Ruines (Dubus)

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Quand les violons sont partis
Librairie Léon Vanier, éditeur (p. 49-50).

RUINES

Pour Séverine.

Fanant de son halo des parterres d’étoiles,
La lune monte au ciel dont l’azur se vermeille ;
Des nuages lointains stagnent, comme des voiles
Au large de la mer lorsque le vent sommeille.

Dans un bosquet un peu fané, fleurant la mûre,
Au fond d’un parc désert quatre fois séculaire,
Où mainte cascatelle en ruines murmure,
Voilà que faiblement l’ombre morne s’éclaire.

Aux baisers d’un rayon frissonnent des statues
Que se rappellent les duchesses-bergerettes
Parmi les madrigaux s’en allant court vêtues,
Avec, sous l’éventail, des mines si distraites !


Navrés en leur amour pour les fêtes galantes,
Les Nymphes, le Bacchus, la Diane et les Faunes
Sur leurs socles croulants ont des poses dolentes,
Et grimacent de lamentables rires jaunes.
 
Elle ne brandit plus l’arc d’un geste superbe,
Diane, et de leur faux brutale, les années
Ont fait rouler son chef parmi les touffes d’herbe :
— Telles on vit les duchesses guillotinées.

Mais un linceul de mousse, aux pitiés infinies,
Entoure avec lenteur tous les débris funèbres
Qui, cette nuit, aux opalines harmonies,
Évoquent le Passé dans les demi-ténèbres.