Œuvres complètes de Racan (Jannet)/Stances sur la retraite
STANCES.
Dans ces graves conseils d’affaires accablez ;
Si vous fustes tesmoins de mon inquietude, |
- ↑ Ainsi que nous l’avons déjà remarqué, ces stances et le monologue du 5e acte des Bergeries forment l’œuvre vraiment capitale de Racan. Quiconque a un peu lu les sait par cœur, ou ne se lasse pas de les relire. Une chose aussi universellement admirée pendant plus de deux siècles échappe à tout commentaire, comme elle a épuisé toutes les observations.
Tallemant des Réaux dit dans le chapitre qu’il a consacré à notre poète : « Il n’a jamais su le latin, et cette imitation de l’ode d’Horace : Beatus ille, etc., est faite sur la traduction en prose que lui en fit le chevalier de Bueil, son parent, qui s’estoit chargé de la mettre en vers françois. » — Par cette imitation il faut entendre les admirables stances sur la retraite, dit en note le savant associé de M. de Montmerqué pour la 3e édition de Tallemant, M. Paulin Pâris.
Il est probable, en effet, que ce sont ces stances dont Tallemant des Réaux a voulu parler ; mais quant à son assertion particulière touchant une traduction en prose qu’auroit faite le chevalier de Bueil pour que Racan la mît en vers, il est à remarquer que ce n’est pas seulement avec la 2e ode du livre des Épodes que les stances sur la retraite offrent quelques rapprochements dans les pensées, que notamment la 2e et la 5e stance en rappellent deux de la 10e ode du 2e livre, Rectius vives, Licini, etc., et que ce rapport plus ou moins marqué avec deux odes différentes semble exclure l’idée de la traduction en prose d’une seule pièce destinée à être reproduite en vers. Ce double rapport s’expliqueroit très bien par ce que dit l’abbé de Marolles dans une lettre qui figure au commentaire de la nouvelle édition de Tallemant que nous venons de citer : « M. de Racan… estoit trés peu sçavant dans la langue latine, qu’il n’eut jamais assez d’esprit pour bien apprendre ; ce qui faisoit qu’il disoit à tout le monde qu’il n’en sçavoit pas un mot. Cela n’estoit pas véritable : il entendoit assez bien les poétes latins pour les pouvoir lire en leur langue. » Nous avons pensé long-temps qu’il pouvoit en être ainsi, et il n’a pas fallu moins que ce que répète Racan jusqu’à satiété, même dans ses correspondances intimes, pour nous ramener à l’opinion générale sur ce point. Enfin nous aimerions surtout à croire ici, comme nous le faisons fermement pour d’autres morceaux de lui, ou de simples passages qu’on soupçonne également d’avoir été imités des anciens, qu’il a puisé ses inspirations, non pas dans Horace, mais aux mêmes sources qu’Horace, c’est-à-dire dans une douce philosophie, dans le sentiment poétique et dans son cœur.