Traité de la peinture (Cennini)/CXXII

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CXXII.Comment on commence à dessiner son tableau avec le charbon, et comment on raffermit avec l’encre.

Le plâtre, une fois bien ras et poli comme l’ivoire, la première chose que tu dois faire est de dessiner sur ce panneau ou tableau avec ces charbons de saule, que je t’ai auparavant enseigné à faire. Mais il faut lier ce charbon à une petite canne ou baguette, afin qu’il soit de la longueur de la figure ; tu le trouveras ainsi plus agréable pour composer. Aie aussi une plume prête pour que si un trait ne te parait pas réussi, tu puisses l’enlever avec la plume et le recommencer. Dessine d’une main légère, ombre les plis et le visage comme tu le ferais avec le pinceau ou la plume dans les dessins qui lui sont particuliers. Quand tu as fini de dessiner ta figure (surtout si c’est un panneau de grand prix et dont tu attends gain et honneur) laisse en repos quelques jours, retournant la voir de temps en temps et retouchant partout où cela parait nécessaire. Quand ton ouvrage te semble fort près du bien, si tu peux copier et voir des choses faites par les grands maîtres (n’en aie pas de honte, ta figure s’en trouvera mieux)[1] ; reprends la dite plume, frotte peu à peu sur ton dessin tant que tu l’aies presque entièrement fait disparaître, mais pas assez pour que tu perdes tout-à-fait la trace de tes traits. Prends un vase à demi plein d’eau claire avec une goutte d’encre, et avec un petit pinceau d’écureuil pointu raffermis partout ton dessin. Puis aie une masse de plumes et fais partir du dessin toute la poussière de charbon. Puis aie une aquarelle de la dite encre, et avec un petit pinceau doux d’écureuil ombre les plis et les ombres du visage ; ainsi il te restera un dessin vaporeux qui rendra chacun amoureux de ton ouvrage.

  1. L’excellence du conseil est à remarquer. Aller étudier les maîtres au moment de commencer un travail est bien plus profitable que les études indéterminées ; c’est le vrai moyen de comprendre toute leur puissance.