrivait à son compère, ne manquerait pas de mettre sur l’adresse : au très-illustre, au très-estimé seigneur Bartolo.



Dans la banlieue de Rome, les vignerons nous appellent Excellence, et nous tutoient.



M. de Lévis fut violemment scandalisé lorsque, en montant l’escalier du Vatican, il rencontra un domestique qui tendait sa tabatière à un cardinal, et le cardinal qui y prenait une prise. Ces familiarités se voient tous les jours, dans une ville où les conditions sociales sont séparées par des abîmes. En visitant les fouilles de la Voie-Latine, j’ai vu le cardinal Barberini entouré de prélats, de prêtres, de domestiques en livrée : les domestiques se mêlaient à la conversation. Un laquais, beau parleur, disserta assez longuement, et le cercle se fit autour de lui. Le cardinal, qui est tout petit, tournait autour du groupe et ne voyait que le dos de ses domestiques.

Monseigneur Muti, prélat romain, descend en droite ligne de Mucius Scœvola. Quelqu’un lui demandait : « Que faites-vous le soir ? on ne vous rencontre jamais dans le monde. — Je vis chez moi. — Vous devez vous ennuyer ? — Non, nous jouons une petite partie. Je fais monter le cuisinier, et je lui rattrape deux ou trois écus. » Cette anecdote m’a été racontée à Frascati par l’ambassadeur d’une grande puissance. M. de Martino, ministre de Naples à Rome, et les trois quarts du corps diplomatique l’ont entendue comme moi.

Dans un petit voyage que j’ai fait autour de Rome avec notre excellent M. Schnetz, j’ai remarqué que les aubergistes mettaient régulièrement quatre couverts pour notre dîner. Nous n’étions que deux ; mais M. Schnetz avait son cocher et son valet de chambre, et l’on trouvait tout naturel qu’il les fît asseoir avec nous.