Texte de Wikisource mis en vedette le 11 octobre

Alfred de Vigny, La Dryade dans Poëmes antiques 1822


POËMES
ANTIQUES.

LA DRYADE.


LA DRYADE.

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Vois-tu ce vieux tronc d’arbre aux immenses racines ?
Jadis il s’anima de paroles divines ;
Mais, par les noirs hivers, le chêne fut vaincu,
Et la Dryade aussi comme l’arbre a vécu :
(Car, tu le sais, berger, ces Déesses fragiles,
Envieuses des jeux et des danses agiles,
Sous l’écorce d’un bois où les fixa le sort,
Reçoivent avec lui la naissance et la mort.)
Celle dont la présence enflamma ces bocages,
Répondait aux pasteurs du sein des verts feuillages,
Et, par ces bruits secrets, mélodieux et sourds,
Donnait le prix du chant, ou jugeait les amours.

Bathylle aux blonds cheveux, Ménalque aux noires tresses,
Un jour lui racontaient leurs rivales tendresses.
L’un parait son front blanc de myrte et de lotus,
L’autre, ses cheveux bruns de pampres revêtus,
Offrait à la Dryade une coupe d’argile ;
Et les roseaux chantans enchaînés par Bathylle,
Ainsi que le dieu Pan l’enseignait aux mortels,
S’agitaient, suspendus aux verdoyans autels.
J’entendis leur prière, et de leur simple histoire
Les Muses et le temps m’ont laissé la mémoire.

ménalque.

Ô Déesse propice ! Écoute, écoute-moi !
Les Faunes, les Sylvains dansent autour de toi,
Quand Bacchus a reçu leur bruyant sacrifice ;
Ombrage mes amours, ô Déesse propice !

bathylle.

Dryade du vieux chêne, écoute mes aveux !
Les vierges, le matin, dénouant leurs cheveux,