Théorie de la grande guerre/Livre III/Chapitre 2

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Traduction par Marc-Joseph-Edgar Bourdon de Vatry.
Librairie militaire de L. Baudoin et Cie (p. 15-16).
De la stratégie en général

CHAPITRE II.

éléments de la stratégie.


On peut logiquement répartir en cinq classes, selon qu’elles sont morales, physiques, mathématiques, géographiques ou statistiques, les causes diverses qui, dans la stratégie, décident de l’emploi du combat.

Les qualités morales et les actes de l’intelligence appartiennent alors à la première classe ; — l’effectif, la composition des forces des armées et la proportion des armes, à la deuxième ; — les angles des lignes d’opérations et les manœuvres convergentes et divergentes, ces dernières en tant que leur nature géométrique entre dans le calcul, à la troisième ; — l’influence de la contrée (points dominants, montagnes, cours d’eau, forêts et routes), à la quatrième ; — les moyens d’entretien, enfin, à la cinquième.

Il est bon, dans le principe, de se représenter ces divers éléments séparés les uns des autres ; cela donne plus de clarté à l’exposition, et permet d’apprécier, au passage, le plus ou moins de valeur des différentes classes. Isolément considérés, un certain nombre de ces objets perdent, d’ailleurs, leur importance d’emprunt. On se rend facilement compte, par exemple, que, par rapport à la ligne d’opérations, la valeur d’une base d’opérations dépend bien moins de l’angle que l’une et l’autre forment ensemble, que de la disposition des routes et de la nature de la contrée qu’elles traversent.

Ce serait, par contre, la plus malheureuse idée que de discuter la stratégie d’après ces éléments ainsi séparés. Pour la plupart, ils ne marchent pas seuls, en effet, dans les actes isolés de la guerre, mais se lient les uns aux autres. On se perdrait indubitablement ainsi dans la plus stérile analyse, sans parvenir à établir, sur ces bases abstraites, des règles applicables à la réalité. Que le ciel préserve tout théoricien d’un pareil point de départ ! Quant à nous, nous en tenant à la généralité des phénomènes réels, nous ne pousserons notre analyse qu’aussi loin qu’il le faudra faire pour être compréhensible. Les idées que nous énoncerons ne sont pas le résultat d’études spéculatives ; elles ne nous ont été inspirées que par l’expérience et l’examen des faits réels de la guerre.