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CHAPITRE NEUVIÈME


DESCRIPTION GÉNÉRALE
DE THÈBES.


INTRODUCTION,
Par MM. JOLLOIS et DEVILLIERS,
Ingénieurs des Ponts et Chaussées.

§. I. Aperçu général de l’état actuel de la vallée de Thèbes, et des villages modernes qu’elle renferme.

Ici fleurit jadis une ville opulente. Ici fut le siège d’un empire puissant.....Ces colonnes abattues ornaient la majesté des temples. Ces galeries écroulées dessinaient les places publiques. (Les Ruines, par M. de Volmet, page 6.)


En partant d’Esné, l’ancienne Latopolis, et en suivant la route qui est tracée à l’occident du Nil, on passe sur les ruines d’Asphynis, et l’on rencontre, bientôt après, l’ancienne Hermonthis, située dans les terres à une lieue du fleuve. En avançant plus au nord, on se trouve dans la plaine de Thèbes, bornée à l’ouest par les montagnes arides de la Libye, et à l’est par les rochers non moins stériles qui séparent l’Égypte de la mer Rouge et de l’Arabie.

La chaîne libyque n’est accessible qu’en un petit nombre d’endroits ; elle offre presque partout des bords escarpés et des rochers à pic. La chaîne arabique, au contraire, présente une multitude de monticules disposés sur une pente douce dont l’origine est fort éloignée des points les plus élevés de sa sommité.

La chaîne libyque, vers le sud, est à une distance assez considérable du Nil ; mais, au nord, elle s’en rapproche insensiblement, jusqu’à ce que l’extrémité de sa base soit baignée par les eaux du fleuve. Elle en forme le bord un peut au-dessous du village de Qournah, qui est, sur la rive occidentale, la limite des ruines de Thèbes.

La chaîne arabique, au-dessus du village d’el-Naharych, est tout-à-fait contiguë au fleuve ; elle s’en éloigne par degrés à l’est, et développe aux yeux du voyageur une vaste plaine couverte de magnifiques ruines : cette chaîne forme une ligne courbe qui s’enfonce de plus en plus vers l’Arabie, et ne se rapproche sensiblement du fleuve qu’au village de Med-a’moud, où l’on voit les derniers débris des monumens qui, de ce côté, ont pu appartenir à la ville de Thèbes. Les deux chaînes de montagnes forment donc, en se rapprochant du fleuve, la première au nord, et la seconde au sud, une vallée dont les deux ouvertures sont à peu près de même étendue. Au-delà de ces remparts formés par la nature, il n’y a que de vastes déserts que parcourent, de temps à autre, quelques tribus arabes.

Le Nil, avant de traverser la plaine de Thèbes, coule au nord-est, dans un large canal dont la continuité, dans l’espace de deux lieues, n’est interrompue par aucune île. C’est un des endroits de l’Égypte où le fleuve est le plus imposant et le plus majestueux. I] dévie ensuite un peu vers le nord, et forme un coude au village de Louqsor. À peu près à la hauteur d’el-Bayâdyeh, ce fleuve, qui a plus de quatre cent vingt mètres[1] de largeur, se partage en plusieurs bras, et forme l’île inhabitée d’el-Bayâdyeh, et l’île A’ouâmyeh, où se trouve un très-petit village qui lui a donné son nom. Plus bas, on aperçoit encore deux îles peu élevées au-dessus des eaux, qui n’offrent d’autres habitations que de misérables cabanes de cultivateurs. Ces îles sont aussi le séjour des crocodiles : c’est là que ces amphibies, sortis du sein du fleuve, viennent s’exposer à la chaleur qu’ils semblent particulièrement rechercher. Au moindre bruit qu’ils entendent, on les voit se précipiter dans le Nil, d’où ils ressortent bientôt pour venir s’étendre de nouveau aux rayons brûlans du soleil.

