Souvenirs de jeunesse (Houssaye)/1

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Ernest Flammarion (p. 1-21).

SOUVENIRS DE JEUNESSE



I

ÊTRE AIMÉ !

SAINTE-BEUVE ET LE « LIVRE D’AMOUR »

Au temps où Sainte-Beuve voulut prendre, sans y réussir, non pas la renommée mais la femme de Victor Hugo, il était tout à la poésie. Il n’avait plus le courage de secouer la poussière de sa bibliothèque ; il écrivit son unique roman : Volupté. Oui, il aspirait à la volupté, à toutes les voluptés pour arracher de son cœur la figure de cette brave créature, Adèle Fouché, devenue madame Victor Hugo. Pourquoi la jeune femme ne le jeta-t-elle pas tout de suite à la porte quand il osa tenter le crime de lèse-amitié, car il jouait encore le rôle de l’ami quand il voulait être l’amant de la femme. C’était au temps où Victor Hugo était dominé, lui le dominateur de l’Olympe romantique, par les beaux yeux de Juliette, cette mauvaise comédienne qui se consola dans la politique de son échec sur les planches.

Dans le monde du théâtre, il faut toujours qu’une femme s’impose, soit par le talent, soit par la beauté. Juliette aurait bien pu se contenter d’être belle, mais elle voulait régner pour avoir une cour de flatteurs. Le premier flatteur, ce fut Victor Hugo. Quand madame Victor Hugo vit les ravages de l’actrice dans le cœur, sinon dans l’esprit de son cher Victor, elle perdit quelque peu la tête.

Sainte-Beuve jugea que c’était l’heure de la crise et de la prise. Il ressentit et joua tous les embrasements de la passion. Il tomba à genoux et rima des stances bien allumées, car, en ce critique, il y avait aussi un poète. Il rima tout un volume.

Profondément jalouse de la maîtresse, la femme, presque abandonnée, ne dédaigna pas de lire les vers de Sainte-Beuve, et Sainte-Beuve s’imagina qu’un jour ou l’autre il prendrait la femme d’assaut. Sainte-Beuve comptait sur l’esprit de vengeance mais, outre qu’il était fort laid, elle était fort vertueuse. Ce fut alors que, perdant la tête, Sainte-Beuve publia ce fameux Livre d’amour dont on a tant parlé, livre de feu et de flammes. Ce petit monument élevé à la beauté de madame Victor Hugo c’était une mauvaise action pire que tous les crimes de Don Juan, puisqu’on ne doutait pas, en lisant les vers, que le poète n’eût pas triomphé.

À ce propos, je vais donner une lettre que m’écrivit Sainte-Beuve après avoir repris partout où il pouvait le Livre d’amour. Il pleura de vraies larmes sur son forfait, mais nul ne lui pardonna, même parmi ses meilleurs amis qui l’avaient vu faire son meâ-culpâ.


   « À Arsène Houssaye.


» Ce 14 juillet.

  » Mon cher poète,

» Voilà une nouvelle édition de poésies ; c’est bien assez de vers comme cela. Je vous rappelle instamment ce que vous m’avez promis de faire pour les autres ; tâchez à tout prix et aussi promptement que vous le pourrez de les avoir entre vos mains ; tout ce que vous croirez devoir faire, à cet effet, sera bien fait et un vrai service dont je vous resterai profondément reconnaissant.

» Si l’idée que vous ne les demandez que pour en publier donnait du scrupule à ceux qui pourraient avoir ces vers entre les mains, vous pourriez les rassurer et dire que vous vous réservez de publier ou de ne pas publier ; que vous voulez choisir et que vous ne désirez pas moins acquérir le tout.

» Veuillez donner ce qu’on en demanderait.

» Et encore garantissez-leur le secret.

» Mais je me confie en cette négociation à votre esprit et à votre amitié.


» Sainte-Beuve.

