Aller au contenu

La Légende de la rose de Jéricho

La bibliothèque libre.
(Redirigé depuis Rose de Jéricho)


LA LÉGENDE DE LA ROSE DE JÉRICHO.


Beaucoup de gens parlent de la rose de Jéricho, ou de la jérose, sans bien savoir, en réalité, ce que c’est que cette fleur légendaire. Constatons d’abord qu’elle n’a rien à voir avec la rose de nos jardins ; elle s’appelle, de son nom scientifique, Anustatica hierochuntica. « C’est une espèce de crucifère siliculeuse, à tige rameuse, garnie de feuilles oblongues, terminée par de petits épis de fleurs blanchâtres, qui croît dans les sables de Syrie et de Palestine, et qui jouit d’une propriété hygrométrique remarquable. Après la floraison, cette plante se dessèche, ses feuilles tombent ; ses rameaux, qui sont roides et un peu épineux, se resserrent, s’entrelacent ; leur extrémité supérieure se replie en dedans, et ils forment une sorte de pelote arrondie, de moyenne grosseur. Les vents la déracinent, la roulent sur les rivages de la Syrie et de la mer Rouge et sur les bords des rivières, où les pèlerins, durant le moyen âge, la recueillaient pour enrichir les cabinets des curieux. »

Cette fleur des lieux saints était en grande renommée jadis, et sa vieille réputation a survécu au moyen âge. Desséchée, elle renaît pour peu qu’elle soit plongée dans l’eau ou simplement exposée à l’humidité. Cette sorte de palingénésie a donné lieu à mille légendes qui ne sont pas encore oubliées. La rose de Jéricho est d’abord un don mystique apporté par l’ange Gabriel à la Vierge Marie. Selon la croyance populaire, cette fleur sacrée n’opérait son gracieux miracle et ne s’épanouissait qu’au moment où la nuit de Noël invitait les populations chrétiennes à l’adoration.

La fleur polegius, dont un célèbre évêque de Metz, Adémare, célébrait les vertus avec tant d’enthousiasme, qu’il obtenait de la générosité de ses auditeurs émus assez d’oboles pour agrandir la nef de sa cathédrale, n’était autre chose, aux yeux de biens des gens, qu’une rose de Jéricho. La Revue des sociétés savantes a publié un curieux article de M. Ch. Abel qui spécifie toutes les précautions qu’on devait prendre encore au quatorzième siècle pour se procurer le miraculeux polegius. Une observation attentive a prouvé néanmoins que cette dernière plante n’est pas la rose de Jéricho, mais bien la menthe pouliot, bien différente, en effet, de la rose mystique de Syrie. La menthe pouliot serait presque une plante maudite « pour avoir refusé de servir d’asile à la sainte Famille fuyant les persécutions d’Hérode. » La rose de Jéricho a conservé, au contraire, jusqu’à nos jours, tout le charme de sa légende primitive.

En Lorraine, « au repas de la veille de Noël, qui réunissait tous les membres de la famille, dit M. Damase Arbaud, on plaçait sur la table une tige de rose de Jéricho, ou jérose hygrométrique, soigneusement conservée comme une relique. Ses rameaux, quoique dépouillés de feuilles, s’étalaient au bout de peu d’instants sous l’influence de l’humidité et se refermaient peu à peu. Un épanouissement rapide pronostiquait une récolte abondante ; sa lenteur était considérée comme un mauvais présage. Selon une croyance populaire, c’était sur cette plante que la Vierge séchait les langes de l’Enfant Jésus, et ses rameaux se rouvraient le jour de sa naissance, comme pour recevoir leur saint fardeau. »

Quoique moins commune aujourd’hui, cette croyance existe encore, et M. Damase Arbaud, chaque année, a vu, « le soir de la veille de Noël, sa mère placer pieusement sur la table une rose de Jéricho qui est conservée depuis plus d’un siècle dans sa famille. »[1]

  1. Voy. la Revue des sociétés savantes.