Sur l'analyseur de Paul Langevin pour l'étude des mobilités des ions gazeux

La bibliothèque libre.

ÉLECTRICITÉ. — Sur l’Analyseur de Paul Langevin pour l’étude des mobilités des ions gazeux. Note de Mme Eliane Montel et M. Ouang Te-Tchao, présentée par M. Frédéric Joliot.

La présente Note donne les premiers résultats expérimentaux obtenus avec l’analyseur de mobilités conçu par Paul Langevin et dont le principe, exposé et discuté en détail dans son dernier mémoire, a fait l’objet d’une publication posthume[1].

Ce principe utilise, sous une forme nouvelle et particulièrement élégante, la méthode classique des courants gazeux : soient deux cylindres fixes concentriques de rayons respectifs et , portant, l’un, une fente fine F derrière laquelle des ions sont produits par un procédé quelconque (rayons α par exemple), l’autre, une électrode collectrice étroite E, de même hauteur que F ; entre eux, un manchon cylindrique mince, de rayon percé de fentes horizontales qui permettent le passage d’une partie des ions captés par un champ électrique au niveau de la fente, est maintenu en rotation uniforme de faible vitesse angulaire autour de l’axe vertical de l’appareil : la vitesse de circulation laminaire ainsi communiquée au gaz et entraînant les ions, est maximum au contact du manchon et décroît de part et d’autre de celui-ci pour s’annuler sur la surface des cylindres fixes. Si l’on réalise la condition et que l’on partage en deux fractions égales par le manchon la différence de potentiel établie entre les cylindres extrêmes, le champ radial auquel sont soumis les ions est continu dans tout l’espace où ils se meuvent. Le calcul montre que, si le régime de circulation du gaz est bien laminaire, la déviation en azimut, qui en résulte pour un ion dans sa trajectoire entre F et E, a pour expression

(1)

est la mobilité des ions considérés. La mesure de se déduit donc de celle de l’une des variables et , les deux autres étant fixées : chaque catégorie d’ions doit donner lieu, pour une valeur déterminée de la variable, à un maximum de courant d’autant plus aigu que la sensibilité du procédé de mesure est plus grande ; le pouvoir séparateur de l’appareil dépend essentiellement de cette sensibilité, à laquelle est directement liée la finesse de la fente-source.

Dans la construction de l’appareil, on a respecté strictement les dimensions indiquées par l’auteur et les conditions essentielles de fonctionnement ; toutefois, pour des raisons d’ordre pratique, on a apporté quelques modifications de détail : le manchon, au lieu de pivoter sur la base, repose sur une bille portée par l’axe en son sommet, et l’entraînement se fait, non par un champ tournant, mais au moyen d’un moteur à régulateur de vitesse ; pour éviter l’emploi d’une source de polonium très intense, on a ajouté un cylindre intérieur coaxial permettant, grâce à un champ supplémentaire, de diriger les ions vers la fente.

Les deux cylindres portant F et E sont mobiles l’un par rapport à l’autre de manière qu’on puisse faire varier l’azimut de E à partir de celui de F. Le courant recueilli est mesuré par un électromètre Compton.

Les premières observations ont montré :

1o  que le courant recueilli lorsque l’azimut de E coïncide avec celui de F s’annule dès que le tambour est mis en rotation ;

2o  que pour une valeur donnée de , on retrouve bien un courant maximum lorsqu’on place l’électrode dans un azimut correspondant aux prévisions de la théorie d’après la formule (1).

Le principe de la mesure reposant sur la condition fondamentale de l’existence, dans la circulation du gaz, d’un régime rigoureusement laminaire, il est essentiel de vérifier tout d’abord que cette condition est bien réalisée : la théorie prévoit que dans l’air, et avec les données géométriques adoptées, le régime doit être stable si la vitesse angulaire ne dépasse pas tours par seconde environ.

On donnera ici le résultat des observations effectuées en faisant varier la vitesse et la différence de potentiel l’angle étant maintenu constant. Pour chaque valeur de l’étude de la variation du courant en fonction de la différence de potentiel appliquée a permis de déterminer la valeur pour laquelle le courant est maximum. Les valeurs correspondantes de et de la quantité sont données dans le tableau suivant :

  
(t : mn)
31 40 54 104  34 56 75 80 108 170  34 78 165
(V)
27 34 47 187,5  18 31 42 45 160,5 195  13 29,5 162

En portant en abscisses la différence de potentiel et en ordonnées le nombre de tours par minute, on obtient, pour chacun des angles indiqués, une courbe rectiligne passant par l’origine.

Ce résultat montre que le rapport est bien une constante dans le domaine des vitesses angulaires utilisées, c’est-à-dire que le régime laminaire de circulation est bien stable dans les conditions prévues par la théorie : on peut donc appliquer la formule (1) à l’analyse des mobilités des ions produits dans un gaz par un rayonnement, analyse qui, en raison du grand pouvoir séparateur de l’appareil, doit permettre de résoudre la question encore controversée de l’unicité des formes stables pour les ions d’un même signe.

  1. Paul Langevin, Journ. Phys., 8e série, 10, nos 6, 7, 8, 9, 10, 1949.