» Une prière encore :

» Au cas où ces personnes diraient qu’elles n’ont plus ces vers entre leurs mains, ne pourriez-vous savoir d’elles :

» 1° Si ce qu’elles avaient était plus que de simples épreuves ;

» 2° Si c’était une portion ou la totalité ;

» 3° Si ce qu’elles avaient entre les mains n’en est point sorti pour passer entre celles de la personne qui en a fait, il y a une couple de mois, un si mauvais usage. »


(Sic.)

J’eus beau faire, je ne pus arracher l’exemplaire que j’avais eu dans les mains et qui appartenait à un autre ami de Sainte-Beuve qui s’était brouillé avec lui. On jasa beaucoup sur le Livre d’amour. Tout le monde condamna Sainte-Beuve. La lettre qu’il m’écrivit prouve bien son repentir.

Nul ne lui pardonna, hormis Victor Hugo, qui n’avait pas douté un seul instant de la vertu de sa femme. Charles Hugo médita une vengeance terrible, mais ses amis le calmèrent en lui disant que le silence était d’or pour toutes les affaires de cœur.

— Vous avez raison, mes amis, dit Charles Hugo, les odieuses calomnies de Sainte-Beuve s’effacent devant sa laideur ; mais ces calomnies ne pouvaient atteindre la femme de Victor Hugo.

Prenons pourtant pitié de Sainte-Beuve, qui a toujours poursuivi l’amour qui le fuyait toujours.

Être aimé ! c’est à la portée de tout le monde. On voit des couturières qui s’empoisonnent pour des perruquiers. On voit des filles de chambre françaises qui se jettent à l’eau pour des cochers anglais. On voit même des femmes du monde qui se font enlever par des gens de maison. On parle des femmes entretenues : je crois que le nombre des hommes entretenus inquiéterait l’arithmétique de Léon Say. Eh bien ! il y a pourtant des hommes qui ne sont pas aimés et, parmi ces hommes, des poètes, parce que la nature railleuse s’est amusée à les faire laids, témoin Alain Chartier, témoin Sainte-Beuve. Alain Chartier a été embelli pour l’histoire par le baiser d’une reine de France ; mais Sainte-Beuve est mort sans le sacrement de l’amour.

Et pourtant Sainte-Beuve était charmant dans la causerie ; il avait des amis de toutes sortes pour sa bonté, pour son esprit, pour ses mots de sentiment, pour ses mots cruels, pour ses amitiés, pour ses trahisons ; mais il eut beau dire et beau faire, il eut beau rechercher le coin des femmes, il eut beau leur prouver qu’il était familier à toutes les fémineries, à tous les serpentements, à toutes les ondulations ; il eut beau être, tour à tour, attendri et moqueur, il eut beau prendre des mines de Werther et des airs de Lovelace, rien n’y fit.

Il avait cru naïvement que ses vers lui seraient lettres de recommandation. Il s’était mis en quatre, mais on ne le prit jamais pour un diable-à-quatre. Il décrocha des étoiles au ciel pour celles qu’il aimait comme d’autres offrent des diamants, mais jamais une femme ne fut prise à ses séductions ; on l’aimait comme un ami, mais point comme un amant.

N’être pas aimé ! Ne pas avoir place au banquet de la vie quand on est aussi vivant que le premier coquin qui s’enivre les coudes sur la table ; être un homme de marque et ne pas marquer sa griffe triomphante sur le sein d’une créature adorée ; être bien accueilli dans tous les mondes, y coudoyer des duchesses railleuses et des bourgeoises épanouies, sans qu’une main vous fasse signe, et sans qu’un regard vous brûle ; se réveiller le matin sans jamais recevoir, par la petite poste ou par un groom distrait, quatre lignes qui font battre le cœur ; comprendre les splendeurs du ciel, mais être seul pour les comprendre, ou, pour parler en prose, rentrer chez soi sans être poursuivi par une jalouse ou une affolée qui force la porte pour avoir sa part de ciel de lit, n’est-ce pas la désolation des désolations ?

Sainte-Beuve fut l’éternel inconsolé ! Il redisait, pour se consoler un instant, le beau vers de Voltaire, le plus beau vers de sentiment et de vérité qui soit tombé du cœur d’un poète :


C’est moi qui te dois tout, puisque c’est moi qui t’aime !

