Texte de Wikisource mis en vedette le 29 janvier

Franc-Nohain, Les Chansons des trains et des gares 1900



LES DRAMES DE L’AMOUR


Je revois la grande salle claire, aux carreaux luisants,

                        Les rideaux blancs,
                Et la table de bon accueil,
                Les chaises de paille, le fauteuil
                        Pour l’aïeul,
        Et le dressoir, ignorant de l’orgueil
                Des pesantes argenteries,
                Rustique, et mettant sa seule
                        Coquetterie
        À la gaîté des faïences fleuries.
Combien de fois les admirai-je, tout petit,
                Les tableaux qu’en homme d’esprit,
                Simple de goûts, mais d’un goût sûr,
                L’aimable maître du logis
S’était complu, lui-même, à accrocher aux murs : —
                Un pauvre pêcheur qui a pris
En guise de poisson une vieille chaussure,
(Le désappointement est peint sur sa figure ;)
                Et puis deux gros curés qui jouent
Au piquet, ou bien au bésigue, — et l’on devine,
Tant l’artiste, subtil, sut varier leur mine,
                Ou joviale, ou bien chagrine,
                Que l’un, en main, n’a rien du tout,
                Et que l’autre a tous les atouts :

Comme art d’expression, la peinture est divine !

Pourtant plus que les curés, plus que le pêcheur,
                Un spectacle me tenait au cœur ;
Quand j’arrivais une angoisse étreignait ma gorge :
                    Tout à l’heure,
        Tout à l’heure, quand sonnera l’heure,
Le petit coq sortira-t-il encor de la grande horloge ?
Et c’était chaque fois allégresse nouvelle,
Quand le petit coq sortait en effet, battant de l’aile.