Le sol de la plaine de Thèbes ne diffère point de celui du reste de l’Égypte : il se compose de couches d’argile et de sable qui se succèdent alternativement. À partir des bords du fleuve jusqu’au pied des montagnes, la surface du terrain s’abaisse suivant une pente qui est sensible à l’œil, et qui a été mesurée par des nivellemens faits avec soin. Il est rare, même dans les grandes inondations, que toute la plaine de Thèbes soit arrosée par l’épanchement naturel du fleuve. Des canaux dérivés de points plus élevés y apporteraient, dans les crues ordinaires, le précieux tribut de ses eaux ; mais ils sont si mal entretenus, que, le plus souvent, cette belle plaine est desséchée. Le dourah, le blé, les melons d’eau, sont les principales productions cultivées dans cette partie de l’Égypte. On y rencontre quelques plantations de cannes à sucre. Des chemins suivis ordinairement par ceux qui parcourent le pays, coupent la plaine de Thèbes dans différentes directions. On y trouve des caravanserais, monumens d’une utilité précieuse, qu’un sentiment noble et une hospitalité désintéressée ont fait élever pour les voyageurs en mille endroits de l’Égypte. Un de ces établissemens paraît au milieu de la plaine, sur la rive gauche du fleuve ; il est entouré de palmiers. Pour bien apprécier tout ce que ces lieux de repos ont d’utile et d’agréable, il faut avoir ressenti l’excès des chaleurs qu’on éprouve sous le climat ardent de la haute Égypte. En effet, vers le solstice d’été, le thermomètre, mis à la surface du sol, monte jusqu’à cinquante-quatre degrés : il est imprudent alors de poser ses pieds sur la terre brûlante. On ne touche pas impunément un caillou exposé aux ardeurs des rayons du soleil. La chaleur est même quelquefois si forte, qu’on entend les animaux, excédés de fatigue, pousser des hurlemens, et se précipiter dans le fleuve, où ils se plongent avec une avidité extrême. C’est cependant un spectacle vraiment extraordinaire que de voir quelquefois des fellâh au teint de bronze, qui, la tête découverte et les pieds nus, épars çà et là dans la plaine, au moment où le soleil darde à plomb ses rayons, semblent défier, pour ainsi dire, toutes les ardeurs du jour. Il n’y avait que l’activité française qui pût, en les imitant et en les surpassant peut-être, braver ce climat brûlant : aussi les naturels du pays s’étonnaient-ils de nous voir parcourir la plaine et recommencer nos observations et nos recherches à toutes les heures du jour.

Plusieurs villages sont distribués dans la plaine de Thèbes. À l’occident, et à deux cents pas du Nil, est le village d'el-Aqalteh. Près des cahutes qui le composent, on voit une assez belle maison, que les habitans appellent qasr où château : elle servait de logement aux gouverneurs du pays, dans le temps consacré au recouvrement des impôts ; elle offrit ensuite aux troupes françaises un lieu de station commode, lorsqu’elles poursuivaient les restes fugitifs des Mamlouks de Mourâd-bey, ou lorsqu’elles percevaient le myry. Plus loin, vers la montagne libyque, et en descendant le fleuve, on aperçoit Naga’ Abou-Hamoud, dont les maisons de terre sont en partie cachées par une forêt de palmiers ; plus loin encore, Koum el-Ba’yrât, bâti sur les décombres mêmes de l’ancienne Thèbes. Tout près de la montagne, Medynet-abou offre les restes d’un village moderne entièrément abandonné. Enfin, à l’extrémité de la plaine, vers le nord, est situé le petit village de Qournah, que ses sauvages habitans abandonnent, quand ils veulent se soustraire au paiement de l’impôt. Nouveaux troglodytes, ils se retirent alors dans les grottes nombreuses dont la montagne voisine c’est percée ; ou bien, accompagnés de ce qu’ils ont de plus cher et de plus précieux, leurs femmes, leurs enfans et leurs troupeaux, ils fuient au loin dans le désert.

À l’orient, de l’autre côté du fleuve, et tout-à-fait sur le rivage, Louqsor se fait remarquer par ses maisons basses, surmontées de colombiers couverts d’une multitude innombrable de pigeons. Louqsor est un bourg assez considérable, qui peut contenir de deux à trois mille ames. Une fois chaque semaine, il s’y tient un marché où se rendent les habitans de tous les villages des environs ; on y échange les denrées récoltées dans le pays et quelques étoffes. Ce bourg renferme un four où l’on fait éclore artificiellement une quantité prodigieuse de poulets. Plus loin au nord, en descendant le fleuve, on trouve Kafr-Karnak, et ensuite Karnak, tous deux entourés de palmiers : ces lieux habités n’occupent qu’un espace très-peu considérable au milieu des vastes ruines qui les environnent. Encore plus loin dans la même direction, et vers le pied de la chaîne arabique, est situé le village de Med-a’moud.

  1. Deux cent quinze toises.