En effet, être aimé n’est presque rien, mais aimer c’est tout !

Sainte-Beuve mourut avec la conscience légère. Il avait fait de belles choses, il avait ouvert ses mains pleines de vérités, quelquefois pleines d’argent : il pouvait s’en aller. Victor Hugo n’a pas dit, en mourant, s’il croyait à Dieu ; ce qui est certain, c’est qu’il croyait en l’immortalité de son âme, sinon dans l’immortalité de toutes les âmes. Sainte-Beuve, qui avait été un chrétien fervent, avait mis de côté Dieu le père comme Dieu le fils. On en a la preuve, non parce qu’il se fit enterrer civilement, mais parce qu’un de ses derniers mots fut celui : « Rien dessus, rien dessous. » Ceux qui ont vu Sainte-Beuve jeune ne l’ont pas trouvé plus beau que Sainte-Beuve vieux. Ô cruelle nature, qui donne à un poète le sentiment du beau et la soif d’être aimé, quand elle n’a revêtu leur âme que d’un masque comique ! Rien n’était venu à point dans la figure de Sainte-Beuve ; quelques rares cheveux roux, des oreilles en plat à barbe, un front sillonné dès l’aurore, des joues luisantes et colorées dans un visage légèrement orangé, un petit nez en éveil, des yeux vifs, mais mal enchâssés, une bouche gourmande mais décolorée, un menton fuyant où la barbe était mal semée ; le tout sur un corps gros et court. Sainte-Beuve avait, pour ainsi dire, vaincu la nature. Une suprême intelligence rayonnait sur son front, l’esprit éclatait dans ses yeux, la bonté animait son sourire. Mais il ne fallait pas le mettre en colère, car tout son travail de retouche s’effaçait dans la laideur primitive.

Le nuage passait vite.

Il avait beau faire, il n’arrivait pas à changer sa figure. Il lui fallait vivre et aimer la sienne. Il ne se fit jamais d’illusions. Pauvre Sainte-Beuve ! a-t-il dit plus d’une fois en se regardant dans un miroir. C’est que son idéal, son souverain idéal, fut toujours d’être aimé, même jusqu’à la fin. Aimé ! il l’était par ses amis ; il ne l’était pas par les femmes. Elles lui donnaient la menue monnaie de l’amour, l’amitié.

Eh bien ! cet homme hors ligne, qui avait commencé par aimer Dieu, qui avait dans son expression je ne sais quoi du cénobite, je m’explique pourquoi il est tombé dans l’athéisme : c’est qu’il en voulait à Dieu de lui avoir donné un pareil corps pour une pareille âme. Je me trompe, il niait Dieu pour ne reconnaître que le hasard. Car si Dieu eût existé, il ne se fût pas joué d’une âme comme la sienne.

Chaque fois qu’on lui parla de publier son portrait, il dit avec un sourire de résignation : « À quoi bon ? » Il voulait effacer l’homme dans l’œuvre. Le rêve de Sainte-Beuve fut donc d’être aimé ; ce ne fut qu’un rêve.

Quand je connus Sainte-Beuve, une vague aspiration vers l’Académie le contenait déjà dans ses vagabondages poétiquement amoureux.

Je dis poétiquement, car la première venue lui inspirait les hémistiches bleus, quoiqu’il aimât le terre-à-terre. Il était toujours au pourchas de quelque fillette du pays latin, une désœuvrée ou une boutiquière, ce qui ne l’empêchait pas de jeter quelques autres hémistiches plus endiamantés chez les femmes du monde soutachées de littérature ; mais le pur bas-bleu, il ne l’aimait pas.

