Texte de Wikisource mis en vedette le 20 septembre

Xavier Marmier, Hypérion ou l’Ermite en Grèce, par J. Ch. F. Hœlderlin dans Nouvelle Revue germanique, 9, 1831 (p. 155-169). 1831


Introduction de Xavier Marmier

Il est bon d’avoir une bibliothèque à soi et de la passer en revue de temps en temps. Cela ramène à d’anciens amis qu’on avait eu le tort d’oublier pour des nouveaux-venus qui ne les valent pas. Or, dans la dernière inspection que j’ai faite de ma bibliothèque, je suis tombé sur deux modestes volumes qui avaient produit sur moi, il y a plus de vingt ans, une profonde impression. Je me mis à les relire, et je fus frappé, comme à la première lecture, du génie poétique et des nobles sentimens de leur auteur. Voilà, me suis-je dit du vieux qui vaut du nouveau, et j’allai en conséquence aux renseignemens sur Hœlderlin qui a fait ces deux volumes intitulés : Hypérion ou l’Ermite en Grèce. Je ne fus pas heureux dans mes recherches : Hœlderlin, Hypérion, sont des noms presque inconnus dans le monde littéraire. J’appris pourtant de Menzel[1], que Hœlderlin était le poète lyrique le plus distingué parmi ceux du tempérament bilieux, et de Meusel[2] qu’il était entré aux petites maisons de Tubingue en 1806. C’était assez pour piquer ma curiosité ; mais j’eus beau m’adresser aux dictionnaires encyclopédiques et aux histoires littéraires qui coûtent tant d’argent, ils ne m’apprenaient rien sur mon héros. Je pris enfin le parti de consulter un ami de Tubingue, qui s’empressa de me communiquer le peu qu’il savait lui-même de la vie d’un homme aussi distingué que malheureux.

Jean-Chrétien-Frédéric Hœlderlin, un des plus beaux hommes de son temps, naquit le 29 Mars 1770 à Lauffen, petite ville sur le Neckar, où son père administrait les biens de l’église. Il entra au séminaire protestant de Tubingue en 1788, à cette époque remarquable où la philosophie de Kant sapait les fondements de l’édifice élevé par Wolf et Leibnitz. L’esprit ardent de Hœlderlin ne resta pas indifférent à cette lutte des idées et pendant son cours de philosophie il apprit à marcher sur les traces des novateurs. Mais bientôt

  1. Dans son ouvrage sur la littérature allemande.
  2. Dans son Allemagne savante.