Un soir que nous errions sous les galeries de l’Odéon par une pluie battante, il me dit, en saluant une étalagiste en librairie : « Si nous dînions avec Roxelane ? » La demoiselle répondit à son salut par un sourire de franc-maçonnerie galante. C’est qu’ils avaient déjà dîné ensemble. En ce temps-là, on dînait à six heures. La demoiselle ne fit pas de façons. Elle pria sa voisine de veiller sur ses livres, elle mit son chapeau de travers et nous accompagna discrètement comme une femme qui suit le même chemin. En deux minutes, nous voilà chez Pinson, dans un petit cabinet familier à Sainte-Beuve. Pinson lui-même apparaît :

— Je sais, dit-il, d’un air entendu : une soupe à la bisque, une sole à la normande, une fricassée de poulet aux truffes.

— Oui, oui, interrompit Sainte-Beuve, au hasard de la fourchette, avec une bouteille de moulin-à-vent.

— C’est cela, dit la demoiselle, pour me faire tourner la tête.

On se mit à table. Elle était assez jolie, cette petite Roxelane qui ne demandait qu’à jeter son chapeau par-dessus la bouteille de moulin-à-vent, mais avec elle, il ne fallait pas causer littérature. Elle avait horreur des livres depuis qu’elle en vendait, comme les petites bonbonnières ont horreur des bonbons. Aussi, dès que nous prononcions un nom connu dans les lettres, elle se mettait à chanter les ballades de Victor Hugo et d’Alfred de Musset.

— Voyez, me disait Sainte-Beuve, nous avons bien tort de ne pas faire de chansons !

Il avait peut-être raison ; les poètes ne sont lus que par les poètes, ils montent dans les sphères radieuses ; tandis qu’ils sont chantés par des lèvres de vingt ans, quand ils descendent jusqu’aux strophes familières ; tout poète renferme un oiseau royal et un oiseau chanteur, un paon et un coq, un aigle et un rossignol.

La petite Roxelane avait à peu près autant d’esprit que de figure, esprit retroussé comme son nez, des hardiesses, des impertinences, des va que je te pousse ! Le dîner était devenu fort gai. Quand Sainte-Beuve s’amusait, il s’amusait bien et moi pareillement, mais je m’amusais ce jour-là surtout du spectacle. Je comparais les trois Sainte-Beuve, la gravité majestueuse du critique, la pénétrante mélancolie du poète consolé par les larmes, la gaillardise de l’homme de trente-cinq ans qui ne donne pas encore sa place au banquet de la jeunesse.

À la troisième bouteille, la petite Roxelane sauta comme une chatte sur les genoux de Sainte-Beuve et l’embrassa à tour de bras. Il était rayonnant. On ne l’avait peut-être jamais si gentiment embrassé. Il y avait bien un peu de moulin-à-vent dans cette affaire.

On rit beaucoup au dessert. On fit sauter un bouchon de vin de Champagne. La dame nous conta mille et une drôleries : elle nous fit l’histoire galante des galeries de l’Odéon, où, selon elle, on voyait venir des femmes du monde pourchassant les étudiants. — Vieux clichés !

Vers minuit, nous descendîmes.

Une surprise à la porte : un monsieur en garde national offre son bras à Roxelane qui, déjà, avait pris le bras de Sainte-Beuve. L’homme de la garde nationale insiste brutalement. Elle l’envoie au diable dans le beau style. Sainte-Beuve contresigne. Il paraît que c’est le mari.

— Comment, petite malheureuse ! lui dis-je, si jeune et déjà mariée ?

Sainte-Beuve, qui, on le sait, un jour d’orage, s’était battu au pistolet, un parapluie à la main, voulant bien être tué mais ne voulant pas être mouillé, portait toujours son parapluie légendaire. Le voilà qui s’escrime vaillamment contre le garde national, lequel avait aussi le parapluie légendaire de son roi-citoyen. Vrai duel au réverbère. L’homme à la tunique est repoussé avec perte et ramasse son parapluie, que Sainte-Beuve a fait voler à six pas de là. — Le poète repart en avant, reprenant le bras de Roxelane.

— Je suis mariée, murmure-t-elle, mais je suis séparée.

— Je vois bien, lui dis-je en riant.

Et j’accompagne les fugitifs dans le souci d’un autre duel.

Sainte-Beuve n’était pas au bout de ses peines. Dans la peur qu’elle ne rencontrât son mari, il voulut accompagner la dame jusque chez elle, place de la Sorbonne. Quand elle arriva sur la place, elle poussa un cri digne de traverser les siècles, s’il y a toujours des femmes galantes :

— Ô ma maison, quelle joie de te revoir ! Il y a quatre jours que nous ne nous sommes vues !

— Comment, dit Sainte-Beuve, quatre jours sans rentrer chez soi ! Vous êtes donc bien pervertie ? Ce n’est pas assez d’avoir un mari, vous avez quatre amants !

La dame s’indigna.

— Oh ! Monsieur, pouvez-vous me calomnier ainsi ! J’en ai à peine deux !

Je revis la petite Roxelane à son étalage ; elle était plus pimpante encore. C’était à la brune, ses yeux noirs allumaient les lèvres et les cœurs. Nous causâmes cinq minutes. Elle me raconta que le dernier dimanche elle était allée faire une partie de campagne avec Sainte-Beuve, bien loin, bien loin, du côté d’Issy et de Vaugirard. Elle courait dans les blés pour cueillir des bleuets. Elle effeuillait des marguerites avec lui, pendant qu’il lui débitait un sonnet sentimental. Contre son habitude, elle s’était laissée prendre à la poésie du cœur ; un peu plus, elle pleurait avec lui ; mais en le regardant elle avait eu peur de cette tête de moine, quoique cette tête n’exprimât qu’une idée, l’ambition de toute sa vie : la douceur d’être aimé !

La petite Roxelane qui se retrouvait ce jour-là jeune comme à quinze ans devant les efflorescences de la nature, ne demandait qu’à partir pour un voyage dans le bleu ; il s’en fallait de bien peu que dans son expansion elle ne donnât son cœur et ses bras, et ses pâleurs, et ses larmes à Sainte-Beuve. Mais lui seul pleura d’amour.

— Comment ! dis-je à Roxelane, vous ne lui avez pas au moins donné l’illusion.

Mais l’heure de l’expansion était passée. Elle me jeta seulement ces mots cruels :

— Oh ! la ! la ! Pour quoi faire ? J’avais toujours peur d’embrasser un curé déguisé en homme.

À quelque temps de là, Roxelane fit du tapage avec un étudiant qui l’adorait et qui l’enleva à tous les adorateurs de la galerie.

— Tout s’en va ! me dit mélancoliquement Sainte-Beuve ; les dieux qu’on n’aime plus et les femmes qu’on aime encore !

Balzac était toujours comique dans ses colères ; aussi, pourquoi jouer au Jupiter foudroyant avec sa figure ronde et rouge. Il allumait bien le feu de ses yeux, mais il n’avait pas le geste tragique.

Balzac-Jupiter a foudroyé beaucoup d’imbéciles qui ne s’en portaient guère plus mal. Il s’indignait qu’on niât la lumière sous le soleil. Tout en peignant le monde tel qu’il le voyait, il aurait voulu créer un autre monde. J’ai dit déjà que la vie des autres ne lui coûtait rien. Il se croyait le don de l’extermination. Beaucoup de ses ennemis d’occasion furent par lui condamnés à mort : une mort plus ou moins prochaine. Il ne leur fit jamais grâce. Il n’eut pas de haine contre les femmes, mais il en eut beaucoup contre les hommes, surtout contre les faux hommes de lettres qui ne reconnaissaient pas son talent. Une de ses haines les plus plantées fut sa haine contre Sainte-Beuve. Il savait bien que Sainte-Beuve lui reconnaissait le génie, et il lui en voulait d’autant plus qu’il faisait semblant de ne pas le comprendre.

Je ne sais pas s’il le piqua dans le livre noir des sorcelleries, mais l’historien de la Comédie humaine mourut sans avoir enseveli Sainte-Beuve.

Qui ne serait étonné aujourd’hui en voyant ces deux renommées, dont l’une monte encore, quand l’autre descend vers les ténèbres, ou plutôt vers le purgatoire des quasi grands hommes !